
Manger la banane ou pas ?
J'adore ces histoires qui dévoilent les excès de l'art, mais qui témoignent aussi de son rôle premier, celui de provoquer des réactions de toutes sortes.
La scène a eu lieu le 12 juillet dernier au Centre Pompidou-Metz, en France. L'œuvre Comedian, de l'artiste italien Maurizio Cattelan, était exposée dans le cadre de l'exposition Dimanche sans fin.
Cette œuvre, évaluée à plusieurs millions de dollars, est en fait une (vraie) banane collée au mur grâce à un ruban adhésif communément appelé au Québec « duck tape ».
Alors que les visiteurs déambulaient dans les salles d'exposition, un homme s'est approché de la célèbre banane, l'a arrachée du mur, l'a épluchée et l'a mangée.
PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE
L'artiste italien Maurizio Cattelan au côté de l'une de ses œuvres exposées à Montréal, en 2019
L'équipe de sécurité est rapidement intervenue et une autre banane a été installée. En effet, comme il s'agit d'un objet périssable, l'œuvre doit être régulièrement remplacée.
Tout comme la robe de viande de l'artiste canadienne Jana Sterbak, la banane de Maurizio Cattelan a droit à des résurrections à répétition. Quelle belle vie !
Que dit Maurizio Cattelan du traitement réservé à sa banane ? Il est déçu que le visiteur n'ait mangé que le fruit. Il aurait souhaité qu'il avale aussi la pelure et le ruban adhésif, car tout cela fait partie de l'œuvre.
C'est la quatrième fois que cette œuvre, apparue en 2019 à la foire d'art contemporain Art Basel de Miami, est avalée par quelqu'un.
Le performeur David Datuna a été le premier à manger la banane (tirée originalement à trois exemplaires). Elle était alors évaluée à 120 000 $. Filmé par des téléphones, l'artiste signait du même coup une performance intitulée Hungry Artists (« Artistes qui ont faim ») pour dénoncer le sort réservé aux créateurs.
Puis, en 2023, la banane a été dévorée au Leeum Museum Art de Séoul par un étudiant qui, sans doute habité par les paroles de la chanson de Katerine, « Non, mais laissez-moi manger ma banane ! », a assuré avoir faim.
Enfin, en novembre dernier, Justin Sun, un riche entrepreneur chinois, a acheté l'œuvre pour la somme de 6,2 millions de dollars américains chez Sotheby's, à New York. Le collectionneur l'a ensuite mangée dans un hôtel de Hong Kong devant des médias.
Cette conception de l'art éphémère n'est pas sans rappeler la toile L'amour est dans la poubelle (Love is in the Bin) de Banksy. Après avoir été vendue aux enchères pour 31,3 millions de dollars américains, elle a été détruite par une déchiqueteuse.
Maurizio Cattelan est aussi connu pour avoir réalisé America, une toilette (fonctionnelle) en or 18 carats qui surligne les excès liés à la richesse. Quant à sa banane, elle a pour but de susciter une réflexion sur la notion d'œuvre d'art qui se trouve, selon lui, davantage dans l'idée que dans l'œuvre elle-même.
PHOTO TIMOTHY A. CLARY, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE
En novembre dernier, Comedian s'est vendue pour 6,2 millions de dollars américains chez Sotheby's, à New York.
Au cours des dernières années, plusieurs œuvres d'art ont été la cible d'activistes qui, pour attirer l'attention sur une cause, ont commis des gestes de vandalisme. Dans ce cas-ci, on s'en prend à une œuvre qui a elle-même un rôle critique.
Ce qui est fascinant dans tout cela, c'est que ceux qui mangent la banane font partie intégrante de l'œuvre. Ils contribuent à enrichir son mythe et sa renommée. Ils lui confèrent un caractère (faussement) fugace.
Car au fond, derrière cette apparence de l'éphémère se cache l'éternité. En mangeant la banane, on ne détruit pas vraiment l'existence de l'œuvre. Dole et Chiquita pourront toujours fournir en bananes les musées et les galeries d'art.
Depuis cet évènement au Centre Pompidou-Metz, le débat sur ce qui constitue de l'art et ce qui ne l'est pas est relancé. Est-ce qu'une banane que l'on paye quelques cents à l'épicerie peut aussi valoir 6 millions de dollars ?
Oui, tout à fait.
La question qui suit est plus ardue : combien de personnes au ventre creux pourrions-nous nourrir avec 6 millions de dollars en bananes ?
Cet aspect a été soulevé lors de la vente aux enchères organisée par Sotheby's, en 2024. Le New York Times s'est demandé où la prestigieuse salle des ventes s'approvisionnait en bananes durant l'exposition de l'œuvre.
On a découvert que c'était auprès d'un certain Shah Alam, un marchand originaire du Bangladesh qui possède un kiosque dans l'Upper East Side. Quand le journaliste lui a dit que l'une de ses bananes, achetée pour 35 cents, avait été vendue 6 millions de dollars, l'homme de 74 ans s'est mis à pleurer.
Je sais que vous aimez les fins heureuses. J'ajoute donc que le milliardaire qui a fait l'acquisition de la banane (l'œuvre) s'est empressé d'écrire sur X qu'il allait acheter 100 000 bananes à M. Alam et que celles-ci allaient être distribuées gratuitement.
On dirait une performance artistique dans une performance artistique dans une performance artistique…
La saison des pommes arrive à grands pas. Je dis ça comme ça !
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


La Presse
21 hours ago
- La Presse
Réouverture de l'enquête sur le suicide de l'ex-femme de Bertrand Cantat
Réouverture de l'enquête sur le suicide de l'ex-femme de Bertrand Cantat (Bordeaux) Un tribunal français a annoncé jeudi la réouverture d'une enquête « sur d'éventuels faits de violences volontaires » commis par le chanteur Bertrand Cantat, avant la mort de son ex-femme Krisztina Rady, trouvée pendue chez elle le 10 janvier 2010. Agence France-Presse Cette réouverture est notamment motivée par la sortie du documentaire de Netflix Le cas Cantat, sur le chanteur du groupe Noir Désir condamné en 2003 pour le meurtre de l'actrice Marie Trintignant, précise dans un communiqué le procureur de la République de Bordeaux, Renaud Gaudeul. Cette série de trois épisodes, diffusée à partir du 27 mars 2025, contient « plusieurs affirmations et témoignages ne figurant pas » dans les quatre procédures déjà ouvertes sur les circonstances de la mort de Mme Rady, toutes classées sans suite, ajoute le procureur. Outre le dossier en recherche des causes de la mort ouvert à la suite de sa mort au domicile conjugal à Bordeaux, « trois autres procédures subséquentes » avaient été ouvertes en 2013, 2014, puis 2018, rappelle-t-il. PHOTO MEHDI FEDOUACH, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Bertrand Cantat, en 2014 Les deux dernières avaient été ouvertes à la suite de plaintes de la présidente de l'association Femme et libre, Yael Mellul, ancienne avocate du dernier compagnon de Krisztina Rady. Jointe par l'AFP, elle s'est dite « très soulagée » du « changement radical de position du parquet de Bordeaux » sur ce qu'elle qualifie « d'affaire de suicide forcé ». Selon elle, le témoignage anonyme d'un infirmier dans le documentaire de Netflix est un « élément nouveau » qui « corrobore le fait que Krisztina Rady était victime de violence conjugale ». Elle a ajouté avoir elle aussi « de nouveaux témoignages à transmettre au parquet de Bordeaux », sans en préciser la nature. L'avocat de Bertrand Cantat, Antonin Lévy, joint par l'AFP, a déclaré ne pas être au courant de la réouverture d'une enquête sur ce dossier. Condamné à huit ans de prison en Lituanie pour des coups mortels en 2003 à Vilnius sur Marie Trintignant, le chanteur avait été transféré en France. Il a été libéré en 2007 après avoir purgé plus de la moitié de sa peine. Puis il a rapidement été mis hors de cause dans le suicide de Mme Rady. Icône rock française, le chanteur a progressivement repris son activité publique à partir de 2010, avec un album et une tournée, suivis de la sortie en décembre 2017 de son premier album solo, Amor Fati. La promotion de cet album a suscité une polémique, tout comme la tournée qui s'en est suivie, émaillée de concerts annulés et de manifestations d'associations féministes. Le 11 juin 2018, le chanteur, accueilli aux cris « d'assassin » à Grenoble en mars, a supprimé ses dernières dates prévues. En 2020, il a annulé un spectacle dans lequel une de ses musiques devait être jouée, après le blocage de l'accès au théâtre à Paris par des militantes féministes.


La Presse
a day ago
- La Presse
Bonsoir bonsoir ! Jean-Philippe Wauthier ne reviendra pas cette saison
Jean-Philippe Wauthier ne reviendra pas cette saison L'animateur Jean-Philippe Wauthier ne reviendra pas à Bonsoir bonsoir ! cette saison, a annoncé jeudi Radio-Canada. Jean-Sébastien Girard, déjà à la barre de l'émission, reste à l'animation jusqu'au début du mois d'août. Il sera ensuite lui-même remplacé, pour des vacances, comprend-on, du 6 au 21 août par Sophie Fouron. Rappelons que Jean-Philippe Wauthier s'est retiré de ses activités professionnelles en mars dernier. Son retour à Bonsoir bonsoir ! avait été annoncé pour le 7 juillet dernier, mais Radio-Canada avait annoncé à la dernière minute qu'il ne reprendrait pas son rôle ce jour-là. L'émission La journée (est encore jeune) doit reprendre les ondes sur ICI Première à la fin de l'été. On ne sait pas encore si Jean-Philippe Wauthier sera derrière son micro à la rentrée.


La Presse
a day ago
- La Presse
Réouverture de l'enquête sur le suicide de l'ex-épouse de Bertrand Cantat
Réouverture de l'enquête sur le suicide de l'ex-épouse de Bertrand Cantat (Bordeaux) Un tribunal français a annoncé jeudi la réouverture d'une enquête « sur d'éventuels faits de violences volontaires » commis par le chanteur Bertrand Cantat, avant la mort de son ex-épouse Krisztina Rady, retrouvée pendue chez elle le 10 janvier 2010. Agence France-Presse Cette réouverture est notamment motivée par la sortie du documentaire de Netflix Le cas Cantat, sur le chanteur du groupe Noir Désir condamné en 2003 pour le meurtre de l'actrice Marie Trintignant, précise dans un communiqué le procureur de la République de Bordeaux, Renaud Gaudeul. Cette série de trois épisodes, diffusée à partir du 27 mars 2025, contient « plusieurs affirmations et témoignages ne figurant pas » dans les quatre procédures déjà ouvertes sur les circonstances de la mort de Mme Rady, toutes classées sans suite, ajoute le procureur. Outre le dossier en recherches des causes de la mort ouvert à la suite de son décès au domicile conjugal à Bordeaux, « trois autres procédures subséquentes » avaient été ouvertes en 2013, 2014 puis 2018, rappelle-t-il. PHOTO MEHDI FEDOUACH, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Bertrand Cantat, en 2014. Les deux dernières en date avaient été ouvertes à la suite de plaintes de la présidente de l'association Femme et libre, Yael Mellul, ancienne avocate du dernier compagnon de Krisztina Rady. Jointe par l'AFP, elle s'est dite « très soulagée » du « changement radical de position du parquet de Bordeaux » sur ce qu'elle qualifie « d'affaire de suicide forcé ». Selon elle, le témoignage anonyme d'un infirmier dans le documentaire de Netflix est un « élément nouveau » qui « corrobore le fait que Krisztina Rady était victime de violence conjugale ». Elle a ajouté avoir elle aussi « de nouveaux témoignages à transmettre au parquet de Bordeaux », sans en préciser la nature. L'avocat de Bertrand Cantat, Antonin Lévy, joint par l'AFP, a déclaré ne pas être au courant de la réouverture d'une enquête sur ce dossier. Condamné à huit ans de prison en Lituanie pour des coups mortels en 2003 à Vilnius sur Marie Trintignant, le chanteur avait été transféré en France. Il a été libéré en 2007 après avoir purgé plus de la moitié de sa peine. Puis il a rapidement été mis hors de cause dans le suicide de Mme Rady. Icône rock française, le chanteur a progressivement repris son activité publique à partir de 2010, avec un album et une tournée, suivis de la sortie en décembre 2017, de son premier album solo Amor Fati. La promotion de cet album a suscité une polémique, tout comme la tournée qui s'en est suivie, émaillée de concerts annulés et de manifestations d'associations féministes. Le 11 juin 2018, le chanteur, accueilli aux cris « d'assassin » à Grenoble en mars, a supprimé ses dernières dates prévues. En 2020, il a annulé un spectacle dans lequel une de ses musiques devait être jouée, après le blocage de l'accès au théâtre à Paris par des militantes féministes.