De freluquet à métronome des All Blacks, Cameron Roigard a fait son trou en Nouvelle-Zélande
« Coach, si je vois une brèche, j'ai le droit d'y aller ? » Cameron Roigard a fait du chemin et pris de l'assurance en six ans. En 2019, il venait de finir son lycée et débarquait à l'académie de Counties Manukau. « Jusque-là, Cam avait joué dans des équipes au jeu très structuré, ce qui avait un peu inhibé sa confiance, raconte Reon Graham qui fut son coach et mentor. Les premiers temps, il m'interrogeait souvent sur le plan de jeu, ce qu'il devait faire dans telle zone du terrain. Je lui disais : "On a une structure, mais il y a de la liberté à l'intérieur. Alors fonce ! Play what you see !" (Joue les espaces) »
Graham a vu débarquer ce freluquet qui venait de terminer ses études de lycéen à la St Peter's School de Cambridge, près de Hamilton. Si peu costaud qu'il n'a pas suscité grand enthousiasme dans les centres de formation de la région de Waikato. Il a trouvé refuge aux Steelers (sidérurgistes), surnom de l'équipe de Counties Manukau en référence à l'industrie locale qui emploie beaucoup d'ouvriers métallo dans cette banlieue sud d'Auckland. En grande partie des Polynésiens, à l'image de l'effectif des Counties, équipe mythique dans le narratif des « Brown Brothers » : Uini Atonio, le pilier de l'équipe de France, y a joué. Tout comme le centre irlandais Bundee Aki ou encore les anciens troisième-ligne de Clermont et de Castres, Fritz Lee et Ma'ama Vaipulu.
C'est dans cet environnement qu'a débarqué Roigard, fils de fermiers pakehas, comme on appelle les descendants d'Européens. « Il n'avait jamais peur au contact mais s'est blessé à plusieurs reprises en tentant de plaquer ces gros gabarits », poursuit Graham. Quand on a évoqué cette époque avec le demi de mêlée des All Blacks, il s'est marré : « Les collisions étaient intenses, mais j'ai aussi compris qu'il y avait des espaces pour moi. Le jeu était souvent plus lent, ce qui me permettait de mettre du rythme et de la vitesse pour faire la différence. »
Créatif, tourné vers les autres et décisif
Six ans plus tard, le voilà devenu grand ordonnateur du tempo dans le jeu néo-zélandais. Face à la France, samedi dernier à Dunedin (victoire 31-27), il a fait peser un danger permanent. Dès la 15e minute, par une des percées dont il a l'intuition, il a fendu la défense des Bleus pour décaler Jordie Barrett. Un premier essai refusé par le TMO, mais quelques minutes plus tard, Roigard était encore impliqué dans l'essai de Tupou Vaa'i (27e). Et il a remis ça au retour des vestiaires avec un nouveau démarrage « façon T Max » envoyant Will Jordan aplatir (46e).
Ce samedi, Roigard jouera pour la première fois à domicile au Sky Stadium avec le maillot noir sur le dos. Lors de la saison de Super Rugby qui vient de s'achever, il a fini en tête au nombre des passes décisives (12). Et à 24 ans (11 sélections), il pose sa marque sur le jeu des Blacks, tantôt altruiste ou alors étincelant.
Le 16 novembre à Saint-Denis, lors d'un match intense face au quinze de France (30-29), Roigard s'était distingué en inscrivant un essai au terme d'une action qu'il s'était lui-même créée (27e). Au sortir d'un ruck très disputé, il avait chipé un ballon des bras de Grégory Alldritt, sous les yeux d'Antoine Dupont, pour une course éclair de dix mètres dont il a le secret et appuyer le momentum néo-zélandais (3-12). Une action qui résume sa combativité, sa fulgurance athlétique et mentale lors de ses prises de décision.
Enfance à la ferme, passion pilotage et Antoine Dupont comme modèle
Porteur d'un nom originaire du Danemark - « On a du sang écossais aussi, je crois que ma grand-mère maternelle est née là-bas » - Roigard a grandi dans une bourgade rurale proche de Hamilton. « Mes parents tenaient une ferme laitière, une petite exploitation d'une centaine de vaches avec mes grands-parents qui vivaient un peu plus loin sur la route. C'était sympa de vivre dans cet environnement. » À la ferme, il jouait au rugby avec son frère Stefan, de deux ans son aîné. « Il était talonneur. Comme j'ai été surclassé, on était ensemble dans le quinze de l'école. Aujourd'hui, il est ingénieur en mécanique, moi j'ai tout laissé tomber pour le rugby. »
Avec leur père Dave, les deux fistons avaient une autre passion : « On a fait de la course en Speedway (courses de moto sur une piste en terre ovale). Papa avait couru pendant une trentaine d'années. J'ai aussi couru en Mini Stocks, la version enfant des stock-cars avec des moteurs de 1 200 cm3. » Cam a dû renoncer à piloter à 20 ans. « Quand j'ai obtenu mon premier contrat en Super Rugby avec les Hurricanes (en 2021), j'ai dû faire un choix. Le rugby demande des sacrifices. J'espère bien reprendre après ma carrière. Tu y développes ton instinct car ça va si vite que tu n'as pas le temps de réfléchir. Et puis au volant, tout ne dépend que de toi. »
En course, il dit admirer le pilote Scott Dixon, champion d'IndyCar. En rugby, il cite Antoine Dupont : « J'admire sa vision et son courage, sur le terrain comme en dehors. Il en fallait pour aller disputer les Jeux Olympiques à 7. Il apporte beaucoup de passion à notre sport. Quand les All Blacks jouent face à lui, on passe une grande partie de la semaine à analyser ses placements derrière la mêlée, ses coups de pied croisés. Il crée des opportunités pour lui autant que pour les autres. Cette attention qu'on lui porte sur le terrain nous rend moins disponibles ailleurs. En France, vous formez des numéros 9 incroyables. Dupont n'est pas là, mais Nolann Le Garrec a un super panel de compétences. J'ai vu ses matches du Six Nations quand Dupont était blessé, il a pris le relais et a pu créer des opportunités pour ses coéquipiers et pour lui-même. On ne sous-estime personne, surtout pas les Français. »
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