
La lettre de Trump soumise à l'épreuve des faits
« Les États-Unis ont imposé des droits de douane au Canada pour endiguer la crise du fentanyl de notre nation, causée en partie par l'échec du Canada à empêcher les drogues d'affluer dans notre pays. »
Il s'agit d'une fausseté souvent répétée par l'administration Trump, et totalement contredite par les faits établis par les autorités américaines elles-mêmes. Selon les statistiques de la US Customs and Border Protection, on a saisi 53 kg de fentanyl en provenance de la « frontière nord » avec le Canada depuis 2022. On note une hausse substantielle des saisies entre octobre 2024 et mai 2025, alors qu'on a intercepté 26 kg durant cette période contrairement à moins de 20 kg les 12 mois précédents. Ce qui peut sembler énorme pour cette drogue 50 fois plus puissante que l'héroïne, mais ne représente qu'une infime proportion des saisies. Celles-ci ont totalisé 33,8 tonnes depuis 2022. Le Canada n'en représente que 0,07 %. C'est à la frontière mexicaine, avec 31,8 tonnes ou 97,1 % des saisies, que se trouve le réel problème.
« Au lieu de travailler avec les États-Unis (sur le dossier du fentanyl), le Canada a riposté avec ses propres droits de douane. »
On peut bien entendu estimer que le Canada n'en a pas fait assez contre le fentanyl, mais il serait faux d'affirmer que rien n'a été fait. En décembre 2024, on a annoncé un « plan frontalier » de 1,3 milliard haussant de 8500 à 10 000 agents l'effectif pour protéger la frontière et réservant spécifiquement 200 millions au renseignement pour lutter contre le crime organisé et le fentanyl. De décembre 2024 au 18 janvier 2025, la Gendarmerie royale du Canada a rapporté avoir procédé à 524 arrestations et saisi 46,2 kg de fentanyl. Comme le demandait Washington, le gouvernement Trudeau a annoncé en février 2025 la nomination d'un nouveau « tsar du fentanyl », tel que désigné dans le communiqué officiel, Kevin Brosseau.
« Le Canada […] compte de nombreuses politiques tarifaires et non tarifaires et barrières commerciales qui entraînent des déficits commerciaux insoutenables contre les États-Unis ».
Cette affirmation se divise en fait en deux parties, qui ne sont pas nécessairement liées. Avant l'élection de Donald Trump, les administrations américaines ont souvent dénoncé les « barrières » imposées par le Canada. Dans un rapport datant de novembre 2023, par exemple, l'International Trade Administration citait une dizaine de catégories allant du bannissement de produits à la discrimination concernant les appels d'offres, à l'établissement de normes désavantageant les produits non canadiens ou pénalisant les produits qui auraient profité de dumping. Par ailleurs, en 2024, le Canada affichait un surplus de 100 milliards pour l'échange des biens avec les États-Unis, et un déficit de 12,6 milliards pour les services. Cela dit, le déficit américain de 100 milliards disparaît quand on exclut les importations de pétrole canadien, qui ont été exactement de ce montant en 2024. Autrement dit, les « barrières » canadiennes n'ont rien à y voir.
« Le Canada fait payer des droits de douane extraordinaires à nos producteurs laitiers – jusqu'à 400 % – et c'est en supposant que nos producteurs laitiers aient accès au [marché canadien] pour y vendre leurs produits aux gens du Canada. »
La gestion de l'offre, qui régit depuis 1972 la production agricole canadienne pour le lait, les œufs et la volaille, irrite bien des Américains, et pas seulement Donald Trump. Ce système complexe octroie des quotas aux agriculteurs canadiens et impose des droits de douane sur les importations. Mais depuis la ratification de l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM) en 2018, on permet l'importation au Canada d'un certain quota sans droits de douane, équivalant environ à 3,5 % du marché canadien. C'est au-delà de ce quota que des droits pouvant atteindre 315,5 % peuvent être imposés. Or, dans le cas spécifique du lait, ce quota n'a jamais été atteint et les producteurs laitiers américains n'ont donc jamais eu à payer ces droits de douane.
« C'est un grand honneur pour moi de vous faire parvenir cette lettre en ceci qu'elle témoigne de la force et de l'engagement de notre relation commerciale… » « Vous ne serez jamais déçu avec les États-Unis d'Amérique. Je vous remercie de l'attention que vous porterez à cette question ! »
Si elle contient des menaces claires et des affirmations douteuses, voire carrément fausses, la lettre de Donald Trump commence et se termine par d'étonnantes formules de politesse. Faut-il y voir de l'ironie ou de la moquerie ? « 'Thank you for your attention !' avec un point d'exclamation, c'est dur de ne pas y voir une pointe d'humour, il y a là un ton moqueur, commente Rafael Jacob, auteur et chercheur à la Chaire Raoul-Dandurand de l'UQAM. Ç'a l'air d'être sa nouvelle expression favorite, ça fait plusieurs fois au courant des dernières semaines qu'il la ressort. C'est son style à lui, qui est pour le moins extraordinairement inorthodoxe et extrêmement dur à suivre, très souvent. » S'il s'avoue « réticent » à psychanalyser Donald Trump sur la forme, l'expert est cinglant quant au fond de cette lettre. « Le fond est complètement impossible à suivre également. C'est complètement incohérent. »
Lisez la lettre de Donald Trump adressée à Mark Carney (en anglais)
Lisez la traduction de la lettre dans l'article « La Maison-Blanche accentue la pression sur Ottawa »
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13 minutes ago
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Démolition d'un bâtiment problématique
L'immeuble résidentiel désuet sur l'avenue du Parc qui a forcé l'évacuation des deux immeubles voisins en début juillet en phase de démolition. L'immeuble résidentiel désuet sur l'avenue du Parc qui a forcé l'évacuation des deux immeubles voisins en début juillet en phase de démolition. Le bâtiment en décrépitude du 5990, avenue du Parc est en voie d'être démoli. Après deux évacuations d'urgence plus tôt cette année, les travaux ont commencé lundi matin, forçant à nouveau des dizaines de résidants à quitter leur logement. Les deux immeubles adjacents ont été entièrement vidés de leurs locataires. Selon l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, toutes les personnes évacuées ont été prises en charge par la Croix-Rouge et relogées dans différents organismes, dont l'Office municipal d'habitation de Montréal (OMHM). Le nombre exact de personnes déplacées n'a pas été confirmé. Toutefois, 80 personnes auraient été évacuées alors que les équipes de la firme Demospec ont entamé la démolition du bâtiment instable. La ruelle située à l'arrière a été condamnée, et plusieurs voies de l'avenue du Parc sont toujours fermées à la circulation. Le contrat de démolition a été attribué il y a deux semaines à l'entreprise Demospec. L'équipe a passé la semaine dernière à planifier les interventions techniques nécessaires pour minimiser les répercussions sur les bâtiments voisins. Le chantier est désormais en cours, et les autorités espèrent permettre la réintégration des locataires autour du 15 août. Selon Éric Plourde, contremaître chez Demospec, la structure est démolie de manière progressive. « Il y a des problèmes avec ce bâtiment depuis le mois de mars, explique-t-il. On va faire tomber la façade, ensuite les coins, et on va avancer graduellement dans le bâtiment jusqu'à ce qu'on arrive en arrière. » La structure, à l'abandon depuis plusieurs mois, avait déjà provoqué deux évacuations majeures cette année. En mars, une portion de la façade s'était effondrée sur un immeuble voisin, causant des dommages importants à certains appartements. Puis, en juillet, des briques se sont détachées de l'édifice, déclenchant une nouvelle intervention du Service de sécurité incendie de Montréal (SIM). Les deux évènements ont forcé des résidants à quitter leurs logements. Le chantier survient après des mois d'inaction, alors que le propriétaire du bâtiment avait cessé de collaborer avec l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal. Ce dernier a finalement déclenché des mesures de force majeure afin d'agir. « L'arrondissement utilise des mesures exceptionnelles de force majeure afin d'agir rapidement », avait indiqué Francis Huot, porte-parole de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, peu après la deuxième évacuation. Depuis, un devis signé par un ingénieur a permis de procéder, et la Ville assumera temporairement les coûts du chantier. Toutefois, des recours juridiques seront entrepris pour récupérer les sommes auprès du propriétaire. L'entreprise HABITAT 237 GRANDE-ÎLE S. E. N. C., propriétaire du bâtiment, a été informée de toutes les démarches. Sur place, la circulation demeure perturbée. Quelques voies de l'avenue du Parc sont fermées et un passage temporaire pour les piétons et cyclistes a été aménagé. Damien Ferland, résidant d'un logement adjacent, s'inquiète de la sécurité : « Je trouve ça super dangereux avec les cyclistes qui circulent sur le passage temporaire. Ça fait peur parfois. » Le moment choisi pour entamer les travaux est aussi remis en question. « Je ne crois pas que c'était le meilleur timing », soutient M. Ferland. Il souligne par ailleurs les défis auxquels sont confrontés plusieurs propriétaires qui souhaitent rénover leurs logements dans ce contexte. « Je pense qu'il y a des propriétaires qui veulent rénover leurs appartements, mais ils ont beaucoup de défis. », dit-il. Ian Cucurull, propriétaire d'un immeuble voisin également évacué, espère un retour rapide à la normale. « Il y a une locataire qui a fait énormément d'anxiété et qui a des ennuis de santé assez intenses, assez pour que ce soit difficile pour elle de marcher. Il y a des étudiants. D'autres qui ont loué parce que leur logement était proche de leur travail. Ça a beaucoup d'impact sur énormément de personnes », avait-il déclaré à La Presse lors de la dernière évacuation. À ce stade-ci, l'arrondissement indique qu'il est encore trop tôt pour chiffrer les coûts précis de l'opération, puisque plusieurs éléments techniques pourraient faire évoluer la facture.


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Jean Beaudoin sera le candidat d'Ensemble Montréal sur le Plateau
L'architecte et ingénieur Jean Beaudoin sera le candidat d'Ensemble Montréal à la mairie de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal lors des élections municipales du 2 novembre. C'est la cheffe de la formation politique, Soraya Martinez Ferrada, qui en a fait l'annonce mercredi après-midi, à quelques pas de la Maison de la culture du Plateau. Jean Beaudoin, qui a fondé l'OBNL Nomade Aménagement transitoire, à l'origine de la piétonnisation estivale de l'avenue du Mont-Royal, affrontera la candidate de Projet Montréal Cathy Wong, qui briguera la mairie de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal laissé vacante par Luc Rabouin, devenu chef de Projet Montréal. Le candidat d'Ensemble Montréal a notamment l'intention de commander une étude sur la mobilité dans l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal et de favoriser les piétons sur l'avenue du Mont-Royal durant la période estivale. Au cours de la période de questions, il a également été question de l'accessibilité de l'arrondissement, mais avant de changer les sens uniques du quartier, Jean Beaudoin promet d'attendre les conclusions de son étude sur la mobilité. « Il faut s'intéresser au parcours du citoyen dans notre arrondissement, a précisé Jean Beaudoin. Qu'il soit à pied, à vélo ou en voiture. Il faut que ce soit optimal et agréable. Sur l'avenue du Mont-Royal, il y a 1400 raisons de s'arrêter, mais ce n'est pas sécuritaire pour un enfant de circuler d'une manière ou d'une autre, donc les vélos seront exclus à partir d'une certaine heure, comme sur la rue Bernard. » Jean Beaudoin, qui est né en 1967 sur le Plateau-Mont-Royal, et qui y vit aujourd'hui, a également indiqué vouloir s'assurer de la santé financière des neuf artères commerciales du Plateau. Parmi ses priorités : le logement, l'éducation et la mobilité, abordée plus tôt. Il a brièvement abordé le dossier de l'École Jeanne-Mance, boudées par les élèves du quartier. Les conseillers Marie Plourde (Mile End), Marie Sterlin (Mile End), Alex Norris (Jeanne-Mance), Maeva Vilain (De Lorimier) et Laurence Parent (De Lorimier) défendront les trois districts de cet arrondissement du centre de la ville pour Projet Montréal. De son côté, Ensemble Montréal a annoncé la candidature d'Alexander Roberton au poste de conseiller dans le district De Lorimier. Les autres candidats seront présentés ultérieurement. La formation politique de Soraya Martinez Ferrada a réuni mercredi certains des candidats confirmés jusqu'à présent. Parmi eux, notons : Alain Bourque (Verdun), Caroline Braun (Outremont), Sylvain Gariépy (Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension), Maude Théroux-Séguin (Ahuntsic-Cartierville) ou encore Dominic Perri (Saint-Léonard). Règlement sur le bruit La formation de Mme Martinez-Ferrada s'est opposée cette semaine à la réglementation sur le bruit de Projet Montréal. Le nouveau règlement sur le bruit de l'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, proposé l'automne dernier à la suite de la fermeture de La Tulipe, assouplit les limites de bruit imposées aux salles de spectacles. Des seuils de décibels ont été établis à l'intérieur des salles, ainsi qu'à l'extérieur, en fonction du bruit ambiant. Par contre, les bars qui ne sont pas titulaires d'un permis de salle de spectacle sont exclus de ces assouplissements et s'exposent à des amendes de 10 000 $ à leur première infraction – elles sont de 1500 $ actuellement. Une « nouveauté » qui a soulevé l'ire des propriétaires. Ensemble Montréal propose plutôt « un processus de médiation avant d'imposer des sanctions », en préconisant « une approche graduée et collaborative ». Mme Martinez-Ferrada propose également que le traitement des plaintes soit assuré par une unité administrative spécialisée, indépendante des services policiers. En marge de la présentation de la candidature de Jean Beaudoin, Soraya Martinez-Ferrada a insisté sur l'importance de changer d'approche : « Le règlement prévoit que c'est toujours la police qui traite la plainte du bruit. Ce que je dis, c'est qu'il faut retirer la police de l'équation, je veux qu'il y ait une médiation, pour qu'un seul individu, avec une seule adresse ne puisse pas fermer une salle de spectacle. » L'arrondissement du Plateau-Mont-Royal, qui aimerait adopter le règlement en septembre, s'est montré ouvert à des amendements. Mais pour le moment, le nouveau règlement prévoit en effet qu'une « autorité compétente qui a des motifs raisonnables de croire que la tranquillité d'une personne est troublée par un bruit qu'il estime excessif compte tenu de l'heure, du lieu et de toutes autres circonstances, peut ordonner à quiconque cause cette nuisance de la faire cesser immédiatement. »


La Presse
43 minutes ago
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Les conservateurs restent en tête des collectes de fonds, malgré un ralentissement
Les conservateurs restent en tête des collectes de fonds, malgré un ralentissement (Ottawa) Les conservateurs continuent de récolter plus de dons que tout autre parti politique fédéral, mais leurs collectes de fonds ont diminué depuis les élections du printemps. Sarah Ritchie La Presse Canadienne Les conservateurs ont récolté un peu plus de 9,1 millions au cours du trimestre terminé en juin, grâce aux dons de plus de 82 681 personnes. Ce chiffre a dépassé celui des libéraux, qui ont récolté 7,7 millions auprès de plus de 116 000 donateurs. Ces nouveaux chiffres portent le total du parti au pouvoir au premier semestre de cette année à un peu plus de 21,3 millions, soit déjà plus que son total de 14 millions de $ en 2024. Le parti du premier ministre Mark Carney compte également beaucoup plus de donateurs que les libéraux lors de la dernière année de chefferie de Justin Trudeau. En 2024, le parti a enregistré des dons de 27 661 personnes au premier trimestre, passant à 33 609 au trimestre se terminant en décembre. M. Trudeau a annoncé son intention de démissionner début janvier, et la course à la direction du Parti libéral qui a suivi a suscité beaucoup d'attention et de financement, avec 156 489 dons au premier trimestre de 2025. Pour les conservateurs, il s'agit toutefois d'une forte baisse par rapport à leur campagne de financement préélectorale, qui avait permis de récolter 28 millions auprès de 148 676 donateurs au cours des trois premiers mois de l'année. Le parti de Pierre Poilievre est une véritable machine de la collecte de fonds depuis son arrivée à la direction en 2022, établissant un record de collecte de fonds pour un parti politique en 2024, avec 42 millions récoltés. Le parti a également investi massivement en publicité, en déplacements et en sondages, et ses dépenses totales ont atteint près de 50 millions l'an dernier. Le chef conservateur n'a pas réussi à conserver son siège aux élections d'avril et se présente à une élection partielle dans la circonscription rurale albertaine de Battle River–Crowfoot. Les électeurs se rendront aux urnes le 18 août. Les conservateurs ont été le seul grand parti à soumettre ses états financiers de 2024 à Élections Canada avant la date limite. Ces chiffres ont été publiés en juillet. Élections Canada a indiqué que les autres partis avaient obtenu un délai supplémentaire. Les chiffres du Nouveau Parti démocratique (NPD) sont restés stables cette année, avec 38 149 personnes ayant donné 1,9 million au parti au cours du dernier trimestre. Le parti avait recueilli 1,8 million auprès de 37 538 donateurs au cours des trois premiers mois de 2025. Les néo-démocrates ont perdu leur statut de parti officiel lors des élections d'avril, et les stratèges politiques ont prévenu qu'ils se trouvaient dans une situation financière difficile, avec des prêts à rembourser et beaucoup moins de fonds provenant d'Élections Canada. Le Bloc québécois, dont le nombre de sièges a été réduit à 22, contre 33 avant les élections, a recueilli 674 590 $ au deuxième trimestre auprès de 4502 donateurs. Le Parti vert a recueilli un peu plus d'un million, grâce aux contributions de 14 512 personnes. Il s'agit d'une augmentation par rapport au premier trimestre, où le parti avait recueilli 818 000 $ et compté 5181 donateurs. La chef Elizabeth May a été la seule verte à remporter un siège à la Chambre des communes en avril.