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Nos écoles avancent à reculons dans un monde en accélération

Nos écoles avancent à reculons dans un monde en accélération

La Presse10-07-2025
« Ce sont les élèves les plus à risque, les milieux les moins favorisés, qui seront les plus durement touchés [par les coupes] », prévient l'auteur.
Nos écoles avancent à reculons dans un monde en accélération
Pour l'auteur, notre système d'éducation public est un pilier de notre identité collective qu'il ne faut pas tenir pour acquis
Shawn Young
Directeur de la plateforme chez HMH et ex-enseignant de physique
Le Québec est à un moment charnière. Alors que le gouvernement impose des compressions de plus de 570 millions de dollars dans le réseau scolaire public, il ne s'agit pas simplement d'un débat budgétaire. Il s'agit d'un choix de société.
Depuis 20 ans, je travaille en éducation, comme enseignant, chercheur, entrepreneur, expert ou cadre, autant ici qu'aux États-Unis et à l'international. Et partout où je suis passé, une vérité s'impose : l'éducation est le levier le plus puissant qu'on ait pour bâtir une société prospère, équitable et résiliente.
L'inverse est tout aussi vrai : lorsqu'on affaiblit l'école publique, on nourrit les inégalités, on compromet l'innovation et on hypothèque l'avenir collectif.
Les leçons de nos voisins
Aux États-Unis (où je dirige les solutions numériques d'une grande société en éducation, touchant près de 95 % des enfants au pays), les effets des décennies de sous-investissement sont criants. L'accès à une éducation de qualité varie selon le quartier, les moyens financiers ou les politiques locales. Le système est fragmenté, inégal, et trop souvent injuste.
Dans ces contextes, les élèves vulnérables – ceux qui auraient le plus besoin de soutien – sont les premiers à écoper. Moins de services spécialisés, plus de décrochage, plus de détresse.
Le système scolaire ne joue plus son rôle de moteur d'égalité sociale. Il devient un miroir des inégalités économiques. Est-ce vraiment cette réalité que nous voulons imiter au Québec ?
Ce qui nous rend différents
Le Québec a toujours fait les choses autrement. Notre système d'éducation public est un pilier de notre identité collective. Il repose sur une conviction forte : que chaque enfant, peu importe son origine ou son code postal, a droit à une éducation de qualité.
C'est un choix de société qu'on a fait lors de la Révolution tranquille et qu'il ne faut jamais tenir pour acquis.
Les compressions annoncées mettent en péril cette vision. Services en orthopédagogie et en orthophonie, accompagnement psychologique, soutien aux élèves en difficulté, projets pédagogiques dynamiques : ce sont ces leviers, pourtant essentiels, qui sont visés. Et ce sont les élèves les plus à risque, les milieux les moins favorisés, qui seront les plus durement touchés, puisque les mieux nantis pourront combler les manques par leurs propres moyens.
Un système qui évolue plus vite que jamais
Ces compressions arrivent au pire moment. L'éducation vit une transformation rapide et profonde. L'intelligence artificielle redéfinit le rôle de l'enseignant. Les élèves, nés dans un monde numérique, ont des besoins et des modes d'apprentissage nouveaux. Les compétences nécessaires pour s'épanouir en société – créativité, collaboration, pensée critique, éthique numérique – exigent des approches pédagogiques innovantes, de la formation continue et des investissements technologiques.
Or, le milieu de l'éducation québécois est déjà en difficulté. Sur le terrain, les équipes sont à bout de souffle. Le personnel manque, les listes d'attente pour les services spécialisés s'allongent, les directions d'école jonglent avec des ressources insuffisantes, et les enseignants font preuve d'un dévouement admirable, mais souvent au détriment de leur santé et de leur équilibre.
Ajouter des coupes à cette réalité revient à fragiliser une structure qui tient encore debout uniquement grâce à la bonne volonté de ceux et celles qui y travaillent.
En parallèle, les réalités sociales évoluent : santé mentale, diversité culturelle, inclusion, urgence climatique. L'école ne peut pas répondre à ces défis en mode survie. Elle doit être soutenue, valorisée, financée. Faire des coupes maintenant, c'est refuser de s'adapter. C'est forcer nos écoles à avancer à reculons dans un monde en accélération.
Le coût du désengagement
On dit souvent que l'éducation est une dépense. En réalité, c'est l'investissement le plus rentable qu'une société puisse faire. Chaque dollar investi dans l'école publique rapporte en cohésion sociale, en santé publique, en innovation, en prospérité (OCDE, 2016).
À l'inverse, les coûts du désengagement sont énormes – mais moins visibles à court terme. Ils se traduisent par une hausse du décrochage (14 à 20 % des jeunes, selon les milieux ; MEQ, 2023), une perte de confiance des enseignants (près de 20 % des enseignants quittent la profession dans les cinq premières années ; IDQ, 2023), une pression à long terme sur les systèmes de santé et de justice et, ultimement, une érosion de notre tissu social.
Investir avec courage
Le Québec a tout pour être un chef de file mondial en éducation. Nous avons des enseignants passionnés, des chercheurs de pointe, des leaders pédagogiques créatifs, des élèves curieux et engagés. Mais il faut leur donner les moyens de réussir.
Ce que je propose, c'est un changement de perspective. Plutôt que d'imposer des coupes en cascade, engageons une discussion sérieuse sur ce que nous voulons bâtir pour les prochaines générations. Augmentons les investissements là où l'impact est réel : services aux élèves, innovation pédagogique, formation continue, infrastructures physiques et numériques.
Miser sur l'école, ce n'est pas faire plaisir aux syndicats ou céder à une pression politique. C'est faire un pari sur notre avenir collectif.
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Bêêêêêêtes de vignes : le pari vert d'un vignoble
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Bêêêêêêtes de vignes : le pari vert d'un vignoble

(Brigham) Simon Naud avance tranquillement entre deux rangs de vignes luxuriantes. Tout au fond du couloir de verdure, des agneaux broutent des graminées, du trèfle et des fleurs de manière nonchalante. « C'est comme un aspirateur de piscine ! », décrit en riant le vigneron au sujet de ses pensionnaires pour l'été. Ces 42 moutons sont le plus récent morceau d'un grand casse-tête écologique qui se met en place au Vignoble de la Bauge depuis plusieurs années. Les bêtes accomplissent le sarclage et la tonte de l'herbe tout en fertilisant naturellement le sol avec leur fumier. Leur présence permet d'éviter jusqu'à 15 passages de tracteur par saison entre chaque rangée de vigne. « Je trouve ça tellement logique et symbiotique, observe Simon Naud. C'est un milieu de vie que j'ai créé. » PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Les moutons se déplacent toujours en groupe. Simon Naud compare leurs mouvements à celui d'un aspirateur de piscine. Le plus jeune d'une fratrie de six enfants, M. Naud a repris les rênes de la ferme familiale en 1996. Ses parents, Alcide et Ghislaine, ont planté les premières vignes en 1986 après avoir exploité leur ferme laitière de la vallée de Brome-Missisquoi pendant 33 ans. Inspiré par ses voyages en Europe et dans l'Ouest canadien, Simon Naud décide de planter deux hectares de vignes Frontenac blanc, cultivées sans pesticides ni engrais chimiques. Depuis 2022, les 10 hectares du vignoble sont tous certifiés bio. Le fait qu'on n'a pas d'herbicide, ça a amené beaucoup de mécanisation du travail, explique-t-il. Puis là, j'ai constaté que je brûlais à peu près quatre fois plus de pétrole que quand j'étais en conventionnel, et que je faisais énormément de compaction dans mon sol. Je trouvais que ça n'avait pas de sens. Simon Naud, propriétaire du Vignoble de la Bauge Le virage biologique a été accompli par souci pour la santé de l'humain et de l'environnement, dit le vigneron. « Mais il faut aussi écouter notre écosystème, l'environnement dans lequel on travaille, et il faut le respecter. C'est là où je me suis dit : il faut trouver d'autres solutions. » Agriculture de régénération C'est alors que Simon Naud s'est intéressé à un nouveau mouvement : l'agriculture de régénération. « Je trouvais que ça cadrait vraiment avec ce que j'essaie de faire, dit-il. C'est une production biologique, mais avec une réflexion écologique encore plus intégrée. » Une approche environnementale PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE À terme, Simon Naud aimerait avoir entre 100 et 120 moutons dans son vignoble. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE En 2019, le Vignoble de la Bauge a commencé la production de cuvées de vins nature, une approche qui écarte l'ajout d'intrants du champ (comme les pesticides et engrais) à la bouteille (comme les sulfites). PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Dans cette nouvelle parcelle, on tente de briser la monoculture : deux rangs de vigne, un rang d'arbustes fruitiers, deux rangs de vignes, un rang d'arbustes fruitiers. etc. Sur la photo, des camerises. On y retrouve 16 cultivars, dont des groseilles, des argousiers, du sureau et des framboises. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE La famille Naud a toujours eu des animaux. Le frère aîné de la famille y a longtemps élevé des sangliers pur sang suédois. Le Vignoble de la Bauge est d'ailleurs nommé en l'honneur de l'abri des sangliers. Aujourd'hui, la ferme possède quelques alpagas. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Et un cerf ! PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Le père de Simon Naud, feu Alcide Naud, fondateur du vignoble PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE À terme, Simon Naud aimerait avoir entre 100 et 120 moutons dans son vignoble. 1 /6 En plus d'exclure les produits de synthèse, l'agriculture de régénération vise à améliorer la vitalité des sols, restaurer la diversité des écosystèmes et renforcer les communautés. « C'est un beau groupement qui me rejoint, qui touche un peu plus mes valeurs, qui nous propulse plus loin que le biologique usuel », observe M. Naud. En octobre 2024, le Vignoble de la Bauge a été certifié par la Regenerative Organic Alliance. C'est la seule certification que j'ai trouvée qui fait vraiment des tests sur les lieux. En viticulture de régénération, on doit prendre un échantillon de sol où la vitalité est analysée aux trois ans. Il doit y avoir un accroissement, on doit voir une amélioration réelle. Simon Naud, propriétaire du Vignoble de la Bauge Mais revenons à nos moutons. Les animaux collaborent aussi à l'épamprage du tronc : ils mangent les tiges inutiles qui sont énergivores pour la vigne. Ils effectuent également le rognage, qui consiste à élaguer les branches latérales, ce qui permet une meilleure aération et favorise l'ensoleillement sur les grappes de raisin. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Les moutons collaborent de différentes façons au bien-être des vignes. Mais pour que cela soit possible, il faut que les raisins soient hors de leur portée. Cépages nordiques En 1998, le Conseil des vins du Québec a créé un comité « recherche et développement » dont Simon Naud fait partie. « Notre mandat était d'aller dans les pays nordiques de la planète pour trouver des variétés de vins qui pourraient être adaptées chez nous », explique-t-il. C'est alors qu'il découvre le programme d'hybridation de vignes nordiques de l'Université du Minnesota. C'est là que la variété Frontenac a été créée à la fin des années 1990. A suivi le Frontenac gris en 2002, les variétés Marquette et La Crescent en 2006 et la variété Petite perle en 2010. PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE Aujourd'hui, 80 % du vignoble est occupé par ces cépages résistants nordiques. Aujourd'hui, 80 % du vignoble est occupé par ces cépages résistants nordiques tandis que les cépages européens couvrent le reste. Les cépages nordiques résistent mieux aux maladies fongiques et aux insectes ravageurs. Ils permettent aussi de maintenir une taille haute. Les fruits, qui pendent à une hauteur de cinq à six pieds, sont impossibles à atteindre pour les moutons. Ils sont aussi moins vulnérables aux gels. Pour réduire la pression des insectes nuisibles, 25 nichoirs ont été installés pour les hirondelles bicolores, qui en raffolent. Goûter le Nord La pandémie et les droits de douane imposés par Donald Trump ont suscité un vif intérêt pour l'achat local et l'autonomie alimentaire. Mais le vin consommé ici vient encore largement de l'étranger. « En ce moment, au Québec, tous les producteurs de vin ensemble, on produit 1 % de ce qui se consomme ici », souligne Simon Naud. Même si l'industrie vinicole québécoise a atteint une certaine maturité, les palais ne se sont pas tous ajustés à notre terroir nordique. « Les gens sont habitués à la fraîcheur des blancs, et à l'opulence et la profondeur des rouges. On est dans un climat frais, alors les blancs sont facilement compréhensibles parce qu'ils sont très délicats, tandis que celui qui cherche un rouge costaud chaud va se dire : ouin, les rouges au Québec, ça ne le fait pas. Mais c'est parce que tu essaies de boire quelque chose qui ne pousse pas chez nous ! », s'exclame-t-il. Les vins rouges du Québec sont axés sur la fraîcheur et le fruit. « Il faut respecter le lieu où on est et faire des fruits et des vins qui cadrent bien dans l'environnement », souligne le vigneron. Lisez l'article « Viticulture de régénération : des vins plus que bios »

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