
«Les hackers nous ont même envoyé un questionnaire de satisfaction!»
Les cyberattaques font désormais partie intégrante de la vie des entreprises.
IMAGO/VectorFusionArt
En bref:
Ingénieur en informatique et actif dans le domaine de la cybersécurité depuis plus de quinze ans, Fabrice Guye est confronté presque quotidiennement aux cyberattaques et à leurs conséquences. Dans une volonté de favoriser la compréhension des choses, prévenir et déculpabiliser, ce vice-président de la société ELCASecurity et conseiller spécialisé pour la dernière édition de l'Eurovision partage son quotidien et celui de ses collègues, dont peuvent même faire partie… les négociations avec les hackers.
Quand avez-vous négocié la première fois avec un hacker?
C'était il y a une petite dizaine d'années. Une entreprise perdant des sommes astronomiques chaque heure qui passait nous a mandatés pour lui apporter de l'aide. Malgré nos recommandations de ne pas payer la rançon demandée – recommandation que nous faisons systématiquement –, elle a souhaité le faire. Et comme il y avait un numéro de téléphone pour contacter le hacker, j'ai appelé. Je suis d'abord tombé sur un répondeur qui me proposait de choisir la langue!
Et ensuite?
Une dame a décroché et m'a confirmé que mon client était sous attaque de leurs… services. C'est le terme qu'elle a employé. Je lui ai dit que la somme demandée était trop élevée et j'ai demandé de parler à son supérieur, elle m'a donc redirigé vers un autre interlocuteur. Nous avons négocié comme si nous parlions de la vente d'une voiture et nous sommes mis d'accord sur un montant d'environ 30% inférieur à la somme demandée.
Mais j'ai demandé une preuve de fiabilité. Ils nous ont alors transmis un code permettant de récupérer une partie des données piratées. Le client a donc payé la rançon et a pu récupérer l'entier des données. Mais c'était un cas exceptionnel…
Quel a été votre sentiment à la suite de cette première expérience?
J'ai été assez surpris de ce qu'il faut bien appeler une «qualité de service». Cela montre bien que l'activité de ces gens est un business – certes malveillant – et que, s'ils veulent gagner beaucoup d'argent, ils ne peuvent pas se permettre de ne pas être fiables. On trouve d'ailleurs sur le dark web des sortes de TripAdvisor des hackers, où ils sont notés en fonction de leur degré de fiabilité. Mais le plus surprenant était à venir…
Que s'est-il passé?
Quelques jours plus tard, le client a reçu une sorte de questionnaire de satisfaction. Il ne manquait que la question «Retravailleriez-vous avec nous?» Et ça n'aurait pas été si insensé que cela, car il était mentionné que cette «gentille entreprise malintentionnée» garantissait au client de ne pas le réattaquer dans un délai de trente jours!
Vice-président d'ELCASecurity, Fabrice Guye a aussi conseillé les organisateurs du dernier concours de l'Eurovision en matière de cybersécurité.
DR
Toutes les attaques ne se terminent malheureusement pas si bien…
Non. Et c'est d'ailleurs pour cela que nous conseillons toujours de ne pas payer de rançon: le risque de perdre de l'argent et d'alimenter les réseaux de hackers, en plus du reste et inutilement, est trop grand.
D'ailleurs, les deux autres fois où j'ai été en contact direct avec des hackers dans des cas similaires n'ont pas donné le même résultat. Dans le premier cas, ils ont refusé de négocier. Notre client a décidé de payer une partie de la rançon, mais ça n'a rien débloqué. Et dans le second, seule une partie des données a pu être récupérée.
C'est pour cela que plutôt que d'attendre et de réagir lorsqu'une attaque se produit, le plus simple et le plus efficace est toujours de se prémunir avec du conseil ou ses services de monitoring.
Comment voyez-vous l'évolution du monde de la cybersécurité?
Les choses évoluent extrêmement vite: je fais souvent une analogie avec le dopage et l'antidopage. Les attaques sont toujours plus professionnelles et plus impactantes. Le résultat est qu'aujourd'hui, personne ne doit se sentir à l'abri derrière un outil technologique. La question n'est pas de savoir si vous allez être attaqués, mais quand.
En conséquence, il faut se préparer pour que le jour où cela se produit, les conséquences soient les plus faibles possibles.
Que cherchent les hackers?
In fine majoritairement à gagner de l'argent, mais aussi, de plus en plus souvent, à voler des données. Et ça fait longtemps que ce ne sont plus seulement les multinationales qui sont ciblées.
Le carnet d'adresses d'une fleuriste ou d'un boulanger peut être utile pour monter une opération de phishing (ndlr: hameçonnage) . Ces dernières, qui visent à voler aux gens des données sensibles, sont de plus en plus subtiles et ciblées.
C'est pour cela que nous avons sorti une solution de cybersécurité spécifique pour les PME suisses: Praethorus, issu du programme SyNNergy , soutenu par Innovaud et le Canton depuis deux ans. Et il y a aussi quelques attaques plus originales…
Comme quoi, par exemple?
Un de mes clients s'est retrouvé sous attaque et, chose assez rare, nous étions parvenus à remonter jusqu'à la source de cette attaque, située dans une ville romande. Le hacker était un adolescent qui voulait s'amuser, sans aucune envie de nuire, mais sans aucune idée non plus des conséquences de son action. L'entreprise a donc décidé de ne pas engager de poursuites, mais elle l'a fait venir passer quelques jours dans ses locaux pour qu'il puisse mesurer l'étendue des dégâts qu'il avait causés. Il en était très surpris!
Tout le monde peut donc être visé?
Oui et c'est pour cela qu'il faut démystifier la cybersécurité: c'est désormais courant d'être victime d'une attaque et cela ne va pas aller en s'améliorant. Tout le monde doit se prémunir, car les conséquences peuvent être désastreuses. J'ai eu au téléphone des patrons en larmes, qui n'avaient rien mis en place pour protéger leur entreprise et qui se sont vus contraints de cesser leur activité du jour au lendemain. Ce n'est pas des moments agréables à vivre…
Mais il est impossible de se prémunir contre tout…
Non, effectivement. Et c'est pourquoi, lorsque nous rencontrons un nouveau client, nous définissons avec lui quels sont ses c rown jewels , autrement dit les éléments qui génèrent de la valeur pour son entreprise. Cela peut être des données, des systèmes, des services ou – pourquoi pas? – une réputation. Cela permet d'identifier les risques principaux et de définir une stratégie efficiente tout en limitant les coûts.
Qu'est-ce que chacun de nous peut faire, à son échelle?
Premièrement, arrêter de penser que «mon entreprise n'est pas une cible intéressante». C'est malheureusement aujourd'hui faux, qu'importe la taille ou le secteur d'activité.
Ensuite, en tant qu'individu, j'aime à dire que chaque fois que vous mettez quelque chose en ligne, réfléchissez à comment cela pourrait être utilisé contre vous! L'exemple classique, c'est la photo de vacances sur Facebook, montrant au monde entier que vous n'êtes pas à la maison en ce moment…
Tout cela ne dépeint pas un tableau très encourageant…
Pour les personnes et entités malveillantes, la cybercriminalité est beaucoup moins risquée que les braquages et rapporte beaucoup plus: on parle de milliards de francs! Elle se développe donc très vite, de manière très organisée et à l'échelle internationale. En plus, elle est multiple, puisqu'elle peut être financière, idéologique et même militaire.
Résultat, les moyens financiers engagés sont colossaux. Et ce n'est pas un secret: de nombreux pays possèdent désormais de véritables cyberarmées.
Quelles sont, selon vous, les prochaines évolutions?
Les attaques seront de plus en plus ciblées, grâce à, ou à cause de, l'intelligence artificielle. Selon moi, on verra aussi une augmentation des attaques sur les objets connectés.
Les hackers cherchent à prendre le contrôle de caméras, d'ascenseurs, de voitures, de climatisation ou de chauffage, ce qui ouvre des possibilités de nuisances vertigineuses. Cela est dû au fait que les frontières disparaissent entre les mondes de l'informatique, de la domotique et de l'industrie. Et comme tout est interconnecté, les possibilités et les voies d'attaques sont démultipliées.
Malheureusement, nous manquons cruellement de talents pour lutter. Nous sommes déjà bientôt 100 personnes dans notre entreprise et continuons à embaucher des talents. Mais il y aurait du travail pour encore beaucoup plus de monde…
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Sylvain Muller est journaliste à la rubrique Vaudoise depuis 2005. Il est responsable du bureau d'Echallens et couvre à ce titre l'actualité du district du Gros-de-Vaud. Plus d'infos
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24 Heures
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La tech soutient le revenu de base, Jean Christophe Schwaab n'est pas convaincu. Interview
Contre les pertes d'emplois dues à l'IA, des patrons de la tech soutiennent le revenu inconditionnel de base. Pas le socialiste Jean Christophe Schwaab. Interview. Publié aujourd'hui à 07h01 Pour Jean Christophe Schwaab, le revenu inconditionnel de base est un moyen pour les patrons de la tech de se débarrasser de toute responsabilité sociale. Chantal Dervey En bref: En matière d'intelligence artificielle, il y a les optimistes et les pessimistes. Du côté des premiers, le Forum économique mondial (WEF) qui estime que l'IA pourrait créer 170 millions de nouveaux emplois d'ici 2030, tout en en supprimant 92 millions. La transaction se solderait par 78 millions de postes supplémentaires. De l'autre côté, les pessimistes doutent des chiffres «euphoriques» du WEF, et en opposent d'autres. Le chômage dû à l'IA pourrait atteindre 20% d'ici cinq ans, selon Dario Amodei, le patron d'Anthropic (la société qui développe l'agent conversationnel Claude) . Et dans les pays de l'OCDE, les professions les plus exposées au risque d'automatisation représenteraient 28% des emplois . Les dirigeants de la tech sont bien conscients du risque que fait peser l'IA sur de nombreux emplois, et plusieurs d'entre eux plaident pour la mise en place d'un revenu inconditionnel de base pour prévenir les perturbations économiques et sociales à venir. Sam Altman, le cofondateur et PDG d'OpenAI (ChatGPT) , fait partie des défenseurs du RUB. De même qu'Elon Musk, qui déclarait en 2024: «Tout travail deviendra facultatif. Si vous voulez conserver un job qui va ressembler un peu à un passe-temps, vous pourrez le faire. Mais si vous ne le voulez pas, l'IA et les robots fourniront tous les biens et services nécessaires. » L'idée d'un RUB en renfort face à l'IA fait bondir le docteur en droit Jean Christophe Schwaab, qui ne s'en est pas caché sur le plateau de Léman Bleu . Également auteur d'un livre sur la souveraineté numérique, dans lequel il parle du pouvoir des grandes entreprises de la tech et de l'influence de la révolution numérique sur le droit, le conseiller national socialiste développe sa position. Vous êtes socialiste et avez occupé le poste de secrétaire central de l'Union syndicale suisse. Et pourtant, vous êtes opposé au revenu inconditionnel de base. Que lui reprochez-vous? C'est une position assez constante des socialistes d'y être opposé. Lorsqu'il y a eu la votation sur le revenu de base, en 2016, pratiquement toutes les sections cantonales ont dit non. Mais dans le contexte actuel, je dirais que le RUB est un cheval de Troie libertarien pour exclure du marché du travail les employés que les grands patrons considèrent comme improductifs. Le revenu de base, c'est un moyen pour ces employeurs de se débarrasser de toute forme de responsabilité sociale. Si un employé n'est pas content ou malade, il n'a qu'à partir et se suffire du revenu de base. À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Elon Musk s'est pourtant montré favorable à une taxe sur l'automatisation, qui concernerait directement ses propres entreprises. C'est un mensonge! Je ne lui fais pas la moindre confiance. Je pense qu'en comparaison à vous et à moi, il consacre une part inférieure de son revenu à l'impôt. C'est une constance chez ces entrepreneurs libertariens: ils font tout pour contribuer le moins possible à la collectivité et à la redistribution des richesses. Les défenseurs du RUB soutiennent également la fin du travail. Ne plus aller au bureau, ça ne rend pas heureux? Le travail est un outil pour s'intégrer dans la société. Avec le RUB, vous donnez la possibilité à des individus de s'en extraire, ce qui n'est pas dans leur intérêt individuel. Contribuer à la société, participer à un processus de production de biens, fournir des services qui vont bénéficier à d'autres: tout cela est extrêmement important pour la réalisation de soi. Ne plus travailler, c'est ne plus contribuer au bien commun et tomber dans un ultraindividualisme qui détruit la cohésion sociale. Un revenu inconditionnel de base permet aussi de s'assurer que les citoyennes et citoyens continuent de consommer. Comme un pansement capitaliste? J'aime bien cette notion de pansement parce que c'est exactement ce qu'est le RUB. Il ne s'agit pas d'une transformation de la société, et encore moins du dépassement du capitalisme. 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Autres newsletters Catherine Cochard est journaliste à la rubrique vaudoise et s'intéresse aux sujets de société. Elle produit également des podcasts. Auparavant, elle a notamment travaillé pour Le Temps ainsi qu'en tant que réalisatrice indépendante pour l'Université de Zurich. Plus d'infos @catherincochard Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
3 days ago
- 24 Heures
Forcer l'IA à oublier les visages, c'est possible et ça se passe en Suisse
Accueil | Savoirs | Technologie | À Neuchâtel, le CSEM force les modèles d'intelligence artificielle à empêcher la vidéosurveillance de conserver les visages captés. Publié aujourd'hui à 16h36 Photo de caméra de surveillance (à g.) et les versions reconstruites auxquelles elle est confrontée. L'une fournie par un modèle d'IA classique, qui conserve malgré lui certains traits identifiants (au centre). L'autre traitée avec la méthode CSEM, qui empêche toute reconstruction d'image fidèle. CSEM En bref: Contre-intuitif. Forcer un algorithme conçu pour apprendre à toujours mieux reconnaître un visage à en ignorer les détails. C'est pourtant ce que vient d'annoncer en milieu de semaine le Centre suisse d'électronique et de microtechnique (CSEM), avec des modèles d'intelligence artificielle qui «oublient les visages». Une présentation qui intervient alors que le grand public n'a jamais été aussi inquiet de la surveillance généralisée à laquelle il est soumis, sur le Net comme dans l'espace public. Et alors que s'achève, ce vendredi à Genève, la conférence des Nations Unies AI for Good , qui tente de mobiliser cette révolution technologique au service du bien commun. Révolte contre le flicage à la chinoise Déjà omniprésente – pour déverrouiller son téléphone comme dans les aéroports ou les hôpitaux – la reconnaissance faciale soulève de grandes préoccupations en matière de protection de la vie privée et de consentement. Il y a quatre ans, les Suisses ont réclamé son interdiction nationale à des fins de surveillance. Genève a proscrit depuis plus d'une année toute surveillance biométrique de masse, dont l'utilisation a également été écartée, début mai, par le Conseil communal de Lausanne. 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Lors de ses tests, Nadim Maamari a comparé deux versions d'un même modèle d'IA. L'une entraînée de manière classique, qui conserve malgré elle certains traits identifiants. Et une autre traitée avec sa méthode, qui empêche toute reconstruction d'image fidèle. Vérification contre identification «Les systèmes du type de ceux mis en avant par le CSEM répondent à la crainte de la population d'être tracée, fliquée en permanence – même si en réalité, le problème reste tout aussi législatif que technique», tempère Christophe Remillet, spécialiste de la vérification faciale à la tête de OneVisage, à Lausanne. Cette société utilise la biométrie pour apprendre à une machine à vérifier le visage enregistré d'une personne qui se présente pour authentification, par exemple aux abords d'une zone sécurisée. 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Tous surveillés, plus d'articles sur le sujet Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Pierre-Alexandre Sallier est journaliste à la rubrique Économie depuis 2014. Auparavant il a travaillé pour Le Temps , ainsi que pour le quotidien La Tribune , à Paris. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


24 Heures
3 days ago
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Le réseau social X d'Elon Musk visé par une enquête de la justice française
Le parquet de Paris a ouvert une enquête pénale visant le réseau social d'Elon Musk. Des soupçons d'altération volontaire du débat démocratique et d'ingérence étrangère sont au cœur des investigations. Publié aujourd'hui à 11h05 Une enquête a été confiée mercredi à la gendarmerie concernant le réseau X, en tant que personne morale, et contre les «personnes physiques» qui le dirigent. EPA/FRANCIS CHUNG/POOL La plateforme X a-t-elle volontairement biaisé son algorithme, au point d'altérer le débat démocratique en France? La section cybercriminalité du parquet de Paris a ouvert une enquête pénale, visant le réseau social, propriété d'Elon Musk , après des accusations d'ingérence étrangère. Une enquête a été confiée mercredi à la gendarmerie concernant le réseau X, en tant que personne morale, et contre les «personnes physiques» qui le dirigent, a indiqué vendredi la procureure de Paris Laure Beccuau dans un communiqué, sans citer le nom de son propriétaire multimilliardaire, également patron de Tesla. Cela intervient après deux signalements reçus le 12 janvier, qui «faisaient état de l'utilisation supposée de l'algorithme de X (ex-Twitter) à des fins d'ingérence étrangère», détaille le ministère public. Le premier provenait d'un député spécialiste de ces questions, Eric Bothorel, membre du parti du président Emmanuel Macron. Il alertait le parquet sur «les récents changements d'algorithme de X, ainsi que les ingérences apparentes dans sa gestion depuis son acquisition par Elon Musk» en 2022. Il soulignait une «réduction de la diversité des voix et des options», une plateforme qui s'éloigne d'un objectif de «garantir un environnement sûr et respectueux à tous», un «manque de clarté quant aux critères qui ont conduit aux changements d'algorithmes et aux décisions de modération», ainsi que des «interventions personnelles d'Elon Musk». Ingérence étrangère Dans un communiqué vendredi, M. Bothorel s'est dit «très heureux que la justice française se donne les moyens de lutter contre ces ingérences étrangères.» «La démocratie est un bien trop fragile pour laisser des apprentis sorciers, propriétaires de plateformes numériques, nous dire quoi penser, pour qui voter voire qui haïr», a-t-il ajouté. Selon les informations du journal satirique français Le Canard enchaîné en février, le second signalement provenait d'un directeur de cybersécurité dans la fonction publique, qui s'inquiétait d'«une modification majeure dans l'algorithme utilisé par la plateforme X qui propose aujourd'hui énormément de contenus politique haineux, racistes, anti-LGBT+, homophobes et qui visent donc à biaiser le débat démocratique en France». Le parquet, qui avait confirmé début février étudier ces signalements, a indiqué vendredi dans son communiqué avoir ouvert cette procédure «sur le fondement de vérifications, de contributions de chercheurs français et d'éléments apportés par différentes institutions publiques». Enquête pénale L'enquête a été confiée à la Direction générale de la gendarmerie nationale, et porte «notamment» sur les infractions suivantes: altération du fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données en bande organisée, ainsi qu'extraction frauduleuse de données d'un système de traitement automatisé de données en bande organisée. À ce stade, la qualification pénale évoquée dans le communiqué ne comporte pas la circonstance aggravante d'ingérence étrangère, prévue par une loi promulguée en juillet 2024, mais cela peut évoluer en cours d'enquête. Le patron de X France, Laurent Buanec, avait assuré le 22 janvier sur son réseau social que «X a des règles strictes, claires et publiques visant à protéger la plateforme des discours de haine», «lutte contre la désinformation» et que son algorithme «est construit de manière à éviter de vous proposer des contenus de type haineux». À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Elon Musk s'exprime très régulièrement sur l'actualité domestique et internationale sur X, et a été ces derniers mois accusé de vouloir influencer le débat démocratique en Grande-Bretagne ou en Allemagne, où se sont tenues des élections législatives en février. Fin décembre, M. Musk avait ainsi estimé dans un message sur X que «seule l'AfD» , formation d'extrême droite allemande, «peut sauver l'Allemagne». Le commentaire avait suscité un vif émoi en Europe. L'ex-commissaire européen au Numérique Thierry Breton avait alors qualifié la remarque «d'ingérence étrangère». Possible amende pour Elon Musk Le chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot avait exhorté Bruxelles début janvier à protéger les États membres de l'UE contre les ingérences dans le débat public européen. Au niveau européen, la Commission européenne a ouvert en décembre 2023 une «enquête formelle» visant X. Le réseau a été mis en cause formellement en juillet 2024 pour plusieurs infractions présumées. Pour chacune d'elles, et faute de mise en conformité, la Commission pourrait infliger à Elon Musk une amende allant jusqu'à 6% du chiffre d'affaires mondial annuel de l'ensemble des entreprises qu'il contrôle, soit plusieurs milliards d'euros. Elon Musk et X Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters AFP Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.