Quoi penser de la géolocalisation en couple ?
« J'ai commencé à géolocaliser mon conjoint dès que j'ai su que ça se pouvait ! »
En couple depuis 20 ans et mère d'une adolescente, Nathalie Cardin est une adepte de la géolocalisation : elle le fait avec son conjoint, avec sa fille et avec ses parents. Dans son couple, cela lui permet de planifier l'horaire, de prévoir le souper, par exemple.
Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos
« Mon chum travaille sur la route, il est souvent en déplacement, confie la femme qui habite la Rive-Sud de Montréal. Il n'est pas toujours disponible pour prendre mes appels. Alors je regarde où il est au lieu de le texter et d'attendre sa réponse. C'est plus efficace ! »
La planification des repas est aussi le premier argument de Marie-Claude Vachon, de la région de Québec. « S'il me manque de la farine, je peux voir s'il peut arrêter, si c'est sur son chemin, et je peux aussi calculer combien de temps ça va lui prendre pour arriver. C'est pratique. Et puis… on n'a rien à se cacher ! »
Transparence à tout prix
Ne rien avoir à se cacher… La remarque est intéressante, puisqu'elle laisse entendre que la géolocalisation est « normale », voire banale. Pour la professeure de sociologie Chiara Piazzesi, les couples d'aujourd'hui vivent avec une injonction de transparence.
Les jardins secrets sont de moins en moins acceptables. En effet, on peut se demander comment on fait pour s'opposer à une demande de géolocalisation, comme si ça voulait dire automatiquement que l'autre a quelque chose à cacher…
Chiara Piazzesi, professeure de sociologie à l'UQAM
Chiara Piazzesi rappelle qu'il existe un « cadrage normatif propre à notre époque » dans un couple. De nos jours, un couple doit être « capable de parler de tout, d'être authentique, transparent, d'avoir une communication ouverte », et ce, en tout temps, explique-t-elle.
La géolocalisation dans le couple s'inscrit dans ce paradigme. « Est-ce que je vais devoir m'expliquer et rendre des comptes parce que j'arrête prendre un café avant de rentrer à la maison ? », se demande l'experte.
Une intrusion ?
Cette idée fait grimacer Victor Henriquez. Pour ce père de famille, la géolocalisation dans le couple est une hérésie. « Je n'ai pas besoin de micropucer ma blonde », lance-t-il.
En couple depuis 13 ans, il décèle dans cette pratique un manque de confiance et un besoin de contrôle, qu'il s'explique mal.
Pour moi, ça rentre dans un cercle d'intrusion. Et puis, ça s'arrête où ?
Victor Henriquez
Jannyck Latulippe est en couple depuis 10 ans. Elle ne croit pas à la géolocalisation, qu'elle qualifie de « fausse bonne idée ». « Il y a tellement de façons de se joindre maintenant, dit-elle. Je ne comprends pas pourquoi les gens se géolocalisent… Je trouve que ça part d'une anxiété, d'une jalousie ou d'un besoin de contrôle. Pourquoi vous ne vous parlez pas à la place ? »
Selon Simon Lapierre, professeur à l'École de travail social de l'Université d'Ottawa, la géolocalisation peut être un outil fort utile pour un partenaire contrôlant ou violent qui souhaite « surveiller » l'autre partenaire. « S'il n'y a pas d'enjeu de contrôle ou de contexte de violence dans le couple, et que les deux personnes sont consentantes, je ne vois pas la géolocalisation comme un problème, dit-il. Mais il faut savoir que les dérives sont possibles. Il peut y avoir des effets pervers. »
Nourrir l'insécurité
Chez une personne anxieuse ou qui a des tendances contrôlantes, par exemple, cela vient nourrir son besoin, sans régler le problème de fond. « Ça s'inscrit dans quelle dynamique de couple ? Est-ce que la géolocalisation est une béquille ? Quels sont les traumatismes, le parcours et le passé des deux personnes ? », demande Kanica Saphan, fondatrice du Sofa Sexologique.
La spécialiste en sexologie Kanica Saphan ne rejette pas l'idée que ce soit purement un « facilitateur technologique », une aide à l'organisation, mais elle souligne qu'il faut s'entendre sur le besoin à combler et s'assurer d'être d'accord.
« On a tous des prédispositions à se sentir en sécurité ou inquiet. Si une personne ressent le besoin de géolocaliser l'autre pour être rassurée, parce que l'autre ne réussit pas à le faire verbalement, c'est un problème… On peut être devant un enjeu de santé mentale où le diagnostic sert d'excuse. »
Simon Lapierre est aussi d'avis que la géolocalisation dans un jeune couple soulève des questions. « Dans un jeune couple, en début de relation, où on apprend les valeurs de la confiance, de l'égalité et ce qui est sain ou malsain, pourquoi ressentir ce besoin de savoir où est l'autre ? », note-t-il, ajoutant qu'il se demande quel message est intégré par les jeunes qui se font géolocaliser par leurs parents ou voient leurs parents adopter cette pratique.
Hashtags
Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes
La Presse
7 hours ago
- La Presse
Le massage de l'intérieur de la bouche
Le massage intrabuccal s'inscrit dans la tendance du remodelage facial) et des options de rechange à la médecine esthétique. Popularisé il y a quatre ans par Meghan Markle et Kate Moss, le massage intrabuccal, une méthode de lifting naturelle, non invasive, s'inscrit dans la tendance du face sculpting (remodelage facial) et des options de rechange à la médecine esthétique. Elle dit cibler les signes de vieillissement en passant par… l'intérieur de la bouche. Trop beau pour être vrai ? Décryptage. VIRGINIE COOSSA Collaboration spéciale Qu'est-ce que le massage intrabuccal ? Le soin intrabuccal a pour objectif de travailler les muscles du visage, principalement ceux des joues, de la mâchoire et du contour de la bouche. Il consiste en un massage tonique du bas du visage par une double pression circulaire. Muni de minces gants, le praticien ou la praticienne insère délicatement les doigts dans la bouche pour masser l'intérieur des joues en haut et en bas, travaillant ainsi les muscles profonds. « Nous sommes de plus en plus stressés et cela se répercute au niveau des masséters [muscles de la mastication]. Le tiers inférieur du visage est peuplé de nombreux muscles, ceux de l'expression situés juste sous la peau et ceux qui permettent les mouvements de la mâchoire. Quand ces derniers sont trop crispés ou qu'ils ne sont pas assez toniques, ces muscles peuvent être responsables de la formation des rides et du relâchement cutané », explique Delphine Langlois, cofondatrice de la Clinique LB Facialistes, qui a démocratisé cette technique en France. Quels sont les effets et les résultats promis ? Dès la première séance, le visage serait plus détendu. Les clientes témoignent d'un effet « défroissé », constate Delphine Langlois, avec des résultats rapidement visibles : en plus de redonner de la mobilité aux traits et de raviver le teint, il procure une sensation de légèreté immédiate. « Le massage intrabuccal permet de ralentir l'apparition des rides péribuccales, du sillon naso-génien et des rides jugales [des joues] », croit Delphine Langlois. Sarah Fafard a adopté ce soin en 2024. « Je ne suis pas prête pour les injections, alors je me fais masser toutes les quatre semaines, raconte la femme de 47 ans. Quand je sors du salon, je me sens tellement légère ! Mes joues sont repulpées et mon regard plus ouvert. Et le plus important : les crispations au niveau de ma mâchoire sont enfin relâchées. » Cette méthode intraorale promet de travailler sur l'ovale d'un visage ou des joues tombantes pour donner un coup de jeunesse et de laisser un effet tonifiant au patient. Elle permettrait aussi de « travailler de façon beaucoup plus précise et profonde sur les tensions, explique Aixa Tapia, propriétaire d'Aixa's Bio Spa, à Montréal. PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE Aixa Tapia, propriétaire d'Aixa's Bio Spa Les effets du soin intrabuccal peuvent aussi réduire significativement les crispations musculaires de la mâchoire, notamment en cas de bruxisme. Aixa Tapia, propriétaire d'Aixa's Bio Spa Le massage intrabuccal, pratiqué d'abord à des fins thérapeutiques, soulagerait également les douleurs chroniques et les tensions musculaires autour de la mâchoire et du visage. Qu'en est-il réellement ? Le massage intrabuccal a été adopté par des patients souffrant de maux de tête chroniques ou de migraines d'origine musculaire. « En détendant les muscles du visage et de la mâchoire, cette technique aide à diminuer la fréquence et l'intensité des douleurs. De plus, elle améliore la mobilité de la mâchoire, permettant des mouvements plus fluides et sans douleur, particulièrement utile pour les personnes ayant des raideurs mandibulaires », explique la Dre Martine Bureau, fondatrice de la Clinique chiropratique de l'ATM (articulation temporo-mandibulaire) et chiropraticienne, qui consacre sa pratique au traitement des désordres de la mâchoire. Des études scientifiques prouvant une efficacité en ce qui a trait aux maux de tête chroniques et aux migraines d'origine musculaire ont été rapportées notamment dans le Journal of Oral Rehabilitation ainsi que le National Library of Medicine en 2011. Les muscles visés sont essentiellement ceux de la mastication, mais par extension, on vient aussi traiter les muscles de l'expression faciale, dits muscles peauciers. Le fait de masser ces muscles apporte assurément une forme de détente. La Dre Martine Bureau, chiropraticienne « Je pratique aussi la thérapie myofasciale buccale qui travaille en profondeur sur les tensions et les raideurs de la mâchoire », poursuit la Dre Bureau. Elle ne s'avance toutefois pas au sujet des améliorations visibles et durables sur le plan esthétique. « Je ne peux pas le confirmer, ne travaillant pas du tout en ce sens », souligne-t-elle. Opinion similaire du côté de la Dre Jessica Forcillo, chirurgienne cardiaque au Centre hospitalier de l'Université de Montréal, aussi formée en médico-esthétique et propriétaire de la clinique Distinction MD. « À la clinique, nous travaillons l'intraoral, mais avec un laser chauffant qui cible les tissus de la joue interne. L'énergie du laser travaille sur le collagène et donc l'élasticité et la fermeté de la peau. En ce qui concerne le massage mécanique intrabuccal, bien que ce soin non invasif soit relaxant et sécuritaire, je ne pense pas que les résultats esthétiques à long terme seront très visibles. On a encore très peu d'informations médicales à ce sujet. Cependant, une étude confirme qu'il faudrait avoir au moins deux massages intrabuccaux par jour pendant deux semaines pour constater un début de résultat. La fréquence est donc un important facteur. »
La Presse
9 hours ago
- La Presse
Quand TikTok recommande des suppléments alimentaires
La prise de suppléments gagne en popularité sur les réseaux sociaux, dont TikTok. Vitamines, minéraux et autres nutriments deviennent les nouveaux chouchous des internautes à la recherche de bienfaits pour leur santé. De nombreux influenceurs, dont des adeptes de salles de sports et même la famille Kardashian, vantent les mérites de compléments alimentaires. Plus de deux millions de vidéos TikTok abordent la question. « C'est sûr qu'il y a des influenceurs fitness que je suis qui en prennent beaucoup », témoigne Ariane Lafond-Gazaille. L'étudiante de 16 ans en prend plusieurs – sa liste s'est allongée dans les dernières années – et elle produit elle-même du contenu sur TikTok sur le sujet. Vitamine D, chrome, magnésium, oméga-3, biotine et créatine font partie de son régime quotidien, en plus d'entraînements au gym. « Je les prends pour m'améliorer et être le plus en santé possible », souligne-t-elle. Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos « Beaucoup de sportifs consomment des suppléments dans un objectif de performance et d'optimisation de la nutrition », avance Ève Crépeau, nutritionniste du sport. Or, un régime alimentaire équilibré et varié devrait pouvoir remplir tous nos besoins nutritionnels, confirment les experts interviewés par La Presse, et ce, même pour les sportifs du dimanche. L'argument des carences Santé Canada s'est penché sur l'alimentation des Canadiens en 2012 et a constaté qu'un apport insuffisant de magnésium, de calcium, de vitamines A et D était assez fréquent chez les adultes. Pour Nicolas Bordenave, professeur auxiliaire à l'École des sciences de la nutrition de l'Université d'Ottawa, il faut toutefois qu'il y ait des signes de carence ou une carence confirmée, souvent par bilan sanguin, avant de recommander des suppléments sur le plan individuel. C'est précisément là où s'engouffrent des influenceurs ou des compagnies. Ils vont prendre l'argument de la population à risque de carence pour vous vendre un supplément. Nicolas Bordenave, professeur auxiliaire à l'École des sciences de la nutrition de l'Université d'Ottawa La vitamine D est toutefois une exception. « C'est un supplément super pertinent et fortement recommandé, surtout au Québec à cause du peu d'ensoleillement en hiver », explique Ève Crépeau. Une autre exception : la créatine ? La créatine, un complément alimentaire populaire auprès des sportifs qui cherchent à augmenter leur masse musculaire, pourrait se révéler efficace pour d'autres publics. PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE Ève Crépeau, nutritionniste du sport Il y a un engouement nouveau pour la créatine. Ça permet de régénérer notre énergie rapidement, donc de récupérer un peu mieux. Ève Crépeau, nutritionniste du sport « C'est un supplément intéressant si on a une perte musculaire, une blessure. On va même l'utiliser dans les cas aigus de commotion », avance Mélanie Olivier, présidente fondatrice de Vivaï. Des études ont constaté un impact positif de la créatine pour contrer la perte de masse musculaire chez les personnes âgées, dit la nutritionniste-diététiste, qui le recommande elle-même aux femmes de 40 ans et plus : « Avec les baisses d'œstrogène, la masse musculaire est plus difficile à conserver ». D'autres recherches ont aussi révélé des effets positifs sur le sommeil, la mémoire et la santé mentale. Mais la créatine est toujours victime d'une image « négative reliée aux stéroïdes », estime Ève Crépeau. « Il y a beaucoup de mythes, les gens ont peur d'en prendre et de devenir trop musclés ou que ce soit mauvais pour les reins. » Quand trop devient dangereux « Il y a des gens qui ne sont pas conscients des apports maximaux tolérables, dénonce Mélanie Olivier. Si on le dépasse, on peut se mettre à risque. » L'experte donne l'exemple de la vitamine C, qui peut causer des troubles gastro-intestinaux, mais aussi des calculs rénaux, en dépassant un certain seuil par jour. « Le magnésium est populaire en ce moment, mais au-delà de 350 mg par jour, ça peut causer de la diarrhée », donne-t-elle comme autre exemple. IMAGE TIRÉE DU COMPTE TIKTOK @WELLWITHSTACY Image tirée d'une vidéo de l'influenceuse Stacy Piskova publiée sur TikTok Il faut également faire attention avec les vitamines liposolubles – A, D, E et K –, qui s'accumulent dans le foie et la graisse et peuvent atteindre des concentrations toxiques, dit-elle. Dans le cas de trop importantes quantités de vitamines hydrosolubles, elles sont pour leur part éliminées par les reins. « L'urine coûte cher », commente en riant la nutritionniste-diététiste. Des études ont même montré des effets délétères à long terme de la prise de suppléments, souligne le professeur auxiliaire Nicolas Bordenave. En effet, une méta-analyse américaine de 2012 a relevé que des doses élevées de certains compléments alimentaires augmentent le risque de cancer. Prendre plus de vitamines et minéraux, ça ne veut pas dire que le corps va mieux fonctionner, au contraire. Nicolas Bordenave, professeur auxiliaire à l'École des sciences de la nutrition de l'Université d'Ottawa Un autre danger se cache derrière la qualité des produits. « De faux produits sont vendus sur des sites comme Amazon », s'inquiète Mélanie Olivier. Des métaux lourds sont souvent détectés dans des suppléments, ajoute-t-elle. Au Canada, la qualité des produits naturels est uniquement basée sur les déclarations des fabricants. En 2021, un rapport du vérificateur général du Canada a constaté que, pour 88 % de leurs échantillons de produits de santé naturels, leurs publicités contenaient des renseignements trompeurs. Avant de se ruer vers le nouveau supplément à la mode, les experts recommandent la prudence. « On peut aller chercher les conseils d'un médecin, d'un pharmacien, d'un nutritionniste », indique Ève Crépeau. « Avec tous les messages qu'on voit sur les réseaux, c'est mélangeant, et si ça fonctionne pour quelqu'un, ça ne veut pas dire que ça va fonctionner pour nous », avertit-elle. Lisez notre dossier sur les protéines
La Presse
10 hours ago
- La Presse
Quoi penser de la géolocalisation en couple ?
La géolocalisation entre partenaires est une pratique plus répandue qu'on pourrait le croire : les couples sont nombreux à n'y voir que des avantages, notamment d'un point de vue de logistique et d'organisation familiale. Mais les dérives sont possibles, signalent les experts. « J'ai commencé à géolocaliser mon conjoint dès que j'ai su que ça se pouvait ! » En couple depuis 20 ans et mère d'une adolescente, Nathalie Cardin est une adepte de la géolocalisation : elle le fait avec son conjoint, avec sa fille et avec ses parents. Dans son couple, cela lui permet de planifier l'horaire, de prévoir le souper, par exemple. Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos « Mon chum travaille sur la route, il est souvent en déplacement, confie la femme qui habite la Rive-Sud de Montréal. Il n'est pas toujours disponible pour prendre mes appels. Alors je regarde où il est au lieu de le texter et d'attendre sa réponse. C'est plus efficace ! » La planification des repas est aussi le premier argument de Marie-Claude Vachon, de la région de Québec. « S'il me manque de la farine, je peux voir s'il peut arrêter, si c'est sur son chemin, et je peux aussi calculer combien de temps ça va lui prendre pour arriver. C'est pratique. Et puis… on n'a rien à se cacher ! » Transparence à tout prix Ne rien avoir à se cacher… La remarque est intéressante, puisqu'elle laisse entendre que la géolocalisation est « normale », voire banale. Pour la professeure de sociologie Chiara Piazzesi, les couples d'aujourd'hui vivent avec une injonction de transparence. Les jardins secrets sont de moins en moins acceptables. En effet, on peut se demander comment on fait pour s'opposer à une demande de géolocalisation, comme si ça voulait dire automatiquement que l'autre a quelque chose à cacher… Chiara Piazzesi, professeure de sociologie à l'UQAM Chiara Piazzesi rappelle qu'il existe un « cadrage normatif propre à notre époque » dans un couple. De nos jours, un couple doit être « capable de parler de tout, d'être authentique, transparent, d'avoir une communication ouverte », et ce, en tout temps, explique-t-elle. La géolocalisation dans le couple s'inscrit dans ce paradigme. « Est-ce que je vais devoir m'expliquer et rendre des comptes parce que j'arrête prendre un café avant de rentrer à la maison ? », se demande l'experte. Une intrusion ? Cette idée fait grimacer Victor Henriquez. Pour ce père de famille, la géolocalisation dans le couple est une hérésie. « Je n'ai pas besoin de micropucer ma blonde », lance-t-il. En couple depuis 13 ans, il décèle dans cette pratique un manque de confiance et un besoin de contrôle, qu'il s'explique mal. Pour moi, ça rentre dans un cercle d'intrusion. Et puis, ça s'arrête où ? Victor Henriquez Jannyck Latulippe est en couple depuis 10 ans. Elle ne croit pas à la géolocalisation, qu'elle qualifie de « fausse bonne idée ». « Il y a tellement de façons de se joindre maintenant, dit-elle. Je ne comprends pas pourquoi les gens se géolocalisent… Je trouve que ça part d'une anxiété, d'une jalousie ou d'un besoin de contrôle. Pourquoi vous ne vous parlez pas à la place ? » Selon Simon Lapierre, professeur à l'École de travail social de l'Université d'Ottawa, la géolocalisation peut être un outil fort utile pour un partenaire contrôlant ou violent qui souhaite « surveiller » l'autre partenaire. « S'il n'y a pas d'enjeu de contrôle ou de contexte de violence dans le couple, et que les deux personnes sont consentantes, je ne vois pas la géolocalisation comme un problème, dit-il. Mais il faut savoir que les dérives sont possibles. Il peut y avoir des effets pervers. » Nourrir l'insécurité Chez une personne anxieuse ou qui a des tendances contrôlantes, par exemple, cela vient nourrir son besoin, sans régler le problème de fond. « Ça s'inscrit dans quelle dynamique de couple ? Est-ce que la géolocalisation est une béquille ? Quels sont les traumatismes, le parcours et le passé des deux personnes ? », demande Kanica Saphan, fondatrice du Sofa Sexologique. La spécialiste en sexologie Kanica Saphan ne rejette pas l'idée que ce soit purement un « facilitateur technologique », une aide à l'organisation, mais elle souligne qu'il faut s'entendre sur le besoin à combler et s'assurer d'être d'accord. « On a tous des prédispositions à se sentir en sécurité ou inquiet. Si une personne ressent le besoin de géolocaliser l'autre pour être rassurée, parce que l'autre ne réussit pas à le faire verbalement, c'est un problème… On peut être devant un enjeu de santé mentale où le diagnostic sert d'excuse. » Simon Lapierre est aussi d'avis que la géolocalisation dans un jeune couple soulève des questions. « Dans un jeune couple, en début de relation, où on apprend les valeurs de la confiance, de l'égalité et ce qui est sain ou malsain, pourquoi ressentir ce besoin de savoir où est l'autre ? », note-t-il, ajoutant qu'il se demande quel message est intégré par les jeunes qui se font géolocaliser par leurs parents ou voient leurs parents adopter cette pratique.
