Comment s'enthousiasmer sur le Tour si le Maillot Jaune lui-même donne l'impression de s'ennuyer ?
D'accord, la météo était bien maussade, la pluie tapait fort sur les toits métalliques de La Plagne, le froid saisissait ces corps maigres déjà asséchés par trois semaines d'efforts, mais quand même, on n'avait jamais vu un Maillot Jaune tirer une tronche pareille au soir de la dernière étape de montagne du Tour de France, à deux jours d'un sacre à Paris.
Engoncé par plusieurs couches de vêtements, Tadej Pogacar n'a pas traîné sur le podium où on lui remettait sa 52e tunique dorée, une de plus que Jacques Anquetil désormais, et son maillot blanc à pois rouges qu'il a quasi sécurisé jusqu'aux Champs-Élysées, à peine un sourire et il avait disparu.
On comprend que la fatigue se soit installée, qu'il soit usé mentalement, le cerveau limé par tout ce protocole auquel il doit se plier, mais il sait bien que cela fait partie de son boulot et d'autres sont passés par là avant lui.
Ses bouderies, ses grognements, sa mauvaise humeur de manière générale depuis plusieurs jours brouillent, parasitent l'ambiance de cette fin de Tour de France, car comment s'enthousiasmer si le Maillot Jaune lui-même donne l'impression de s'ennuyer, de vivre une expérience pénible, de bouder son plaisir alors qu'il a réalisé une course exceptionnelle, quatre victoires d'étape, une maîtrise totale ?
Et que doit alors penser cette armée de figurants qui l'a escorté dans son triomphe, justes bons à faire le nombre et à subir son rythme frénétique et sa toute-puissance ? Eux doivent compter encore plus que lui les kilomètres jusqu'à Paris.
Au-delà de la fatigue, le champion du monde exprime sa frustration et sa lassitude de devoir se soumettre à un format qu'il apprécie moins, qui l'oblige à courir contre-nature, avec le frein à main, en gestion, comme souvent depuis le départ de Lille. Le Tour de France le contraint, et c'est inhabituel pour lui, car dans son monde c'est l'inverse qui se produit.
Il diffuse le même mal-être que Mathieu Van der Poel avait exprimé à l'égard de la Grande Boucle, et cette similitude nous convainc encore davantage que le Néerlandais est son double, celui qui se rapproche le plus du glouton slovène, son alter ego, son frère d'armes, deux coureurs de classiques, avec la même philosophie, un dossard, une victoire, quand Jonas Vingegaard est le cousin un peu éloigné qu'on retrouve en vacances au mois de juillet et qu'on aime bien rosser.
C'est le niveau démentiel de Pogacar qui est au fondement de son ennui et de son coup de blues
Pogacar aime Van der Poel pour la magnitude du défi qu'il lui impose, sur les Monuments, mais aussi dans les étapes de puncheurs de début de Tour, parce qu'il sait qu'il peut lui faire mal, le pousser loin dans ses retranchements. Jonas Vingegaard a évolué dans de très hautes sphères sur ce Tour, notamment en troisième semaine, mais cela n'a pas suffi pour titiller ou même stimuler son rival, qui l'a juste écrasé et s'est ensuite embêté au fil de journées qui se ressemblaient trop pour lui.
Mais davantage que le Danois ou l'opposition dans son ensemble, c'est le niveau démentiel de Pogacar qui est au fondement de son ennui et de son coup de blues, le gars trop doué qui trouve le temps long en classe.
S'il a fallu courir à l'économie certains jours, on ne comprend en revanche pas pourquoi le Maillot Jaune ne s'est pas offert un petit plaisir vendredi sur les pentes de La Plagne, mettre une cacahuète le dernier jour de montagne et on ne va pas nous raconter qu'il avait peur de se faire contrer.
Tout était en place pour qu'il se soigne avec une nouvelle victoire, le groupe des favoris, bien aminci, avait repris Primoz Roglic au pied de la dernière ascension, Thymen Arensman avait eu le cran d'attaquer les gros bras à 14 km du sommet mais il restait à la pogne de Pogacar, à quelques dizaines de secondes devant.
Le leader des UAE avait été chercher le Néerlandais d'Ineos une première fois, avec Vingegaard dans sa roue, il avait ensuite accéléré une première fois pour voir, à 7 km du but, mais Vingegaard, Oscar Onley et Florian Lipowitz s'agrippaient à sa roue.
« Mais qu'est-ce que je viens de faire ? » : Thymen Arensman, un grand face aux géants après sa deuxième victoire sur le Tour de France
Ses compagnons le laissèrent assurer seul la poursuite derrière Arensman, c'est de bonne guerre, mais c'est là que le Maillot Jaune décida de tout bazarder, à l'exception de tout faire pour priver son ennemi intime d'une victoire et le meilleur moyen pour cela était de laisser l'homme à l'avant voler vers sa deuxième victoire d'étape dans ce Tour après Superbagnères.
Vingegaard n'a pas fait grand-chose pour être en position de l'emporter
Jonas Vingegaard avait bien en tête de jouer la gagne en haut de La Plagne, histoire de ne pas rentrer bredouille, de se consoler un peu, mais, même si on ne sous-estime pas la difficulté à déposer Pogacar, il n'a pas fait grand-chose pour au moins être en position de l'emporter, d'avoir une petite chance de lever les bras.
Pas un relais pour ramener Arensman et tout jouer sur un sprint, pas une attaque d'un peu plus loin pour essayer de déposer ses adversaires, le Danois a dû se contenter des miettes, une deuxième place à l'arrivée ainsi que la première fois de la Grande Boucle qu'il devançait Pogacar sur la ligne d'une étape de montagne et qu'il lui reprenait du temps de toute l'épreuve, à savoir deux secondes de bonifications.
Podcast : Pogacar en a-t-il marre ?
Bien dérisoire. Florian Lipowitz, lui, n'a pas hésité à s'employer pour remplir son objectif et alors qu'Oscar Onley s'était rapproché de lui jeudi au col de la Loze, l'Allemand a sans doute mis un coup de chausson définitif aux ambitions de l'Écossais de monter sur le podium à Paris. Onley a battu de l'aile à un peu plus de 2 km de l'arrivée et Lipowitz avait encore les ressources pour accélérer, l'éliminer et le reléguer à 1'03'' au général.
Le troisième homme n'aura pas besoin de payer un coup ce week-end à Primoz Roglic, tant il ne lui a servi à rien vendredi. Le Slovène a attaqué dès le col du Pré, il s'est entêté à l'avant alors que son aventure n'avait aucune chance d'aboutir, puis il a totalement explosé (27e à 12'39''), sans jamais aider son équipier qui se battait pour un podium final dans le Tour de France, dans une nouvelle démonstration de son grand sens collectif. Kévin Vauquelin a lui connu une sale journée, en difficulté dans le terrible col du Pré, puis lâché dans la descente tellement il était carbonisé.
Le Français a laissé 6'18'' à l'arrivée, les Alpes et la troisième semaine ont été très rudes pour lui, mais s'il a été doublé par Tobias Johannessen au général, il a mis Roglic dans ses rétroviseurs et donc cadenassé une 7e place à Paris, ce qui est assez remarquable puisqu'il jouait placé pour la première fois dans le Tour.
Ce samedi, les favoris vont rester à la niche, mais tous les autres tenter de s'inviter à la fête vers Pontarlier, 3 000 m de dénivelé positif sur un parcours cabossé où la bagarre s'annonce féroce. Et où le Maillot Jaune, débarrassé de la pression, retrouvera peut-être le sourire.
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