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Les entreprises romandes bientôt exclus du magot militaire?

Les entreprises romandes bientôt exclus du magot militaire?

24 Heures4 days ago
Le parlement pourrait évincer les entreprises civiles romandes des commandes militaires, privilégiant l'industrie d'armement alémanique. Tollé chez les élus romands. Publié aujourd'hui à 08h30
Les Romands pourraient bien passer à côté des juteuses affaires compensatoires militaires.
BZ
En bref:
Quand armasuisse achète des armes à l'étranger, les entreprises suisses en profitent aussi. Comment? Grâce aux affaires compensatoires. Tout contrat avec des fabricants étrangers doit être compensé entièrement chez nous. Ou presque. Des exceptions sont prévues, notamment pour les avions de combat F-35. Le contrat étant tellement important que seul 60% du montant devra être compensé.
Le pactole reste important. On parle d'environ 3 milliards de dollars. Pour éviter que seules les grosses boîtes d'armement – toutes situées en Suisse alémanique – n'en profitent, des cautèles ont été adoptées. Les fabricants romands actifs dans des secteurs civils déterminés devraient obtenir 30% des contrats, et les tessinois 5%. Si le modèle est définitif pour les F-35, il pourrait bien tomber aux oubliettes pour les prochaines acquisitions de l'armée. Entreprises romandes aussi qualifiées
Une modification de la loi sur l'armée est actuellement débattue sous la Coupole. La commission de politique de sécurité du National vient de décider, par quinze voix contre trois et sept abstentions, que «les affaires compensatoires doivent avoir pour objectif de renforcer la base technologique et industrielle importante pour la sécurité». Traduction: seuls les fabricants d'armement pourront y prétendre. La commission balaie ainsi de la liste une dizaine de domaines civils donnant accès aux affaires compensatoires, établie par le Conseil des États.
Pascal Broulis (PLR/VD), sénateur.
Yvain Genevay / Tamedia
Une décision que Pascal Broulis (PLR/VD) ne digère pas. «S'il faut compenser un avion fabriqué à l'étranger par un avion fabriqué en Suisse, seul Pilatus entre en ligne de compte. Or l'entreprise a son siège en Suisse alémanique, comme toute notre industrie lourde d'armement. La mesure exclut de facto les Romands des affaires compensatoires.»
Pour le sénateur, qui est à l'origine de la fameuse liste éconduite, certains fabricants romands seraient pourtant capables de réaliser une partie des pièces. «Un sous-traitant horloger de l'arc jurassien pourrait parfaitement produire des aiguilles ou autres éléments des instruments de bord des avions. Cela constitue peut-être un contrat modeste pour le constructeur étranger. Mais pour le petit patron suisse, c'est du boulot pour une dizaine d'années. Il peut réorienter une partie de sa chaîne de production, garder ses employés – voire en embaucher plus – et développer un savoir-faire.» Industrie d'armement privilégiée
Une vision qui s'est heurtée à un double mur en commission du National. Celui des partisans de l'industrie de l'armement. À leurs yeux, c'est elle qu'il faut renforcer à tout prix en particulier dans une période géopolitiquement instable. Et celui des opposants aux affaires compensatoires tout court.
«Les affaires compensatoires ont été introduites pour rallier les milieux économiques aux achats militaires à l'étranger, rappelle Gerhard Andrey (Les Verts/FR). Mais elles gonflent inutilement les prix. C'est pourquoi nous, Les Verts, y sommes opposés, sauf quand il s'agit de développer des compétences pour l'entretien du matériel en Suisse.»
Si l'on prend les F-35, les coûts pour les affaires compensatoires pourraient s'élever jusqu'à 800 millions de dollars, a récemment calculé armasuisse. Le constructeur américain Lockeed Martin entend notamment facturer 200 millions pour permettre à RUAG d'assembler en Suisse quatre avions de combat et ainsi acquérir un savoir-faire pour des commandes de maintenance ultérieures.
Gerhard Andrey (Les Verts/FR), conseiller national.
VQH
Jean-Luc Addor (UDC/VS) balaie cet argument d'un revers de main. «Les affaires compensatoires constituent une plus-value importante pour l'industrie suisse. On ne prend souvent en compte que les coûts directs. Mais on oublie les emplois créés, l'augmentation du chiffre d'affaires des entreprises ou encore des recettes fiscales.» Le conseiller national pointe également une autre problématique à garder en tête dans ce débat. «Un jour ou l'autre, on devra de nouveau voter sur une question militaire. Si la Suisse romande peut légitimement prétendre être le parent pauvre des commandes militaires, on perd un argument.»
Pascal Broulis rappelle, lui, que l'armée va voir son budget drastiquement augmenter dans les années à venir. «Il est plus que normal que la Suisse romande ait sa part du gâteau.» Le gâteau pourrait toutefois ne pas être si conséquent. Outre Les Verts, des voix s'élèvent également dans des partis bourgeois contre les affaires compensatoires. Après l'imbroglio autour du prix des F-35 , Berne renégocie en outre avec Washington. Elle n'exclut pas de réduire l'enveloppe des affaires compensatoires, voire de la supprimer. Seulement 120 millions pour les Romands?
Les montants des affaires compensatoires s'élèvent généralement à quelques millions de francs, voire quelques dizaines de millions. Pour les avions de combat F-35, on entre dans une autre dimension. Le peuple a validé une enveloppe de 6 milliards de francs. La valeur du contrat, sur laquelle se base le volume de compensation, s'élève toutefois à 5 milliards de dollars (soit 4 milliards de francs, selon les taux de change actuel).
Lockeed Martin devra donc compenser quelque 3 milliards de dollars en Suisse, dont 65% en Suisse alémanique, 30% en Suisse romande et 5% en Suisse italienne. Jusqu'à présent, le constructeur américain a rempli ses obligations à hauteur de 979 millions de dollars, dont 849 en Suisse alémanique, 122 en Suisse romande et 3 dans les régions italophones.
S'il atteint plus de 40% de ses obligations chez nos voisins suisses alémaniques, Lockeed Martin est encore loin du compte sur nos terres, où il devrait compenser environ 900 millions de dollars. Interrogée sur la probabilité que l'armateur remplisse les quotas, armasuisse souligne d'abord qu'il a encore le temps. Il doit s'acquitter de ses obligations d'ici 2034. Et puis, elle précise que, «si les projets pré-approuvés et planifiés peuvent être mis en œuvre, la clé de répartition pourra être respectée autant que possible».
Ce qui inquiète plus les entreprises romandes, ce sont les nouvelles négociations avec Washington autour des F-35. La Suisse pourrait réduire voire biffer les exigences restantes en termes d'affaires compensatoires pour pouvoir rester dans le cadre financier validé par la population. Les Romands verraient alors leur pactole drastiquement réduit.
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Delphine Gasche est correspondante parlementaire à Berne depuis mai 2023. Spécialisée en politique, elle couvre avant tout l'actualité fédérale. Auparavant, elle a travaillé pendant sept ans pour l'agence de presse nationale (Keystone-ATS) au sein des rubriques internationale, nationale et politique. Plus d'infos
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