logo
L'Ukraine et les leçons oubliées de la Première Guerre mondiale

L'Ukraine et les leçons oubliées de la Première Guerre mondiale

24 Heures2 days ago
Grand entretien

«Nous sommes dans le déni de la défaite de l'Ukraine, car c'est aussi la nôtre»
Historien de la Première Guerre mondiale, fervent soutien de Kiev, Stéphane Audoin-Rouzeau se désole des leçons oubliées de 1914-1918.
Alexis Feertchak
- Le Figaro
Des pompiers en intervention à Dobropillia, en Ukraine, après l'attaque russe du 16 juillet 2025.
HANDOUT/UKRAINIAN STATE EMERGENCY SERVICE/AFP
Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk
En bref : L'historien Stéphane Audoin-Rouzeau affirme que l'Ukraine a perdu la guerre depuis l'été 2023.
La guerre de position en Ukraine révèle une supériorité défensive similaire à 1914-1918.
Les drones russes dominent désormais le champ de bataille avec 1000 frappes quotidiennes.
L'Occident n'a pas su adapter son soutien militaire au tempo des besoins ukrainiens.
Directeur d'étude à l'EHESS (École des hautes études en sciences sociales) à Paris et président de l'Historial de la Grande Guerre, Stéphane Audoin-Rouzeau est l'un des grands historiens français de la Première Guerre mondiale. Sa vingtaine d'ouvrages dessine une vaste anthropologie de la violence, qui s'appuie sur une étude des mentalités, tant des soldats que des opinions publiques.
Fervent soutien de l'Ukraine, il dénonce depuis longtemps un déni de guerre occidental dont les conséquences sont lourdes pour Kiev puisqu'il considère que les Ukrainiens ont déjà perdu la guerre. Les raisons de cette défaite encore invisible se révèlent dans la nature de la guerre de position: pour Stéphane Audoin-Rouzeau, les leçons du premier conflit mondial sont aussi utiles que cruelles.
Vous parlez d'un déni de guerre. Mais de quand datez-vous ce déni?
On en débattra longuement entre historiens dans le futur, mais il existe un déni ancien, qui dépasse la guerre d'Ukraine. Nos sociétés croient encore à la disparition de la guerre. Collectivement, nous ne sommes pas sortis de cette sorte de parousie de la paix définitive, en Europe occidentale du moins. C'est moins vrai en Europe orientale, où l'inquiétude a été précoce. Dans son cas, le déni est tombé au moins dès 2014, à partir de l'invasion de la Crimée. Plus à l'ouest, nous n'avons absolument pas entendu l'avertissement lancé dès l'invasion de la Géorgie en 2008, puis confirmé par l'intervention russe en Syrie en 2015. L'un des signes les plus étonnants de ce déni a été l'invitation de Poutine à Brégançon (ndlr: résidence d'été des présidents français) en 2019. Et il s'est poursuivi jusqu'aux semaines qui ont précédé l'entrée en guerre de la Russie le 24 février 2022. En tant qu'historien de la Grande guerre, c'est ce qui m'a le plus marqué.
Pourquoi?
En 1910, le député travailliste britannique Norman Angell a écrit un livre, qui a été un best-seller, traduit en français sous le titre «La grande illusion». Angell était un pacifiste, certes, mais de tendance libérale, non pas un socialiste ou un internationaliste. Pour lui, la guerre entre grandes puissances européennes était irrationnelle puisque leur interpénétration économique et financière ferait que chacun combattrait ses propres clients, au risque que tout le monde finisse ruiné. Par certains côtés, il avait parfaitement raison: la guerre était absurde. Cela n'a pas empêché qu'elle ait lieu, et aucun des arguments de Norman Angell n'est arrivé à la conscience des dirigeants au moment de la crise de la fin juillet 1914. Nous avons été dans une situation comparable avant le 24 février 2022, quand presque tous les experts – universitaires, services de renseignement, militaires, journalistes – se rassuraient en considérant qu'il serait irrationnel pour Poutine d'attaquer. Oui, c'était irrationnel, ils avaient totalement raison. Mais il a attaqué.
Ce n'est pas nouveau, le philosophe Henri Bergson écrivait que la veille du déclenchement de la Première Guerre mondiale, celle-ci lui apparaissait «tout à la fois comme probable et impossible».
Absolument, c'est ce fameux texte des années 1930 où Bergson décrit l'entrée du temps de la guerre dans la pièce, telle une ombre… La guerre paraît inconcevable jusqu'à ce qu'elle ait lieu. Pour la concevoir, il faut accepter que le temps de la guerre ne soit pas le temps de la paix. Excusez-moi de ce truisme ridicule, mais c'est en réalité difficile à comprendre et à faire admettre: pris dans chacun de ces temps radicalement différents, les acteurs sociaux réagissent également différemment. Or, du point de vue du pouvoir russe, ce temps de la guerre avait déjà commencé avant le 24 février 2022. Nous n'avons pas réussi à concevoir ce basculement.
La propagande russe, loin de reconnaître ce temps de la paix en Europe, considérait au contraire que la Russie était menacée militairement par ce qu'elle nommait l'«Occident collectif»…
Cela fait déjà très longtemps qu'en Europe, la guerre est perçue comme toujours défensive, y compris chez l'attaquant! C'est en cela que ce conflit est extrêmement intéressant à lire au prisme de 1914-1918. À l'époque, absolument tout le monde, déjà, se défendait! Chacun en était profondément persuadé, qu'il s'agisse des dirigeants ou des opinions publiques. Bien sûr, c'est vraiment l'Autriche-Hongrie et l'Allemagne qui ont la responsabilité primaire (mais non pas exclusive) du conflit, mais elles vivaient leur déclaration de guerre comme purement défensive. Jusqu'à la fin, les soldats allemands ont le sentiment, très intériorisé, qu'ils se défendent, alors qu'une illégitimité profonde, vécue par tous, s'attache au fait d'être l'attaquant. Si l'on considère la subjectivité des acteurs sociaux, ce sont deux patriotismes défensifs qui s'affrontent.
Vous notez une autre similarité entre la Première Guerre mondiale et l'Ukraine, car il s'agit dans les deux cas d'une guerre de position…
Il y a peu d'exemples historiques de cette forme de guerre, très récente, car elle exige des armements qui n'ont été disponibles qu'à la fin du XIXe siècle. Structurellement, il s'agit d'une guerre de siège, mais menée en rase campagne sur des centaines de kilomètres. Il n'y a eu que trois conflits de ce type: la Grande Guerre (de la fin 1914 jusqu'au printemps 1918, pas au-delà); la guerre Iran-Irak (de 1980 à 1988); la guerre d'Ukraine (à partir d'avril 2022, pas avant).
Quels sont les invariants d'une telle guerre?
Le point principal est la supériorité de la défensive sur l'offensive. Si cela n'avait pas été le cas, l'Ukraine aurait été battue depuis longtemps. Pendant la Première Guerre mondiale, déjà, il fallait franchir un no man's land saturé de barbelés, l'une des armes les plus efficaces du début du XXe siècle. Puis, il y a eu les champs de mines, qu'on a vus en Iran-Irak et que l'on voit aussi en Ukraine. C'est une barrière d'interdiction d'une compacité extraordinaire. Les Ukrainiens s'y sont heurtés à l'été 2023 lors de leur contre-offensive ratée, et les Russes depuis 2024. Ainsi, on ne peut pas percer sur des dizaines de kilomètres de large et briser le front adverse. On observe une sorte de régression dans les trois conflits. En Ukraine, les hélicoptères et les avions volent très peu au-dessus et au-delà de la ligne de front. Il n'y a pas non plus de grandes offensives blindées. Jamais on n'a observé quelque chose de similaire à la bataille de Koursk de 1943. Ainsi le combat repose-t-il massivement sur l'infanterie.
Et en même temps sur la puissance de feu…
Oui, c'est encore un autre invariant de ce type de guerre. Au départ, cette puissance de feu était liée à l'artillerie, avec le canon comme arme de domination du champ de bataille pendant la Première Guerre mondiale. On retrouve cette domination écrasante du canon en Ukraine, jusqu'en 2024. Malheureusement, la Russie a toujours eu une très bonne artillerie et elle a eu, contrairement aux Ukrainiens, les moyens de l'alimenter, là où ces derniers se sont retrouvés à court de munitions pendant une bonne partie de l'année 2024.
Mais le drone n'a-t-il pas pris le relais?
Les drones ont pris l'ascendant sur l'artillerie au cours de l'année dernière, vérifiant cette vieille règle clauzewitzienne que la guerre est un caméléon et que la vitesse d'adaptation est cruciale dès lors que les économies industrielles sont lancées à plein régime.
C'est en considérant ces invariants que vous en êtes arrivé à une conclusion radicale, exposée lors d'une audition au Sénat en avril: selon vous, l'Ukraine a déjà perdu la guerre…
Effectivement, au moment où nous parlons, l'Ukraine semble malheureusement avoir perdu la guerre, probablement dès l'été 2023, quand il a été manifeste que sa contre-offensive, très attendue, avait échoué. On pourrait imaginer un retournement spectaculaire, mais on ne voit pas bien comment. Bien sûr, lorsque l'on dit cela, les gens sont choqués, car il est insupportable de se dire que l'Ukraine a perdu la guerre. Ça l'est aussi pour moi. Mais voilà: il est inutile de rester dans l'incantation, il faut sortir d'un nouveau déni, celui de la défaite, après celui de l'éventualité de la guerre elle-même. Car j'ajouterai une autre caractéristique de la guerre de position: on ne discerne pas immédiatement la défaite quand elle se profile. Elle est longue à apparaître. Ce n'est pas comme à Stalingrad, où il y a un vaincu qui quitte le champ de bataille et un vainqueur qui l'occupe. Ce n'est pas comme la Blitzkrieg de mai-juin 1940. Dans une guerre de position, ce sont deux corps de bataille qui, l'un contre l'autre, s'usent lentement. À la fin seulement, il apparaît que l'un s'est usé plus vite que l'autre.
Ça a été le cas en 1918?
Justement, faisons une petite expérience de pensée. Imaginons qu'au début du mois d'octobre 1918 on ait réuni dans un pays neutre un ensemble d'experts militaires, de journalistes et d'historiens pour leur demander leur avis sur la situation. Et supposons maintenant que quelqu'un a alors avancé que l'Allemagne avait déjà perdu la guerre. Eh bien, tout le monde aurait poussé des hauts cris! À cette date, le Reich occupe encore d'immenses territoires à l'est au détriment de la Russie, depuis le traité de Brest-Litovsk. Elle occupe toute la Belgique et encore de larges fractions du territoire français. Certes, l'armée allemande recule depuis l'été, c'est une chose entendue, mais nulle part le front n'a cédé. Les Allemands infligent des pertes importantes aux Alliés puisque ce sont ces derniers qui sont à l'offensive et ce sont donc eux qui prennent les risques les plus lourds. Où est donc la défaite allemande? En réalité, la défaite allemande est certaine depuis juillet-août 1918. Elle a eu lieu, mais n'est pas encore apparente. Depuis l'été, l'état-major allemand le sait très bien et demande le lancement de négociations. Sauf que le pouvoir politique ne le comprend pas, l'opinion publique allemande non plus et ne le comprendra jamais. Cette non-compréhension de la défaite de 1918 sera l'une des raisons de la poussée du nazisme.
Le risque dans une guerre de position, c'est qu'à force d'usure, celui qui tient le plus longtemps relance une guerre de mouvement. En Ukraine, ce n'est pas le cas à ce stade: les Russes continuent leur grignotage territorial, mais les Ukrainiens ne s'effondrent pas.
Là encore, pensons à la Première Guerre mondiale. Quand les Alliés lancent leur contre-offensive en juillet 1918, celle-ci est générale, mais en dehors des Américains, les soldats ne sont plus capables d'attaquer. Ils ont tellement l'habitude de se jeter au sol au premier danger que tout le monde fait montre d'une extrême prudence. Mais on aurait pu imaginer qu'une partie du front soit percée et en ce cas, l'Allemagne n'avait plus de réserves pour boucher les trous. C'est pourquoi les risques d'une offensive russe en Ukraine, cet été, m'inquiètent: compte tenu de la disproportion des forces, pourrait-elle briser le front? On entrerait alors dans une autre configuration, car toute rupture du front risquerait de produire un effet moral puissant sur les forces armées ukrainiennes, sur le pouvoir politique et sur l'opinion publique.
Rien n'est écrit encore!
Absolument, car dans une guerre de position, pour rompre le front, il ne suffit pas de faire un petit trou dans le dispositif adverse, il faut une percée de plusieurs dizaines de kilomètres de large. Sinon, les forces s'engagent dans la brèche, mais sont aussitôt cernées, puis attaquées sur leurs flancs. À une moindre échelle, les Russes pourraient malgré tout réussir à prendre certaines villes qu'ils ambitionnent depuis longtemps, comme Pokrovsk, et cela pourrait porter un coup au moral ukrainien.
Oui, mais Pokrovsk est sur la ligne de front. Pour l'instant, Vladimir Poutine est très loin de pouvoir prendre Kiev, Dnipro, Zaporijia, Kherson, Mykolaïv ou Kharkiv. Ce sont pourtant de grandes villes qu'il a attaquées en février 2022…
La bonne question n'est pas de savoir si l'Ukraine a perdu la guerre, ça me paraît malheureusement trop évident, mais de savoir jusqu'où elle va la perdre. Sur la base du rapport de force actuel, ou bien sur celle d'un rapport de force plus défavorable encore? Cela déterminera si la défaite ukrainienne représente, ou non, une victoire russe sur le plan stratégique. Car la situation de la Russie au sortir de la guerre, même si elle est victorieuse tactiquement, pourrait s'avérer extrêmement difficile. C'est le plus long terme qui nous le dira, comme toujours avec les guerres. La position de vainqueur et de vaincu s'inverse parfois de manière étonnante…
Vous parlez beaucoup de la Première Guerre mondiale, mais moins de la guerre Iran-Irak de 1980 à 1988. Quelles leçons en tirer?
J'ai visité l'ancien front Iran-Irak à deux reprises. La morphologie de ce conflit était assez différente, car les forces en présence ne pouvaient pas construire de tranchées en raison du terrain. À la place, ils construisaient des talus au bulldozer. Mais c'était bien une guerre de position, avec les mêmes invariants. Les Iraniens attaquaient massivement et constamment à travers les champs de mines irakiens, de façon absolument sacrificielle, lors des offensives de Kerbala! Mais, à la fin, l'armée iranienne s'est tellement usée qu'elle n'avait plus la possibilité d'attaquer. L'ayatollah Khomeyni n'a pas eu d'autre choix que de signer la paix et d'accepter de «boire la coupe de poison» que lui a tendue l'Irak, selon sa propre expression.
Le défenseur peut donc épuiser l'attaquant. Cet exemple peut-il être un motif d'espoir pour l'Ukraine?
Il est vrai que, dans une guerre de position, la force vive d'une attaque diminue progressivement. C'est ainsi que le défenseur épuise l'attaquant. En 1916, pendant la bataille de la Somme, les Allemands ont érigé six lignes de défense face aux Alliés! Mais en Ukraine, n'oublions pas que ce sont les Ukrainiens qui se sont épuisés lors de leur offensive de l'été 2023 face à de très puissantes défenses russes. Ils ont alors perdu cet avantage qu'ils avaient acquis, notamment à l'automne 2022 pendant lequel ils avaient mis en difficulté les Russes, dont les forces n'étaient pas encore proportionnées pour une guerre d'une telle intensité. Mais, depuis, les Russes sont repassés à l'offensive. Dorénavant, la balance des forces est en leur faveur, et de plus en plus semble-t-il. Ils ont pour eux leurs terribles bombes planantes, mais aussi des drones filoguidés qu'ils maîtrisent mieux et plus intensément que les Ukrainiens. Quant aux drones à longue portée, à l'origine, iraniens, ils en tirent désormais plusieurs centaines par jour. Kiev craint qu'ils franchissent le chiffre quotidien du millier! Les défenses ukrainiennes, en face, sont saturées. Surtout, il y a la puissance démographique de la Russie qui compte 144 millions d'habitants quand l'Ukraine en comptait 40 millions avant-guerre et aujourd'hui beaucoup moins. C'est terrible à dire, mais quand le négociateur russe à Istanbul a demandé aux Ukrainiens combien de temps ils étaient prêts à se battre, en ajoutant que les Russes pouvaient se battre un, deux, trois ans, voire éternellement, il y avait malheureusement quelque chose d'assez exact dans cette déclaration.
Ne faites-vous pas le jeu du Kremlin?
Ayant énormément travaillé sur la question de l'opinion publique durant la Première Guerre mondiale, ce qui m'intéresse est justement le fait que personne ne puisse tenir ce discours dans l'espace public.
Pourquoi, selon vous?
Si les politiques – ce serait à eux de le dire – reconnaissaient que l'Ukraine a perdu la guerre, il faudrait logiquement qu'ils ajoutent un codicille: «Elle l'a perdue à cause de nous.» C'est très pénible à dire, mais à dire vrai, nous l'avons d'une certaine manière perdue plusieurs fois. D'abord, avant la guerre, car nous avons été incapables de comprendre que la Russie allait attaquer. Ensuite, pendant la guerre, car nous avons été dans le déni de l'inadaptation de notre soutien à l'Ukraine: tout ce que nous avons livré à Kiev, en armes et en équipements, est arrivé trop tard, à contretemps par rapport à la situation sur le champ de bataille. En particulier à cause de l'Allemagne, l'Ukraine s'est battue avec une main dans le dos, voire les deux.
On se raccroche à l'héroïsme des Ukrainiens et à leur habileté pour compenser la supériorité de la Russie, qui a aussi connu des échecs flagrants durant ce conflit. A-t-on pris nos désirs pour des réalités?
L'héroïsme ukrainien, qui nous a été profondément sympathique – et à juste titre! –, nous est apparu comme une promesse de victoire, comme si la victoire obéissait à une forme de morale. Mais la guerre n'a strictement rien à voir avec la morale! Quant à la Russie, oui, Dieu sait qu'on a moqué ses échecs initiaux, absolument spectaculaires. Mais on a oublié que c'était le pays de Stalingrad et de Koursk, et qu'il existe dans ce pays une capacité d'adaptation absolument extraordinaire. La Russie a gravi la learning curve militaire assez lentement, mais elle l'a gravie: les forces russes auxquelles les Ukrainiens se sont heurtés à l'été 2023 n'étaient plus du tout celles de 2022, et celles d'aujourd'hui moins encore. C'est cette réalité que nous ne voulons pas voir. Nous n'avons pas non plus voulu admettre que la propagande poutinienne – toutes ces références à la Grande guerre patriotique et à la soi-disant dénazification de l'Ukraine – pouvait être profondément intériorisée par de larges couches de la population russe. Pour reprendre une très intéressante expression de l'historien Nicolas Werth, en tant qu'«historien en chef», Poutine a réalisé une mobilisation du souvenir historique russe très probablement efficace. On n'est pas devant une population fondamentalement sceptique sur le bien-fondé de la guerre, même si les Russes ne se réjouissent pas, évidemment, de la poursuite de l'affrontement. Mais l'historicité particulière de la société russe demeure un socle très puissant d'un effort de guerre russe qui se poursuit sans difficultés majeures.
Déni avant la guerre, déni pendant la guerre, déni face à la défaite… Voyez-vous un déni au-delà?
La capacité historienne à analyser le présent est parfois pertinente, mais la capacité d'anticipation de l'histoire, en tant que science sociale, est égale à zéro. En revanche, d'ores et déjà, nous n'arrivons pas à imaginer qu'une fois que la Russie aura gagné la guerre d'Ukraine – et on ne sait pas exactement en quels termes et jusqu'où elle va la gagner –, elle pourrait décider de la poursuivre. Cette hypothèse reste en dehors, pour l'instant, de notre horizon d'attente. Qu'il y ait des stratèges, des militaires qui y réfléchissent, c'est heureux, mais il me semble que d'un point de vue collectif, nous n'arrivons pas à concevoir que la Russie pourrait commencer à tester l'article 5 de l'OTAN en s'attaquant, par exemple, à l'Estonie ou à la Lituanie. On sait que c'est possible, mais c'est, en tout cas en Europe occidentale, une pure hypothèse théorique. Le déni de guerre domine, encore et toujours. Jusqu'à quand?
Le contenu qui place des cookies supplémentaires est affiché ici.
À ce stade, vous trouverez des contenus externes supplémentaires. Si vous acceptez que des cookies soient placés par des fournisseurs externes et que des données personnelles soient ainsi transmises à ces derniers, vous devez autoriser tous les cookies et afficher directement le contenu externe. Autoriser les cookies Plus d'infos
Cet article sur la guerre en Ukraine a été écrit par Le Figaro, membre du réseau d'information LENA.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

En France, une riposte citoyenne inédite relance le débat sur une loi agricole
En France, une riposte citoyenne inédite relance le débat sur une loi agricole

24 Heures

time6 hours ago

  • 24 Heures

En France, une riposte citoyenne inédite relance le débat sur une loi agricole

En quelques jours, près de 1,7 million de personnes ont signé la pétition contre la loi Duplomb adoptée début juillet. De quoi rouvrir la discussion sur ce texte polémique. Ariane Hasler - correspondante à Paris Publié aujourd'hui à 18h50 La loi Duplomb divise notamment sur la réintroduction d'un pesticide, tueur d'abeilles. AFP/Valentine CHAPUIS En bref: Ras-le-bol démocratique face à une loi adoptée sans débat, cri de rage face à l'urgence climatique, craintes sanitaires? Tout cela à la fois? Quelles que soient leurs raisons, ils sont près de 1,7 million à avoir signé cette pétition contre la très clivante loi sur l'agriculture, dite loi Duplomb . Et chaque heure qui passe voit le nombre de signataires augmenter sur le site de l'Assemblée nationale. Lancée le 10 juillet par une étudiante de 23 ans, la pétition demande «l'abrogation immédiate» d'une loi qui serait «une aberration scientifique, éthique, environnementale et sanitaire». Lors du lancement de sa pétition, la jeune femme à l'origine de ce texte commentait: «Aujourd'hui, je suis seule à écrire, mais non seule à le penser.» Deux semaines plus tard, le nombre record de signataires lui donne raison. Mais l'ampleur de cette mobilisation citoyenne peut-elle changer le destin législatif de cette loi? Loi contestée, débat escamoté Au cœur de la bataille que se livrent opposants et partisans du texte, la réintroduction – à titre dérogatoire et sous condition – de l'acétamipride, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes interdit en France, mais autorisé en Europe. Un produit dangereux pour la santé et pour la biodiversité , notamment pour les abeilles, disent les opposants. Un outil indispensable pour la culture de la betterave et des noisettes, soutiennent les partisans. Or, les uns et les autres n'ont jamais pu s'affronter dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale puisqu'une motion de rejet préalable a été déposée par les LR, à l'origine du texte, et validée grâce au soutien des macronistes et du RN. Une astuce parlementaire qui a permis aux partisans de la loi de tuer le débat dans l'œuf, de contourner les milliers d'amendements déposés par la gauche et de déléguer l'examen du texte à une commission mixte paritaire. En détournant au passage un outil législatif destiné initialement à l'opposition. Lancée deux jours après l'adoption du texte le 8 juillet, la pétition contre la loi Duplomb semblait initialement une riposte bien faible. Depuis, son succès a ouvert la voie à un débat à l'Assemblée à la rentrée, un droit législatif pour les pétitions qui dépassent les 500'000 signatures. Mais le texte ne sera pas pour autant modifié. À moins que… Un débat pour la beauté du geste? Débattre maintenant qu'il est trop tard, tout le monde est d'accord. Les uns pour continuer à fustiger la loi et demander son abrogation, les autres pour expliquer qu'elle n'aura pas de conséquences ni sur l'environnement ni sur la santé. De son côté, la présidente de l'Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a déjà souscrit au principe d'un débat à la rentrée. Mais elle a répété à plusieurs reprises que le texte ayant été adopté, il n'était pas question de l'abroger. Un débat pour la beauté du geste donc, a priori. Députés applaudissant lors de l'adoption de la loi Duplomb sur l'agriculture à l'Assemblée nationale à Paris, le 8 juillet 2025. AFP/Guillaume BAPTISTE Reste que chaque jour qui passe donne un peu plus de poids à une pétition qui visibilise la colère d'une partie des citoyens et des citoyennes face à des débats de société fondamentaux qu'ils ont le sentiment de se faire voler. De quoi obliger le camp présidentiel à trouver une voie médiane entre le succès de cette pétition et le respect de l'adoption de la loi à l'Assemblée. Gabriel Attal, patron du parti présidentiel Renaissance, a ainsi souhaité que le gouvernement saisisse l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), afin qu'elle donne son avis sur le texte en amont de l'éventuel futur débat parlementaire. Initiative soutenue par la ministre de la Transition écologique. Du côté des opposants, et dans l'élan de cette mobilisation citoyenne inédite, d'aucuns se prennent à rêver d'un référendum d'initiative partagée (RIP) qui demanderait l'abrogation de la loi. Ou encore d'un Emmanuel Macron demandant au parlement une deuxième délibération sur le texte, comme le lui permet la Constitution. Dans leur ligne de mire, enfin, la décision que le Conseil constitutionnel doit rendre sur la validité de cette loi au parcours législatif si particulier. Avec, en toile de fond, cette pétition. Une pétition contre la loi Duplomb qui semble bel et bien avoir redonné des ailes à ses opposants. Politique française Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Vaud: les «affaires Valérie Dittli» fracturent Le Centre
Vaud: les «affaires Valérie Dittli» fracturent Le Centre

24 Heures

time7 hours ago

  • 24 Heures

Vaud: les «affaires Valérie Dittli» fracturent Le Centre

Crise politique vaudoise – La démission du président du Centre liée à des tensions autour de Valérie Dittli Un conflit interne a provoqué le départ abrupt de Ludovic Paschoud. La crise, culminant avec le dépôt d'une main courante, serait liée à la conseillère d'État. Claude Beda Dans le cadre des «affaires Dittli», les tensions au Centre Vaud ont culminé avec la démission du président, Ludovic Paschoud. Patrick Martin Abonnez-vous dès maintenant et profitez de la fonction de lecture audio. S'abonnerSe connecter BotTalk Un conflit interne majeur a secoué Le Centre Vaud, entraînant la démission avec effet immédiat de son président, Ludovic Paschoud, en mars dernier, après seulement neuf mois de présidence. D'après «Le Temps», cette démission résulte de crises dont l'apogée a été le dépôt d'une main courante au printemps et qui sont majoritairement liées aux problèmes entourant la conseillère d'État Valérie Dittli. La majorité des membres du parti ignorait les véritables raisons de ce départ soudain, selon le journal, l'explication officielle évoquant des difficultés à concilier engagement politique et vie familiale. Ces tensions internes porteraient un coup à la stratégie du Centre Suisse, qui place de grands espoirs dans le canton de Vaud pour augmenter sa représentation nationale et obtenir un second siège au Conseil fédéral. Fête de la tulipe sous tension pour Le Centre Vaud La crise aurait culminé fin mars, quelques jours après la publication du rapport Studer pointant des dysfonctionnements au sein du Département des finances dirigé par Valérie Dittli. Lorsque la ministre a souhaité se rendre le 29 mars sur le stand de la section Morges du Centre Vaud lors de la Fête de la tulipe, sa venue a suscité des réticences. Face à cette situation, le président Ludovic Paschoud a demandé au Centre Suisse de «prendre les mesures immédiates qui s'imposent», indiquant que Valérie Dittli et lui se rendraient quand même à l'événement. Craignant une dégradation de la situation, Geneviève Hernandez, présidente du Centre Morges à l'époque, a déposé le 28 mars une main courante, évoquant des propos «laissant entendre des menaces, y compris de nature physique». Grave conflit interne Ludovic Paschoud a démissionné après l'annonce de cette main courante, bien que le comité ait refusé sa démission. «J'ai cru devenir fou», a-t-il confié. Selon «Le Temps», le conflit entre Geneviève Hernandez et Ludovic Paschoud s'inscrit dans des tensions entre le président et l'ancien secrétaire général Henri-Pierre Mottironi, compagnon de Geneviève Hernandez. Les «affaires Dittli» auraient créé une scission au sein du parti, notamment concernant les retards de paiement de la conseillère d'État pour sa cotisation annuelle (10'000 francs) et ses frais de campagne 2022 (20'000 francs). Une enquête interne a été commandée par la présidence du Centre Vaud pour analyser le dépôt de la main courante, qualifié de «dysfonctionnement grave». Le rapport rendu le 21 mai soulignerait la dimension émotionnelle particulièrement forte des conflits dans un cadre politique bénévole et recommande une clarification des rôles entre le parti cantonal et ses sections. Face à des fuites de documents internes vers les médias, Le Centre Vaud a annoncé déposer une plainte. Geneviève Hernandez a, elle, démissionné du Centre Vaud le 23 mai à la suite d'un déménagement hors du canton, sans transformer sa main courante en plainte pénale. Newsletter «La semaine vaudoise» Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Se connecter Claude Béda est journaliste à la rubrique vaudoise de 24 heures. Licencié en sciences sociales et politiques, passionné par les sujets de société et la vie des gens d'ici, il a couvert plusieurs régions du canton, avant de rejoindre la rédaction lausannoise. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

Pourquoi Rachida Dati et Carlos Ghosn sont renvoyés en procès à Paris
Pourquoi Rachida Dati et Carlos Ghosn sont renvoyés en procès à Paris

24 Heures

time8 hours ago

  • 24 Heures

Pourquoi Rachida Dati et Carlos Ghosn sont renvoyés en procès à Paris

La ministre française de la Culture et l'ancien patron de Renault-Nissan sont toujours dans le collimateur de la justice. Publié aujourd'hui à 16h12 Rachida Dati et Carlos Ghosn Montage photo avec AFP Des juges d'instruction parisiens ont ordonné mardi le renvoi en correctionnelle de la ministre de la Culture Rachida Dati ainsi que de l'ex-tout puissant patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn pour corruption et trafic d'influence, a appris l'AFP de source judiciaire. Les deux mis en cause contestent les accusations dans ce dossier judiciaire instruit depuis 2019 à Paris et aux lourds enjeux politiques, Rachida Dati étant l'une des principales figures du gouvernement de François Bayrou et potentielle candidate à la mairie de Paris . Davantage sur Rachida Dati et Carlos Ghosn Newsletter «Dernières nouvelles» Vous voulez rester au top de l'info? «24 heures» vous propose deux rendez-vous par jour, pour ne rien rater de ce qui se passe dans votre Canton, en Suisse ou dans le monde. Autres newsletters AFP Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store