
L'a b c d'une bombe atomique
Aurélie Lachapelle
La Presse
Comment fonctionne une bombe nucléaire ?
PHOTO ARCHIVES THE NEW YORK TIMES
Test nucléaire américain à Bikini, aux Îles Marshall, en 1954
Le principe au cœur de la bombe nucléaire (ou atomique, ce sont des synonymes) est la fission nucléaire : le fait de scinder un atome en deux.
La fission nucléaire est un processus qui crée énormément d'énergie et de chaleur. En se séparant, l'atome libère des neutrons. Ces neutrons libérés, dans une bombe, sont les éléments qui vont scinder à leur tour d'autres atomes, qui libéreront d'autres neutrons, qui eux scinderont d'autres atomes et ainsi de suite. C'est ce qu'on appelle une réaction en chaîne.
Donc, pour s'assurer que la bombe explose convenablement, il faut avoir assez de matière pour créer cette réaction en chaîne. Cette quantité minimale, c'est ce qu'on appelle la masse critique, explique Guy Marleau, professeur au département de génie physique de Polytechnique Montréal.
« La masse critique, ça veut dire suffisamment de noyaux rassemblés ensemble, de façon à ce que quand la réaction de fission se passe, elle s'entretienne elle-même. Supposons que la bombe soit une sphère. Si on a une masse trop faible, ces neutrons-là vont sortir et n'auront pas le temps d'interagir avec d'autres noyaux. »
De quoi est faite une bombe atomique ?
PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Les centrifugeuses de l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz, en Iran
Certaines bombes atomiques, comme Little Boy (la bombe larguée par les États-Unis sur Hiroshima), sont des bombes à l'uranium. L'uranium 235 – aussi appelé uranium pur – est le seul élément présent dans la nature qui peut subir une fission. Mais il n'existe pas de gisement d'uranium 235. Pour en obtenir, il faut l'extraire à partir d'uranium 238 – aussi appelé uranium naturel – qui, lui, se trouve dans le sol.
L'uranium, sous forme solide (plus précisément hexafluorure d'uranium), est mis dans une centrifugeuse et est évaporé. Au centre, il restera l'uranium 235 et sur les parois de la centrifugeuse se retrouvera l'uranium 238.
De cette façon, on réussit à concentrer, étape par étape, l'uranium en uranium 235. Dans l'uranium naturel, il y a 0,7 % d'uranium pur.
« Ce qu'on fait, c'est l'enrichir jusqu'à 90 %, 93 %, pour avoir très peu de noyaux d'uranium 238, précise Guy Marleau. L'uranium 238 empêche un peu que les réactions de fission se produisent. En enrichissant à 90 %, 95 %, on a une quantité de masse minimum nécessaire pour la fission dans une bombe qui pourrait être portée par un avion. »
Et après ?
PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
Le champignon au-dessus de Nagasaki à la suite de l'explosion de la bombe Fat Man, larguée par les États-Unis sur la ville japonaise le 9 août 1945
Dans une bombe atomique à l'uranium, deux masses critiques d'uranium entrent en collision pour créer l'explosion. « On prend deux masses et on les approche l'une de l'autre très rapidement en faisant sauter de la dynamite de chaque côté », dit M. Marleau.
Par exemple, on pourrait avoir deux cylindres d'uranium dans une bombe : un troué, et un plus petit qui se glisserait dans l'autre. Entre les deux se trouve un matériau qui absorbe les neutrons, pour empêcher une petite explosion prématurée entre les deux masses critiques.
C'est cette partie qui est la plus difficile dans la confection d'une bombe atomique, selon Guy Marleau. « Il faut prendre ces deux masses et les réunir très rapidement pour que ça ne fasse pas juste une petite explosion qui rejette les deux masses chacune dans leur position. »
Mis à part l'uranium, de quoi peut être faite une bombe atomique ?
PHOTO ARCHIVES REUTERS
Un nuage de poussière s'élève dans le ciel de l'archipel russe de la Nouvelle-Zemble à la suite de l'explosion de la Tsar Bomba, le 30 octobre 1961.
Il existe aussi des bombes au plutonium et à l'hydrogène. Les bombes au plutonium fonctionnent comme les bombes à l'uranium, mais elles sont plus puissantes. Autre différence : le plutonium n'existe pas naturellement, il faut le produire à partir d'uranium. Fat Man (la bombe larguée par les États-Unis sur Nagasaki) était une bombe au plutonium.
La bombe à l'hydrogène fonctionne différemment. Plutôt que la fission nucléaire, elle fonctionne à partir de la fusion nucléaire : lorsque deux noyaux d'atomes fusionnent. « Dans une bombe à hydrogène, on a l'équivalent d'une bombe au plutonium qui réchauffe l'hydrogène suffisamment pour que la fusion se déclenche », explique Guy Marleau.
Une bombe à l'hydrogène est exponentiellement plus puissante qu'une bombe au plutonium ou à l'uranium. La Tsar Bomba, une bombe soviétique considérée comme la plus puissante de toute l'histoire à avoir explosé, était 3800 fois plus puissante que Little Boy.
La fission nucléaire est-elle utilisée dans d'autres contextes ?
PHOTO TED SHAFFREY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS
La centrale nucléaire Crane Clean Energy Center, près de Middletown, en Pennsylvanie
La fission nucléaire n'est pas utilisée seulement dans les bombes atomiques. Elle produit beaucoup d'énergie, qui est transformée en électricité dans de nombreux pays. L'uranium sera donc enrichi de la même manière que lorsqu'on veut créer une bombe, mais « généralement, pour les bombes, on a besoin d'un enrichissement plus important », affirme Guy Marleau.
« Habituellement, la règle de l'art, c'est 3,5 % [pour une utilisation civile]. Mais quand on veut une bombe, il faut aller chercher 90 % », explique Matthieu Lavallée, qui a travaillé dans le domaine du nucléaire à Hydro-Québec pendant de nombreuses années.
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


La Presse
3 days ago
- La Presse
Survivrons-nous à Hiroshima ?
Un guide volontaire de 12 ans offrant ses services aux touristes près du dôme de la bombe atomique, à Hiroshima, au Japon Quelque 16 000 tonnes de TNT, entre 70 000 et 140 000 morts. Le 6 août 1945, les Américains ont largué la première bombe atomique de l'histoire sur Hiroshima, jovialement appelée Little Boy, selon son nom de code. Marc Tremblay Lanaudière La bombe avait explosé à plus de 600 mètres d'altitude, pour faire le maximum de victimes. Au début, les Japonais refusaient de croire qu'il ne s'agissait que d'une seule bombe et s'indignaient que les Américains aient pris pour cible une grande ville et des civils. Quand Fatman, la deuxième bombe, a été larguée trois jours plus tard sur Nagasaki, l'empereur Hirohito a demandé l'arrêt des hostilités. Le Japon avait perdu la guerre. Mais qu'avait gagné le monde, exactement ? Aujourd'hui, l'horloge de l'apocalypse conçue en 1947 par des scientifiques liés au projet Manhattan indique minuit moins 89 secondes1. Elle n'a jamais été aussi proche de la fin. Plus proche encore que lors de la crise des missiles de Cuba en 1962. Si minuit approche, c'est pour une foule de raisons, mais surtout à cause des changements climatiques et, bien sûr, de la menace nucléaire. L'intelligence artificielle s'est aussi ajoutée récemment à la liste des périls menaçant l'humanité. Dans les années 1980, quand j'étais à l'université, la guerre froide battait son plein et nous étions hantés par la perspective de cette fin du monde auto-infligée par l'homme. Des films tels que The Day After qui illustraient les conséquences d'une guerre nucléaire ont presque traumatisé ma génération. Ronald Reagan parlait de la guerre des étoiles, ce bouclier défensif qui allait permettre aux États-Unis de prendre une longueur d'avance sur l'URSS. Les deux puissances combinées possédaient alors des dizaines de milliers d'ogives nucléaires capables de détruire le monde plusieurs fois. Si le premier traité START conclu entre les États-Unis et l'URSS en 1991 a permis de réduire cette folle course vers la mort en forçant la destruction d'une partie de l'arsenal américain et russe, la menace nucléaire n'a pas pour autant reculé et continue à faire peser une lourde épée de Damoclès sur la planète. Actuellement, neuf pays possèdent la bombe atomique : les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la France, la Chine, Israël, la Corée du Nord, l'Inde et le Pakistan. En plus des menaces nucléaires de la Russie à l'endroit de l'Ukraine, les deux voisins du sous-continent indien sont régulièrement à couteaux tirés et Israël est mené par le gouvernement le plus belliqueux de son histoire. Il y a aussi au sud de la frontière un président très « imprévisible », pour employer l'euphémisme consacré… Ironiquement, plutôt que de faire marche arrière dans cette folie meurtrière, nous nous apprêtons à faire le contraire, à investir des sommes inouïes dans le militaire avec un enthousiasme qui n'est pas sans rappeler l'absurde candeur de 1914 quand des soldats partaient souriant au front comme on part à l'aventure. On connaît la suite… À une erreur de l'apocalypse L'emploi des deux bombes au Japon en 1945 meuble les conversations des historiens depuis 80 ans : ce recours était-il justifié ? Le président Truman avait motivé le largage des bombes à Hiroshima et à Nagasaki par la vie d'au moins une centaine de milliers de soldats américains qu'il allait ainsi épargner et par l'obstination du Japon à poursuivre la guerre à n'importe quel prix. Mais pourquoi ne pas avoir largué la première bombe sur un site militaire ou industriel japonais et épargné ainsi des dizaines de milliers de vies innocentes ? PHOTO JUNG YEON-JE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Une télévision montrant le tir d'essai d'un missile Hwasong-17 en Corée du Nord, en 2023 Pendant 80 ans, nous avons vécu avec les enfants d'Hiroshima, je parle de sa progéniture technologique. Et entre les missiles Minuteman américains et les RS-28 russes est apparu le Hwasong-17 de la Corée du Nord. Dans un récent livre aussi fascinant qu'absolument horrifiant, Guerre nucléaire : un scénario, la journaliste américaine Annie Jacobsen imagine une guerre nucléaire totale déclenchée par seulement deux ogives nucléaires coréennes. Le récit captivant tourne autour du « dictateur fou » et anéantit ce qui est peut-être le plus grand sophisme technologique de tous les temps : la « dissuasion nucléaire ». Ce sophisme est la présomption voulant que la destruction mutuelle empêche quiconque d'amorcer une guerre nucléaire. Il exclut à la fois la possible folie d'un seul homme et les simples erreurs comme celle survenue en 1983. Des satellites russes avaient alors faussement signalé l'envoi de cinq missiles nucléaires américains. N'eût été le sang-froid d'un lieutenant-colonel russe, Stanislav Petrov, notre monde aurait peut-être chaviré pour de bon. L'astrophysicien Hubert Reeves était persuadé que si une civilisation avancée existait ailleurs dans l'univers, elle aurait probablement fait face à des défis semblables à ceux auxquels nous faisons face, cette capacité d'autodestruction : « Combien de populations planétaires ont rencontré, avant nous, le tournant crucial que nous traversons en ce moment sur Terre ? […] Combien ont sombré dans le néant pour n'avoir pas su manœuvrer correctement ? Et combien ont su passer, avec succès, le test de la coexistence pacifique avec leur propre puissance ?2 » Nul ne connaît évidemment la réponse à ces questions ! Mais si une solution existe pour surmonter l'immense défi que représente le nucléaire, elle doit nécessairement passer par la prise de conscience que le risque n'a probablement jamais été aussi élevé qu'actuellement… Survivrons-nous à Hiroshima ? 1. Consultez l'horloge de l'apocalypse du Bulletin of the Atomic Scientists (en anglais) 2. L'heure de s'enivrer : L'univers a-t-il un sens ?, Hubert Reeves, éditions du Seuil, 2016 Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


La Presse
4 days ago
- La Presse
Les assistants IA bousculent la presse et son modèle économique
Une récente enquête de l'organisation Pew Research Center a montré que le résumé d'IA générative désormais produit régulièrement lors d'une recherche sur Google dissuadait souvent les internautes d'aller consulter les articles des sites d'information. Les assistants IA bousculent la presse et son modèle économique (New York) Les assistants d'intelligence artificielle (IA) générative comme ChatGPT rognent sur la recherche classique en ligne et privent les sites d'information d'une partie de leur trafic et de leurs recettes publicitaires, un dur coup porté à un modèle déjà mal en point. Thomas URBAIN Agence France-Presse « Les trois ou quatre prochaines années vont être incroyablement difficiles pour les éditeurs de presse, dans le monde entier, quelle que soit leur taille », avertit Matt Karolian, vice-président de la recherche et développement au sein du groupe Boston Globe Media, éditeur du prestigieux quotidien. « Les éditeurs doivent préparer leur abri », exhorte-t-il, « au risque d'être balayé sinon ». Les chiffres sont encore rares, mais une récente enquête de l'organisation Pew Research Center a montré que le résumé d'IA générative désormais produit régulièrement lors d'une recherche sur Google dissuadait souvent les internautes d'aller plus loin. Ils cliquent ainsi moitié moins souvent sur les liens proposés que lors d'une recherche sans IA. C'est autant de visiteurs qui ne se rendent pas sur les sites des médias en ligne, tributaires de ce canal pour leurs recettes publicitaires et leurs abonnements. Pour John Wihbey, professeur à l'université Northeastern, « cette tendance au ralentissement du trafic » généré par les moteurs de recherche à l'ancienne « va s'accélérer et, bientôt, le web sera un univers différent de celui que nous avons connu. » La domination de quelques acteurs comme Google ou Meta avait déjà réduit les recettes publicitaires des médias en ligne, les contraignant à mettre l'accent sur le contenu payant et les abonnements. Mais, pour John Wihbey, les abonnements dépendent eux aussi, du trafic, et « ils ne sont pas suffisants pour viabiliser des grands médias ». « On commence à voir des gens s'abonner via ChatGPT », qui offre un nouveau point de contact avec l'information, rapporte Matt Karolian, « mais cela reste incroyablement modeste par rapport aux autres plateformes » de recherche, « même les petits moteurs ». « Et pour les autres assistants d'IA, comme Perplexity, c'est encore moins », assure-t-il. « Faire le travail » Pour surnager dans l'océan IA, de plus en plus de sociétés recourent au GEO (Generative Engine Optimization), une technique qui se substitue au SEO (Search Engine Optimization), méthode d'optimisation du référencement sur les moteurs de recherche classiques. Contenus clairement labellisés, bien structurés, compréhensibles par les grands modèles d'IA, présence sur les réseaux sociaux et forums, sont quelques-unes des clés du GEO. « Mais la grande question », dans le cas des médias, « c'est de savoir si vous laissez les extracteurs IA de contenu se servir sur votre site », pointe Thomas Peham, patron de la jeune pousse d'optimisation OtterlyAI. Échaudés par la collecte sauvage de nombre de grands acteurs de l'intelligence artificielle générative, beaucoup d'éditeurs de presse ont choisi de riposter et d'empêcher l'accès de l'IA à leur contenu. « Nous devons nous assurer que les entreprises qui utilisent notre contenu le rémunèrent à sa juste valeur », avance Danielle Coffey qui dirige l'organisation professionnelle News/Media Alliance. Quelques accords ont été conclus sur cette base, entre le New York Times et Amazon, Google et Associated Press ou Mistral et l'Agence France-Presse. Mais elle n'a pas clos le dossier, tant s'en faut, et plusieurs procédures judiciaires sont en cours, notamment celle du New York Times contre OpenAI et Microsoft. Pour autant, la stratégie du blocage diminue, de fait, leur présence dans les réponses des assistants d'IA. Face à ce dilemme, « les dirigeants [de médias] choisissent de plus en plus souvent de rouvrir l'accès », observe Thomas Peham. Mais même en ouvrant les vannes, le succès n'est pas garanti. Selon OtterlyAI, les médias représentent 29 % des citations proposées par ChatGPT, derrière les sites d'entreprises (36 %). Mais la jeune pousse a constaté que si la recherche chez Google privilégiait des sources reconnues comme fiables, « nous ne voyons pas cette corrélation chez ChatGPT ». Selon le rapport 2025 de l'institut Reuters sur l'information numérique, quelque 15 % des moins de 25 ans disent utiliser l'IA générative pour s'informer. Ce filtre, comme celui des réseaux sociaux, est susceptible de brouiller les repères des lecteurs quant à l'origine réelle de l'information et à sa valeur. « À un moment donné, quelqu'un doit faire le boulot » de journalisme, s'impatiente Matt Karolian. « Sans vrai journalisme, ces plateformes IA n'auront rien à résumer. » Google travaille à des partenariats avec des médias d'information pour alimenter ses fonctionnalités d'IA générative. « Je pense que les plateformes vont réaliser qu'elles ont besoin de la presse », annonce John Wihbey.


La Presse
6 days ago
- La Presse
L'a b c d'une bombe atomique
Depuis l'utilisation de la bombe atomique contre le Japon par les États-Unis, la technologie nucléaire a évolué et les armes sont devenues plus puissantes. À quel point est-il maintenant complexe de fabriquer une bombe atomique ? La Presse fait le point. Aurélie Lachapelle La Presse Comment fonctionne une bombe nucléaire ? PHOTO ARCHIVES THE NEW YORK TIMES Test nucléaire américain à Bikini, aux Îles Marshall, en 1954 Le principe au cœur de la bombe nucléaire (ou atomique, ce sont des synonymes) est la fission nucléaire : le fait de scinder un atome en deux. La fission nucléaire est un processus qui crée énormément d'énergie et de chaleur. En se séparant, l'atome libère des neutrons. Ces neutrons libérés, dans une bombe, sont les éléments qui vont scinder à leur tour d'autres atomes, qui libéreront d'autres neutrons, qui eux scinderont d'autres atomes et ainsi de suite. C'est ce qu'on appelle une réaction en chaîne. Donc, pour s'assurer que la bombe explose convenablement, il faut avoir assez de matière pour créer cette réaction en chaîne. Cette quantité minimale, c'est ce qu'on appelle la masse critique, explique Guy Marleau, professeur au département de génie physique de Polytechnique Montréal. « La masse critique, ça veut dire suffisamment de noyaux rassemblés ensemble, de façon à ce que quand la réaction de fission se passe, elle s'entretienne elle-même. Supposons que la bombe soit une sphère. Si on a une masse trop faible, ces neutrons-là vont sortir et n'auront pas le temps d'interagir avec d'autres noyaux. » De quoi est faite une bombe atomique ? PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS Les centrifugeuses de l'usine d'enrichissement d'uranium de Natanz, en Iran Certaines bombes atomiques, comme Little Boy (la bombe larguée par les États-Unis sur Hiroshima), sont des bombes à l'uranium. L'uranium 235 – aussi appelé uranium pur – est le seul élément présent dans la nature qui peut subir une fission. Mais il n'existe pas de gisement d'uranium 235. Pour en obtenir, il faut l'extraire à partir d'uranium 238 – aussi appelé uranium naturel – qui, lui, se trouve dans le sol. L'uranium, sous forme solide (plus précisément hexafluorure d'uranium), est mis dans une centrifugeuse et est évaporé. Au centre, il restera l'uranium 235 et sur les parois de la centrifugeuse se retrouvera l'uranium 238. De cette façon, on réussit à concentrer, étape par étape, l'uranium en uranium 235. Dans l'uranium naturel, il y a 0,7 % d'uranium pur. « Ce qu'on fait, c'est l'enrichir jusqu'à 90 %, 93 %, pour avoir très peu de noyaux d'uranium 238, précise Guy Marleau. L'uranium 238 empêche un peu que les réactions de fission se produisent. En enrichissant à 90 %, 95 %, on a une quantité de masse minimum nécessaire pour la fission dans une bombe qui pourrait être portée par un avion. » Et après ? PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS Le champignon au-dessus de Nagasaki à la suite de l'explosion de la bombe Fat Man, larguée par les États-Unis sur la ville japonaise le 9 août 1945 Dans une bombe atomique à l'uranium, deux masses critiques d'uranium entrent en collision pour créer l'explosion. « On prend deux masses et on les approche l'une de l'autre très rapidement en faisant sauter de la dynamite de chaque côté », dit M. Marleau. Par exemple, on pourrait avoir deux cylindres d'uranium dans une bombe : un troué, et un plus petit qui se glisserait dans l'autre. Entre les deux se trouve un matériau qui absorbe les neutrons, pour empêcher une petite explosion prématurée entre les deux masses critiques. C'est cette partie qui est la plus difficile dans la confection d'une bombe atomique, selon Guy Marleau. « Il faut prendre ces deux masses et les réunir très rapidement pour que ça ne fasse pas juste une petite explosion qui rejette les deux masses chacune dans leur position. » Mis à part l'uranium, de quoi peut être faite une bombe atomique ? PHOTO ARCHIVES REUTERS Un nuage de poussière s'élève dans le ciel de l'archipel russe de la Nouvelle-Zemble à la suite de l'explosion de la Tsar Bomba, le 30 octobre 1961. Il existe aussi des bombes au plutonium et à l'hydrogène. Les bombes au plutonium fonctionnent comme les bombes à l'uranium, mais elles sont plus puissantes. Autre différence : le plutonium n'existe pas naturellement, il faut le produire à partir d'uranium. Fat Man (la bombe larguée par les États-Unis sur Nagasaki) était une bombe au plutonium. La bombe à l'hydrogène fonctionne différemment. Plutôt que la fission nucléaire, elle fonctionne à partir de la fusion nucléaire : lorsque deux noyaux d'atomes fusionnent. « Dans une bombe à hydrogène, on a l'équivalent d'une bombe au plutonium qui réchauffe l'hydrogène suffisamment pour que la fusion se déclenche », explique Guy Marleau. Une bombe à l'hydrogène est exponentiellement plus puissante qu'une bombe au plutonium ou à l'uranium. La Tsar Bomba, une bombe soviétique considérée comme la plus puissante de toute l'histoire à avoir explosé, était 3800 fois plus puissante que Little Boy. La fission nucléaire est-elle utilisée dans d'autres contextes ? PHOTO TED SHAFFREY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS La centrale nucléaire Crane Clean Energy Center, près de Middletown, en Pennsylvanie La fission nucléaire n'est pas utilisée seulement dans les bombes atomiques. Elle produit beaucoup d'énergie, qui est transformée en électricité dans de nombreux pays. L'uranium sera donc enrichi de la même manière que lorsqu'on veut créer une bombe, mais « généralement, pour les bombes, on a besoin d'un enrichissement plus important », affirme Guy Marleau. « Habituellement, la règle de l'art, c'est 3,5 % [pour une utilisation civile]. Mais quand on veut une bombe, il faut aller chercher 90 % », explique Matthieu Lavallée, qui a travaillé dans le domaine du nucléaire à Hydro-Québec pendant de nombreuses années.