
Blaise Émilie, un symbole en devenir
Blaise Lebeau baigne depuis l'enfance dans l'univers du meuble et de la construction. Animé par cette tradition familiale, il a fondé son entreprise Espace Intégré, spécialisée dans l'ébénisterie sur mesure.
De son côté, Émilie Parent se passionne pour le beau et le durable depuis toujours. Une formation de designer d'intérieur semblait donc une évidence pour celle qui a créé par la suite sa firme Muse Design d'intérieur. Perfectionniste, Émilie cherchait un ébéniste capable de réaliser les meubles qu'elle dessine dans des matériaux nobles.
« En tant que designer, c'est toujours compliqué de trouver quelqu'un qui peut réaliser l'idée qu'on a en tête, surtout en bois massif, car l'exécution change tout. En fait, c'est mon conjoint qui a rencontré Blaise à la chambre de commerce de Joliette et qui m'a suggéré d'aller le voir, raconte la designer. Je lui ai donc apporté mes plans et la collaboration est née instantanément. » Conscients de cette relation complémentaire (Émilie rêve, Blaise matérialise !), ils décident de lancer une entreprise commune sous le nom de Blaise Émilie Maison d'ébénisterie.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
Blaise Lebeau, ébéniste, et Émilie Parent, designer d'intérieur, ont fondé ensemble Blaise Émilie Maison d'ébénisterie.
Qualité, élégance et pérennité
« On rêve grand, car on veut changer le narratif du design canadien pour qu'il ait sa place à la table mondiale du mobilier haut de gamme », affirme Émilie.
On aimerait que les Québécois soient fiers de leur design et reconnus mondialement au même titre que les Danois ou les Italiens, en plus de se tourner vers une production locale.
Émilie Parent, designer d'intérieur et cofondatrice de Blaise Émilie Maison d'ébénisterie
La culture de la consommation rapide est encore présente et la jeune entreprise a pour vocation d'inverser la donne. « C'est encourageant de constater qu'on a beaucoup de demandes de gens qui veulent léguer leur mobilier à leur famille ; on sent que la tendance revient vers des choses plus durables », remarque Blaise.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
Le blason de la marque est gravé sur chaque meuble.
C'est en ce sens qu'ils réalisent des pièces intemporelles, mais qui ont une signature. Ils ont d'ailleurs imaginé un blason inspiré d'un poinçon d'orfèvre pour signer leurs meubles, en toute discrétion, afin d'assurer une traçabilité au fil du temps. Un certificat d'authenticité gravé sous l'objet narre également son histoire. Ultimement, ils aimeraient que les gens reconnaissent un meuble de la marque Blaise Émilie au premier coup d'œil.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Les meubles sont réalisés sur mesure avec du bois massif provenant uniquement d'Amérique du Nord.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Une bibliothèque signée Blaise Émilie
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Chaque détail est minutieusement travaillé pour assurer un fini impeccable à tous les meubles.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
Les meubles sont réalisés sur mesure avec du bois massif provenant uniquement d'Amérique du Nord.
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Techniques d'hier et d'aujourd'hui
Blaise combine les techniques ancestrales à la technologie de pointe et fabrique ainsi des meubles impeccables, pour lesquels chaque détail est soigné. Il utilise le moins de matériaux possible, choisit des bois d'ici et privilégie les assemblages tenon-mortaise ou les queues d'aronde pour les tiroirs, par exemple.
L'ébéniste puise son savoir dans l'histoire, mais y adjoint des éléments contemporains, comme des systèmes d'éclairage à DEL.
Émilie invente ses meubles selon le même schéma, mariant des esthétismes ancien et actuel. Chaque pièce de mobilier est étudiée pour voir quelle sera la meilleure façon de la produire, que ce soit entièrement à la main ou avec la technologie. Blaise Émilie a d'ailleurs développé une technique unique permettant de réaliser de la marqueterie en bois massif plutôt qu'en placage.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Émilie Parent s'est inspirée de la vannerie en dessinant cette superbe bibliothèque en chêne rouge, dans laquelle un faisceau de lumière met en valeur le travail d'ébénisterie et les livres ou les objets qui y sont exposés.
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE Prototype du fauteuil Blaise Émilie
PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
Émilie Parent s'est inspirée de la vannerie en dessinant cette superbe bibliothèque en chêne rouge, dans laquelle un faisceau de lumière met en valeur le travail d'ébénisterie et les livres ou les objets qui y sont exposés.
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Ainsi, tout est rendu possible grâce à leur collaboration pour meubler son intérieur avec des pièces authentiques et locales conçues pour s'inscrire dans le patrimoine canadien. « Un client peut venir avec une idée et nous la réalisons », assure la designer.
Les prix de leurs produits sont compétitifs si on les compare à ceux de meubles luxueux européens. « On veut être la preuve vivante que le design canadien a sa place parmi les grands noms et nous souhaitons que notre mobilier se transmette en héritage pendant des siècles », conclut Émilie.
Consultez le site de Blaise Émilie Maison d'ébénisterie
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4 hours ago
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Sophie Thibault en trois photos
Une image vaut mille mots, paraît-il. En voici trois, choisies par Sophie Thibault parce qu'elles jettent un éclairage sur son parcours et sur sa personnalité. PHOTO MARTIN BOUFFARD, FOURNIE PAR SOPHIE THIBAULT Sophie Thibault au Gala MetroStar 2004 Gala MetroStar 2004. Deux ans plus tôt, Sophie Thibault a été nommée cheffe d'antenne du journal de 22 h. Mais les femmes n'étaient jamais finalistes pour le prix du meilleur chef d'antenne. Michaëlle Jean, Ève-Marie Lortie, Jocelyne Cazin et elle avaient fait une sortie contre le sexisme du gala. Elles étaient allées voir Philippe Lapointe à TVA pour exiger une catégorie féminine. Il avait refusé tout net. Il ne voulait pas « dévaloriser » le prix en créant deux catégories. Les huit années suivantes ont donné raison à Lapointe : Sophie Thibault a remporté le prix sans interruption. En 2004, à sa grande surprise, elle a en plus remporté le trophée de « personnalité de l'année ». « Louise Cousineau avait critiqué mon discours interminable en 2003… Je pense que j'ai parlé 30 secondes en 2004, j'ai dit merci et je suis partie », dit-elle en riant. PHOTO FOURNIE PAR SOPHIE THIBAULT Sophie Thibault avec le livre qu'elle a écrit avec Jean Couture et sa mère Janvier 2009 : publication de l'ouvrage qu'elle a écrit avec Jean Couture et sa mère, Monique Larouche-Thibault, sur la relation compliquée entre la fille et la mère, auteure, atteinte très jeune de sclérose en plaques. Il leur a fallu quatre ans pour l'écrire. Pourquoi tant de temps ? « Elle n'aimait pas ce qu'elle lisait de moi. Elle se trouvait parfaite. Mais j'ai décidé de dire les choses. Il y avait énormément d'amour dans tout ça. C'est la difficulté de tous les enfants qui ont des parents malades. En me relisant après, mon Dieu, je me suis trouvée dure. » Mme Larouche-Thibault est morte en novembre, deux mois avant la publication. Pendant une entrevue à la télé, un confetti, puis un deuxième, sont tombés lentement à côté du livre. Puis un troisième, sur la tête de Janette Bertrand. Tout le monde dans le studio était estomaqué. « Je sais que ça ne fait pas bon genre de dire ça, mais pour moi c'était un signe de ma mère. J'y crois absolument. De toute manière, si tu es en deuil et que ça te fait du bien, que tu te sens moins seule, c'est ça qui est important… » PHOTO FOURNIE PAR SOPHIE THIBAULT Avril 2024. Pour l'éclipse, Sophie mêle sa future carrière à celle de cheffe d'antenne. Après avoir étudié intensivement la photo astronomique et avoir fait venir l'équipement spécialisé, elle s'installe sur le toit de TVA pour photographier l'évènement. 8 avril 2024, jour de l'éclipse. « J'avais tellement peur de me brûler la rétine… On avait 1 minute 18 secondes à Montréal, contre 4 minutes à Mégantic. Ça allait passer dans le bulletin [son bulletin], je ne pouvais pas rater mon coup… J'ai senti la lumière changer, la chaleur partir et revenir. C'était absolument inoubliable. J'ai pris 423 photos. J'étais comme une enfant. J'en ai fait un tirage sur une toile que j'ai au-dessus de mon lit. Je dors avec l'éclipse. Après le bulletin, on a réalisé l'impact que ça avait eu sur les Québécois. Personne ne s'attendait à ça. Alors que dans les semaines précédentes, on disait aux gens de faire attention, on a fermé les écoles, le jour même, il y a eu une communion incroyable : tout ce monde ensemble qui regardait le ciel en même temps. Un sentiment d'émerveillement et d'humilité auquel on a tous vibré. Pendant 95 % du bulletin, on avait le sourire au visage. On parlait de beauté aux nouvelles. Je n'avais jamais vécu ça. Un moment rare. Ça m'a pris une semaine à m'en remettre… »


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Cirque-tribunal
Ce n'est pas vraiment une chronique sur la Constitution canadienne même si la citation que je vous présente parle de Constitution : « Respectueusement, je soumets ici ces quelques pointes d'humour dans l'espoir de sensibiliser les personnes concernées à modifier la Constitution canadienne… » C'est Guy Bonnier qui écrit cela dans une lettre que vous pouvez lire aujourd'hui dans la section Dialogue. M. Bonnier n'est pas constitutionnaliste. C'est un père endeuillé : le père de Romane Bonnier, tuée à coups de couteau en pleine rue par un perdant du nom de François Pelletier qui fut l'amoureux de Romane pendant un court temps, le temps qu'elle réalise qu'il était complètement cinglé. 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Ballouz a feint d'être une femme, a demandé à la Cour qu'on l'appelle Madame, il a multiplié les singeries en Cour, profité de sa tribune pour injurier la mémoire de ses victimes et la famille de Mme Bussières. On l'a laissé faire, ce qui a revictimisé les proches des trois personnes assassinées par Ballouz. François Pelletier a fait la même chose. 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Bref, cliniquement pas fou, mais en même temps complètement timbré. Je cite Guy Bonnier : « Pendant cinq jours et demi, nous avons dû l'écouter s'auto-interroger, dériver, insinuer, répéter, construire des théories blessantes et incohérentes sur notre fille. Ensuite, pendant deux jours, il a été autorisé à contre-interroger le psychiatre qui l'avait évalué. Tout cela, parce qu'il avait choisi de se représenter seul. Nous, sa famille, avons dû rester là, silencieux, à écouter, à encaisser. En plus de perdre Romane, nous avons dû endurer cette torture. » Comme ce salaud de Ballouz, François Pelletier a bien compris que la Justice permet aux recalés de la vie de transformer le tribunal en cirque, avec la complicité du tribunal, pour une dernière série de taloches aux proches de leurs victimes. Pourquoi c'est permis ? Pourquoi un accusé qui se défend seul peut faire des choses qui vaudraient un outrage au tribunal à un avocat de la défense ? Il n'y a pas de droit absolu. 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Sophie Thibault : « J'appelle ça redonner au vivant »
Cet été, nos chroniqueurs tendent la main à des artistes, à des politiciens et à des gens d'affaires qui se trouvent à un tournant de leur carrière. Yves Boisvert s'est baladé avec la cheffe d'antenne Sophie Thibault, qui a quitté le journalisme pour se consacrer à la photographie animalière, notamment d'oiseaux. Ce qui frappe d'abord, ce n'est pas la couleur des vêtements, c'est le changement de coiffure. La mésange « bicolore » porte en effet la houppe sur le front, même si c'est passé de mode depuis plusieurs saisons. Elle est à peine plus dodue que sa cousine « à tête noire », qui est tout aussi bicolore, et même davantage, vu que la mésange bicolore a en réalité trois couleurs. J'en aurais long à dire sur les noms d'oiseaux, mais tel n'est pas notre propos aujourd'hui. On devine chez ce volatile un léger sentiment de supériorité, mais au fond, elle affiche le même caractère bonasse et sociable que l'autre mésange, si commune dans nos contrées. 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Elle a commencé à photographier les oiseaux. À se renseigner. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Sophie Thibault J'ai été touchée par la fragilité d'une mésange, d'une sittelle venue se poser dans ma main. Sophie Thibault Elle avait déjà suivi des cours de photo, mais n'avait jamais senti de vocation artistique. « Je regarde mon cahier de l'époque et c'est très ordinaire », dit-elle en riant. Comme pour le reste, elle s'est mise au travail et peut maintenant prétendre l'enseigner. « J'adore l'aspect technique. Les manuels. Traiter les photos. Les organiser. Je suis le travail des bons photographes animaliers. C'est devenu une belle obsession. Si je ne clique pas pendant quatre jours, ça me manque physiquement. » Elle arrivait d'une excursion à l'île aux Lièvres avec un groupe quand nous nous sommes rencontrés, au mois de juin. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Sophie Thibault « La photo, c'est une intention. Tu sors chercher le chevalier semi-palmé. Tu pars avec ta lentille, tes vêtements, et tu es totalement absorbée. Quand je suis avec un groupe, je ne veux pas être dans la performance. Je ne veux pas savoir qui va avoir la plus belle photo. C'est une expérience humaine. C'est poser un regard sur la nature. Regarder en haut, en bas, de tous les côtés. Je n'ai plus le même œil maintenant. La photo a amélioré mon expérience de contemplation. » Au point que, parfois, elle ajoute : « Il faut que je me calme l'œil. » Se calmer l'œil… comme elle a pu se calmer la tête depuis le printemps. « Après une entrevue l'autre jour, j'ai allumé la radio dans ma voiture. J'allais écouter les nouvelles, me brancher sur LCN, ou de l'information en continu… mais j'ai fait : mais non, je n'ai plus besoin de faire ça. L'Iran a été attaqué, mais je ne passerai pas six heures à décortiquer la situation. J'ai mis de la musique classique. 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Une grande aigrette prend son envol. Clic-clic-clic-clic… Elle est contente du résultat. Elle me montre les détails, le mouvement de l'oiseau, la lumière qui lèche les longues ailes blanches… « J'ai de la misère avec la fin. Avec la mort. La photo, ça fige le temps. C'est ce que j'aime. Ça nous permet ensuite de voyager dans le temps. » Pendant la pandémie, ses publications de nature étaient comme un baume pendant des semaines glauques. Elle sentait l'apaisement qu'elle procurait à des gens cloîtrés en CHSLD. Tous les matins, elle envoyait des bouts de vie animale. Mais plus on s'approche de la nature, plus on observe aussi sa destruction. PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE Sophie Thibault Des fois, je montre des oiseaux malades, je ne veux pas générer de l'anxiété, mais il faut sensibiliser, passer des messages pour qu'on arrête de tout détruire. Ce qui se passe avec le caribou forestier me décourage complètement. Moi, je défends la rainette ! Sophie Thibault Elle s'est d'ailleurs impliquée au refuge Saint-Bernard, écrin de nature exceptionnel en banlieue de Montréal. « J'appelle ça redonner au vivant, qui nous procure tant de joie. Il y a tant d'oiseaux disparus depuis 10 ans, 20 ans, dans plusieurs cas c'est 80 % ou 90 % de l'espèce. » Elle est en admiration devant le travail des naturalistes, qui installent des nids pour les merles bleus ou les canards branchus, qui luttent pour la biodiversité. Et elle se dit qu'en l'illustrant, peut-être qu'on y tiendra un peu plus. « C'est très prétentieux, au fond, de dire : regardez ma photo, ça mérite d'être publié ! J'ai toujours eu des doutes, et j'en ai encore. Des doutes sur mon travail comme journaliste, des doutes sur ce que je publie. Jusqu'à la toute fin, je ne suis sûre de rien. Sauf de mon œil… des fois. » Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue