
Au pays des barrages, au Grimsel, le rehaussement du barrage passe par un nouveau mur
Le nouveau barrage de Spitallamm au Grimsel, le 8 août 2025.
YVAIN GENEVAY
En bref:
«Nous, les Suisses, on est toujours un peu les pionniers», sourit Ralf Grand. Et celui qui a dirigé les travaux du nouveau barrage du Grimsel a de quoi être fier: à l'époque où on ne construit plus guère en Suisse de ces ouvrages impressionnants, le barrage de remplacement de Spitallamm fait partie de ces rares et spectaculaires projets.
Nous sommes dans l'Oberland bernois, à 1980 mètres d'altitude, à un jet de pierre du col du Grimsel fréquenté en cette chaude journée d'août par les cyclistes et les motards. Le nouveau mur du barrage de 113 mètres de haut et d'une longueur de couronne de 212 mètres a été monté juste devant l'ancien, au point le plus étroit de la vallée où se reflètent les eaux turquoise du lac.
L'ouvrage se dresse à la même hauteur que le vieux barrage construit dans les années 1930. À l'époque déjà, on innovait avec un barrage courbé, rappelle Ralf Grand. Et comme à l'époque, les travaux du nouveau mur ont été achevés en tout juste six ans. «Nous avons travaillé sept jours sur sept, entre mi-mai et fin octobre, avec une centaine d'ouvriers sur le chantier. Le jour, deux immenses grues servaient aux travaux de coffrage, la nuit, nous coulions le béton.»
Lors de la construction, le béton, pour mieux refroidir, a été versé dan des coffrages grimpants individuels.
KWO/DAVID BIRRI
Opération de minage pour l'excavation des fondations. ©David Birri
KWO/DAVID BIRRI
L'ouvrage titanesque, qui vient d'être inauguré en juin en présence du ministre de l'Énergie, Albert Rösti, n'est pas comme les autres barrages. Si tout se passe comme prévu, il sera surélevé de 23 mètres. Le lancement des travaux est encore ouvert. Cela permettra de presque doubler le volume de retenue d'eau, passant de 100 à 170 millions de m3, et de produire près de 90% d'électricité en plus, estime l'exploitant KWO (Kraftwerke Oberhasli). Endroit stratégique pour le rehaussement
Le Grimsel fait partie des quinze projets hydroélectriques destiner à ajouter 2,2 TWh à la production annuelle d'électricité, notamment pendant l'hiver, en augmentant la hauteur des barrages existants. Car le changement climatique, qui entraîne la fonte des glaciers, crée de nouveaux lacs à très haute altitude. Les lacs glaciaires pourraient alors servir de lacs de retenue pour la production d'énergie de pointe via le pompage-turbinage. Un projet indispensable pour Berne, mais qui suscite par endroits la crainte des écologistes.
Dans le cas du Grimsel , la plupart des oppositions d'organisations environnementales ont été levées et l'espoir de débuter avec la surélévation du mur devient de plus en plus concret. Car l'endroit est stratégique, note Ralf Grand. «Ces dernières années, les glaciers ont massivement fondu, avec un record l'année dernière en production d'énergie. Et la région est très exposée aux précipitations. En hiver, il peut neiger jusqu'à 4 mètres alors que nous ne sommes qu'à 1980 m. Et en été, il pleut ici plus que dans les autres régions. Nos études montrent que la quantité d'eau dans le lac restera à l'avenir à peu près la même, moins sous forme de glace, mais davantage sous forme de pluies plus fréquentes.»
Le nouveau mur du barrage de 113 mètres de haut et d'une longueur de couronne de 212 mètres a été monté juste devant l'ancien.
YVAIN GENEVAY
Qui dit rehaussement dit aussi aménagement aux alentours. La route qui monte au col en longeant le barrage devra être reconstruite, ainsi que le pont d'accès. L'ancien barrage sera ensuite noyé sous les eaux. Tout comme le fut, dans les années 1930, l'ancien hospice au fond du lac actuel, où dormaient les ouvriers du premier barrage et dont les ruines émergent lorsque l'eau baisse au printemps, tels des fantômes du passé. Un mur à double courbure
C'est au pied du nouveau barrage qu'on prend toute la mesure de la prouesse technique et architecturale. En levant les yeux, on constate que le haut du barrage nous recouvre. «Le nouveau mur est à double courbure, horizontale et verticale, explique le directeur des travaux. Nous avons eu besoin de beaucoup moins de béton. C'est la forme idéale pour pouvoir transmettre les forces de l'eau à la culée.»
C'est au pied du mur qu'on appréhende le mieux la double courbure de l'ouvrage.
YVAIN GENEVAY
La construction d'un nouveau barrage juste devant un barrage existant en service est une première. Le chantier était dès lors particulièrement scruté par l'Office fédéral de l'énergie. «Deux théodolites à gauche et à droite surveillaient le mur toutes les demi-heures en 40 points. Et si le déplacement avait été supérieur à un millimètre pendant cette demi-heure, l'alarme aurait été donnée. Mais ce n'est jamais arrivé.» Rempli, le barrage, comme tous les autres, subit la pression de l'eau, qui déplace le mur de quelques centimètres vers l'avant. Là encore, les mesures très précises permettent de surveiller constamment l'ouvrage. Roche comprimée par l'ancien glacier
Dans les entrailles du monstre, trois pendules sont suspendus, du haut du mur à sa base, à la manière de fils à plomb. Plus loin, les nouvelles vannes de fonds permettent de vider le barrage, un peu comme le bouchon d'une baignoire. La construction doit en outre supporter des conditions extrêmes, un séisme ou une inondation tels qu'il en arrive tous les dix mille ans ou encore des dommages à la vanne de fond.
Le directeur des travaux du Grimsel, Ralf Grand, dans les galeries du nouveau barrage, le 8 août 2025.
YVAIN GENEVAY
«Le risque de glissement de terrain est minime, explique Ralf Grand. Le glacier qui était là pendant la dernière période glaciaire faisait 1 kilomètre d'épaisseur. Il a comprimé la roche. Il n'y a donc pas de risque de fissures qui s'élargiraient avec la fonte du permafrost.» Il sourit: «Ce n'est pas un hasard si nos ancêtres ont construit ici.»
Du haut du col du Grimsel, nos regards se portent une dernière fois sur ce barrage flambant neuf, avec un sentiment de travail accompli. Sur les flancs du lac azur, les randonneurs partent à l'assaut de la montagne, qui paraît ici plus immuable que jamais. Balade en famille au Sidelhorn
La randonnée familiale part de l' hospice du Grimsel avec le téléphérique du Sidelhorn. Vous arrivez ainsi au pied du Sidelhorn. La balade de 5,6 km (comptez 2 h 30) débute par 300 mètres de dénivelé jusqu'à Husenegg. Le chemin de granit offre des vues à couper le souffle sur le lac du Grimsel. Au loin se dresse le Finsteraarhorn et ses 4274 m, point culminant du canton de Berne. La marche se poursuit en passant par le Triebtenseewli et en descendant via Bäregg jusqu'au refuge Oberaar. Contemplez le lac d'Oberaar, où l'Aar prend sa source dans le glacier. Après avoir repris des forces, vous reviendrez au point de départ avec le téléphérique de l'Oberaar.
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Virginie Lenk est journaliste à la rubrique internationale depuis 2019, spécialiste de l'environnement. Elle a travaillé auparavant à la RTS. Elle est depuis 2025 rédactrice en chef adjointe de 24Heures. Plus d'infos
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