
Thomas Moralès : «Après la mort de Thierry Ardisson, la télé s'habille en noir»
Thomas Morales est écrivain. Il est notamment l'auteur de Tendre est la province (Les Équateurs, 2024).
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L'homme en noir avait créé un style. C'est peu, et beaucoup à la fois. Une patte télévisuelle. Une narration totalement reformatée de l'interview, entre mise en scène et climax, entre érotisme feint et confessions, entre blagues potaches et vieilles dentelles. Hors du cadre de la promo habituelle, il avait réinventé un genre. En rupture, d'une efficacité commerciale redoutable et d'une démagogie rieuse. Toujours sur le fil. Cette provocation maîtrisée fut aussi, avouons-le, le dernier spasme d'une liberté d'expression en voie de disparition. Après lui, la télé ennuya par tant de sermons et de prudences assassines. Son double-jeu anima, enchanta même nos samedis soir par ses éclats et ses ruses. Il était futé, il connaissait nos faiblesses de téléspectateur, l'attrait pour le scandale et les exhibitions.
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L'homme en noir ne s'aimait pas physiquement et il passa sa vie à l'antenne. Il s'habillait pour se cacher et on ne voyait que lui. Il n'était pas à un paradoxe près. Boomer au comportement ombrageux, il aurait voulu être écrivain ou cinéaste, rock star ou artiste maudit, il restera pour toujours l'animateur de notre jeunesse en fuite. Des descentes de police aux salons littéraires, du 93, faubourg Saint-Honoré aux lunettes noires, de Paris Dernière à Rive Droite, il nous ouvrait la porte des boîtes de nuit et des appartements de l'entre-soi. Il avait le génie du m'as-tu vu et de l'esclandre carnavalesque. On était à la fête. Au Luna Park. Il ne reculait devant aucune mascarade. Il coupait, montait, dialoguait ses émissions comme l'artisan bourrelier façonne le cuir. La télé était un jeu de miroirs, nous étions ses complices. Il achetait des voitures anciennes et n'avait pas le permis de conduire. Il était né dans la Creuse et passa sa jeunesse au soleil du Midi.
Thierry Ardisson savait faire parler de lui mieux que les autres. Romanesque et roublard, il a créé son propre personnage à son image fantasmée. Il était, à bien des égards, l'archétype savoureux de son époque. L'enfant ambitieux des Trente Glorieuses qui se jeta, à corps perdu, dans les paradis illicites, les métiers clinquants, les fêtes sans fin et la « pop culture ». Sa génération est accusée de tous les maux, elle longe les murs. Ils auraient été « coupables » d'avoir trop profité, d'avoir érigé l'individualisme hédoniste en religion d'état et d'avoir abattu les anciennes structures du pays. Ne les caricaturons pas ! Ils ont été les gentils agents perturbateurs du système ; des anars de droite résilients quand la télé commença à se frigorifier sur le plan des idées. Ils n'étaient pas des saints, ni des procureurs, plutôt des amuseurs inspirés par l'inconsistance de leurs contemporains.
Aujourd'hui, les enfants de la télé ont pourtant perdu leur père tentateur, un jésuitisme de la boule à facettes. Parce qu'avec Ardisson, en trente ans, on en a vu des dingueries, des séquences mémorables que l'on se racontait le lundi dans les cours de récréation, des futilités qui ne s'oublient pas
Les hommes célèbres sont des leurres ; cachottiers, ils nous montrent seulement ce qu'ils ont décidé d'exposer au grand public. Ardisson, secret, pudique à l'excès, un autre de ses paradoxes, toujours sur ses gardes, avait tous les tics et les tocs des années 1980. Ce pubard du Palace avait pressenti que son avenir se dessinerait dans la lucarne. Dans les marges. C'est là qu'il fera fortune, la littérature payait trop mal, il s'y était essayé non sans talent, mais il préférait les autoroutes du succès aux chemins chaotiques des créateurs sous pentes. Il avait besoin d'espace, de grands cottages en Normandie et de hauteur sous plafond. Son monarchisme d'atmosphère et son cabriolet Peugeot 404 prouvaient qu'il n'avait pas totalement rompu les ponts avec le passé. Contrairement à tous les présentateurs du présent, shootés à l'actualité, Ardisson ne pouvait s'empêcher de regarder dans le rétroviseur. Il ne vénérait personne, surtout pas les gens de son métier, mais face aux artistes, aux vrais, notamment aux écrivains, son œil ne trompait pas. Il n'était pas indifférent à leur déglingue flamboyante.
Alors, on peut bien évidemment sourire de cette deuxième partie de soirée en carton-pâte, certains la trouveront aujourd'hui vulgaire, déplacée, manquant d'inclusivité et de sororité. Aujourd'hui, les enfants de la télé ont pourtant perdu leur père tentateur, un jésuitisme de la boule à facettes. Parce qu'avec Ardisson, en trente ans, on en a vu des dingueries, des séquences mémorables que l'on se racontait le lundi dans les cours de récréation, des futilités qui ne s'oublient pas : Chaban aux Bains Douches, Philippe Corti aux platines, Baffie à la mitraillette, des stars du X, des américains à Paris, des actrices en lévitation, des coups de sang, un Jean d'O souverain ou une Annie Girardot à la voix ébréchée. Ardisson nous laissera des souvenirs.
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Le Figaro
an hour ago
- Le Figaro
Qui sont les trois enfants de Thierry Ardisson, nés de son mariage avec Béatrice Loustalan ?
Décédé lundi 14 juillet, le célèbre animateur de télévision laisse dernière lui trois enfants, nés de sa relation avec sa seconde épouse, Béatrice Loustalan. Il n'a pas été très présent pour eux, pourtant certains ont suivi ses pas. Lundi 14 juillet, Thierry Ardisson est décédé d'un cancer à l'âge de 76 ans. Il laisse dernière lui son épouse Audrey Crespo-Mara, mais aussi ses trois enfants, Manon (36 ans), Ninon (34 ans) et Gaston (29 ans), issus de sa relation avec Béatrice Loustalan, avec qui il a été marié entre 1988 et 2010, d'abord styliste pour Kenzo avant de poursuivre une carrière musicale en tant que DJ et conceptrice sonore. «Je n'ai pas beaucoup connu mes enfants car je travaillais beaucoup», confiait Thierry Ardisson dans l'émission «Le Divan» de Marc-Olivier Fogiel en 2015. «À l'accouchement de Béatrice, je n'étais même pas là car j'avais un montage. J'ai toujours privilégié mon travail, moins maintenant. J'ai gâché plein de moments de ma vie que je ne rattraperai pas». Il semblerait pourtant que ses deux filles et son fils ne lui en tiennent plus rigueur depuis longtemps. «On voulait te dire que tu répètes souvent que tu ne t'es pas assez occupé de nous, à cause de la télé. Ça a eu l'air de faire de la peine. Ne t'inquiète pas, on comprend (...)», avait confié le trio dans une vidéo diffusée sur le plateau de «Télématin», en mai 2025. «Ne regrette rien, c'était ta vie. On t'aime.» À lire aussi Le baisemain remarqué d'Emmanuel Macron à son épouse Brigitte pendant le défilé du 14 juillet Sur les traces de son père De gauche à droite : Thierry Ardisson, Gaston Ardisson, Ninon Ardisson, Béatrice Loustalan et Manon Ardisson. (Paris, le 30 mai 2006.) Klein Bruno/ABACA Publicité En 1989, Béatrice Ardisson a donné naissance à Manon. Si cette dernière n'a pas beaucoup côtoyé son père lorsqu'elle était petite, elle a tout de même fini par suivre ses traces. Après avoir fait des études d'histoire en Angleterre, Manon se lance dans la production. Elle est désormais responsable du pôle fiction dans la boîte de production Cottonwood, à Paris, comme le rapporte son compte LinkedIn. Elle a commencé à se faire un nom en 2010 en produisant le long-métrage Seule la Terre de Francis Lee. En 2016, elle a épousé Samuel Ceccatty, scénariste et réalisateur, avec qui elle a donné naissance à une fille en 2019, dont le prénom n'est pas connu. Une famille d'artistes Tout comme sa grande sœur, Ninon a elle aussi réussi à se faire un nom dans son domaine de prédilection. Sur son compte Instagram, elle se définit comme «Artiste/Chercheuse» et précise qu'elle est aussi «conférencière en Beaux-Arts». «Ninon est une artiste multidisciplinaire et chercheuse en art informatique à Londres. Elle est également conférencière à Camberwell College of Art dans le départment des Beaux-arts informatiques», expliquait Béatrice Loustalan à la Presse Lib. «Elle a exposé dans plusieurs institutions, comme la Tate Modern et le Victoria and Albert Museum.» D'ailleurs si elle ne partage que très peu de choses sur son compte Instagram, elle dévoile tout de même certaines de ses œuvres. Côté vie privée, elle est mariée au compositeur Narotam Horn et précise sur le réseau social qu'elle est aussi maman. En ce qui concerne le dernier de la fratrie, Gaston, il travaille aux côtés de sa mère chez Ardisong, entreprise de sound-design (conception sonore en français) qu'elle a fondée. «Il est musicien de formation, gère la production musicale chez Ardisong. Il travaille sur tout ce qui touche à la création originale dans la société, de l'enregistrement au coaching des musiciens», avait confié Béatrice Loustalan à la Presse Lib . En plus de la musique, Gaston est aussi entrepreneur et est à la tête d'Oxygen Water depuis 2017, une marque d'eau riche en oxygène vendue en canettes. Assez discret, le jeune homme de 29 ans préfère garder le mystère sur sa vie privée.


Le Parisien
2 hours ago
- Le Parisien
« Ardisson, l'homme en noir » sur France 2 : un hommage tout en drôlerie et tendresse
Thierry Ardisson voulait Léa Salamé, et il l'a quand même un peu eue. L'homme en noir avait tout prévu ou presque de sa mort et son enterrement , jusqu'aux hommages qui lui seraient rendus. Peut-être allait-il jusqu'à croire qu'au surlendemain de sa disparition à 76 ans, des suites d'un cancer, la future reine du JT de 20 Heures de France 2 à la rentrée, ferait un accroc à ses courtes vacances d'une année folle, pour présenter la spéciale « Ardisson l'homme en noir ». Quand même pas. Mais presque. Si Stéphane Bern présentait cette émission en direct décidée très vite avec les invités disponibles un 16 juillet au débotté, certains très proches de lui, comme le DJ Corti, et Marie-France Brière, qui l'a lancé à la télévision en 1985, ainsi que Maïtena Biraben, Yves Bigot et le directeur de Match Jérôme Béglé, c'est Léa Salamé qui a mis des couleurs et un sourire de fan toujours aussi séduite à l'émission. « Qui ose, ou même qui osait à l'époque, aller aussi loin que Thierry Ardisson ? C'est pour cela qu'il restera », lance-t-elle comme une évidence en duplex depuis son lieu de villégiature. Si un mot le résumait, lui a demandé Bern ? « En un mot, ce serait la liberté, dit la toute récente ex-animatrice de la matinale d'Inter. C'est en cela qu'il va manquer à l'époque. Il parlait à tout le monde, le samedi soir, il rassemblait toutes les France ». « Il cherchait à faire dire un truc que l'invité ne dirait pas ailleurs », décrypte-t-elle aussi. Les extraits les plus émouvants provenaient aussi de ses émissions. Moment délicieux, et assez récent, d'Audrey Crespo Mara et Thierry Ardisson chez Léa Salamé dans « Quelle époque », en 2023. Il paraît âgé, sans doute même malade, mais apaisé, rieur, à côté de sa femme, présentatrice du JT de TF 1, protectrice, amusée, charmée, on a le cœur serré. Il y a deux ans ou même moins. Et ces instants si parlants aujourd'hui dans la matinale d'Inter il y a deux mois, pour la promotion de son roman autobiographique « L'homme en noir ». Ardisson pleure en évoquant le livre sur la maladie mentale du coanimateur de la matinale Nicolas Demorand. « J'ai deux hommes qui chialent », rit Léa Salamé à l'antenne. « Ça montre l'ultrasensible, le tendre », ajoute-t-elle ce mardi soir. Même si même malade l'homme en noir gardait son humour… noir : « C'est pas les mémoires de Castaldi », ricanait-il. Une émission assez complète dans un temps de préparation aussi court. Les extraits étaient les bons, tellement bons, souvent tellement profonds et à hurler de rire. Ardisson, l'un des plus grands bosseurs et déconneurs de l'écran. Un enfant de la télé qui l'est resté, enfantin, jusqu'à son dernier souffle. Tant de folies. Un baiser sur la bouche avec Bruce Willis. Mais pourquoi disaient-ils tous oui à n'importe quoi ? Sting qui rétorque à Baffie qu'il aimerait avoir son esprit. Politesse ou sincérité, qu'importe, quel moment de classe. Matt Damon, Mickey Rourke, Julio Iglesias, tant d'autres, comme Johnny Hallyday en roue libre. Les débuts d'un beau gosse dans « Scoop à la Une ». Le tutoiement à Henri Salvador. Des moments hyper forts d'émotion, avec Annie Girardot, Jeanne Moreau, ou Guillaume Depardieu, Frédéric Mitterrand dans une interview confession au sens propre. « Il leur parle comme si on était entre potes », dit justement Léa Salamé. Victoria Beckham qui rit comme une gamine à une question trop provoc. Éric et Ramzy, dans une pastille en duplex, ont parlé « d'arène ». Il fait quand même dire à Laurent Wauquiez que ce dernier « regarde YouPorn, comme tout le monde ». À s'en retourner dans sa tombe qu'on imagine délirante, gothique, comme un décor un peu fou des Folies Bergères, celui de son émission « Double jeu ». Du direct, lui qui détestait ça. Personne n'est parfait. Il ne pouvait pas. Il avait trop le trac. Il transpirait. « Il aurait fallu des ustensiles qu'on n'avait pas », pour le sécher, a souri sa première responsable des programmes Marie-France Brière. « Il rêvait d'être une rock star », a ajouté Yves Bigot. Son ami Philippe Corti a expliqué qu'Ardisson avait perdu son accent du Sud, contrairement à lui. Ardisson « avé » un accent ? Amusant. Il fallait un zeste d'irrévérence, et l'humoriste Tom Villa , qui fut le « stagiaire » de « Salut les Terriens », a été impeccable : « France 2 te rend hommage. Ça doit te faire plaisir et te faire marrer aussi ». Car Ardisson a été poussé dehors de « Tout le monde veut prendre sa place » en 2006 pour laisser la place à Laurent Ruquier et « On n'est pas couché » le samedi soir sur France 2. Avant et après lui, tout fut toujours un peu trop gentil. « Tous les animateurs interviewaient très complaisamment les artistes », résume Maïtena Biraben avant d'ajouter : « C'était un mec de province. Il était comme nous ». Ardisson le mondain parisien venait d'un milieu prolo de la campagne. Une success-story aussi. Un être humain qui s'invente. Rigolons encore un peu : les mains qui font les marionnettes, ne pas cligner les yeux pendant le jingle, ses « Ouais » en rafale, « Chers amis, chers ennemis bonsoir », ça fait du bien d'en parler.


Le Parisien
4 hours ago
- Le Parisien
MasterChef : propos racistes, langage « sexuel »… Les deux présentateurs de l'émission anglaise renvoyés
MasterChef UK (la version anglaise de la célèbre émission de cuisine), est en pleine crise. La production à décider de se séparer de ces deux présentateurs, John Torode et Gregg Wallace. Très appréciés du public anglais, les deux hommes animaient ensemble le programme depuis 2005. Fin 2024, une enquête de la BBC révélait que plusieurs personnes avaient accusé Wallace de comportement sexuel inapproprié sur les tournages. Il avait de lui-même décidé de se mettre en retrait à l'époque. Lundi, la société de production de l'émission, Banijay UK, publiait les conclusions d'une enquête interne de 7 mois concernant les accusations portées contre Wallace. Dans le communiqué, elle explique que sur les 83 signalements reçus, 45 se sont avérés vérifiables et fondées. La majorité s'étant déroulée entre 2005 et 2018. Concernant principalement toutes des comportements inappropriés, le rapport avait également mis en avant le manque de réactivité des équipes lorsque des plaintes de ce type se présentaient. Patrick Holland, PDG de Banijay UK, est cité ainsi : « [Ce rapport] Bien que sa lecture soit pénible, mettant en évidence les failles des procédures de reporting et de RH existantes, il fournit également des informations précieuses pour garantir qu'à l'avenir, tous les collaborateurs de nos productions se sentent en sécurité et soutenus, et que les comportements inappropriés soient traités rapidement et avec professionnalisme. » Suite à la publication du rapport, Gregg Wallace avait lui même pris la parole sur Instagram, appuyant sur un diagnostique tardif de son autisme qui aurait compliqué sa « manière de communiquer et d'être perçu ». Dans cette même enquête réalisée par le cabinet d'avocats Lewis Silkin, il a été révélé que le coanimateur de Wallace, John Torode, aurait utilisé « Un terme raciste extrêmement offensant ». L'ex-présentateur, aurait décidé lui aussi, de révéler l'information au public dans une publication Instagram. L'accusation porterait sur un propos tenu lors d'une soirée privée entre 2018 et 2019, sans qu'il n'y ait plus de précisions sur les mots exacts prononcés. Il affirme ne pas se souvenir et réfute les accusations, rappelant que pour lui « (..) tout langage raciste est totalement inacceptable, quel que soit l'environnement. ». Dans une autre publication , il déclare ne pas avoir eu de contact avec la production ou chaîne à propos de son « licenciement », qu'il aurait appris dans la presse. Déplorant ne pas avoir eu « son mot à dire », il confirme que la prochaine émission Celebrity MasterChef, qu'il a récemment filmée avec la critique gastronomique Grace Dent ainsi que deux spéciales de Noël, seraient ses dernières émissions. Concernant le futur du programme, peu d'annonces ont été faites, quant à la prochaine saison, qui avait déjà été tournée avec les deux présentateurs le Directeur général de la BBC Tim Davie a déclaré « Je veux simplement réfléchir à cela avec l'équipe et prendre une décision, et nous la communiquerons en temps voulu. ».