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La grande séduction (difficile) des jeunes

La grande séduction (difficile) des jeunes

La Presse3 days ago
C'est un tout petit pourcentage, enfoui sous des centaines d'autres dans l'Enquête québécoise sur les loisirs culturels et le divertissement, mise en ligne lundi par l'Institut de la statistique du Québec (ISQ). Un petit chiffre qui m'ébranlerait, si j'étais patron de RDS, de TVA Sports, ou même du Canadien, des Alouettes, du CF Montréal ou de la Victoire.
Vous le trouverez à la page 40. Tableau 2,1. Deuxième colonne. Deuxième rangée.
9,9 %.
Ça représente quoi ?
La proportion de Québécois de 15 à 29 ans qui regardent un match ou une émission de sports « tous les jours, ou presque ». Pas juste à la télévision. Sur toutes les plateformes vidéo. C'est peu. Le plus bas pourcentage, tous groupes d'âge confondus.
Étonnant ? Et comment !
Lorsque j'étais adolescent, les jeunes de mon âge étaient ceux qui regardaient le plus fidèlement les émissions sportives, révèlent les sondages de l'époque. Entre 1999 et 2014, quatre grandes études réalisées par le gouvernement québécois démontraient toutes un attachement important des jeunes pour le contenu sportif télévisé.
Que s'est-il passé dans la dernière décennie ?
« Il y a eu une transformation profonde des habitudes de consommation, influencée par les technologies numériques », répond le chargé de projet responsable de la plus récente enquête, Pascal Genêt. Il n'a pas voulu comparer les chiffres de 2024 à ceux des études précédentes. Question de méthodologie. Ce ne sont pas exactement les mêmes groupes d'âge, les mêmes choix de réponses et la même composition de l'échantillon.
N'empêche, la vague de fond est bien réelle. Elle ne frappe pas que le Québec. Aux États-Unis et en Angleterre, on enregistre aussi des variations importantes de l'intérêt des jeunes pour les émissions sportives, notamment pour les matchs en direct.
« Si les sports traditionnels n'évoluent pas, le déclin des assistances et de l'auditoire s'accélérera avec la génération Z », prévenait la firme Nielsen dès 2019.
« Les Z ont des attentes élevées en matière de divertissement, notait-elle. C'est une erreur de croire que les Z vont automatiquement aimer les mêmes sports que leurs parents et leurs grands-parents. Non seulement leurs goûts en matière de sports sont différents, mais ils les consomment d'une autre façon que les générations précédentes. »
Un exemple concret : les parties diffusées en direct. Pour les Z, habitués à la vidéo sur demande, ça peut être contre-intuitif. Seulement le quart des Z américains trouvent « important » de regarder un match à heure fixe. Proportionnellement, c'est presque deux fois moins que dans les autres groupes d'âge (Morning Consult, 2020).
Sans surprise, les jeunes préfèrent les formats courts. Je ne parle pas ici d'un match de baseball de deux heures et demie plutôt que trois. Pensez plutôt à des compilations, des jeux spectaculaires, des déclarations percutantes. L'ISQ le confirme : les jeunes sont friands des courtes vidéos, comme les reels sur Instagram.
Pour les détenteurs de droits, comme RDS et TVA Sports, c'est un cauchemar. Les jeunes adultes représentent une cible de choix pour les annonceurs : première carte de crédit, première voiture, premier appartement, première épicerie solo, premier frigo… Sauf que si les jeunes ne regardent que quelques secondes d'une partie, plutôt que les trois heures, comment verront-ils les publicités ? Si l'érosion des cotes d'écoute se poursuit, les annonceurs investiront-ils toujours autant ?
Les ligues et les clubs sont aussi à risque. Mettez-vous dans les souliers des patrons de TVA Sports et de RDS. Ce 9,9 % modérerait-il vos envies de surenchérir pour les droits des matchs du Canadien ? Je serais nerveux. D'autres réseaux ont déjà pris un pas de recul. L'hiver dernier, ESPN a demandé au baseball majeur de réviser à la baisse les droits qu'il payait. Le commissaire a refusé. Les deux parties ont convenu de cesser leur collaboration après cette saison.
Autre fracture générationnelle : l'abondance.
Quand j'étais ado, je consommais beaucoup de télévision. Lance et compte, Omerta, Scoop, Les filles de Caleb, La petite vie, Un gars, une fille, Friends, etc. Plus les matchs du Canadien. Plus ceux des Expos. Plus les Grands Prix de F1. Pourquoi ? Parce que les mardis soir et les dimanches matin, il n'y avait pas grand-chose d'autre à faire en banlieue.
Aujourd'hui ? Il y a TikTok. Instagram. YouTube. Netflix. Crave. Disney+. X. La télé. L'internet au grand complet. Les jeunes ne sont plus captifs des choix des directeurs de programmation. Ils sont inondés d'options.
D'ailleurs, les trois-quarts des jeunes Québécois vivent dans un ménage abonné à au moins deux plateformes payantes. C'est plus que les autres groupes d'âge. Ça laisse aussi entrevoir qu'il y a des jeunes prêts à payer pour du contenu de qualité.
« Les Z sont moins susceptibles de payer un loyer ou une hypothèque, car ils vivent encore souvent chez leurs parents, avait noté Nielsen. Ce groupe dispose d'un revenu qu'il peut consacrer à l'achat d'accessoires de luxe. Les jeunes coupent souvent le cordon du câble, mais ils sont prêts à payer pour des contenus sportifs de qualité. Ils sont plus sélectifs [que les autres générations], et veulent choisir les évènements sportifs qu'ils souhaitent voir. »
Leurs préférences ?
L'ISQ n'ayant pas posé la question, nous n'avons pas les données pour le Québec. En France et aux États-Unis, les sondages démontrent que les jeunes sont particulièrement attirés par les sports rapides, comme le basketball et les arts martiaux mixtes. En revanche, ils ont moins d'intérêt pour des sports lents, comme le golf, le cyclisme et le baseball.
Selon Nielsen, « cette génération préfère les contenus courts et faciles à consommer, plutôt que les matchs entiers avec de longs moments entre deux changements au pointage ». Les conclusions de la firme Arcom pour le marché français sont semblables. Les moins de 35 ans apprécient les compilations et les courtes entrevues sur les réseaux sociaux. Un créneau difficile à monétiser pour les détenteurs de droits. À l'opposé, les jeunes Français sont moins emballés par les émissions de débats.
Des diffuseurs commencent à réagir. Apple m'envoie des alertes pour m'informer des fins de parties enlevantes dans la MLS. DAZN offre RedZone, qui permet de voir l'essentiel de chaque partie de la NFL en direct. Pour accrocher les jeunes, les diffuseurs et les ligues n'ont plus le choix. Ils sont condamnés à réduire les temps morts. À morceler les parties. À personnaliser les contenus. À innover.
C'est à eux de s'adapter – et non aux Z.
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