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Ces 6 explorateurs de l'Antiquité qui ont dessiné la carte du globe

Ces 6 explorateurs de l'Antiquité qui ont dessiné la carte du globe

24 Heures3 days ago
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À l'occasion de l'exposition «Tours du Monde» à Prangins, focus sur ces antiques pionniers du voyage ayant repoussé les horizons. Publié aujourd'hui à 10h35
On pense souvent à Marco Polo (ici dessiné dans un atlas catalan de 1375 avec sa caravane de chameaux) lorsqu'on évoque les tout premiers voyageurs intercontinentaux. Mais dès l'Antiquité, des explorateurs ont jeté des ponts entre les différentes régions du monde.
IMAGO/GRANGER Historical Picture Archive
En bref:
Si l'on sait depuis l'Antiquité grecque au moins que la Terre est une sphère, il a fallu des siècles et des siècles pour que l'humanité ait une vision d'ensemble, cohérente et réaliste, du contour des continents. De leurs proportions aussi. Au fil des millénaires, des dizaines de voyageurs affamés d'horizons inconnus ont ainsi, comme on complète un puzzle bien plus grand que soi, apporté chacun leur bout de connaissances pour dessiner la carte du monde telle que nous la voyons aujourd'hui sur les planisphères ou les globes.
Au Château de Prangins, l'exposition «Tours du monde. De Jules Verne aux premiers globetrotters» , à découvrir jusqu'au 26 octobre 2025, présente ainsi ces femmes et ces hommes pionniers de l'aventure, ces bourlingueurs qui, dès le XIXe siècle, ont fait de l'immensité de notre planète leur proche banlieue en allant y poser le pied pour la raconter, la peindre, la décrire méthodiquement.
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Mais bien avant que le Philéas Fogg de Jules Verne refile le virus de la circumnavigation à toute une génération de rêveurs et de savants, avant même Marco Polo, Ibn Battuta, Magellan, Colomb ou Cook, des voyageurs pour la plupart beaucoup moins connus ont malgré tout contribué à l'élaboration des cartes dès l'Antiquité. Des scientifiques souvent, des militaires parfois, des inconscients presque toujours, qui sont allés titiller le bord du monde connu – plutôt restreint, à l'époque. Panorama de six de ces premiers explorateurs de l'histoire ayant donné une forme aux contrées de notre planète. Henou, un Égyptien aux portes de l'océan Indien
Le noble Henou est représenté dans un bas-relief figurant sur les parois de sa tombe, à Deir el-Bahari, en Égypte.
imago/Artokoloro
Vers 2000 avant notre ère, le pharaon Mentouhotep III, de la onzième dynastie, cherche à savoir quelles régions s'étendent au sud de l'Égypte , d'où proviennent des denrées précieuses. Il charge alors un noble nommé Henou d'aller découvrir ces contrées encore inconnues. Celui-ci, accompagné de pas moins de 3000 hommes, remonte alors le Nil, traverse le désert pour rejoindre la côte puis descend la mer Rouge.
L'expédition exploratoire – l'une des toutes premières documentées dans l'histoire de l'humanité – atteint alors le mythique Pays de Pount, une zone qui correspondrait grosso modo aujourd'hui au golfe d'Aden et comprendrait l'est du Soudan , l'Éthiopie, Djibouti et le nord de la Somalie. Impressionné par les paysages verdoyants, le voyageur appelle cette ultime destination «Le Grand Vert».
Selon les abondantes inscriptions rupestres qui narrent le voyage d'Henou, notamment retrouvées dans sa tombe de la nécropole thébaine, la mission aurait permis de rapporter de nombreux produits, des aromates jusqu'à des blocs de pierre pour les édifices prestigieux. «Je construisis les navires et les chargeai de toutes sortes de choses, et leur offris une grande offrande de bétail, de bœufs et de gazelles, peut-on lire parmi les inscriptions faisant état de l'expédition. À mon retour du Grand Vert, j'exécutai ce que Sa Majesté avait ordonné: je lui rapportai tout ce que je trouvai sur les rivages de la Terre de Dieu.» La route commerciale qu'Henou venait d'ouvrir permit ainsi au royaume égyptien de retrouver une certaine prospérité. Hannon le Navigateur, un Carthaginois chez les gorilles
Hannon le Carthaginois, venant de s'échouer, dans une œuvre de 1882.
Album / Prisma
Au VIe siècle avant notre ère, Carthage (près de l'actuel Tunis) rayonne déjà sur la Méditerranée. Et la civilisation punique entend bien étendre sa domination au-delà des horizons connus. Vers le sud de l'Afrique notamment. Selon un texte miraculeusement parvenu jusqu'à nous, «Le périple d'Hannon», un navigateur du même nom serait parti avec une flotte d'une soixantaine de navires pour explorer les côtes occidentales africaines et y fonder des comptoirs, quelque part entre le VIe et le Ve siècle av. J.-C.
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Franchissant les Colonnes d'Hercule, aujourd'hui le détroit de Gibraltar, la mission aurait foncé vers le sud, longeant les côtes marocaines , abordant les Canaries, voire le Cap-Vert, avant d'explorer le fleuve Sénégal. À en croire les descriptions – des forêts tropicales denses, une chaleur étouffante, des montagnes – Hannon aurait même pu pousser l'expédition dans le golfe de Guinée, allant en dessous de l'équateur pour sillonner les rives du Cameroun et du Gabon. C'est là que les voyageurs auraient rencontré ce que le texte qualifie de «Gorilles», des êtres velus semblables aux humains. «Le périple d'Hannon» narre-t-il la première rencontre avec ces grands primates ou utilise-t-il une image pour décrire les populations inconnues de ces régions?
Quoi qu'il en soit, l'œuvre évoque des contacts avec des habitants dont personne, sur les navires, ne connaissait la langue, semblant confirmer le fait qu'Hannon et ses équipiers ont bien dépassé la côte sénégalaise. Pourtant, quelques historiens mettent en doute la véracité des événements décrits par le texte, voyant là un mélange entre voyage réel au sud du Maroc et récit mythique inspiré par «L'Odyssée» d'Homère. Hannon, pionnier des grands explorateurs ou héros légendaire concurrençant Ulysse? L'énigme risque de durer… Pythéas, un Marseillais sur la banquise
Pythéas s'émerveillant devant les premières glaces annonçant la banquise, imaginé par Richard Cortambert dans «Nouvelle histoire des voyages et des grandes découvertes» de 1880.
imago images/KHARBINE-TAPABOR
Qu'y a-t-il tout au nord de l'Europe? Des gens habitent-ils ces contrées mystérieuses? Au IVe siècle avant notre ère, un scientifique grec se pose sérieusement la question. Au point de vouloir s'y rendre personnellement pour vérifier tout ça. Ce curieux de nature qui va marquer l'Antiquité par ses découvertes, c'est Pythéas . À la fois astronome, philosophe et mathématicien, il est l'un des personnages historiques les plus célèbres de Massalia, l'antique Marseille.
Décidé à explorer les régions «hyperboréennes» comme on les nomme à l'époque, il prend le large, entre -360 et -300 – l'année précise de son début de périple demeure inconnue – depuis la cité phocéenne. Les conditions de son voyage sont toujours aussi mystérieuses. Alexandre le Grand aurait pu lui confier une flotte pour aller rechercher des gisements de matières précieuses, comme l'étain. Problème: aucune source ne le qualifie vraiment de navigateur.
Selon d'autres auteurs, il serait parti en tant que simple passager de bateaux de commerce, embarquant au fil des ports pour remonter vers le nord, dans une démarche de scientifique pur, avec un œil d'ethnologue et d'astronome. La rotondité de la Terre est déjà connue, les latitudes aussi, et les savants imaginent que les nuits estivales doivent logiquement être quasi inexistantes vers le pôle. Dans son ouvrage «De l'océan», dont le texte, malheureusement perdu, est cependant cité par fragments par une dizaine d'auteurs de l'Antiquité parmi lesquels Strabon et Pline l'Ancien, il nous apprend ainsi être passé par le sud de la Bretagne française, puis par la Cornouaille anglaise, avant de mettre le cap vers ce qui serait les Orcades en Écosse.
La suite de son voyage est plus difficile à tracer: il dit avoir atteint l'île de Thulé, une région où il observe le fameux soleil de minuit ainsi qu'un mystérieux «poumon marin» sur l'océan, qui ne serait autre que le début de la banquise. Pour nombre de chercheurs, Pythéas aurait donc dépassé le cercle arctique, accostant à un endroit qui serait l'Islande ou la Norvège. Grâce à ses explorations, le Marseillais a donné un contour aux régions nordiques sur les cartes de l'époque et fut le premier à comprendre l'influence de la lune sur les marées. Néarque, un Crétois met l'Inde à portée de bateau
Vue d'artiste du navigateur Néarque dans une gravure du XIX e siècle.
Album / LANMAS
Crétois de naissance mais installé en Macédoine, ami de jeunesse d'Alexandre le Grand, Néarque fait partie des compagnons de route les plus proches du monarque lors de sa vaste campagne en Asie, qui commence vers 334 avant notre ère. Alors que l'expédition a permis de fonder de nombreuses nouvelles villes en Perse et bien au-delà au fil des ans, le célèbre conquérant demande à Néarque d'aller explorer les côtes de l'océan Indien afin de mieux connaître ces régions et, peut-être, permettre de développer une route maritime exploitable entre l'Inde et la Mésopotamie pour transporter perles, encens et autres écailles de tortues.
En 325, tout juste devenu navarque – c'est-à-dire capitaine de vaisseau de guerre dans la Grèce antique –, le fidèle compagnon quitte l'embouchure de l'Indus, près de l'actuel Karachi au Pakistan , à la tête d'une flotte de 120 navires solidement construits et 10 000 hommes. Un plongeon dans l'inconnu pour ces voyageurs, qui n'ont aucune idée de la géographie qu'ils traversent et des populations qu'ils peuvent rencontrer. Longeant le rivage tout en demeurant à une certaine distance pour éviter les attaques de tribus locales, l'expédition explore la mer d'Arabie sur 1300 km, puis pénètre dans le golfe Persique, qu'elle remonte ensuite jusqu'à l'embouchure de l'Euphrate.
De retour à Suse en 324 après une épopée de six mois qui a vu les équipages souffrir de soif et de faim, Néarque et son assistant rédacteur écrivent un ouvrage décrivant le périple. Un livre qui s'avérera fondamental pour dessiner de nouveaux contours à l'Asie et que nombre d'auteurs antiques – dont Arrien – utiliseront pour décrire l'Inde. Comme Alexandre le Grand et plusieurs de ses proches officiers, le navigateur épousa une membre de la noblesse persane en 324, une année avant la mort précoce du roi à Babylone. Hérodote, un Grec chez les nomades de la steppe
Gravure de l'auteur Hérodote, grand voyageur antique.
imago images/KHARBINE-TAPABOR
C'est sans aucun doute le carnet de voyage le plus ancien de l'histoire, et aussi le plus fascinant de toute l'Antiquité. «L'enquête», rédigée vers 445 avant notre ère par Hérodote, est un savant mélange entre récit d'exploration, étude ethnographique, précis géographique, analyse politique et synthèse des connaissances de l'époque sur les régions méditerranéennes et ses marges.
Une somme nourrie par d'innombrables lectures, mais surtout plusieurs longs voyages lors desquels il va couvrir presque tous les secteurs connus par la civilisation grecque. C'est après son exil de la ville qui l'a vu naître, Halicarnasse, en Anatolie, qu'il va parcourir la Méditerranée , découvrant l'Égypte, la Libye, la Syrie, poussant jusqu'en Grèce, s'aventurant en Perse et sur le territoire des redoutables nomades Scythes, vers l'Ukraine et la Géorgie actuelles. Un parcours inouï de diversité pour l'époque.
Si quelques historiens ont remis en doute la véracité de ses pérégrinations, on estime aujourd'hui qu'Hérodote s'est effectivement rendu dans nombre de ces zones. Il a même fait montre d'un regard étonnant de modernité, inventant l'approche anthropologique tout en sachant abreuver le lecteur d'anecdotes savoureuses et de rebondissements dans le texte pour ne jamais devenir ennuyeux. Grâce à lui, le monde a pris forme aux yeux de ses contemporains et de toute l'Antiquité. Eudoxe de Cyzique, un Grec autour de l'Afrique
Stèle funéraire retrouvée à Cyzique, la ville natale du navigateur Eudoxe.
Wikipedia Commons
Faire le tour de l'Afrique en bateau? La question taraude de nombreux explorateurs durant l'Antiquité. Alors que certains pensent que le fleuve Sénégal et le Nil se rejoignent, laissant imaginer un continent d'une taille raisonnable, d'autres craignent que l'Afrique puisse être bien plus immense que prévu. Au deuxième siècle avant notre ère, un voyageur grec natif d'Anatolie, l'actuelle Turquie, va bientôt être confronté à cette interrogation.
Après une première expédition vers l'Inde depuis la mer Rouge entre 118 et 116, cherchant à ouvrir une route sûre vers cette région riche en épices et en gemmes, Eudoxe de Cyzique repart vers les contrées indiennes, décidé à mieux comprendre comment naviguer dans ces zones régies par l'indomptable phénomène des moussons, qui désespère même les marins les plus expérimentés. À son retour, comme il le craignait, l'explorateur perd le contrôle du cap et se retrouve poussé par les vents vers le sud-ouest, au point d'accoster vers la Corne de l'Afrique .
C'est là qu'il découvre les restes d'un bateau au style étrange. Le rapportant avec lui en Méditerranée, il comprend vite que ce vestige n'est autre que celui d'un navire punique, qui serait venu jusqu'ici en contournant le continent depuis l'actuel Maroc. Son obsession devient alors de tenter ce même trajet, jamais réussi de mémoire d'homme. Il effectue un premier voyage depuis l'Anatolie, rejoignant l'actuelle Cadix, avant de partir au sud. Ses descriptions permettent de supposer qu'il serait allé jusqu'aux côtes du Congo, voire de l'Angola, décidant ensuite de faire demi-tour par manque de provisions.
À Cadix, il organise un nouveau périple, choisit des bateaux plus récents, amasse les denrées puis se lance pour la seconde fois le long des rivages ouest-africains. Plus personne n'entendit jamais parler de lui. Il fallut attendre les navigateurs portugais de la fin du Moyen ge pour que le voyage soit tenté à nouveau. Avec succès cette fois.
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Nicolas Poinsot est journaliste à la rubrique culture et société. Auparavant, cet historien de l'art de formation a écrit pendant plus de dix ans pour le magazine Femina et les cahiers sciences et culture du Matin Dimanche. Plus d'infos
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On pense généralement que les personnes qui se suicident souffrent forcément de dépression. Mes recherches montrent que c'est effectivement le cas pour environ la moitié d'entre elles. Mais il existe différents profils: certaines personnes sont atteintes d'une maladie incurable ou endurent des souffrances intenses. D'autres sont victimes de délires et d'hallucinations qui motivent leur geste. Il y a enfin une dernière catégorie: celle de personnes en colère contre leur entourage, qui cherchent à se venger. Dans ce cas, l'objectif est de laisser le partenaire avec des traumatismes psychologiques durables. C'est dans cette catégorie que s'inscrit le suicide de mon mari. Avec votre formation en psychologie, avez-vous pensé qu'il aurait pu être très dangereux de quitter votre partenaire – y compris pour vous? Je ne m'attendais pas à ça. Je pensais qu'il me bousculerait, qu'il essaierait de m'intimider. Aujourd'hui, je vois les choses autrement. S'il avait eu une arme à feu, il aurait très probablement commis un suicide élargi: il m'aurait d'abord tuée avant de se donner la mort. Malheureusement, ce scénario n'est pas rare. Vous avez grandi dans un environnement très religieux. Comment ce contexte a-t-il joué un rôle? On m'a enseigné que le sacrifice de soi était une vertu. Cette croyance m'a poussée à tolérer l'intolérable. Quand quelqu'un se montrait en colère ou contrarié, j'endossais automatiquement la responsabilité. Il m'a fallu comprendre que j'avais le droit de poser des limites et que je méritais de vivre ma propre existence. Comment s'est déroulé le processus d'écriture sur ces traumatismes? Y a-t-il eu des moments où vous avez hésité à être aussi ouverte? Il y a encore une dizaine d'années, au moment de ce suicide, j'avais honte d'avoir épousé quelqu'un comme lui. Je pensais que j'y étais pour quelque chose. 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En tant que thérapeute, traitez-vous maintenant des personnes qui ont vécu des expériences similaires? Mon expérience me donne un accès privilégié aux personnes ayant subi des violences – souvent des femmes, mais aussi des hommes. Car la violence peut toucher les deux sexes. J'ai développé une solide intuition pour identifier les relations qui peuvent encore être sauvées ou améliorées et celles où la seule solution est la rupture. À quel moment la rupture devient-elle l'unique solution? Bien sûr, tout le monde peut avoir une mauvaise journée, mais quand ces épisodes se répètent selon un schéma récurrent, il faut creuser davantage. Parfois, certaines difficultés échappent aux possibilités de la thérapie. Pourtant, les thérapeutes croient souvent pouvoir aider n'importe qui, que tout peut se réparer. C'est loin d'être le cas. Il existe de nombreuses situations, de nombreuses personnes qui ne changeront pas. Nous n'avons pas le pouvoir de les transformer. Vous avez évoqué les différences entre les sexes. Existe-t-il une forme de violence à laquelle les femmes recourent plus volontiers? Chez les femmes, on observe d'autres types de personnalité plus fréquents. Les hommes qui deviennent agresseurs présentent souvent des traits antisociaux et narcissiques, avec des comportements psychopathiques et manipulateurs. Bien sûr, certaines femmes développent aussi ce type de personnalité, mais c'est moins courant dans ma pratique. Quel type de personnalité est-il plus répandu chez les femmes? Chez les femmes, on observe plutôt le trouble de la personnalité borderline, caractérisé par une forte instabilité émotionnelle. Il est rare de voir une femme tenter de contrôler et de manipuler un homme par la force. Je n'ai observé cela que dans des cas isolés. Le suicide par vengeance, tel que vous le décrivez, précède souvent ce qu'on appelle le suicide élargi: l'homme tue sa partenaire ou toute sa famille avant de mettre fin à ses jours. Quels sont les signaux d'alarme? Les crises de colère constituent toujours un signal d'alarme, qu'elles s'accompagnent ou non de violence. La colère n'est pas une émotion malsaine en soi. Ce qui importe, c'est la façon dont chacun l'exprime. Les personnes qui le font de manière très agressive ou abusive présentent un système nerveux mal régulé. Quels sont les autres signaux d'alerte? Comportement de contrôle. Quand l'homme veut décider de la façon dont une personne s'habille, des films qu'elle regarde, de ce qu'elle mange. Ou qu'il la culpabilise de passer du temps avec sa famille ou ses amis. Ou encore qu'il lui reproche de mal vivre sa journée. Cela inclut évidemment toute forme de menace, le fait de bousculer ou de retenir une personne qui veut quitter la pièce. Mon mari l'a souvent fait. Dans le domaine de la sexualité, c'est quand il veut la contraindre à des actes sexuels qu'elle refuse. Même quand elle l'exprime clairement et qu'il ne respecte pas ce refus. Quand les hommes veulent reproduire ce qu'ils ont vu dans des films pornographiques? Exactement. Certains prétendent que c'est inoffensif ou purement imaginaire. Mais je constate beaucoup d'abus dans la pratique, et cela commence presque toujours par la pornographie consommée par l'homme avec qui elles sont en couple. Je pense que ce sont autant d'éléments auxquels je ferais attention. C'était également au cœur du procès de Sean Diddy Combs . La défense a soutenu que les femmes agissaient par amour ou par intérêt financier. Si les femmes l'admettent parfois, elles précisent aussi qu'elles ont souvent dit non, sans que cela soit respecté. J'ai travaillé dans un centre de crise contre le viol en Californie. J'y ai vu des femmes victimes de viols collectifs, parfois orchestrés par leur propre partenaire. Ces derniers les droguaient et invitaient d'autres hommes à participer. Des histoires terribles. Pourquoi de nombreuses femmes ont-elles tant de mal à reconnaître ces signes et à y réagir? L'idée que l'amour fait mal est largement répandue. Quand on grandit dans une famille aimante, mais où l'on a parfois subi des maltraitances, on finit par accepter intérieurement – peut-être sans jamais y réfléchir consciemment – que l'amour peut faire souffrir. Les proches se mettent en colère, commettent des actes terribles, puis se sentent mieux, s'excusent, et tout semble rentrer dans l'ordre. Pourtant, l'amour ne devrait jamais faire mal. Comment se défaire de ces schémas profondément enracinés? Les recherches neurobiologiques ont beaucoup exploré les mécanismes de l'attachement. Pour de nombreuses personnes, l'amour ou l'attachement profond ressemble à une dépendance. Cela éclaire peut-être le cas Diddy: Cassie Ventura, la femme qu'il a maltraitée, entretenait avec lui un lien très intense, qu'elle décrivait à l'époque comme un lien amoureux. Il flattait son ego, lui disait qu'elle était la plus belle femme du monde, qu'il ne pouvait pas vivre sans elle. Ce type de discours est très séduisant et provoque, au niveau biologique, la libération d'opioïdes endogènes, soit des analgésiques naturellement produits par l'organisme. Les personnes prises dans une relation toxique ne s'en aperçoivent pas toujours. Comment leur entourage peut-il les aider? C'est très délicat. En effet, si la femme reste encore très attachée à la relation, cela peut avoir un effet contre-productif: elle risque de défendre son partenaire et de lui trouver des excuses. Comment peut-on exercer une influence? De manière générale, tout commence par l'éducation. Il faut apprendre aux filles qu'elles ne doivent jamais tolérer le manque de respect. Personne ne mérite d'être poussé ou frappé. Il faut arrêter de romancer les relations amoureuses violentes et insister plutôt sur l'importance du respect et des limites. Est-ce que ce serait aussi une tâche pour l'école? Dès le lycée au plus tard, il faudrait aborder la violence conjugale et les abus domestiques. Par exemple en expliquant les schémas typiques: la phase de réconciliation qui suit un incident, quand l'homme redevient charmant et attentionné, souvent très repentant. Les femmes se disent alors souvent: «Cela ne se reproduira certainement pas.» Jusqu'à ce que cela recommence. Shavaun Scott: «Nightbird – a Memoir», Pierian Springs Press, avril 2025. Traduit de l'allemand par Olivia Beuchat. Davantage sur les relations toxiques Newsletter «Santé & Bien-être» Conseils, actualités et récits autour de la santé, de la nutrition, de la psychologie, de la forme et du bien-être. Autres newsletters Michèle Binswanger écrit sur les gens, leurs histoires et fait des recherches approfondies. Elle a été élue journaliste de société de l'année en 2016, 2017 et 2018. Aujourd'hui, elle dirige avec Philippe Zweifel la rubrique Culture-Savoirs-Service de la Sonntagszeitung. Plus d'infos @mbinswanger Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

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