
Les performances de Pogacar et les inévitables questions
Jacques KLOPP
Agence France-Presse
Pourquoi Pogacar est-il soupçonné en particulier ?
D'abord et surtout à cause de sa supériorité. Au départ de la 17e étape mercredi, le champion du monde possédait 4 : 15 d'avance sur son rival Jonas Vingegaard. Le troisième du général pointe à plus de neuf minutes, le dixième à plus de vingt. Des écarts vertigineux. Et Pogacar ne laisse paraître aucune difficulté, répond aux attaques assis sur sa selle et ne semble connaître aucun coup de mou. Après avoir pulvérisé l'an dernier le record d'ascension du Plateau de Beille établi par Marco Pantani au plus fort des années EPO, il a battu celui d'Iban Mayo au Mont Ventoux mardi (Jonas Vingegaard et Primoz Roglic aussi). Sa domination s'étend à celle de son équipe UAE qui met régulièrement le peloton au supplice. Certains observateurs pointent aussi la présence dans le management d'UAE de personnes comme Mauro Gianetti, ex-responsable de la défunte équipe Saunier-Duval, dans le viseur des autorités antidopage à la fin de la décennie 2000.
Que répond Pogacar ?
Depuis sa première victoire dans le Tour de France 2020, le Slovène a répondu à de nombreuses reprises sur la question du dopage pour assurer à chaque fois qu'il fallait lui faire « confiance ». Le champion du monde s'était épanché longuement à la veille du dernier Tour de Lombardie en octobre, jugeant qu'il serait « stupide de mettre sa santé en jeu pour dix ans de carrière ». Se doper « c'est foutre sa vie en l'air. Je ne veux pas prendre le risque de tomber malade un jour », a-t-il insisté, estimant que le cyclisme actuel était « victime de son passé ». « Il n'y a pas de confiance et je ne sais pas ce qu'on peut faire pour la rétablir », avait-il conclu, fataliste.
Comment se passent les contrôles ?
Environ 600 échantillons de sang et d'urine sont collectés sur le Tour de France cette année et 350 autres hors compétition pendant le mois précédant l'épreuve par l'ITA (International testing agency), une agence indépendante à laquelle l'Union cycliste internationale (UCI) délègue les activités opérationnelles. Après chaque étape, le vainqueur et le maillot jaune sont systématiquement contrôlés. Une sélection des échantillons est conservée pendant dix ans. L'UCI contrôle aussi les vélos pour détecter une éventuelle fraude technologique. L'utilisation parfois controversée des cétones reste autorisée et est largement répandue dans le peloton, mais l'UCI a interdit l'inhalation de monoxyde de carbone en début d'année. L'instance insiste que l'instauration en 2008 du passeport biologique constitue une grande avancée, alors que les détracteurs rappellent que d'anciens dopés n'avaient jamais été attrapés dans le passé.
Y a-t-il eu des cas de dopage sur le Tour de France ces dernières années ?
Le dernier cas prouvé remonte à 2022 lorsque le Colombien Nairo Quintana, sixième à Paris, avait été disqualifié après coup, à la découverte dans son sang de traces de tramadol, un antidouleur interdit par le règlement médical. Sur ce Tour 2025, l'équipe Ineos, anciennement nommée Sky qui avait raflé sept maillots jaunes sur huit possibles entre 2012 et 2019, a été secouée par les révélations de l'Irish Independant, un quotidien irlandais, affirmant qu'un soigneur slovène continuait à exercer dans l'équipe britannique alors qu'il avait échangé en 2012 avec un médecin impliqué dans le scandale de dopage « Aderlass ».
Comment réagit le peloton ?
R : Le peloton semble partagé entre ceux qui mettent en doute, de manière anonyme, les performances de Pogacar (ou Vingegaard en 2023), mais sans être en mesure de fournir de preuve, et ceux qui estiment que le Slovène est juste un athlète hors norme comme il y en a un tous les trente ans. Les sceptiques s'interrogent sur la possible circulation de microdoses d'EPO, voire sur l'existence de dopage génétique. D'autres comparent Pogacar au perchiste Mondo Duplantis qui, comme Usain Bolt à l'époque, écrase un autre sport (l'athlétisme) sensible en matière de dopage sans pour autant qu'on l'associe au dopage. Le fait que Pogacar ait été très bon très jeune et qu'il domine toute l'année est parfois également interprété comme un signal rassurant.
Que valent les comparaisons avec les performances des dopés ?
Que Pogacar batte les records d'anciens dopés comme Marco Pantani, Bjarne Riis ou Lance Armstrong interpelle forcément. Mais, avertissent les coureurs eux-mêmes, il est très difficile de comparer les temps dans un col car il dépend de trop de facteurs extérieurs (place du col dans l'étape, météo, vent, déroulé de l'étape, etc.). Surtout, le cyclisme a énormément progressé depuis les années EPO, comme tous les sports, et comparé à la dernière finale de Roland-Garros Alcaraz-Sinner, le Noah-Wilander de 1983 ressemble à un tournoi de plage. Les vélos sont plus performants. Thierry Gouvenou, le directeur technique du Tour de France estime ainsi à 10 % le gain de vitesse obtenu ces dernières années uniquement grâce au matériel. La nutrition et l'entraînement ont aussi indiscutablement évolué, sachant toutefois que ces arguments avaient aussi été utilisés par des cyclistes dopés dans le passé.

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