
«Nous avons été choisis comme lieu d'expérimentation» : et si le futur du pinot noir s'écrivait en Argentine ?
Dans la province de Mendoza, la Mecque du vin argentin dans l'ouest du pays, les Catena ont planté les cépages les plus emblématiques (dont le roi malbec) depuis plus d'un siècle. Parmi les multiples projets de cette famille incontournable de la viticulture argentine, le domaine Nico et ses neuf hectares sont entièrement dédiés au pinot noir. Ce cépage, qui couvre seulement 2000 hectares dans le pays (1 % du vignoble argentin), fait l'objet d'un intérêt croissant parmi les consommateurs. Un succès qui s'inscrit dans une dynamique internationale, comme en témoigne la présence de la cuvée «Grand-Mère» parmi les vingt meilleurs pinots noirs du monde, sélectionnés par la revue Forbes fin 2024. Dirigé par Laura Catena, également à la tête de Catena Zapata et de Bodega Luca, le domaine Nico affiche avec fierté ses noms en français. Ce projet du bout du monde incarne le potentiel de ce raisin, emblématique de la lointaine Bourgogne. Les climats de la région française, déclarés patrimoine mondial de l'Unesco il y a dix ans, ne sont pas épargnés par le changement climatique.
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Une raison qui a poussé l'Université de Dijon à scruter le potentiel du pinot planté au pied de la Cordillère des Andes. L'institution s'est associée au Catena Institute, le pôle de recherches de la famille argentine, pour étudier l'évolution du cépage face au changement climatique. Rencontre avec Laura Catena, quatrième génération de vignerons dans la famille, médecin et biologiste, diplômée de Harvard et Stanford, qui partage sa vie entre les urgences d'un hôpital de San Francisco (États-Unis) et les rangées de pinot de Tupungato, à Mendoza.
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LE FIGARO. - Pourriez-vous nous raconter comment est né ce projet de pinot d'altitude (entre 1200 et 1500 m) à Mendoza ?
Laura CATENA. - L'histoire a commencé par un voyage en Bourgogne. C'était en 1989. Mon père (Nicolás Catena, NDLR) a prétendu avoir besoin de moi comme traductrice, pour l'aider à étudier la concurrence sur le terrain. L'objectif de notre famille a toujours été de faire des vins aussi bons que les vins français. Au-delà de mes compétences en langue française, mon père cherchait à me convaincre de me lancer dans le vin, alors que je m'apprêtais à commencer mes études de médecine. Au retour en Argentine, nous avons initié cette expérience de viticulture de précision, encadrée par les recherches du Catena Institute, que j'ai que fondé en 1995. La première récolte de Domaine Nico date de 2016, nous l'avons faite sur des vignes plantées 25 ans plus tôt.
Quelle était votre relation avec le vin à l'époque de ce voyage initiatique ?
À Mendoza, où j'ai grandi, le vin était un élément de notre vie quotidienne. Un peu comme le pain qu'on met sur la table de tous les repas. Quand nous arrivons en France, nous visitons les châteaux et je me souviens d'avoir été complètement envoûtée par un blanc de Bordeaux, un assemblage de sauvignon blanc et de sémillon, de Château Bonnet. Ensuite, en Bourgogne, le chardonnay et le pinot noir ont complètement révolutionné nos palais. C'est là que mon père décide de ramener des clones bourguignons.
Nous avons des températures basses, comme en Bourgogne, mais aussi des conditions de sécheresse. Laura Catena
Dans quelle mesure cette initiative a-t-elle été innovante pour l'Argentine des années 1990 ?
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Jusqu'alors, il n'y avait pas de clones de pinot noir de haute qualité. Nous avons mis du temps à comprendre ce cépage, qui peut s'avérer très productif quand il est jeune, y compris sur des sols pauvres comme dans la région de Mendoza. C'est un peu l'adolescent turbulent par excellence. Dès le départ, nous avons compris une chose : l'impératif d'agir vite. En Argentine, nous ne disposons pas du temps des moines cisterciens, qui ont avancé par tâtonnements pendant des centaines d'années ! À notre époque, le contexte de changement climatique nous oblige à réagir encore plus vite. Pour arriver à un résultat satisfaisant dans les meilleurs délais, nous avons choisi de miser sur la recherche. Nous en savions beaucoup sur le malbec mais nous ignorions tout de l'adaptation du pinot à nos terroirs.
En décembre dernier, la revue Forbes a désigné l'une de vos cuvées (Grand-Mère) parmi les vingt meilleurs pinots noirs au monde. L'Argentine, terre de malbec, commence à se faire une réputation avec ses pinots…
À la différence du malbec, le pinot ne donne pas d'excellents résultats partout à Mendoza. Il a fallu tester plusieurs terroirs. En Patagonie, Piero Incisa della Rocchetta, avec son domaine Chacra, avait déjà fait parler du pinot noir argentin. À Mendoza, nos vignes ont trente ans désormais et vont pouvoir donner de très bons résultats.
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Depuis 2018, Domaine Nico participe aux recherches de l'Université de Dijon, coordonnées par l'expert en climatologie Benjamin Blois. En quoi consiste ce projet de recherche ?
Nous avons été choisis comme le lieu d'expérimentation des Amériques pour le pinot et le chardonnay. Notre œnologue Roy Urvieta est en contact permanent avec les Bourguignons. Sur notre domaine, nous arrivons à analyser trois climats distincts sur des parcelles proches les unes des autres. Nous avons des températures basses, comme en Bourgogne, mais aussi des conditions de sécheresse. En altitude, la plante reçoit de la lumière et du froid et nous remarquons que le terroir conditionne davantage le raisin que la récolte. Avec ces recherches, l'objectif est de prédire le futur de ces cépages, en comparant les résultats obtenus selon la température et les récoltes.
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