
Un grand partenaire de La Caisse poursuivi pour 6 milliards
À l'autre bout du monde, l'un des plus importants placements privés de La Caisse est dans la tourmente. Des actionnaires de FNZ qui allèguent avoir été dilués injustement au profit du bas de laine des Québécois et d'autres grands investisseurs réclament plus de 6 milliards (4,6 milliards US) à ce spécialiste des technologies financières.
Le nom de ce géant à capital fermé, donc pas inscrit en Bourse, est méconnu du grand public. Domicilié en Nouvelle-Zélande, il est derrière une plateforme numérique de gestion de patrimoine utilisée par 650 institutions financières et assureurs, comme Aviva et Barclays, qui gèrent ensemble plus de 1700 milliards US.
Fondée en 2003, l'entreprise de technologie financière (fintech) n'est toujours pas rentable et son bilan financier inquiète l'agence de notation Standard & Poor's (S&P), mais cela ne l'a pas empêchée d'être valorisée à 20 milliards US en 2022 – il n'y a pas eu de mise à jour depuis. Elle compte plus de 6000 employés.
En date du 31 décembre dernier, la valeur du placement de La Caisse dans cette multinationale était estimée à plus de 3 milliards.
Cette affaire est complexe, mais elle pourrait s'avérer onéreuse pour les grands investisseurs comme l'institution qui gère l'épargne des Québécois si les plaignants devaient avoir gain de cause. Leurs allégations n'ont pas encore été prouvées devant le tribunal.
Front commun
La rébellion émane d'employés et d'ex-salariés qui ont accumulé de petits blocs d'actions du fournisseur de services plutôt que d'obtenir des primes en argent, comme c'est souvent le cas avec une entreprise en démarrage dans le secteur technologique.
Déposé auprès de la Haute Cour de Nouvelle-Zélande, la requête judiciaire allègue une importante perte de valeur pour les plaignants en raison d'une dilution, résultat du mécanisme utilisé par FNZ pour récolter 1,5 milliard US depuis l'an dernier pour renflouer ses coffres.
« L'impact combiné des transactions a permis à un groupe restreint d'investisseurs institutionnels et privés d'obtenir d'importantes options pour accroître leur participation, par l'entremise de bons de souscription, qui ont été émis pour une contrepartie négligeable », affirme Kiwi ClayLP, une entité fiduciaire qui dit représenter une importante proportion des plaignants, sans toutefois en préciser le nombre.
Dans de la documentation que nous avons pu consulter, les titres privilégiés accordés l'an dernier aux grands actionnaires leur garantissent un taux de rendement privilégié, un dividende spécial ainsi que des bons de souscription – un instrument financier qui permet à son détenteur d'acheter une action à un prix fixé à l'avance – supplémentaires.
Les plaignants s'estiment laissés pour compte. Ils allèguent que leurs actions valaient 4,6 milliards US avant les récentes levées de fonds réalisées par FNZ.
« Ces transactions auront pour effet que les petits actionnaires seront entièrement dilués si FNZ devait être vendue ou faire une entrée en Bourse en deçà d'une valeur d'entreprise de 8,3 milliards US », affirment-ils.
PHOTO JEENAH MOON, BLOOMBERG
Blythe Masters est cheffe de la direction de FNZ depuis août 2024.
La cheffe de la direction de la fintech, Blythe Masters, et 16 autres administrateurs et anciens membres du conseil d'administration, dont certains de La Caisse, sont aussi visés.
Chez FNZ, le gestionnaire québécois de régimes de retraite est l'actionnaire de référence aux côtés de grandes firmes comme l'Office d'investissement du régime de pension du Canada, Motive Partners (États-Unis) et Temasek Holdings (Singapour).
« FNZ prend note de la plainte déposée et la considère comme totalement dénuée de fondement, a-t-elle fait savoir, dans une déclaration envoyée par courriel. Nous sommes convaincus que nos administrateurs ont toujours agi dans l'intérêt supérieur de l'entreprise, de ses clients, de ses employés et de toutes ses parties prenantes. »
La Caisse n'a pas voulu commenter l'affaire.
Club sélect
Dans le créneau des placements privés, FNZ est l'un des huit investissements détenus par l'institution dont la valeur était supérieure à 3 milliards au 31 décembre dernier. Ces cas sont très rares dans le portefeuille de La Caisse.
En dépit de sa croissance notable depuis sa fondation, qui s'est surtout faite par acquisitions, FNZ a perdu près de 2 milliards US, dont 713 millions US juste l'an dernier, malgré un chiffre d'affaires de 1,6 milliard US.
On attribue cette situation aux acquisitions des dernières années, à l'expansion dans de nouveaux marchés et aux investissements dans de nouveaux produits. Cela n'impressionne guère Standard & Poor's, qui évalue la dette émise par FNZ.
« Les résultats de l'entreprise ont été nettement inférieurs aux attentes », a souligné l'agence de notation dans un rapport diffusé le 22 mai dernier où l'on trouve des passages qui contiennent des expressions comme « liquidités insuffisantes » pour la prochaine année et « perspectives d'affaires moins favorables qu'elles ne l'étaient ».
S&P a décidé d'accoler l'étiquette « négative » aux perspectives de la jeune pousse, ce qui met souvent la table à une décote.
Sa note de crédit est actuellement de B–, ce qui signifie que l'entreprise est considérée comme un investissement spéculatif.
Même avec une récolte de 1,5 milliard US auprès de ses actionnaires l'an dernier, la situation actuelle fait craindre un nouvel appel de fonds avec le risque de diluer les actionnaires existants comme La Caisse – à moins que cette dernière ne se décide à sortir le chéquier une fois de plus.
« Nous anticipons des liquidités insuffisantes au cours des 12 prochains mois en raison d'une consommation prolongée de la trésorerie », souligne S&P.
Au bas mot, il faudra attendre en 2027 avant de voir FNZ s'approcher du point d'équilibre financier, selon S&P.
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