« Il y a un trou générationnel, c'est évident » : les raisons du désert français en sprint
Arnaud Démare en 2018 à Pau pour la dernière victoire. Nacer Bouhanni en 2021 pour le dernier podium (à trois reprises). Sur ce Tour 2025, aucun top 5. Voilà pour le sprint français sur la Grande Boucle. Cette saison, la seule victoire bleu-blanc-rouge en World Tour a été décrochée par Bryan Coquard... au Tour Down Under. Ce Tour-ci invite aux circonstances atténuantes, entre les malheurs de Coquard, impliqué dans deux chutes lors de la 3e étape mais meilleur français ce samedi à Laval, ou l'abandon d'Émilien Jeannière (TotalEnergies), mais un constat demeure : le paysage du sprint français est morose. Il ne brille plus sur la scène mondiale et doit se contenter des places d'honneur.
Paul Penhoët (Groupama-FDJ), qui n'a pas pu jouer devant ce samedi à cause d'une crevaison dans le final, incarne avec ses 23 ans la nouvelle génération. Mais le Breton de Clamart, victime d'une rupture du ligament croisé antérieur du genou droit en 2023 suivie de dix-huit mois de galères pour retrouver son niveau, paraît loin, très loin, de Jonathan Milan, Tim Merlier, Biniam Girmay et tous les autres grands sprinteurs du peloton... Trois facteurs expliquent cette pénurie.
Une crise des vocations
Le meilleur sprinteur français du moment, Paul Magnier (21 ans), ne se considère pas comme tel, et cela n'aide pas à résoudre l'équation. Dans le mouvement d'un cyclisme mondial qui fait la part belle aux coureurs de classiques ou aux grimpeurs capables de s'écharper sur les Grands Tours, les purs sprinteurs deviennent de moins en moins nombreux (Milan, Olav Kooij, Merlier...). Le paysage français ne fait pas exception à la règle. Magnier s'imagine un destin à la Tom Boonen ou Mathieu Van der Poel et les promesses déjà arrivées ou annoncées (Romain Grégoire, Lenny Martinez ou Paul Seixas) ont d'autres terrains de jeu.
« Sur le sprint, par rapport à il y a sept ou huit ans, quand on avait Nacer Bouhanni ou Arnaud Démare tout le temps dans le top 5, on n'est clairement plus au premier plan mondial. Je pense qu'il y a un trou générationnel, c'est évident, estime Thomas Voeckler, le sélectionneur de l'équipe de France. Mais je pense aussi qu'un coureur comme Wout Van Aert, notamment en 2022, est celui qui a ouvert la voie en montrant qu'on pouvait gagner au sprint, gagner des classiques, gagner en montagne, en contre-la-montre. Les sprinteurs avaient une maturité tardive, ils gagnaient plus tard dans leur carrière, mais beaucoup de coureurs ont montré qu'il était possible de gagner très tôt désormais. »
Le Haut-Savoyard Aurélien Paret-Peintre pointe également un autre phénomène : « En France, les dernières générations ont été influencées par Romain Bardet, Thibaut Pinot, qui avaient une aura importante et qui ont montré que les choses se passaient sur le Tour. Devenir sprinteur n'est pas un réflexe. »
Une baisse des opportunités
Pourquoi se spécialiser dans un domaine où les occasions de briller sont devenues trop rares et où il faut se battre avec des hommes capables de régler un sprint massif sans même s'entraîner pour cela tous les jours ? « Ils ont vraiment peu l'opportunité de se montrer dans le calendrier des courses actuelles. C'est fait pour les grimpeurs, les coureurs de classiques, et même quand il y a un gros sprint on a souvent des belles bosses avant qui font un premier tri », note Guillaume Bonnafond, manager des équipes jeunes chez Decathlon AG2R La Mondiale. En France, les rendez-vous de sprinteurs sont peu nombreux pour les jeunes, les amateurs ou les pros. Difficile de se faire la main de manière régulière sur des sprints massifs et c'est une contrainte lorsqu'on sait que ces profils ont besoin de confiance et d'expérience. Une différence majeure avec la Belgique par exemple, où les kermesses de village, sacrées pour ce pays, sont souvent des nids à sprinteurs en devenir.
Une vision difficile en préformation
« Tant qu'ils ne sont pas arrivés en Espoirs, voire plus, les signaux qui peuvent nous alerter sur le potentiel d'un sprinteur sont encore peu visibles. Il y a aussi moins de travail actuellement chez les jeunes sur le spécifique sprint, relève Bonnafond. Rouler très fort sur le plat derrière un scooter se fait de moins en moins. » Le cyclisme français possède également un peu moins ce réflexe dans ses arcanes. « Les meilleurs sprinteurs, on les trouve sur la piste. Et en France, on a moins d'occasions de travailler sur un vélodrome, complète le manager. Je me suis occupé du groupe sprint chez DSM, il y a une culture de la piste et donc du sprint, cette volonté d'être le plus rapide, dès les plus jeunes. On développait les qualités d'aérobie, l'explosivité, la force de type 1. Ce n'est pas le cas aujourd'hui dans la filière française. »
Les différences de physiques s'ajoutent aussi à l'équation. Comme ce samedi, entre les gabarits de Milan et Coquard, par exemple.« Ce que développe Milan doit être assez exceptionnel, expliquait Cédric Vasseur, le manager de Cofidis après la 7e place de Coquard. Bryan a des données autour de 1000-1200 watts. Mais Milan mesure 1,90 m (1,94 m précisément) et pèse 85 kg, Bryan fait 58 kg. C'est aléatoire, on peut faire 5e ou 6e, 8e mais passer de la 7e à la 1re, il y a un gap important... »
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