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«La guerre des 12 jours, une autre victoire pour les mollahs ?»

«La guerre des 12 jours, une autre victoire pour les mollahs ?»

Le Figaro09-07-2025
FIGAROVOX/TRIBUNE - Si l'Iran est sorti de la guerre de 12 jours contre l'État hébreu avec des pertes considérables, le régime chiite iranien n'a jamais été autant glorifié, aimé et soutenu par les populations musulmanes, analyse Razika Adnani, philosophe et islamologue.
Razika Adnani est philosophe et islamologue. Son dernier ouvrage Sortir de l'islamisme (éditions Erick bonnier, 2024).
À découvrir PODCAST - Écoutez le club Le Club Le Figaro Idées avec Eugénie Bastié
Beaucoup d'analystes géopolitiques ont affirmé que le régime chiite iranien était sorti affaibli de la dernière guerre, dite la guerre des 12 jours, qui l'avait opposé à Israël et aux États-Unis. En effet, l'Iran en est sorti avec des pertes considérables. Sur le plan de la politique internationale, cette guerre a révélé un Iran isolé, étant donné que ni la Russie, ni la Chine, ni les pays musulmans sunnites ne lui ont manifesté leur soutien. Sur le plan militaire, elle a montré un Iran incapable de protéger sa population en situation de guerre et qui a encaissé beaucoup de pertes. Cependant, si on analyse la situation selon l'idéologie du chiisme, l'histoire de l'islam politique, la doctrine politico-religieuse de Khomeiny et du point de vue du monde musulman, on arrive plutôt à une autre conclusion.
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L'Iran est le pays qui compte aujourd'hui le plus de chiites dans le monde et dont le pouvoir est aux mains d'un clergé chiite. Le chiisme est une version de l'islam qui est née à Médine, aujourd'hui en Arabie saoudite, en 632, le jour même de la mort du prophète d'un différend politique entre Ali, son gendre et son cousin, et les autres compagnons du prophète. Ali a revendiqué son droit légitime de succéder au prophète comme guide politique et spirituel des musulmans, que les autres compagnons du prophète ne lui ont pas reconnu. Ils ont alors désigné Abou Baker comme calife, ensuite Omar, ensuite Othman et enfin Ali. Non seulement Ali est arrivé en quatrième position, mais son pouvoir lui a été également contesté par le gouverneur de Damas Muawiya et une guerre civile qui a duré cinq ans les a opposés. Elle a fini par la victoire du dernier qui fonda la dynastie des Umayyades. Ali a été assassiné en 661 par ses anciens partisans et, en 680, son fils al-Hossein a été massacré par les Umayyades lors de la bataille de Karbala. Des événements politiques que les chiites n'ont jamais oubliés. Le chiisme, qui était une doctrine politique, est alors devenu une théologie et une idéologie constituant un islam à part entière et surtout en opposition à l'islam sunnite qui était celui de l'État.
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Dans toute leur histoire, les chiites ont été animés par le désir de venger Ali et son fils al-Hossein, de reprendre le commandement politico-religieux du monde musulmans usurpé par les sunnites et de récupérer les deux villes saintes de l'islam : La Mecque et Médine. Ils ont réalisé des avancées importantes dans certaines étapes de l'histoire musulmane dont le Califat fatimide qu'ils ont créé au Xe siècle (909 -1171). Le problème, c'est qu'ils ont toujours été minoritaires dans le monde musulman et les villes saintes ont continué d'être dans les mains des sunnites, leurs ennemis ancestraux, faisant que leur désir de vengeance n'a jamais été réellement assouvi.
Le chiisme s'est implanté en Iran et est devenu la religion officielle du pays en 1501 où la population majoritairement sunnite a été forcée de se convertir au chiisme. Les dignitaires religieux chiites se veulent toujours des descendants du prophète, ce qui leur donne un statut social et politique spécifique, mais aussi une légitimité pour porter l'idéologie et le combat du chiisme, le vrai islam selon eux, contre le sunnisme, le mauvais islam. En 1979, la branche la plus conservatrice et fanatique, guidée par Khomeiny (1902-1989), arrive à prendre le pouvoir en Iran. L'événement était grandiose pour tous les musulmans conservateurs et notamment les militants islamistes, c'est-à-dire ceux qui refusent toute séparation entre le politique et le religieux en islam. Pour les Mollahs iraniens, c'était une étape historique vers la réalisation de leur objectif final : unifier les musulmans pour constituer un seul peuple musulman indivisible sous l'autorité de l'Imam et donc du chiisme, comme l'affirme Khomeiny dans Le petit livre vert de l'Ayatollah Khomeiny.
Même les populations du Moyen-Orient qui ont craint l'embrasement de la région et ont voulu que la guerre s'arrête ont exprimé de l'admiration pour le régime iranien et les Mollahs
Ainsi, si Khomeiny évoque la guerre sainte contre l'Occident, dont fait partie Israël selon lui, qu'il présente comme le monde du mal, de l'impérialisme et de l'injustice, en finir avec l'Occident et Israël n'est pas la finalité de son idéologie qui est d'unifier tous les musulmans sous l'autorité de l'Imam, mais un des moyens vers sa réalisation. Pour les Mollahs, le conflit israélo-palestinien est ce que l'histoire leur a offert pour réaliser cette finalité. Afficher une hostilité à Israël et ses alliés les États-Unis, ce que la majorité des pays musulmans sunnites ne font plus, est le moyen le plus efficace pour influencer les populations musulmanes sunnites et les avoir dans leur camp ou même les voir se convertir au chiisme.
Ils n'ont pas eu tout à fait tort. Le régime chiite iranien n'a jamais été autant glorifié, aimé et soutenu par les populations musulmanes - sunnites et chiites confondus - que cette fois-ci. Pour la plus grande partie, les Mollahs sont des héros. Ils sont les seuls à avoir tenu tête à Israël depuis la guerre du Kippour de 1973, à lui infliger des dégâts sur son propre territoire et à ne pas se faire petit devant l'arrogance des États-Unis. Même les populations du Moyen-Orient qui ont craint l'embrasement de la région et ont voulu que la guerre s'arrête ont exprimé de l'admiration pour le régime iranien et les Mollahs. Très rares sont les populations qui en Syrie, au Liban et en Irak ont rejeté les Mollahs en rappelant leur entrisme et les malheurs qu'ils ont causés à leur pays.
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Le régime iranien et par conséquent les Mollahs ne sortent pas affaiblis de cette dernière guerre qui les a opposés à Israël et aux États-Unis même si elle leur a démontré que l'idée du gouvernement islamique universel dont parle Khomeyni semblait plus compliquée à réaliser. Cependant, elle leur a permis d'avoir une image positive auprès d'une grande partie des populations musulmanes chiite et sunnite compris, ce qui est pour eux une victoire de plus dans leur marche vers la réalisation de la finalité de leur doctrine : gouverner spirituellement et politiquement le monde musulman.
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FIGAROVOX/TRIBUNE - Conciliante avec les droits de douane américains et opposée à la reconnaissance d'un État palestinien, la première ministre italienne se positionne cet été à rebours de ses partenaires européens, analyse le président du club Italie-France, Edoardo Secchi. Edoardo Secchi est entrepreneur et président fondateur du Club Italie-France. À découvrir PODCAST - Écoutez le club Le Club Le Figaro Idées avec Eugénie Bastié La guerre commerciale relancée par Donald Trump contre l'Europe fait la une des médias italiens. Face à cette situation, Giorgia Meloni affiche un ton rassurant, affirmant croire en la possibilité d'une solution viable aux côtés des partenaires européens. Si la cheffe du gouvernement italien n'a pas hésité à qualifier la position de Washington d'« absolument erronée », soulignant que des droits de douane aussi élevés risquent de nuire aussi bien à l'Europe qu'aux États-Unis, compte tenu de l'interdépendance des économies occidentales, elle a toutefois relativisé l'impact de l'accord trouvé. Pour Meloni, ce n'est « pas une catastrophe ». Publicité Et pourtant, les chiffres inquiètent. Les États-Unis représentent environ 70 milliards d'euros d'exportations italiennes, soit 10 % du commerce extérieur du pays. Le patronat tire la sonnette d'alarme : les nouveaux droits de douane, compris entre 10 et 15 %, combinés à la dévaluation du dollar, pourraient alourdir les coûts pour les entreprises italiennes de près de 23 %. Une telle hausse pourrait entraîner une perte potentielle de 20 milliards d'euros et menacer plus de 100.000 emplois. Mais Giorgia Meloni reste prudente dans ses réactions, consciente que la politique commerciale est une compétence exclusive de l'Union européenne – et non des États membres pris individuellement. L'Italie ne peut pas négocier bilatéralement avec les États-Unis sur les droits de douane. Une confrontation directe n'aurait donc pas d'effets concrets, si ce n'est celui de créer des tensions politiques qui risqueraient de fragiliser un canal politique qu'elle considère aujourd'hui comme vital, y compris pour son image internationale. Bien que très active sur le plan diplomatique international, Meloni vise à consolider le rôle de l'Italie comme « pont » entre l'Europe et les États-Unis, quitte à subir des accusations d'isolement ou de subordination Sur la question du Moyen-Orient, Meloni a choisi de ne pas suivre la France, le Royaume-Uni et d'autres pays dans la reconnaissance immédiate de l'État palestinien, estimant qu'un tel acte serait contre-productif en l'absence d'un véritable État reconnu par les parties. La première ministre réaffirme que la reconnaissance devra intervenir uniquement dans le cadre d'un processus négocié impliquant aussi Israël, bloquant ainsi toute accélération unilatérale. Cette position, beaucoup plus proche de celle des États-Unis et d'Israël, a été critiquée comme un signe de sujétion politique vis-à-vis de Washington et de Tel-Aviv, et a alimenté un isolement diplomatique croissant, notamment dans le contexte européen où la majorité des gouvernements pousse pour une solution plus nette et symboliquement significative en faveur de la Palestine. Giorgia Meloni évite les gestes symboliques susceptibles d'être perçus comme idéologiques. À cela s'ajoute la crainte de déstabiliser les relations en Méditerranée. L'Italie a des intérêts directs dans la stabilité de la Méditerranée orientale (gaz, routes commerciales, migrations). Une position tranchée sur la Palestine pourrait compliquer les relations avec l'Égypte, l'Arabie saoudite et d'autres pays arabes avec lesquels Rome développe des coopérations stratégiques. Enfin, il faut compter que l'Union européenne n'a pas de ligne claire. Certains États (comme la France, l'Espagne, l'Irlande, l'Allemagne et la Norvège) ont déjà procédé à la reconnaissance, d'autres non. S'exposer maintenant reviendrait à prendre parti dans un conflit diplomatique interne, alors que Meloni préfère adopter une posture de médiatrice. À lire aussi « Rencontre à Rome, proximité au G7... vers une relance du dialogue franco-italien ? » Publicité Bien que très active sur le plan diplomatique international, Meloni vise à consolider le rôle de l'Italie comme « pont » entre l'Europe et les États-Unis, quitte à subir des accusations d'isolement ou de subordination. Pour son gouvernement, le maintien des objectifs comme la réduction de la dépendance énergétique, l'utilisation des fonds du PNRR (plan national de relance et de résilience) pour des investissements publics dans les infrastructures et la cohésion territoriale, le contrôle de l'immigration, la stabilité budgétaire et viabilité des finances publiques restent prioritaires.

« Prendre le contrôle de Gaza » : quels sont les cinq principes votés par Israël pour « conclure la guerre » ?
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« Prendre le contrôle de Gaza » : quels sont les cinq principes votés par Israël pour « conclure la guerre » ?

Le plan qu'il avait échafaudé a été accepté. Dans la nuit de jeudi à vendredi, le cabinet de sécurité israélien a approuvé la volonté de Benyamin Netanyahou de « prendre le contrôle » de Gaza afin de « vaincre le Hamas ». Plus tôt jeudi, le Premier ministre israélien avait fait savoir auprès de la chaîne conservatrice américaine Fox News que l'État hébreu avait « l'intention » de conquérir toute l'enclave mais « pas (de) la gouverner » ou de la « garder ». Il ne s'agit là que d'un des cinq « principes pour conclure la guerre » que contient le plan. Désarmer le Hamas Cette demande est l'une des priorités d'Israël depuis que le mouvement islamiste palestinien a mené une attaque meurtrière d'ampleur inédite sur l'État hébreu, le 7 octobre 2023. Une grande majorité de la communauté internationale s'accorde d'ailleurs à dire qu'il faut désarmer le Hamas. VidéoGaza : Benjamin Netanyahu annonce « prendre le contrôle de tout le territoire » de Gaza Fin juillet, le Premier ministre palestinien, Mohammad Mustafa, a lui-même réclamé devant l'ONU que le mouvement islamiste « rende les armes ». Le retour de tous les otages C'est, là aussi, un préalable à toute nouvelle négociation de cessez-le-feu. Et, officiellement, l'une des raisons évoquées par Benyamin Netanyahou pour déclencher la guerre sur la bande de Gaza au lendemain de l'attaque du 7-Octobre. Après 22 mois d'un conflit dévastateur, 49 otages sont toujours détenus dans l'enclave palestinienne, dont 27 sont présumés morts. Leurs proches et, plus largement, l'opinion israélienne s'inquiètent de leur sort et craignent que ce nouveau plan ne leur coûte la vie. VidéoNetanyahou accuse le Hamas de laisser mourir de faim les otages « comme le faisaient les nazis » Ce vendredi, le Forum des familles a d'ailleurs estimé que le plan voté dans la nuit signifiait « l'abandon » des Israéliens encore détenus. « Le seul moyen de ramener nos otages, c'est avec un accord global », estiment-ils, pas avec « une nouvelle guerre vaine ». Démilitariser toute l'enclave En février dernier, alors qu'un cessez-le-feu avait pu être conclu à Gaza, Israël réclamait déjà une « démilitarisation totale » de l'enclave, condition nécessaire pour espérer qu'une trêve puisse conduire à la fin définitive de la guerre. Conquérir la ville de Gaza et la contrôler la sécurité du territoire L'armée israélienne affirme qu'elle contrôle 75 % de l'enclave palestinienne, mais selon l'ONU, elle occupe déjà 87 % du territoire. Pour l'heure, quelques poches se maintiennent, et ce sont les endroits les plus peuplés : les villes de Khan Younès et de Gaza, les camps de réfugiés de Deir-el-Balah, dans le centre du territoire. Le plan approuvé dans la nuit de jeudi à vendredi prévoit, dans un premier temps, de « conquérir la ville de Gaza, dont les habitants seront évacués dans les deux prochains mois en direction des camps de réfugiés situés dans le centre de la bande de Gaza et d'autres endroits. Ensuite, les troupes encercleront la ville et opéreront à l'intérieur », a dévoilé la radio publique Kan. Établir une administration civile avec des forces arabes Le Premier ministre israélien souhaite que la bande de Gaza soit dirigée par une administration civile, mais il refuse que le Hamas ou l'Autorité palestinienne en ait la charge. « Nous voulons passer le relais à des forces arabes qui gouverneront correctement sans nous menacer et en offrant une vie agréable aux habitants de Gaza. Cela n'est pas possible avec le Hamas », a-t-il justifié. Depuis longtemps déjà, Benyamin Netanyahou a fait part de son refus de voir l'enclave palestinienne gouvernée par le mouvement politique contrôlé par Mahmoud Abbas, officiellement en charge de la Cisjordanie. C'est pourtant cette option que soutient une partie de la communauté internationale, dont Emmanuel Macron, qui a annoncé la reconnaissance de la Palestine par la France en septembre.

Gaza : l'ONU demande à Israël de « stopper immédiatement » son plan visant à prendre le contrôle de l'enclave
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Gaza : l'ONU demande à Israël de « stopper immédiatement » son plan visant à prendre le contrôle de l'enclave

Le plan du gouvernement israélien « visant à une prise de contrôle militaire complète de la bande de Gaza occupée doit être immédiatement stoppé », a déclaré vendredi le Haut-Commissaire aux droits de l'homme Volker Türk dans un communiqué. Ce plan, adopté dans la nuit de jeudi à vendredi par le cabinet de sécurité israélien, « va à l'encontre de la décision de la Cour internationale de justice selon laquelle Israël doit mettre fin à son occupation dès que possible, de la réalisation de la solution à deux États convenue et du droit des Palestiniens à l'autodétermination », accuse Volker Türk. « Davantage de massacres » Pour le Premier ministre britannique, c'est aussi une erreur. Keir Starmer a vivement critiqué le plan d'Israël pour « vaincre » le Hamas à Gaza et a exhorté le gouvernement de Benyamin Netanyahou à le « reconsidérer immédiatement ».

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