
«La faillite silencieuse de notre Éducation nationale : pourquoi plus personne ne veut entrer dans l'arène»
Valérie Rialland est conseillère départementale (Les Républicains) du Var et présidente de la commission Collège et éducation.
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Un sursaut ? Non. À l'heure où des milliers de postes enseignants restent vacants après les résultats aux concours de recrutement, le gouvernement s'en remet à des expédients de plus en plus grossiers pour masquer une vérité crue : la France ne fait plus rêver ses futurs professeurs. Le métier s'est dégradé à tous les niveaux : reconnaissance, autorité, sécurité. Et le pacte enseignant, censé enrayer cette hémorragie, a échoué. Spectaculairement.
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En mathématiques, 26 % des postes sont restés vacants. En lettres classiques, c'est un tiers des postes qui n'a pas trouvé preneur. En physique-chimie ou en allemand, les taux de vacance sont également élevés. Les concours du CAPET (technologique) et du CAPLP (professionnel) atteignent plus de 15 % de déperdition. 2 610 postes d'enseignants sont restés non pourvus à la rentrée 2025, selon les résultats des concours de recrutement du ministère de l'Éducation nationale.
Dans le premier degré, la situation est particulièrement inquiétante dans certaines académies : 475 postes restent vacants à Versailles, 382 à Créteil, et 85 % des postes ouverts en Guyane (165) n'ont pas trouvé preneur. Or ces académies couvrent des territoires jeunes, à forte croissance démographique. L'équation est donc impossible à résoudre sur le terrain. Dans le second degré, qui comprend les disciplines enseignées au collège et au lycée, les résultats sont tout aussi alarmants : 33 % des postes n'ont pas trouvé preneur en lettres classiques, 26 % en mathématiques et en physique-chimie, 23 % en allemand. Dans l'enseignement professionnel et technique, 15% des postes au CAPLP et 13% au CAPET restent vacants. Ce n'est pas seulement une crise conjoncturelle, mais une désaffection profonde et durable.
Une première explication tient au fait que les enseignants sont très mal rémunérés. En France, un enseignant débute avec un salaire annuel environ 20 à 40 % inférieur à celui de son homologue allemand, selon les données OCDE et Eurostat 2023. En outre, le salaire des enseignants du secondaire n'augmente que de 17 % entre le début de carrière et 15 ans d'ancienneté, contre 43 % aux Pays-Bas et 57 % en Pologne. Dans ces conditions, qui choisirait encore ce métier ?
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Et que dire du pacte enseignant, lancé en 2023, censé réconcilier le terrain et l'institution ? Adopté par à peine un quart des enseignants, il a été perçu comme une tentative d'imposer une surcharge de travail sous couvert de primes à la mission. Il n'a rien réglé. Il a accentué les tensions, les inégalités et la confusion. Ce n'est pas avec des primes conditionnelles ou le recrutement précaire d'enseignants inexpérimentés que l'on restaurera la dignité de l'école. Ce n'est pas en substituant l'affichage à l'ambition que l'on refera naître des vocations. Ce n'est pas avec des réformes improvisées et incessantes que l'on réconciliera les enseignants avec leur mission.
Et puis, l'école, lieu de savoirs, est devenue un champ de tensions permanentes. L'autorité du professeur est sans cesse remise en cause. Le moindre mot, la moindre sanction peut faire l'objet d'une contestation, d'une convocation, voire d'un recours juridique. Les enseignants, dans certains établissements, pratiquent l'autocensure : ils n'osent plus évaluer trop sévèrement, plus s'aventurer sur certains contenus, plus contester le comportement d'un élève par peur de la réaction parentale. Ce n'est pas anecdotique. C'est un changement de paradigme. La déresponsabilisation parentale, la judiciarisation outrancière de la relation famille-école, la multiplication des dispositifs de contournement de l'autorégulation scolaire rendent l'exercice du métier infernal. Le climat d'insécurité pénalise les bons élèves, isole les professeurs et désagrège l'esprit même de l'éducation publique.
Il faut cesser de penser que la solution passe uniquement par un plus grand nombre de professeurs. Ce qu'il faut avant tout, ce sont moins d'élèves par classe et une orientation plus adaptée
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Prenons Amelle, 18 ans, élève de terminale : je n'ai pas réussi à lui faire comprendre qu'il fallait s'entraîner à faire des exercices pour progresser. Sa mère m'a accusée de malveillance, alors qu'Amelle venait en cours sans rien sur la table et refusait de participer, quittant parfois la classe en plein milieu de la séance. La mère, que j'ai eue au téléphone, a soutenu sa fille mordicus. J'ai fini par lâcher. Elle est restée le reste de l'année sans travail, sans suivi, sans vérification. La solution : il faut un cap. Une colonne vertébrale. Revaloriser les carrières, bien sûr, mais aussi les symboles. Défendre les professeurs, les protéger, les former, les accompagner. Refaire du concours un moment d'excellence et non un artifice comptable. Redonner aux équipes éducatives une vraie autorité. Mettre fin aux injonctions contradictoires entre inclusivité absolue et exigence scolaire. Assumer et accompagner le redoublement ou le changement d'orientation, l'exigence disciplinaire et l'autorité structurante.
Pour compléter, il faut cesser de penser que la solution passe uniquement par un plus grand nombre de professeurs. Ce qu'il faut avant tout, ce sont moins d'élèves par classe et une orientation plus adaptée. Aujourd'hui, les classes sont surchargées d'élèves qui n'ont ni le niveau, ni l'envie d'être là, et qui, pour beaucoup, souffrent de se voir enfermés dans un système qui ne leur correspond pas. Cette souffrance silencieuse produit de l'agitation, du décrochage, voire de la violence. Elle empêche les apprentissages, démotive les enseignants et détériore le climat scolaire.
Nous devons revaloriser les filières en tension, les formations courtes et qualifiantes, les parcours concrets et utiles, qui offrent une insertion professionnelle rapide et valorisante
Il devient indispensable d'instaurer une politique ambitieuse de soutien à l'enseignement technologique et professionnel, aujourd'hui marginalisé, alors qu'il permet à de nombreux jeunes de réussir là où la voie générale les condamne à l'échec. Il faut multiplier les passerelles, proposer des orientations cohérentes et choisies, cesser d'envoyer les élèves par défaut dans des filières inadaptées. C'est ainsi que l'on fera respirer les classes, mais aussi les enseignants, épuisés par l'hétérogénéité extrême des profils et des motivations.
Il est également temps de remettre en cause le passage automatique vers le lycée général et l'enseignement supérieur. Trop d'élèves y perdent leur temps, et celui de leurs enseignants, sans parler de l'argent public, pour finir dans des métiers qui n'exigent aucune formation longue. Nous devons revaloriser les filières en tension, les formations courtes et qualifiantes, les parcours concrets et utiles, qui offrent une insertion professionnelle rapide et valorisante. Car non, tout le monde n'a pas vocation à devenir cadre. Mais chacun a droit à un avenir digne.
Cessons de faire peser sur l'école les renoncements de toute une société. Elle ne peut pas à la fois transmettre le savoir, faire la paix sociale, compenser les inégalités et pallier les défaillances parentales, institutionnelles ou politiques. L'école doit être forte. Pour cela, la France doit cesser de la traiter comme un chantier secondaire. Il est encore temps d'agir. Mais il faut avoir le courage de le dire : il faudra choisir. Entre complaisance et exigence. Entre le déclassement assumé et la reconquête de l'excellence.
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Et aujourd'hui, les professeurs attendent bien plus qu'un pacte. Ils attendent une nation qui assume ce qu'elle doit à son école.
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