logo
Expulsion d'étrangers : à Nantes, la maire socialiste se prononce contre le futur CRA... mais à titre personnel

Expulsion d'étrangers : à Nantes, la maire socialiste se prononce contre le futur CRA... mais à titre personnel

Le Figaro21-07-2025
Dans un étonnant numéro d'équilibrisme politique, Johanna Rolland a fait savoir, dans un communiqué publié en son nom propre, son «opposition de principe» aux centres de rétention administrative, «prisons du désespoir où la dignité humaine est piétinée».
Sabre au clair, mais avec une lame émoussée. Pressée par sa gauche de clarifier sa position sur l'installation prochaine, à Nantes, d'un centre de rétention administrative (CRA), la maire socialiste de la cité des ducs, Johanna Rolland, s'est prononcée - après trois années de statu quo - contre ce dossier devenu un point de crispation entre les forces de gauche. «Au vu des conditions de détention, je dis ici mon opposition de principe, dans le pays, aux CRA», a annoncé l'édile, le 10 juillet, dans un communiqué diffusé en son nom propre. Une position qu'elle assume «comme responsable politique de gauche, comme femme» et «comme citoyenne» - mais qui est aussi une manière de claironner, tout en s'avouant pieds et poings liés. Car, précise-t-elle : «Comme maire, je n'ai pas de levier juridique pour m'y opposer».
Par ces explications, Johanna Rolland laisse entendre que l'annonce de l'installation du CRA, présentée en octobre 2022 par un communiqué commun de la ville de Nantes et du ministère de l'Intérieur, se serait faite au détriment de ses convictions. La mise en chantier était mentionnée à la fin d'une série de mesures prises «pour la sécurité des Nantaises et des Nantais», dont des renforts de CRS. L'ensemble avait été présenté, main dans la main, après la rencontre entre l'édile et le ministre de l'Intérieur de l'époque, Gérald Darmanin. Depuis, alors que la gauche radicale nantaise s'indignait en tribune et dans la rue du chantier à venir, l'édile se contentait de faire profil bas au sujet de ce CRA, source de divergences parmi les barons socialistes locaux.
Publicité
Une parole sans action
Mais c'était sans compter sur l'ambition partagée, à gauche, de former une liste commune pour le premier tour des élections municipales, en mars 2026. Les paramètres de cette hypothétique alliance sont en cours de négociation. Délestée de sa cocarde d'élue, la maire de Nantes peut distribuer en toute liberté des gages idéologiques à ses partenaires. Coïncidant avec l'adoption, le 9 juillet, de l'élargissement de la durée de maintien en rétention administrative d'étrangers en instance d'expulsion, sa prise de position contre les CRA - assimilés à «des prisons du désespoir où la dignité humaine est piétinée» - a ainsi donné satisfaction à des écologistes nantais, heureux de voir Johanna Rolland montre patte blanche - ne serait-ce qu'à titre personnel.
Bien qu'englué dans une crise interne depuis quelques semaines, le mouvement insoumis nantais prend également acte de la déclaration du 10 juillet. Le numéro d'équilibriste de Johanna Rolland est cependant plus fraîchement accueilli par William Aucant, co-chef de file de La France insoumise dans la cité des ducs, partisan d'une ligne claire et sans ambiguïté. Et de l'action jointe à la parole. «La candidate s'exprime… mais la maire reste silencieuse. Et sur un sujet aussi grave que l'enfermement administratif, c'est bien la parole de la fonction de maire, la responsabilité politique, qui est attendue. Celle qui engage une ville face aux politiques d'État discriminatoires. Celle de Nantes qui refuse, haut et fort, ces lieux d'enfermement, d'opacité et d'indignité. Alors, après ce communiqué, en plein été… la maire de Nantes va-t-elle interpeller publiquement l'État ou Bruno Retailleau ?».
«La sécurité ne se négocie pas»
Face à l'opportunisme patent d'une déclaration dégainée à huit mois des élections, les réactions de la droite nantaise ne se sont pas non plus fait attendre. «La candidate dit le contraire de la Maire. Madame Rolland est prête à tout pour un accord. La sécurité ne se négocie pas !», a réagi Julien Bainvel, l'un des deux candidats déclarés de la droite à Nantes. «Après trois ans d'un silence coupable sur ce sujet, la maire de Nantes cède aux écolos et à LFI, histoire de sceller l'alliance mortifère pour 2026», regrette également Foulques Chombart de Lauwe, le second candidat conservateur qui accuse l'intéressée de «renier sa parole de maire».
À lire aussi Près de Nantes, un narcotrafiquant gérait son affaire depuis le parvis d'une église
À Paris, la place Beauvau laisse couler. Le communiqué personnel de Johanna Rolland n'est pas jugé de nature à remettre en cause les engagements de la mairie de Nantes. «Elle met ce sujet dans l'atmosphère pour faire de la politique», glisse l'entourage du ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. Soit une manière pour Johanna Rolland de s'attirer les bonnes grâces des opposants au CRA sans faillir à la «coopération efficace» établie avec Beauvau en 2022, à l'époque où l'élue paraphait un communiqué dont les premiers mots s'ouvraient sur «la gravité de la situation de l'insécurité à Nantes».
Le chantier du CRA nantais devrait commencer courant 2026, pour une livraison vers la fin 2027. Doté de 140 places, il sera l'une des plus importantes structures du genre en France. Institués à la fin des années 1970, les CRA permettent l'enfermement des étrangers faisant l'objet d'une décision d'éloignement, dans l'attente de leur renvoi forcé. Plus de 74% des personnes en séjour en CRA sont sous le coup d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), indiquait le rapport 2023 de la Cimade sur ce type d'établissement. La même année, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté critiquait, dans un rapport transmis au gouvernement, les conditions de vie indignes des personnes retenues au sein d'une partie de ces centres.
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

À Paris, les locaux de la compagnie aérienne israélienne El Al tagués à la peinture rouge
À Paris, les locaux de la compagnie aérienne israélienne El Al tagués à la peinture rouge

Le HuffPost France

time7 minutes ago

  • Le HuffPost France

À Paris, les locaux de la compagnie aérienne israélienne El Al tagués à la peinture rouge

PARIS - « El Al Genocide Airline ». L'entrée des locaux de la compagnie aérienne israélienne El Al, à Paris, a été recouverte de tags propalestiniens et de peinture rouge dans la nuit de mercredi à jeudi août. Israël a immédiatement réagi, condamnant un « acte barbare ». Des journalistes de l'AFP ont constaté ce jeudi 7 août, au matin, des inscriptions « Palestine vivra, Palestine vaincra », « Fuck zionism » ou encore « El Al Genocide Airline » sur les murs entourant la porte d'entrée de l'immeuble abritant les locaux de la compagnie, rue de Turbigo, dans le IIIe arrondissement de la capitale. La façade et le sol avaient été aspergés de peinture rouge. La ministre israélienne des Transports, Miri Regev, a condamné sur X un « acte barbare et violent contre El Al ». « J'attends des autorités françaises chargées de l'application de la loi qu'elles localisent les criminels et prennent des mesures fortes à leur encontre », a-t-elle ajouté. « Aujourd'hui c'est El Al, demain c'est Air France. Lorsque le président français Macron annonce des cadeaux au Hamas, voici le résultat », a aussi écrit la ministre. Emmanuel Macron a annoncé fin juillet que la France reconnaîtrait l'État de Palestine en septembre à l'ONU. Le ministre des Transports condamne « avec la plus grande fermeté » De son côté, le ministre français en charge des Transports Philippe Tabarot a condamné « avec la plus grande fermeté les actes de vandalisme visant la compagnie israélienne ». L'ambassadeur d'Israël en France, Joshua Zarka, s'est rendu devant la façade dégradée en fin de matinée. « C'est un acte de terrorisme parce que ça a pour but de terroriser, de terroriser les employés d'El Al, de terroriser les citoyens israéliens, de leur faire peur et d'essayer de leur faire sentir qu'ils ne sont pas les bienvenus, que ce soit en France ou en dehors de leur pays », a déclaré à la presse le diplomate. Selon la compagnie, citée par la chaîne de télévision israélienne N12, « l'incident s'est produit alors que le bâtiment était vide et qu'il n'y avait aucun danger pour les employés de l'entreprise ». « El Al arbore fièrement le drapeau israélien sur la queue de ses avions et condamne toute forme de violence, en particulier celle fondée sur l'antisémitisme », a ajouté la compagnie nationale. Début juin, plusieurs lieux juifs à Paris avaient été aspergés de peinture verte, et trois Serbes ont été mis en examen et écroués, suspectés par les enquêteurs d'avoir agi dans le but de servir les intérêts d'une puissance étrangère, possiblement la Russie.

Agression du maire de Villeneuve-de-Marc : les violences contre les élus sont-elles vraiment en hausse ?
Agression du maire de Villeneuve-de-Marc : les violences contre les élus sont-elles vraiment en hausse ?

Le HuffPost France

time7 minutes ago

  • Le HuffPost France

Agression du maire de Villeneuve-de-Marc : les violences contre les élus sont-elles vraiment en hausse ?

POLITIQUE - Une rare violence s'est déchaînée dans les rues de Villeneuve-Saint-Marc (Isère) ce mercredi 6 août. Tandis qu'il marchait avec son fils, le maire de la commune, Gilles Dussault, 63 ans, a été frappé à la poitrine puis transporté à l'hôpital de Lyon. Ses jours ne sont plus en danger mais son agresseur, lui, est toujours en fuite. Et si l'on ne connaît pas les motifs précis de ce déchaînement de violence, une vague d'émotion s'est emparée du pays. Pour beaucoup, cela ne fait aucun doute que l'homme a été attaqué parce qu'il est maire. « Quand un élu est attaqué, c'est la Nation qui est à ses côtés », a exprimé Emmanuel Macron, estimant que « la République » devait être « sévère et intraitable » quand « on s'attaque à ses représentants ». Le président du Sénat, Gérard Larcher, est allé plus loin. Il considère que « les attaques violentes contre les élus, vigies de la République, en première ligne, se multiplient ». Si les affaires semblent en effet de plus en plus nombreuses, c'est sans doute parce qu'elles sont aussi de plus en plus spectaculaires. En témoignent la mort du maire de Signes (Var) à l'été 2019, écrasé par la camionnette d'un habitant près d'un dépôt illégal de gravats, l'incendie volontaire du domicile du maire de Saint-Brevin-les-Pins (Loire-Atlantique) en 2023 ou la voiture-bélier lancée furibarde sur la maison de l'ancien maire de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne). Les chiffres, eux, sont aléatoires. Et d'une année sur l'autre ne racontent pas la même histoire. En 2024, les agressions contre les élus ont baissé de 9,3 % par rapport à l'année précédente, selon un rapport du Centre d'analyse et de lutte contre les atteintes aux élus (Calae). 2 501 faits ont ainsi été recensés, soit une moyenne de 48 par semaine. Une baisse en trompe-l'œil, souligne toutefois l'Association des maires de France, puisque 2023 avait été particulièrement lourde en termes d'attaques d'élus, en raison notamment des émeutes urbaines. Surtout, si l'on regarde presque dix ans en arrière, les chiffres étaient beaucoup plus faibles à l'époque. Ainsi, 317 faits de violence avaient été enregistrés en 2016, et 332 en 2017, selon le ministère de l'Intérieur. C'est 7,5 fois plus aujourd'hui. L'an dernier, les agressions ont principalement visé des élus locaux. C'est le paradoxe : si les maires sont les élus préférés des Français, ce sont aussi ceux qui sont le plus victimes de faits de violences. Ils représentent 64 % des cas, devant les conseillers municipaux (18 %) et les parlementaires (13 %). 60 % des maires ne veulent pas se représenter À sept mois des élections municipales, cette nouvelle agression risque en tout cas de démotiver de potentiels candidats à se lancer dans la course, particulièrement dans les petites communes. Une vaste étude du Cevipof a montré que 60 % des maires ne voulaient pas se représenter en 2026 ou étaient encore indécis. Le sentiment d'insécurité étant la deuxième raison mise en avant pour expliquer leur choix ou leur hésitation. En 2024, une loi avait été votée permettant de durcir les sanctions prononcées contre les coupables d'incivilités et de violences. Ainsi, les peines peuvent monter à sept ou dix ans de prison pour les faits les plus graves, et être assorties de travaux d'intérêt général. Une circonstance aggravante avait aussi été ajoutée pour les faits de cyberharcèlement contre des élus. Car au-delà des atteintes physiques, de nombreux élus reçoivent des menaces de mort, des appels au viol, des insultes répétées, des saccages de leur permanence... C'est notamment le cas de députés comme Sandrine Rousseau ou Aymeric Caron, confrontés à des messages haineux quotidiens.

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store