logo
Hausse des plaintes concernant les rats

Hausse des plaintes concernant les rats

La Presse3 days ago
Les rats ont envahi le jardin de James Klein ce printemps.
Maura Forrest
La Presse Canadienne
En vingt ans dans le quartier Snowdon de Montréal, il n'avait jamais eu de problème de rats. Mais maintenant, lorsqu'il regarde la télévision dans son salon, il les voit du coin de l'œil, s'agitant devant la porte vitrée donnant sur sa terrasse.
« C'est quelque chose d'indescriptible », dit-il.
M. Klein ignore pourquoi les rats sont soudainement apparus. Il pense qu'ils ont peut-être été déplacés lorsque la Ville a fait des travaux sur les canalisations de son quartier plus tôt cette année.
Quelle qu'en soit la raison, le résultat est qu'il n'a pas mangé dehors de tout l'été. « Un soir, il y en avait tout un groupe qui faisait la fête sur ma terrasse ; ils couraient dans tous les sens et se poursuivaient », raconte-t-il.
« C'est tout simplement choquant. »
PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE
James Klein
M. Klein n'est pas le seul à tirer la sonnette d'alarme concernant la population de rats à Montréal. Le nombre d'appels à la Ville concernant les rats a fortement augmenté ces dernières années, malgré l'engagement d'élaborer un plan de contrôle des rongeurs pris il y a deux ans par le conseil municipal.
Augmentation importante
Les données obtenues par La Presse Canadienne indiquent que plus de 1700 appels ont été passés à Montréal au 311 en 2024 concernant des rats. Deux ans plus tôt, ce nombre était de 1000. Dans certains des 19 arrondissements de la ville, le nombre d'appels a plus que doublé au cours de cette période.
La Ville affirme prendre la situation au sérieux. Elle précise que les arrondissements tentent de contrôler les rongeurs par des inspections ou en déployant des exterminateurs.
Mais l'opposition affirme que la Ville n'en fait pas assez pour résoudre ce qu'elle considère comme un problème croissant, laissant les résidents seuls face à une situation insoluble.
« Lors de nos réunions du conseil d'arrondissement, nous avons constaté un nombre significativement plus élevé de résidents soulevant la présence de rats dans des secteurs résidentiels où ils n'en auraient normalement jamais vu », a rapporté Stéphanie Valenzuela, conseillère municipale de l'opposition dans l'arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, où réside M. Klein. « Cela a des répercussions sur leur quotidien, sur leurs commerces et sur la qualité de vie de tous. »
Dans son arrondissement, les appels à la Ville concernant les rats ont plus que triplé entre 2022 et 2024.
La Ville, qui a fourni ces chiffres en réponse à une demande d'accès à l'information, a indiqué que les appels comprenaient des plaintes, des commentaires et des demandes d'information sur les rats.
Les deux arrondissements qui ont signalé le plus d'appels l'an dernier sont Ville-Marie, qui comprend tout le centre-ville de Montréal, et Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension. Entre 2022 et 2024, le nombre d'appels liés aux rats a plus que doublé dans les deux arrondissements.
Mme Valenzuela a affirmé que la municipalité n'avait pas donné suite à une motion de l'opposition, adoptée à l'unanimité en 2023, qui demandait la création d'un plan de dératisation.
Ce plan aurait inclus des mesures pour gérer les rats pendant les travaux dans les égouts de la ville, et pour remplacer les poubelles ouvertes par des poubelles fermées dans les lieux publics.
Mme Valenzuela, encourage les résidents à appeler le 311 pour se plaindre.
Un porte-parole de la Ville a noté que Montréal avait déjà des règles visant à maintenir les égouts étanches pendant les travaux. « Ceci dit, maintenir un environnement propre demeure le meilleur moyen de limiter la présence de rats », a déclaré Hugo Bourgoin, ajoutant que chaque arrondissement est responsable de la gestion de sa propre population de rats.
M. Klein a indiqué qu'un de ses voisins avait lancé une pétition concernant les rongeurs l'automne dernier, mais qu'elle n'avait pas abouti. Lors d'une réunion du conseil d'arrondissement en mai, en réponse à une question sur la présence de rats dans le quartier de M. Klein, un fonctionnaire municipal a répondu que « la capacité d'intervention de la Ville demeure plutôt limitée », car les pièges et le poison ne peuvent être utilisés dans les lieux publics.
« Que la Ville nous dise essentiellement : 'On ne peut rien faire et il faut vivre avec' est totalement inacceptable », a décrié M. Klein.
Expliquer l'invasion
Hélène Bouchard, présidente de deux entreprises d'extermination à Montréal, a noté qu'il est difficile de savoir si le nombre de rats dans la ville est réellement en hausse ou s'ils sont simplement devenus plus visibles.
Elle a ajouté que la fermeture des restaurants et autres commerces pendant la pandémie a poussé les rats à s'aventurer plus loin dans les zones résidentielles à la recherche de nourriture, et que ces habitudes ont pu perdurer.
« Ils ont une bonne mémoire, a-t-elle expliqué. Ils emprunteront toujours le même chemin pour trouver leurs sources de nourriture. »
Elle a ajouté que la prolifération des jardins communautaires pourrait également attirer les rongeurs, tandis que les travaux d'égouts pourraient déplacer les colonies de rats. Un autre problème est que les gens sortent souvent leurs ordures la veille de la collecte, a indiqué Mme Bouchard ; « c'est un véritable buffet à volonté pour les rats. »
La collecte des ordures est devenue un sujet controversé à Montréal ces dernières années, la Ville encourageant le compostage tout en réduisant la fréquence de la collecte dans certains quartiers.
L'administration de la mairesse de Montréal, Valérie Plante, tente d'instaurer une collecte des ordures bimensuelle dans toute la ville d'ici 2029. Mais Mme Valenzuela a affirmé que la Ville n'en avait pas fait assez pour s'assurer que les résidents compostent leurs déchets alimentaires.
« Beaucoup de choses qui pourraient être compostées et ramassées chaque semaine sont jetées à la poubelle, a-t-elle soutenu. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles il y a eu une augmentation des déchets qui traînent, qui sentent mauvais et qui attirent les rongeurs. »
M. Klein, cependant, a assuré qu'il n'avait rien laissé à manger aux rats. Il se dit dégoûté chaque fois qu'il regarde dehors, tout en se sentant impuissant face au problème.
« En tant que contribuables, nous ne pouvons rien faire, a-t-il déclaré. C'est la ville qui doit agir. »
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

Une association de pompiers demande la création d'une agence nationale de coordination
Une association de pompiers demande la création d'une agence nationale de coordination

La Presse

time30 minutes ago

  • La Presse

Une association de pompiers demande la création d'une agence nationale de coordination

L'année 2025 pourrait passer à l'histoire comme étant l'une des pires au chapitre des feux. (Ottawa) Ottawa doit cesser d'étudier l'idée d'une agence nationale de coordination en cas d'incendies de forêt et doit passer à l'action, croit l'Association canadienne des chefs de pompiers. Émilie Bergeron La Presse Canadienne « Nous appellerons ça comme ils le veulent. Nous avons seulement besoin que ce soit mis en marche », lance en entrevue le président de l'organisation, Ken McMullen. L'Association canadienne des chefs de pompiers (ACCP) souhaite que le Canada s'inspire d'une composante de l'agence américaine de gestion des catastrophes, connue par son acronyme FEMA, plutôt que d'en reproduire l'entièreté. « FEMA est une grosse, grosse, grosse machine qui administre des centaines de millions de dollars et programmes. […] Notre modèle est beaucoup plus simple, moins coûteux », dit M. McMullen. Plus précisément, l'ACCP demande à ce que le gouvernement fédéral se dote d'un bureau d'administration des feux, soit une version canadienne du « US Fire Administrator ». Ce bureau, qui pourrait être composé d'une à deux personnes, s'assurerait que la dispersion de personnel et d'équipement est appropriée partout au pays dans l'éventualité d'incendies de forêt. Ce bureau permettrait aussi aux services de sécurité et incendies d'être à la table de discussion au sujet de politiques gouvernementales qui peuvent, indirectement, avoir un impact sur les incendies. M. McMullen donne en exemple la volonté d'Ottawa d'accélérer la construction de logements. « On entend des choses comme 'Nous devons construire davantage, nous devons construire plus vite et à moindre coût'. Ce que nous n'entendons pas, nous, les chefs de pompiers, c'est que nous devons construire de façon à réduire les risques », déplore-t-il. Le gouvernement canadien étudie depuis plus de deux ans la possibilité de créer une agence d'intervention ou de coordination en cas de catastrophes. La réflexion a commencé dans la foulée de la saison record des incendies de forêt survenue à l'été 2023. L'année 2025 pourrait aussi passer à l'histoire comme étant l'une des pires au chapitre des feux. « C'est prévisible et c'est possible de faire de la prévention de façon différente. Alors nous devons faire un meilleur travail et il n'est pas question de mener des études. L'information est déjà là. Nous devons seulement nous activer et prendre des décisions », tranche M. McMullen, qui est aussi pompier en chef à Red Deer, en Alberta. Selon lui, la tenue des récentes élections fédérales et l'entrée en scène d'un nouveau premier ministre qui a formé, il y a à peine quelques mois, son gouvernement, ont entraîné des délais. L'ACCP n'a pas encore rencontré la nouvelle ministre de la Gestion des urgences, Eleanor Olszewski, mais a échangé avec son bureau. Le ministère de la Sécurité publique a déclaré à La Presse Canadienne que la ministre Olszewski « collaborera étroitement avec ses collègues du cabinet pour explorer et faire avancer des options visant à améliorer la coordination et la capacité d'intervention au niveau fédéral ». Au cours des deux dernières années, Ottawa a étudié divers modèles qui existent dans le monde et a rencontré des experts en gestion des urgences, a-t-on indiqué. « Ces discussions préliminaires ont révélé que toute solution doit refléter les réalités de la fédération canadienne, notamment le leadership des provinces, des territoires, des collectivités locales et des gouvernements autochtones quant à la gestion des situations d'urgence, peut-on lire. Les travaux réalisés à ce jour permettent de définir l'approche développée par le gouvernement actuel. » Sous l'ancien gouvernement de Justin Trudeau, M. McMullen a pu échanger à maintes reprises avec l'ex-premier ministre et des membres de son équipe, mais il note que « ça n'est pas arrivé du jour au lendemain ». « Ça prend beaucoup de temps pour développer des relations », estime-t-il. Or, il a senti que M. Trudeau avait la volonté d'acquiescer à la demande de l'ACCP de créer un bureau national d'administration des feux. « Dire que nous avions espoir à la fin de 2024, c'est probablement un euphémisme. Nous étions extrêmement optimistes », résume le président de l'ACCP. Or, la démission de M. Trudeau, sa prorogation du Parlement, la tenue d'élections, puis la formation d'un nouveau gouvernement ont mis le projet sur la glace, a-t-il raconté. M. McMullen espère que le dossier avancera dès cet automne, avec la reprise des travaux parlementaires.

Première peine adaptée aux criminels racisés
Première peine adaptée aux criminels racisés

La Presse

time33 minutes ago

  • La Presse

Première peine adaptée aux criminels racisés

La juge Magali Lepage a imposé une peine plus clémente à Frank Paris après avoir lu une « évaluation de l'incidence de l'origine ethnique et culturelle ». Je résume la nouvelle de La Presse qui a fait sourciller beaucoup de gens, mercredi : un homme noir a reçu une peine plus légère parce que les Noirs font l'objet d'obstacles systémiques qui n'affligent pas la moyenne des Québécois. Titre de l'article de Thomas Emmanuel Côté : « Une première peine adaptée aux criminels racisés au Québec1 ». Frank Paris, défendu par le criminaliste Andrew Galliano, a plaidé coupable à des accusations de trafic de cannabis et de haschich : il en postait dans le Grand Nord pour une clientèle inuite, dans des villages où la dépendance fait des ravages. La juge Magali Lepage lui aurait normalement imposé une peine de 35 mois de prison. Mais elle a ramené ça à 24 mois d'emprisonnement après avoir lu une « évaluation de l'incidence de l'origine ethnique et culturelle » de Frank Paris, une EIOEC. Les EIOEC nous viennent de Nouvelle-Écosse, où l'importante communauté noire a historiquement vécu toutes sortes de formes de racisme. C'est dans la province atlantique que les juges ont commencé à s'inspirer des EIOEC pour déterminer des peines. L'idée : prendre en compte l'appartenance d'un coupable à sa communauté historiquement discriminée avant de décider de la peine à lui imposer. Frank Paris est noir, les Noirs vivent du racisme dans ce pays : cela devient un critère dans l'établissement de sa peine de prison. Rien n'oblige les juges à utiliser le filtre des EIOEC. La juge Magali Lepage a été la première magistrate québécoise à le faire. Je note que le gouvernement Trudeau, en 2021, a soutenu la propagation de cet outil avec une subvention annuelle modeste (1,6 million). Je ne trouve pas saugrenu que le parcours de vie d'une personne coupable d'un crime fasse partie des critères – je n'ai pas dit soit LE critère – pris en compte quand une juge prononce une sentence. Donc, j'ai lu l'EIOEC consacrée à Frank Paris par les assesseures Natalie Hodgson, Barb Hamilton-Hinch et Nicole Mitchell*… Et ça faisait longtemps que je n'avais pas lu quelque chose d'aussi mal foutu ! Nous sommes devant un fourre-tout socioculturel, criminologique et psychologique – malgré les nombreuses références à des études savantes – donnant l'impression d'un charabia plus ésotérique que scientifique. Le rapport s'attarde d'abord sur le quartier où Frank Paris a grandi, Côte-des-Neiges. C'est un quartier pauvre, violent et ce quartier a « sans aucun doute » forgé la trajectoire de vie de M. Paris, nous apprennent les autrices. Bon, jusqu'ici, on peut comprendre… Cependant, nous apprend le rapport, M. Paris était bon élève, il excellait à l'école. Pourquoi n'a-t-il pas fini son secondaire ? Je cite : « Il n'a pas eu de succès pour réussir son cours de français obligatoire. Cela l'a poussé à prendre une année de congé, et il a fini par être impliqué dans la vente de drogues, et le résultat fut qu'il a été en prison. » Ce qui m'a frappé ici, ce sont les mots choisis. Notez comme la forme est passive : he ended up getting involved in selling drugs. Pas « il a vendu de la drogue », non : il a fini par être impliqué dans la vente de drogues. Le reste du rapport est à l'avenant : les revers judiciaires de M. Paris, pour les autrices de cette EIOEC, ne semblent jamais être le fruit de ses mauvaises décisions, mais uniquement le fruit d'une société raciste qui l'a poussé – malgré lui, on le devine entre les lignes – à devenir un dealer. Restons dans la forme passive, où Frank Paris semble devenir criminel malgré lui, comme quand les autrices qui ont éclairé la juge Lepage soutiennent qu'il n'a pas « récidivé », non, non, il a plutôt eu « des expériences préalables de récidivisme » ! Autre exemple d'un choix de mots bien commode pour décrire la difficulté de Frank Paris à conserver un emploi : « En 2013, M. Paris a fait un séjour en prison qui a perturbé sa trajectoire d'emploi. » Aux autrices de l'EIOEC, Frank Paris le dit : il était bon à l'école. Un ami témoigne : le meilleur de sa classe ! Mais bon, ce foutu cours de français l'a empêché d'avoir son diplôme de secondaire V. Qu'importe, alors qu'il était en prison, il a terminé son secondaire V. Et il a commencé des cours au cégep Marie-Victorin, toujours de la prison. En maison de transition, Frank Paris suit même des cours au collège Dawson, mais il finit par abandonner, n'aimant pas son programme. Qu'importe : les autrices de l'EIOEC décrivent quand même Frank Paris comme un décrocheur (drop out)… Et elles nous abreuvent de statistiques sur le fait que les jeunes Noirs canadiens sont surreprésentés chez les décrocheurs. Ce qui est vrai, ce qui est un problème. Mais permettez cette question plate : si M. Paris a fini son secondaire, s'il a commencé des cours de cégep en prison, s'il en a suivi d'autres en dehors de la prison… peut-il être considéré comme un décrocheur ? Je pensais qu'un décrocheur, selon la définition admise, concernait le décrocheur du secondaire. Pas dans ce rapport ! Quant à l'école, le rapport le dit en toutes lettres : le jeune Frank Paris a apprécié son école secondaire (et son école primaire). Il avait des camarades noirs, des profs noirs et un directeur noir : « Il nous a dit ne pas avoir vécu de racisme ni au primaire ni au secondaire. » Bonne expérience, donc ? Que nenni ! M. Paris a dit aux assesseures qu'avant son entrée au secondaire, il avait entendu parler de tensions raciales à la Northmount High School, école de Côte-des-Neiges aujourd'hui disparue : « Il nous a dit qu'avant son arrivée à l'école secondaire, nombre d'élèves blancs avaient quitté l'école et que c'était devenu un établissement à prédominance noire. Il présume que les élèves blancs ont quitté l'école pour s'éloigner des élèves noirs. » Le rapport cite un article du journal The Gazette à l'appui de cette explication – que des élèves blancs auraient quitté la Northmount High School pour s'éloigner des élèves noirs. Or, je suis allé lire l'article de la Gazette⁠2, publié en 2019… Et rien n'y indique que l'école Northmount s'est vidée d'élèves blancs craintifs face aux élèves noirs, dans les années 1980. On y mentionne que la composition démographique du quartier avait changé, que la moitié des élèves du quartier étaient de descendance caribéenne… Ce que l'article de la Gazette dit aussi, mais que les autrices de l'EIOEC omettent commodément de dire (c'était pourtant dans le paragraphe même qu'elles citent !), c'est que si le profil démographique de l'école Northmount avait changé, c'était à cause de la loi 101, qui avait forcé des élèves à aller se scolariser en français… dans d'autres écoles. Mais qu'à cela ne tienne : Frank Paris pense que des élèves blancs ont quitté son école secondaire pour ne pas fréquenter des élèves noirs, donc pour les autrices de l'EIOEC, cela devient un « fait ». Et ce « fait » a nui au jeune Paris, notent les autrices avec empathie : « Cela a teinté sa perspective sur la façon dont la société voit les personnes noires. » Il y a aussi des passages proprement bizarres dans l'EIOEC citée par la juge Lepage. On se demande ce que certains détails foutent là… On s'égare sur la disparition tragique du petit Montréalais Ariel Jeffrey Kouakou, 10 ans, le 12 mars 2018, pour montrer que les disparitions d'enfants noirs sont traitées avec légèreté par la police canadienne… Sans citer de preuves statistiques. On cite des preuves américaines. On décrit Frank Paris comme un homme à femmes, ce qui a indisposé sa fiancée, avec laquelle on sympathise, bien sûr, mais… Mais que fait ce détail dans un rapport destiné à une juge qui doit établir une peine de prison ? On décrit aussi Frank Paris comme un homme toujours prêt à aider sa communauté. La preuve ? « Il est souvent capable de mettre les gens en lien avec ce dont ils ont besoin (recommandation de garages pour des réparations, de restaurants…). » Je n'invente pas ça : les autrices de cette « évaluation de l'incidence de l'origine ethnique et culturelle » ont pris la peine de souligner que M. Paris est généreux de ses recommandations pour des garages et des restos ! M. Paris a raconté aux assesseures Natalie Hodgson, Barb Hamilton-Hinch et Nicole Mitchell qu'une des belles périodes de sa vie fut autour de 2002, quand il avait un studio où il faisait de la musique dans la Petite-Bourgogne. Un studio portes ouvertes où les enfants venaient expérimenter avec cette récente invention, l'internet : il redonnait ainsi à la société, disent les autrices de l'EIOEC consacrée à Frank Paris. La suite du paragraphe est hallucinante de déresponsabilisation : « Bien que M. Paris ait cru qu'il servait sa communauté d'une façon positive en donnant une tribune aux artistes et l'accès à l'internet, il y vendait aussi des substances illicites. En rétrospective, M. Paris croit qu'il aurait dû cesser de vendre de la cocaïne à cette époque… » Et c'est comme ça sur 44 pages, cette « évaluation de l'incidence de l'origine ethnique et culturelle », j'en passe et des meilleures : tout est la faute de la société, rien n'a jamais été, rien n'est et ne sera jamais la faute de Frank Paris. S'il commet des crimes, si la récidive lui tombe dessus à répétition, c'est parce qu'il est noir dans une société anti-black. Et handicapé, mais ça me prendrait une autre chronique pour vous expliquer cette intersectionnalité fascinante qui pousse aussi M. Paris à la criminalité. Bref, je ne sais pas si les « évaluations de l'incidence de l'origine ethnique et culturelle » nées en Nouvelle-Écosse sont toujours de la bullshit, mais celle de M. Frank Paris, la première utilisée par une juge au Québec, m'apparaît comme ça et juste ça : de la bullshit pur jus. * Barb Hamilton-Hinch, vice-rectrice adjointe à la diversité et à l'inclusion de l'Université Dalhousie, et Natalie Hodgson sont rattachées à l'African Nova Scotian Justice Institute, une organisation qui offre du soutien juridique à la communauté noire de la Nouvelle-Écosse et a développé une spécialité dans les EIOEC. Nicole Mitchell est affiliée au Viola Desmond Justice Institute, qui offre aussi des EIOEC et dont l'objectif est de contribuer à l'émergence d'un système de justice « équitable et libre de toute discrimination ou racisme envers la communauté noire ». 1. Lisez l'article « Une première peine adaptée aux criminels racisés au Québec » 2. Lisez l'article « History Through Our Eyes: April 7, 1979, Northmount High School » de la Montreal Gazette (en anglais)

Non, le Canada ne fait pas le jeu du Hamas
Non, le Canada ne fait pas le jeu du Hamas

La Presse

timean hour ago

  • La Presse

Non, le Canada ne fait pas le jeu du Hamas

Une fillette palestinienne observe les dégâts causés par une frappe nocturne sur le centre de santé Sheikh Radwan, dans le nord de la ville de Gaza, mercredi. Non, le Canada ne fait pas le jeu du Hamas Comme si la situation humanitaire à Gaza n'était pas assez épouvantable, voici qu'on prédit une nouvelle escalade des opérations militaires israéliennes dans ce territoire dévasté1. Pendant ce temps, le Canada, à l'exemple de certains pays européens, se dit prêt à reconnaître un État palestinien. Mais est-ce vraiment ce qui convient aux circonstances actuelles ? Et dans les faits, à quoi servirait cette reconnaissance ? PHOTO FOURNIE PAR L'UNIVERSITÉ DE TORONTO Jon Allen « Reconnaître l'État palestinien ne va pas ouvrir les vannes de l'aide humanitaire. Ça ne va pas forcer Bibi Nétanyahou à accepter un cessez-le-feu. Ça ne va pas forcer le Hamas à libérer les otages, à s'exiler et à se désarmer. Il n'y a pas de doute là-dessus », m'a d'abord répondu Jon Allen. Celui qui a été ambassadeur du Canada en Israël de 2006 à 2010 est aujourd'hui rattaché au Centre Bill Graham pour l'histoire internationale contemporaine de l'Université de Toronto. Je l'ai interviewé dans le cadre de cette chronique parce qu'il fait aussi partie des 173 anciens diplomates qui ont signé une lettre, la semaine dernière, pour demander à Mark Carney de reconnaître l'État de Palestine2. Il reconnaît les limites de l'initiative, donc. Mais il demeure convaincu que ce geste – que le premier ministre du Canada s'est engagé à faire aux Nations unies en septembre, sous certaines conditions – est de la plus haute importance3. D'abord parce que la solution à deux États vivant côte à côte dans la paix et la sécurité, longtemps perçue comme la clé pour résoudre le conflit israélo-palestinien, est dans l'impasse – et c'est un euphémisme. On envoie un message aux Palestiniens, aux Israéliens et à d'autres pour dire que le Canada et d'autres pays occidentaux croient toujours en la solution à deux États et pensent que l'un de ces États doit être la Palestine. Jon Allen, ancien ambassadeur du Canada en Israël L'idée est aussi d'affirmer qu'« Israël ne devrait pas avoir un droit de veto sur l'autodétermination d'environ cinq millions de Palestiniens ». Cet engagement permet par conséquent de montrer aux Palestiniens que l'Occident va « continuer à faire pression sur Israël pour s'assurer que le pays ne prend pas de mesures supplémentaires pour mettre fin à la possibilité de deux États ». C'est aussi, bien sûr, une façon de faire comprendre au gouvernement israélien que « ce qui se passe à Gaza et en Cisjordanie est tout simplement inacceptable ». Jon Allen estime que Mark Carney l'a démontré, lorsqu'il a annoncé, le 30 juillet dernier, son intention de reconnaître l'État de Palestine4. Le premier ministre a par exemple affirmé que « le niveau de souffrance humaine à Gaza est intolérable et s'aggrave encore ». Il a également évoqué l'accélération de la construction de colonies en Cisjordanie. Sans surprise, l'idée de reconnaître l'État palestinien a rapidement été critiquée, aux États-Unis, par l'administration Trump. « Ça va compliquer grandement la conclusion d'un accord commercial avec eux. Oh ! Canada ! », a écrit Donald Trump sur Truth Social. PHOTO MARK SCHIEFELBEIN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS Pour la Maison-Blanche, la reconnaissance de l'État palestinien par le Canada est « une façon de récompenser le Hamas à un moment où le Hamas est le véritable obstacle à un cessez-le-feu et à la libération de tous les otages », a déclaré la porte-parole de Donald Trump. Sa porte-parole, Karoline Leavitt, a par la suite déclaré que le président des États-Unis « a l'impression que c'est une façon de récompenser le Hamas à un moment où le Hamas est le véritable obstacle à un cessez-le-feu et à la libération de tous les otages ». Que répond Jon Allen aux allégations selon lesquelles le Canada, la France et le Royaume-Uni feraient le jeu du Hamas ? Le Hamas n'a aucun intérêt dans une solution à deux États. Le Hamas est intéressé soit par un califat dans tout le Moyen-Orient, soit par une solution à un seul État et par l'anéantissement d'Israël. Donc, soutenir une solution à deux États en reconnaissant l'Autorité palestinienne, qui est essentiellement l'ennemie du Hamas, ce n'est pas soutenir le Hamas. Jon Allen, ex-ambassadeur du Canada en Israël « Bien sûr, le Hamas va dire : oh, c'est génial, ajoute l'expert. Mais est-ce que, parce que le Hamas va dire que c'est une bonne nouvelle que le Canada ait reconnu la Palestine, nous devons rester silencieux sur ce qui se passe au Moyen-Orient ? » Jon Allen insiste d'ailleurs, lors de notre entrevue, pour nommer les horreurs dont cette organisation terroriste est responsable. Hors de question, pour lui, de les occulter ou de les minimiser. « Le Hamas a commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité le 7 octobre 2023. C'était horrible », lance-t-il. « Nous n'ignorons pas non plus le fait [que ses membres] continuent de commettre des crimes de guerre en laissant leurs propres concitoyens se faire tuer de bien des manières, et en retenant toujours des otages », précise l'expert. Sans compter que, chaque fois que le processus de paix était sur les rails, le Hamas a cherché à le faire dérailler. Et avec les massacres d'octobre 2023, l'organisation terroriste l'a fait reculer « de plusieurs années ». Mais les atrocités du Hamas ne devraient pas être utilisées, selon lui, pour absoudre les fautes du gouvernement israélien. « Le droit légitime à l'autodéfense d'un pays comme Israël ne permet pas un siège ni une punition collective qui consiste à priver toute une population de nourriture, de médicaments, d'eau et d'électricité. Il ne permet pas non plus les bombardements indiscriminés », dit-il. Je suis juif. Ma femme est la fille de survivants de l'Holocauste. Je suis extrêmement critique envers Israël parce que je n'arrive pas à croire que des Juifs qui ont souffert pendant l'Holocauste font cela à d'autres personnes. Jon Allen, ex-ambassadeur du Canada en Israël Je termine en soulignant que même si Jon Allen comprend le sentiment d'impuissance quasi généralisé face à la crise actuelle, il ne perd pas espoir. D'ailleurs, cet ancien diplomate est aussi président du conseil d'administration canadien de l'ONG Rozana, qui fait la promotion de la coopération entre Palestiniens et Israéliens dans le domaine des soins de santé. Elle prévoit ouvrir sous peu une clinique médicale à Gaza. Mais pour une véritable sortie de crise, il faudra davantage de « bons dirigeants », selon M. Allen. Tant du côté des Palestiniens que du côté des Israéliens, mais aussi à la tête des États-Unis. « Je continue de croire que les choses vont changer », dit-il. Parce que l'autre voie, qui est qu'Israéliens et Palestiniens « continuent à s'entretuer » pendant de nombreuses décennies, est tout simplement intenable. Qui est Jon Allen ? Né à Winnipeg en 1950 Titulaire d'une maîtrise en droit international de la London School of Economics Recruté par le ministère des Affaires étrangères en 1981 Nommé ambassadeur du Canada en Israël en 2006 Actuellement « senior fellow » au Centre Bill Graham pour l'histoire internationale contemporaine de l'Université de Toronto et président du conseil d'administration canadien de l'ONG internationale Rozana 1. Lisez la dépêche de l'AFP « Israël doit 'vaincre totalement' le Hamas pour libérer les otages, dit Nétanyahou » 2. Lisez la lettre des 173 ex-diplomates canadiens en faveur de la reconnaissance de l'État palestinien 3. Le premier ministre du Canada a cité « la volonté de l'Autorité palestinienne de mener des réformes essentielles, notamment la promesse du président [Mahmoud] Abbas de réformer en profondeur sa gouvernance, de tenir des élections générales en 2026 dans lesquelles le Hamas ne pourra jouer aucun rôle et de démilitariser l'État palestinien ». Il a aussi affirmé « que le Hamas doit immédiatement libérer tous les otages capturés lors de l'horrible attentat terroriste du 7 octobre [2023], qu'il doit déposer les armes et qu'il ne doit jouer aucun rôle dans la gouvernance future de la Palestine ». 4. Lisez la déclaration de Mark Carney Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store