« Tout le monde le voit comme une grande star mais on voit très vite qu'il est humble » : la nouvelle vie de Paul Pogba depuis son arrivée à Monaco
Même dans l'hôtel feutré du luxueux complexe de Saint Georges's Park, situé au coeur de la campagne britannique, Paul Pogba ne passe pas inaperçu. Les joueurs de Monaco fréquentent depuis dimanche le camp de base de la sélection anglaise où l'on recense pourtant une population plus dense d'oies cendrées au bord de la route que d'humains.
Mais cela n'a pas empêché les moins de 18 ans de Southampton, qui partagent le lieu avec l'ASM, de venir quémander une photo avec l'ancienne star de Manchester United sitôt qu'ils ont repéré sa silhouette. Ce petit attroupement est allé jusqu'à poser une sérieuse concurrence à la célébrité locale, Eric Dier, dont le nom est à une sélection d'être gravé sur le mur des glorieux internationaux - érigé dans le hall de l'établissement - à atteindre la barre des 50 capes avec les Three Lions.
Presque deux ans sans jouer
Pogba a toujours gardé une certaine cote de popularité, en Angleterre comme en France où il a été applaudi, le 12 juillet, par le public venu assister aux célébrations du vingt-septième anniversaire de la victoire des Bleus de 1998 au complexe sportif « Z5 » à Aix-en-Provence. Aux anges, le champion du monde 2018 y a fait une « brésilienne » avec Zinédine Zidane, ce qui a poussé l'ex-gamin de Lagny-sur-Marne, lui-même fan de son illustre aîné, à dire qu'il aurait « du mal à dormir » après cela.
À 32 ans, et après presque deux années complètes sans jouer, « la Pioche » a pourtant retrouvé un sommeil paisible. Il va enfin pouvoir rejouer au football, lui qui nourrissait l'envie de voir ses trois enfants garder des souvenirs de leur père sur les terrains. Et qui voulait, plus que tout, tourner la page d'un chapitre sombre de sa vie, gâché par l'épisode de la tentative d'extorsion dont il a été victime, combiné à sa suspension pour dopage, levée le 11 mars. Draguée par l'Arabie saoudite et deux clubs espagnols ces derniers mois, la star française a finalement relevé le challenge proposé par Monaco, où elle s'est engagée le 28 juin pour les deux prochaines saisons.
Le club de la Principauté souhaitait insuffler de l'expérience dans son effectif, afin d'encadrer un vestiaire juvénile qui a montré ses limites dans ce domaine sur certains matches clés de la saison dernière, notamment lors des trois affrontements contre Benfica en Ligue des champions (phase de ligue puis barrages). L'arrivée de Dier aurait été entérinée au printemps. Elle a précédé celle de Pogba, qui s'est rendu en Principauté le 13 mai pour y visiter les infrastructures, parler football avec Adi Hütter et projet avec le président Dimitri Rybolovlev.
Monaco offrait à l'international français un challenge de niveau Ligue des champions, forcément moins onéreux que le pont d'or proposé par le Golfe, mais aussi le temps de revenir, sans se précipiter, à la vie de footballeur professionnel près de deux ans après son dernier match officiel, le 3 septembre 2023 avec la Juventus Turin. Il lui permettait également de l'accompagner idéalement dans son objectif personnel d'être à nouveau compétitif pour prétendre à une place à la Coupe du monde 2026, l'été prochain.
La quiétude et le cadre de vie lui ont été vantés par Evra et Mbappé
En s'installant sur le Rocher, l'international aux 91 capes (11 buts) était conscient qu'il pouvait jouir d'une quiétude peu commune et d'un cadre de vie hors norme, ce qui a pu lui être confirmé par des anciens de l'ASM, tels Patrice Evra ou Kylian Mbappé. Tous ces arguments mis bout à bout ont donc fini de convaincre le milieu, soulagé de voir les choses se concrétiser, au point qu'il a laissé échapper quelques larmes au moment de parapher son contrat.
Trois semaines ont passé depuis. En harmonie avec ses dirigeants, Pogba avait la volonté de s'insérer au groupe sans paillettes ni froufrous. Même si l'annonce de sa signature, en même temps que celle d'Ansu Fati, a généré plus de 380 millions de vues sur les contenus mis en ligne par le club et que la moitié des nouveaux maillots vendus ont été floqués à son nom, le nouveau numéro 8 monégasque a été traité comme une recrue lambda.
« Je vais écouter le club mais, si ça ne tenait qu'à moi, je serais sur le terrain dès demain »
Paul Pogba, le 3 juillet en conférence de presse
Pas de présentation en grande pompe à l'hôtel Hermitage comme à l'époque de Radamel Falcao, en 2013. Il a simplement pris la suite de Dier et de Fati devant la presse, le 3 juillet. « Je me sens comme un gosse qui vient de signer pro pour la première fois », avait-il confié ce jour-là, avant d'évoquer la suite. « On va prendre le temps qu'il faut pour que je revienne au top de ma forme. Je vais écouter le club mais, si ça ne tenait qu'à moi, je serais sur le terrain dès demain », s'était-il légèrement avancé. Le même jour, Thiago Scuro, le directeur général monégasque, avait évoqué un délai de trois mois avant d'entrevoir son retour.
Désormais, Pogba travaille en salle, exclusivement. Il y suit avec minutie son programme de réathlétisation, accompagné notamment d'Ansu Fati, arrivé en manque complet de préparation. Baskets aux pieds et survêtement du club sur le dos, les deux hommes ont assisté en bord de terrain aux deux premiers matches de préparation des Rouges et Blancs, contre le Cercle Bruges à La Turbie (1-0, vendredi dernier) et face à Coventry (5-0, mercredi) à Saint George's Park.
« Il s'est intégré très vite. Il a la personnalité pour »
Adi Hütter, l'entraîneur de Monaco
Pogba a pu se faire une idée un peu plus précise du niveau de ses nouveaux coéquipiers. Assis dans une petite tribune, il a notamment apprécié le but inscrit par Saïmon Bouabré (19 ans) contre les Anglais. « J'aime beaucoup ce qu'il propose », a-t-il commenté avec le sourire à la suite de l'enchaînement lumineux, fait de feintes de corps et conclu sur un enroulé, du Monégasque issu de l'académie.
Au sein du vestiaire comme en dehors, Pogba cherche à s'intégrer sans se presser. Il connaissait quelques joueurs, notamment Thilo Kehrer, qu'il avait rencontré à Londres par l'intermédiaire de son ami Kurt Zouma. Son caractère jovial et rassembleur est apprécié du groupe. « Il s'est intégré très vite. Il a la personnalité pour, a évalué Adi Hütter. Il est gentil, aimable avec tous les salariés du club. »
L'entraîneur monégasque a pu noter sa propension à partager avec autant de facilité avec les anciens qu'avec les plus jeunes du groupe, auxquels il a commencé à distiller quelques conseils. À l'image de ce long échange avec Eliesse Ben Seghir à l'issue de l'opposition face à Coventry. « Je l'observe beaucoup avec les jeunes, c'est un exemple pour eux, a confirmé le technicien autrichien. D'un côté, tout le monde le voit comme une grande star, parce qu'il a remporté la Coupe du monde 2018 en étant un joueur clé de l'équipe de France, mais on voit très vite que, quand il entre dans une pièce, il est humble. »
Elément le plus âgé du groupe, à 32 ans, et seul trentenaire avec Dier (31 ans) et Takumi Minamino (30), le milieu de terrain prend le temps avec chacun. « Comment tu épelles ton nom ? » a-t-il notamment demandé au jeune George Ilenikhena (18 ans) avant de plaisanter avec lui en marge du match contre Coventry.
Au retour du stage britannique, le champion du monde devrait vite emménager dans une maison environnante de la Principauté, choisie par sa femme. Un pas de plus vers le quotidien normal de footballeur après lequel il courait depuis de longs mois. « On voit chaque jour ce que son retour signifie pour lui, il est extrêmement heureux de revenir dans une équipe, a estimé cette semaine Dier. C'est quelqu'un qui s'épanouit dans un collectif. Avec Paul et (Olivier) Giroud, c'est une très bonne nouvelle pour la Ligue 1 de récupérer des joueurs comme ça, des champions du monde. »
Consciente que la recrue star de l'ASM faisait partie des têtes d'affiche de la nouvelle saison, la Ligue a fait en sorte que « la Pioche » participe aux opérations marketing pour le lancement de la nouvelle chaîne qui diffusera la L1 (Ligue 1 +), ce à quoi l'intéressé s'est plié avec plaisir en attendant de découvrir, enfin, les stades de l'Hexagone. Et de jouer à Louis-II, où il devrait bientôt louer l'une des loges VIP pour y accueillir ses proches. Le signe qu'il reste un joueur à part.
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