
La pandémie de Covid-19 n'a pas augmenté durablement l'anxiété des Français
Des confinements et des couvre-feux, des restrictions dans les déplacements et les activités, des écoles fermées et des salariés priés de télétravailler, avec toutes les conséquences sociales et financières qui en ont découlé... En France comme partout dans le monde, la pandémie de Covid-19 n'a épargné personne, même ceux qui n'ont jamais été malades. Entre autres conséquences : une hausse importante des troubles anxieux et dépressifs, de plus de 25 % en 2020 lors de la première année de la pandémie selon une étude sur plus de 200 pays publiée en octobre 2021 dans The Lancet. En France, la hausse des épisodes dépressifs a perduré : +3,5 points par rapport à 2017 chez l'ensemble des adultes de moins de 75 ans, et +9 points chez les 18-24 ans, selon le Baromètre de Santé publique France (SPF). Mais la hausse des niveaux d'anxiété a-t-elle également poursuivi sa course ?
C'est ce qu'ont voulu investiguer des chercheurs de SPF et de l'Hôpital Henri-Mondor, à Créteil (AP-HP). Pour ce faire, ils se sont penchés sur les données issues du même Baromètre et ont comparé celles sur les troubles anxieux recueillies en 2021 auprès de 4829 personnes âgées de 18 à 85 ans, et en 2017 auprès de 6413 personnes âgées de 18 à 75 ans.
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Résultats : en 2021, 12,5% des personnes interrogées présentaient un état anxieux lors de l'enquête. Les femmes étaient trois fois plus touchées que les hommes (18,2% contre 6,4%), possiblement parce qu'elles sont davantage exposées à des facteurs de stress (contraintes familiales, difficultés financières, violence...) et que les hommes sont moins enclins à exprimer leurs émotions. Par ailleurs, les 25-64 ans étaient deux fois plus anxieux que leurs aînés (15% versus 7%). Quant aux jeunes adultes (18-24 ans), ils étaient 11,3% à souffrir d'anxiété, là encore les femmes plus que les hommes.
Tendances stables
La surprise portée par ces résultats est que, un an après le début de la pandémie, les tendances étaient stables par rapport à avant, et ont même fortement régressé chez les 65-75 ans (11,6 % en 2017 contre 7 % en 2021), même si les auteurs reconnaissent que le questionnaire choisi pourrait sous-évaluer l'anxiété dans cette tranche d'âge. « Nous avons pourtant l'impression de voir plus de cas d'anxiété, s'étonne le Pr Antoine Pelissolo, chef du service de psychiatrie à l'hôpital Henri-Mondor (Créteil). Il se peut que les personnes ayant des symptômes sévères soient un peu plus nombreuses, mais pas assez pour que cela apparaisse dans la population générale. » Les difficultés financières, un bas niveau d'éducation, et la présence d'une dépression ou de pensées suicidaires étaient les facteurs principaux associés à l'anxiété.
En population générale, les enquêtes menées par SPF durant la pandémie avaient bien montré « des augmentations importantes en lien avec la dynamique épidémique et les mesures de contrôle ». Ainsi, l'enquête CoviPrev « estimait à 27 % la prévalence des états anxieux en mars 2020, puis une diminution de celle-ci avec la fin du premier confinement (environ 16% entre mai et juin 2020) », écrivent les auteurs. Mais contrairement à l'incidence de la dépression, ces hausses « ont pu être transitoires », comme l'ont montré plusieurs autres études. « Lorsque l'on commence une dépression, cela dure plusieurs mois, voire plusieurs années », explique Antoine Pelissolo. L'anxiété est davantage réactionnelle et liée au contexte, « c'est une projection dans l'avenir, et au début de la pandémie, il y avait des questions qui généraient beaucoup d'anxiété, sur le risque de mourir, les conséquences des confinements sur la vie sociale et professionnelle, etc... »
Une hausse de l'anxiété bien plus ancienne que le Covid
La prévalence des troubles anxieux estimée dans l'enquête CoviPrev a par ailleurs pu être surestimée, ajoutent les auteurs, à cause d'une différence dans la sélection des personnes interrogées. Et de fait, les chiffres avancés sur les données du Baromètre « sont cohérents avec ceux obtenus la même année dans d'autres enquêtes représentatives menées à l'international, notamment aux États-Unis (11,4%) 21, en Allemagne (13,4%) 22 ou en Espagne (11,8%) ».
La hausse de ces troubles (qui regroupent plusieurs formes, en particulier l'anxiété généralisée, le trouble panique, l'anxiété sociale, l'agoraphobie, l'anxiété de séparation et les phobies) est en réalité bien plus ancienne que le Covid-19 : entre 1990 et 2019, « leur incidence a augmenté de près de 50 % », écrivent les auteurs du BEH. « Mais attention, met en garde Antoine Pelissolo : les études de 2017 et 2021 ont été faites avec les mêmes questionnaires. La comparaison sur un temps plus long est difficile car on a beaucoup changé d'outils d'évaluation, de définition des pathologies, etc. » Difficile donc de juger si la société est plus anxiogène qu'elle ne l'était, ou si les gens s'y adaptent moins. « Je penche plutôt pour cette seconde explication, glisse le psychiatre, car la vie n'était pas particulièrement plus facile auparavant. Les gens ont aussi tendance à admettre plus facilement que ça ne va pas bien. »
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Reste que les chiffres du Baromètre de SPF témoignent « d'une prévalence élevée [de l'anxiété] au sein de la population générale, avec des inégalités sociales marquées » et « l'existence d'une forte comorbidité avec les épisodes dépressifs caractérisés et les pensées suicidaires », insistent les auteurs du BEH. « C'est un véritable problème de santé publique, insiste Antoine Pelissolo. On parle de gens qui souffrent et qui ont besoin de soins. Faute de prise en charge, cela peut donner lieu à des arrêts de travail, à des prises de produits comme des benzodiazépines sans contrôle médical, à la consommation de tabac ou d'alcool... » De quoi, plaident les auteurs du BEH, inciter à « faciliter l'accès de toute la population, et notamment des plus défavorisés », à une meilleure information pour prévenir et prendre en charge les troubles anxieux.
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