
Bracelet électronique: «Ça fait quatre ans qu'on tergiverse.»
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Bracelet électronique: «Ça fait quatre ans qu'on tergiverse. Ça suffit!»
L'outil est considéré comme la solution contre les violences domestiques. Mais il est bloqué dans des méandres administratifs. Des élus dénoncent une inertie mortelle.
Delphine Gasche
- Correspondante parlementaire
Le bracelet électronique a été testé. Mais il n'est pas encore la norme.
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En bref : La surveillance électronique active des conjoints violents n'a été testée qu'à Zurich.
Une initiative parlementaire demande d'imposer ce système de surveillance préventive à toute la Suisse.
Mais pour l'instant, elle se heurte à des obstacles administratifs.
Des élus appellent à aller de l'avant.
Le timing n'aurait pas pu être plus mauvais. Mercredi tôt, on apprenait le féminicide d'une femme et de ses deux filles à Corcelles (NE). Trois morts qui auraient peut-être pu être évitées, si l'ex-époux avait été soumis à une surveillance électronique. Quelques heures plus tard, le Conseil fédéral publie un rapport sur le bracelet électronique. Il vante son intérêt pour la bonne réinsertion des détenus. Mais il ne pipe pas un mot de son utilisation dans le cadre de la violence domestique.
Ou plutôt, il refile la patate chaude à la Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police, proposant aux médias de les contacter directement pour toute question sur le sujet. Désintérêt du gouvernement? Les élus interrogés prônent plutôt la maladresse de communication. «Quand les deux événements sont mis en relation, c'est vrai que ça peut heurter, reconnaît le conseiller national Raphaël Mahaim (Verts/VD). Mais il n'y a probablement aucune mauvaise intention.»
Bracelet électronique testé dans les cantons
Reste que la Suisse traîne des pieds sur la surveillance électronique des conjoints violents. Des projets pilotes ont bien été menés dans une dizaine de cantons. Le problème, c'est qu'on a surtout expérimenté la surveillance passive. L'infraction n'est constatée qu'a posteriori. Trop tard donc pour empêcher un féminicide. Seul le canton de Zurich a testé la surveillance active et dynamique, à savoir en temps quasi-réel, sur le modèle espagnol. Et seulement sur deux personnes.
Un élargissement à toute la Suisse est à l'agenda politique. Officiellement, tout le monde est prêt à agir. Le gouvernement, mais aussi les cantons et le parlement fédéral. Beat Jans multiplie les sorties en faveur du bracelet électronique pour les partenaires ou ex-partenaires violents. Le ministre de Justice et Police s'est même rendu en Espagne. Les cantons tentent de trouver un chemin sous l'égide de l'association Electronic Monitoring.
Sous la Coupole, les commissions ont adopté une initiative parlementaire, déposée par la conseillère nationale Céline Amaudruz (UDC/GE) et qui demande une systématisation de la surveillance électronique active dans le cadre de violences faites aux femmes. Un projet de loi devrait être élaboré. Mais rien ne vient. L'administration attendrait encore un rapport visant à évaluer les différents modèles, avant de proposer un projet.
Urgence à lutter contre les féminicides
Pour Raphaël Mahaim (Verts/VD), ce n'est plus possible. «Ça fait quatre ans qu'on tergiverse et qu'on demande des rapports. Maintenant, ça suffit! Le bracelet électronique doit devenir notre priorité numéro 1. On n'a plus le temps ni le luxe d'attendre des analyses supplémentaires. Il n'y a d'ailleurs plus rien à analyser. On sait que la seule solution qui marche, c'est le modèle préventif à l'espagnole. Il faut aller de l'avant, d'autant plus qu'on a une majorité politique pour le faire.»
Si le Conseil fédéral ne propose pas de projet de base légale dans les semaines ou les mois à venir, le parlement devra se mettre au travail, juge encore le conseiller national. «Je ne comprends pas cette lenteur du gouvernement. Vu la connaissance que nous avons de la thématique, il suffit de mettre deux juristes dans une salle et ils vont nous pondre un projet de loi en une après-midi.» La suite des processus pourrait aller vite, selon lui. Un an de débats parlementaires. Et une entrée en vigueur dans les six mois suivant l'adoption de la nouvelle base légale.
Raphaël Mahaim (Verts/VD), conseiller national
CELLA FLORIAN/VQH
L'attentisme politique exaspère aussi Jessica Jaccoud (PS/VD). «On demande des rapports et des évaluations pour être sûr d'aller dans la bonne direction. La conséquence, c'est l'inertie la plus totale.» Le principal frein au bracelet électronique, pour la députée, c'est le fédéralisme. «Tous les acteurs du dossier s'accordent pour dire qu'il faut aller de l'avant. Mais ils se renvoient la balle dès qu'il faut agir. Résultat: rien n'est fait.»
Et l'avocate de pointer que le problème est récurrent. «C'est la même chose avec le numéro d'urgence pour les victimes de violences domestiques. Le 142 devait initialement être opérationnel pour janvier 2025, puis pour novembre 2025. Il ne sera finalement pas accessible avant mai 2026, si son introduction n'est pas reportée une nouvelle fois.» Pourtant, les dénonciations de violences domestiques sont à la hausse (+6,4% en 2024).
Les féminicides se maintiennent eux à un niveau élevé. «Une femme meurt toutes les deux semaines dans notre pays, poursuit Jessica Jaccoud. Ce n'est pas acceptable. Que ce soient les cantons, le Conseil fédéral ou le parlement qui agissent m'est égal. Mais il faut agir maintenant!»
Tout changement prend du temps
Des voix, surtout dans le camp bourgeois, s'élèvent toutefois pour appeler à la patience. «Un système à l'espagnole ne se met pas en place en un claquement de doigts, rappelle Nadine Gobet (PLR/FR). Il faut une base légale, une technologie performante et des ressources pour surveiller 24 h/24 les personnes sous bracelet électronique, et pouvoir intervenir rapidement le cas échéant. Chaque féminicide est un féminicide de trop. Mais on ne peut pas changer de système en un coup de baguette magique.»
Vincent Maitre (Le Centre/GE), conseiller national
J-P GUINNARD
Vincent Maitre (Le Centre/GE) juge aussi qu'il ne faut pas aller trop vite. Le conseiller national se dit favorable à la surveillance électronique active pour les personnes violentes qui risquent de récidiver. Il a d'ailleurs cosigné l'initiative de Céline Amaudruz. «Mais l'entrave à la liberté de mouvement, qu'entraîne le bracelet électronique, est l'une des atteintes les plus graves aux droits fondamentaux garantis par la Constitution. Elle ne doit pas être prise à la légère. On ne doit pas se dépêcher de prendre une décision à la va-vite sans appréhender tous les enjeux.» Un rapport supplémentaire n'est peut-être pas, selon lui, une prudence superflue.
Tout semble donc reposer sur Beat Jans. Va-t-il accélérer le dossier? Dans une interview, qu'il nous a accordée en mai, il se disait en tout cas très attentif sur les avancées du bracelet électronique.
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Delphine Gasche est correspondante parlementaire à Berne depuis mai 2023. Spécialisée en politique, elle couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, elle a travaillé pendant sept ans pour l'agence de presse nationale (Keystone-ATS) au sein des rubriques internationale, nationale et politique. Plus d'infos
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