« La bagarre des coqs ne m'intéresse pas » : Jean-François Bourlart défend le modèle de l'équipe Intermarché-Wanty, plus petit budget du Tour de France 2025
L'équipe belge Intermarché-Wanty est entrée dans l'histoire du Tour de France, l'an passé, grâce à son leader érythréen Biniam Girmay, premier Noir africain à remporter une étape (la 3e, le 3 juillet, avant de s'imposer sur la 8e et la 12e) et, surtout, le classement par points. « Ce maillot vert nous a apporté quelque chose d'incroyable, c'est là vraiment que ça s'est réveillé », résume Jean-François Bourlart (50 ans), le patron de l'équipe née à la fin des années 2000 (Vérandas Willems à l'époque) sur les bases d'un club amateur, de copains, avant de franchir tous les échelons pour accéder au World Tour en 2021, avec l'arrivée d'Intermarché. Son équipe possède le plus petit budget sur ce Tour, mais ça ne l'empêche pas de croire en son concept.
« Comment vit votre équipe derrière les grosses écuries ?Plutôt bien. Il y a ceux qui essaient de rattraper les monstres et ceux qui essaient de survivre. Nous sommes dans cette deuxième catégorie pour l'instant. Ce n'est pas évident mais on avance. On a un budget de 17 M€ et on continuera à vivre avec ça. On ne fait pas de bêtises, on a un grand leader avec Biniam Girmay, quelques bons équipiers et des talents en devenir comme Louis Barré qui, à un moment donné, j'espère, arrivera à un haut niveau. C'est notre façon d'exister depuis toujours. La seule différence, aujourd'hui, c'est Biniam. Le maillot vert l'an passé et ses trois victoires d'étapes nous ont propulsés dans une autre dimension. Il aurait pu devenir plus riche et aller chez UAE ou dans d'autres grosses équipes, mais il a privilégié l'ambiance, le côté familial, un peu plus cool de notre structure.
Vous ne faites pas de folies. Ce modèle économique semble vertueux, mais l'inflation des budgets ne risque-t-elle pas de le rendre caduc ? Évidemment. Nous aussi, on cherche un deuxième partenaire à associer à Intermarché. Nous étions persuadés que les victoires de Biniam sur le Tour, surtout son maillot vert, nous ouvriraient des portes. C'est un personnage atypique dans l'histoire du cyclisme, il aurait dû être une attraction. Finalement, non. On a eu des touches, on a des dossiers qui avancent, on a trouvé des partenaires techniques qui veulent mettre plus d'argent. Mais toujours pas de deuxième partenaire pour prendre la place de Wanty (le co-sponsor). Aujourd'hui, l'écart est de plus en plus grand avec les grosses équipes, qui tournent entre 40 et 60 M€ de budget. Il y a peut-être encore une ou deux équipes comme la nôtre. Les autres sont entre 20 et 25 M€.
« Les grosses équipes instaurent un système, une grille de salaires que nous subissons »
Y a-t-il un seuil sous lequel une équipe, aujourd'hui, ne peut pas vivre en World Tour ?J'estime le seuil vital à 20 M€. Nous, on est un peu trop bas. Mais tout dépend aussi des pays. Je me mets à la place de Manu (Hubert, le patron de l'équipe Arkéa-B & B Hotels) qui doit payer 150 personnes avec des charges sociales bien plus élevées que chez nous. En Belgique, avec une masse salariale de 10 M€ pour tes coureurs, on paye 1,5 M€ de charges sociales. En France, c'est près de 5 M€.
Selon vous, pourquoi assiste-t-on à une telle inflation des salaires ?Tout vient des grosses équipes. Elles instaurent un système, une grille de salaires que nous subissons. Aujourd'hui, un bon équipier, chez nous, qui ne gagne pas de course mais qui est là pour protéger Biniam Girmay et l'amener au sprint, a vu son salaire multiplié par 3,5 en un an. C'est ce que demandent les agents.
Sur quoi se base la relation avec un sponsor ? La confiance, la promesse de résultats, l'image de l'équipe ?Je n'ai jamais fait de promesses de résultats. Évidemment, si un jour on me met 40 M€ sur la table, je sais que ça sera pour essayer de trouver le nouveau Pogacar et donc pour gagner le Tour. On est lucides, nous restons une équipe avec un petit budget, et on se débrouillera ainsi. De temps en temps, on gagnera une belle course. Donc il n'y a pas de promesse. C'est pour ça que les sponsors restent si longtemps avec nous. Ils me disent toujours qu'avec nous, c'est du "under promise, over deliver " ("ne promettez pas trop mais donnez plus "). On ne promet rien, mais on réussit à faire mieux que ce qu'ils attendent de nous. On ne leur dit pas : "Donnez-nous 10 millions et vous allez voir, on va faire ci ou ça ", mais plutôt "investissez un peu dans notre projet, et si on est bon, on se revoit pour augmenter l'apport ".
Comment définissez-vous l'identité de votre équipe, basée en Belgique, mais avec un sponsor français ?Thierry Cotillard (le patron du groupe Les Mousquetaires) était présent dès la première heure, mais la branche belge d'Intermarché s'en occupait car nous étions une équipe belge. Les Français sont arrivés il y a deux ans. Mais on a neuf nationalités différentes chez les coureurs, et quatorze dans le staff. On parle français, néerlandais, allemand, anglais, italien. Je ne veux pas parler d'une équipe belge en fait, plutôt d'une équipe du World Tour avec des sponsors d'un peu partout. La marque de vélo est allemande, la marque des vêtements est américaine, on a un co-sponsor belge Wanty, et un majeur international avec Intermarché.
« Je ne veux pas être président de l'UCI ni celui de la fédération belge de cyclisme, je ne veux pas être vedette de la télévision, je veux juste réussir mon projet »
On est loin de la guéguerre communautaire en Belgique.Mon père est wallon, ma mère est flamande. Nous sommes basés en Wallonie, à Tournai, mais nous ne sommes pas, comme en football, l'équipe d'une ville, Marseille ou le PSG. Nous avons bien plus de supporters, je pense, dans d'autres pays qu'en Belgique, notamment en France. Sans doute parce qu'à nos débuts sur le Tour, on allait dans toutes les échappées. Christian Prudhomme nous avait invités (en 2017) et, tous les matins, dans le bus, je disais : "Les gars, on a la chance incroyable d'être invités, il faut y être dans toutes. "Et tous les jours, on y était, à tour de rôle. Nous voir à l'attaque mais sans faire un résultat en a peut-être fait rigoler certains. Mais on s'en foutait. On a été réinvités l'année suivante, et on a fait pareil. L'année d'après (en 2019), on a été un peu meilleurs avec Guillaume Martin, 12e au général sans avoir l'air d'y toucher. Et puis il y a eu la première victoire, l'an passé, avec Biniam et le maillot vert.
Cela vous donne-t-il plus de voix par rapport aux grandes équipes ?Pourquoi devrais-je être entendu ? Je ne veux pas être président de l'UCI ni celui de la fédération belge de cyclisme, je ne veux pas être vedette de la télévision, je veux juste réussir mon projet. Et franchement, que je sois entendu ou pas, la seule lumière qui me va, c'est celle de mon équipe. La bagarre des coqs ne m'intéresse pas. On a une vision bien précise du cyclisme, on avance dans ce monde en se faufilant entre tout ce qui est déjà écrit et figé. On essaie d'y mettre à peu notre touche, ça nous réussit plutôt pas mal. »
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