Vingt ans après s'être reformées, Les Copines de la synchro sont en quête d'un titre mondial
« Vous êtes perdues, les nanas ! Y a plein d'erreurs. On reprend. » Céline Saint-Sernin secoue la tête, contrariée par ce à quoi elle vient d'assister. Aliénor, Anne, Audrey, Caroline, Élodie, Sophie, Aurélie reprennent leur souffle et leur esprit. Depuis qu'elles ont décidé de réactiver l'équipe de natation synchronisée qu'elles formaient il y a une vingtaine d'années au sein du TNS (Toulouse Nat Synchro), engagée alors dans l'élite du Championnat de France, elles se sont réhabituées aux coups de gueule de « Sissou », leur coach.
De la table d'opération aux Championnats du monde
Si Sissou hausse le ton dans le sud-ouest de la France c'est pour éviter une bronca dans un bassin du sud-est de l'Asie puisque c'est au complexe olympique de Singapour que se dérouleront les prochains Championnats du monde de natation Masters (du 26 juillet au 22 août). Parmi les dizaines d'épreuves au programme, les Occitanes représenteront la France (avec une autre formation d'Angers), catégorie plus de 40 ans. Elles ont bien fait de replonger.
En avril 2024, la team a terminé première de l'Open de Bruxelles, puis elle a remporté l'or aux Championnats de France en juin, à Chenôve, près de Dijon. Et le 3 juillet 2024, elle s'est hissée sur la plus haute marche du podium des Championnats d'Europe, à Belgrade, en Serbie. Les nageuses se sont baptisées d'un joli nom : Les Copines de la synchro.
Céline Saint-Sernin leur fait reprendre le mouvement qui merdouillait tout à l'heure. Cette fois-ci, ça enchaîne. « Là, c'était parfait. Si vous faites ça dans l'eau ! » La plus jeune du groupe, Anne Rivière, est âgée de 41 ans, l'aînée, Audrey Clerc, 50 ans. Dans les années 2000, elle était la coach des « gamines ».
Admettant volontiers ne pas être une grande nageuse, elle a bifurqué vers le bord du bassin très jeune. « J'ai été la première entraîneuse de Caroline et d'Aliénor. Puis j'ai coaché Anne. J'avais 18 ans, elles 9 à peine. » La haute silhouette d'Audrey tranche avec la moyenne des autres. Le mois prochain, elle va se retrouver à disputer un Championnat du monde alors que, deux ans auparavant, elle descendait douloureusement du billard.
Tenir le ballet, l'idée fixe
« Quand elles ont créé l'équipe Masters, il leur manquait une nageuse pour aller aux Europe. Un jour, à une réunion du club, dans l'ascenseur, elles m'ont fait une offre. » De remplaçante, la voilà titulaire. « Je m'étais fait opérer à la hanche. Ça faisait un an et demi que je boîtais. Je me souviens d'une compétition où je suis en larmes dans les vestiaires et notre coach de l'époque, Bérangère, tente de me réconforter. Je lui dis : "Tu sais, je n'ai pas le même vécu en compétition que vous, pas autant d'années de pratique." Cette année-là, on avait fait une fois le ballet en entier et je ne l'avais pas tenu. »
Tenir le ballet. L'idée fixe de Céline Saint-Sernin et l'objectif de l'entraînement imparti aux filles cet après-midi dans la piscine de Villefranche, au Parc municipal des sports, en même temps qu'un Rieumes-Villefranche important dans la course à la qualification en Fédérale 2 de rugby. On attend deux bus entiers en provenance de Rieumes. Ça va être compliqué de se garer.
« Je ne sais pas si on entendra notre musique à cause des cornes de brume », s'inquiète celle dont un des fils joue pilier en équipe de jeunes. En attendant un autre coup d'envoi, celui du pique-nique du midi dans les abords de la salle polyvalente, Sissou fixe sa priorité. « J'attends de cet entraînement qu'il soit établi sous forme de dernier module de compétition. C'est-à-dire qu'on va le faire en entier. Il ne doit pas y avoir d'erreur de comptes (en natation artistique, le comptage des temps est essentiel pour que les nageurs puissent se synchroniser entre eux et avec la musique). Il faut que vous soyez attentives à vos déplacements et à votre positionnement et je veux aussi une notion d'émotion dans ce ballet. »
« Ecrivez que je suis retraitée. J'ai pas de métier. Ah si ! Je construis ma maison »
Aliénor Ayasta, 42 ans
Le moment est venu de nouer les serviettes à carreaux. Des tupperware sortent tortillas à l'espagnole, salades de pâtes, moelleux au citron. Ça saucissonne girly. L'occasion de faire plus ample connaissance. On a déjà cerné Saint-Sernin. Assistante de direction à la SARL Pages (plâterie). Est venue en vélo depuis le centre-ville de Villefranche puisqu'elle y habite et travaille. Son bilan vers 13 h 15 : « Parfait. Il manque que le jaja. Non, ça va. Il faut manger quand même. »
Travailleuse sociale dans un CCAS (centre communal d'action sociale) à Ramonville, Caroline Chevalier, 43 ans, devance nos souhaits. « Bien sûr que vous pouvez demander notre âge. Faut juste finir par Audrey. » Excellente barre ! Aliénor Ayasta mariée avec Henry, notaire à Toulouse, 42 ans : « Écrivez que je suis retraitée. J'ai pas de métier. Ah si ! Je construis ma maison. »
On a aussi là Élodie Caquineau « 42 ans deux tiers », directrice de la communauté de communes Terres du Lauragais. Sophie Mauré, 43 ans, chargée de recrutement à la Banque Populaire Occitane de Balma. Aurélie Raigné, 45 ans, directrice de production de GK Vision, à Montauban. Audrey Clerc, 50 ans (donc), éducatrice sportive à la ville de Revel, toujours entraîneuse de natation synchronisée au TNS.
La compète dans le sang
Assistante administrative dans un cabinet de patrimoine pour majeurs protégés à Toulouse, Anne Rivière est la petite dernière. La mascotte qui trouve toujours l'eau trop froide. « Heureusement qu'elle est là pour faire baisser la moyenne d'âge », rigole la doyenne. « C'est chouette de nager aujourd'hui avec Audrey qui m'a appris la synchro, savoure Anne. J'espère qu'elle est fière de moi. Parce que, si je sais faire de la godille, si je maîtrise les fondamentaux de la natation artistique, c'est grâce à elle. »
gée de 41 ans, Anne Rivière laissera leur fils, Mael, 5 ans, à son mari fin juillet. Trop petit pour l'accompagner sur le continent asiatique. Elle a visité les lieux il y a longtemps. « Mon oncle habitait en Malaisie. Mais j'étais jeune. Certaines feront peut-être un peu de tourisme après avec les conjoints et leurs enfants. Personnellement je retournerai en France juste après la compète. »
Une publication partagée par Les copines de la synchro - CNVL (@lescopinesdelasynchro)
Pour Élodie Caquineau, Singapour représente « le bonheur d'être ensemble et la découverte d'un pays. On y va aussi pour le résultat, moi en particulier. Forcément il y a un objectif. Idéalement on aimerait ramener une médaille mais si on se prend les meilleures comme la Chine et le Japon (pour le moment la liste des pays participants n'est pas entérinée), ça va être chaud ».
De toute la bande, Élodie est celle qui a le plus la compète dans le sang. Quand la maternité et le boulot ont égaillé les copines, elle a pallié le manque d'adrénaline en expérimentant un tas d'activités, « course à pied, triathlon, mais je m'ennuyais. Le seul truc qui m'a plu à la rigueur c'était le sauvetage aquatique, mais rien d'aussi vivant que la natation artistique ». La jeune femme a conscience « d'avoir nagé à très haut niveau puisqu'au TNS on était en Nationale 1. Il y a encore des choses ancrées en nous ». Arrêter s'avéra un crève-coeur.
« Mais on s'est revues à chaque mariage, baptême, enterrements de vie de jeune fille. Une fois les bébés faits et le boulot à peu près stabilisé, reprendre nous titillait. On s'est retrouvées un week-end entre nous, et là, on s'est lancé le défi. Des Championnats du monde venaient d'avoir lieu. On a coché la date des prochains. »
Aliénor Astaya n'a évidemment pas assez de trimestres pour partir à la retraite. Maître-nageur de profession, elle fait partie de celles qui ont du métier et de sacrés restes. « Notre force à l'époque, c'était notre condition physique. On peut dire que notre endurance était hors pair. J'ai commencé ce sport à l'âge de 9 ans. À 15 ans, j'avais accumulé beaucoup d'expérience. »
« La plupart d'entre nous ont eu au moins une ou deux grossesses. Mais comme chacune avait continué à faire du sport d'une façon ou d'une autre de son côté, ça allait à peu près »
Elodie Caquineau, 42 ans
Trois décennies plus tard, comment les organismes réagissent-ils ? « La plupart d'entre nous ont eu au moins une ou deux grossesses, glisse Élodie Caquineau. Mais comme chacune avait continué à faire du sport d'une façon ou d'une autre de son côté, ça allait à peu près. Techniquement, on était dans le coup. C'est enraciné dans le cerveau. Ça part pas. »
Chacune a travaillé sur ses acquis. « Celles qui étaient très souples, par exemple, sont restées souples. En revanche les premières fois où on a voulu refaire du ballet, physiquement, c'était hard. On a bossé le cardio chez nous, à la maison. » Le plus compliqué a été d'enchaîner les figures trop techniques ou celles demandant de rester longtemps sous l'eau. « On en a donc adapté des plus simples, mais propres, et moins longues que celles qu'on avait l'habitude de faire auparavant. On présente neuf figures dans le ballet quand même, ce n'est pas négligeable. »
Pendant que Villefranche déposait Rieumes 41 à 34 sur l'air des supporters du PSG (Tous ensemble on chantera), les Copines dans leur maillot orange flashy et vert pétard ont travaillé portés, groupé-bascule et ballet-leg trois heures durant sur Girl on Fire, d'Alicia Keys et Run the world, de Beyoncé crachés par l'enceinte portative.
Après une heure et demie, Sissou a fait du Sissou en poussant une quinte. « Elle a ce rôle de nous booster quand elle nous sent faiblir, admet la "dir prod" Aurélie Raigné. Et puis ça fait vingt ans qu'on se connaît. Ce n'est pas maintenant qu'on va faire des manières. »
Céline s'est radoucie en proposant une pause aux deux tiers de l'entraînement. « Pour celles qui ont besoin de faire pipi ou d'enlever vos lentilles, c'est maintenant. Si vous commencez à avoir des crampes, buvez de l'eau. On a aussi des biscuits sucrés, des noix et des bananes. »
Les copines d'abord
Une conclusion mi-figue mi-raisin qu'allait dissiper un dernier entraînement assorti d'un ballet grandeur nature à la piscine de Pamiers fin juin, en présence d'un public nombreux. « La plupart de nos proches étaient présents alors qu'ils ne nous verront pas à Singapour, souffle Aurélie Raigné. On a retrouvé l'énergie et notre motivation. Nous pouvons envisager un podium. »
Au moment où ces lignes étaient écrites, les Copines de la synchro avaient bouclé leur campagne de budget de crowdfunding (19 500 euros), histoire de s'envoler sereinement vers Singapour le 29 juillet. Le 3 août, elles sauront si tout cela valait bien la peine. La doyenne, Audrey, appréhende le décalage horaire. Pour le reste...
« Si les autres sont meilleures, elles seront meilleures, voilà tout. La déception, elle sera énorme si on nage mal. » Pour la benjamine Anne, la plus tendre du groupe, davantage là pour l'amour des copines que pour le métal des médailles, le questionnement est palpable. « Mais s'il peut m'arriver de douter à titre personnel, avec elles, ce n'est pas le cas. Notre sport ne s'envisage que sur un mode collectif. Je ne peux avoir de doutes à leurs côtés. »
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