
La lecture comme acte de résistance
À voir vos nombreuses réponses à la question « Que lisez-vous cet été ? », on se réjouit devant autant d'enthousiasme. Lire fait manifestement partie de vos projets de vacances.
Parler de ses lectures, présenter ses plus récents coups de cœur, s'échanger le nom de nos auteurs préférés : voilà un des grands plaisirs de l'été… et de la vie, aussi.
Lire, ce n'est pas seulement se distraire. C'est voyager, s'ouvrir, comprendre, cultiver notre humanité. Et il n'y a pas de « bons » ou de « mauvais » livres pour le faire.
Lisez Vos lectures d'été
On a longtemps opposé lectures « sérieuses » et lectures « légères ». L'été, en particulier, était réservé aux « livres bonbons » – polars, bandes dessinées, chicklit. Comme si le plaisir était mal perçu. Comme si lire un bon livre devait être un peu souffrant.
Heureusement, cette hiérarchisation snob tend à disparaître. On ne devrait jamais culpabiliser quelqu'un qui lit. À chacun son livre. Même une romance ou un roman de gare peuvent toucher juste. Ce qui compte, c'est qu'un livre trouve son lecteur.
Les livres nous emmènent là où nos vies ne vont pas toujours, nous confrontant parfois à des réalités très différentes de la nôtre.
La fiction permet souvent de mieux dire ce que l'essai ne parvient pas à faire passer. À travers le filtre de la fiction, il est peut-être plus facile d'aborder des thèmes comme les violences sexuelles, le racisme, l'homophobie ou les droits des autochtones, par exemple.
Pensons seulement aux romans de Michel Jean ou de Naomi Fontaine qui ont fait davantage pour sensibiliser les Québécois aux réalités autochtones que bien des essais ou des discours officiels sur la question.
À travers les mots et la sensibilité des autres, on arrive à se mettre dans leurs souliers. On développe son empathie. Et en ce moment, cette possibilité d'être à l'écoute de l'autre n'a jamais été aussi précieuse.
Étrangement, l'empathie est attaquée par une certaine droite ces temps-ci, qui la voit comme une faiblesse. Elon Musk, par exemple, parle d'« empathie suicidaire », un terme emprunté à Gad Saad, professeur à l'Université Concordia, dont le prochain livre, Suicidal Empathy, défendra l'idée que l'excès d'empathie empêche de prendre des décisions rationnelles.
Musk relaie ainsi une idée devenue tendance dans certains cercles conservateurs, soit qu'il faudrait se méfier de trop ressentir. Que notre empathie nous affaiblit. On croit rêver…
Je l'avoue, je trouve cette thèse loufoque. Il n'y aura jamais trop d'empathie dans le monde, comme il n'y aura jamais trop d'amour ou de solidarité. Ces valeurs ne nous affaiblissent pas, elles nous élèvent. Elles méritent d'être défendues, pas ridiculisées.
Et c'est pour cette raison que la lecture doit être célébrée, car elle permet de mieux comprendre la réalité de notre voisin, même la plus intime.
Je l'ai vécu récemment en lisant les mots de mon ex-collègue Agnès Gruda. Dans son roman Ça finit quand, toujours ?, Agnès raconte l'histoire de quatre familles forcées de quitter la Pologne pour des raisons de sécurité. Ces familles vont s'éparpiller aux quatre coins du monde, où elles devront se construire une nouvelle vie, avec les défis d'adaptation que cela implique. À travers les personnages d'Ewa et Maja, exilées au Québec, Agnès nous fait vivre les émotions des personnes qui, comme elle, ont connu l'exil.
À travers la vie de ses personnages, Agnès m'a permis de comprendre les déchirements intérieurs de ceux et celles qui quittent leur pays pour une vie meilleure, mais qui porteront toujours en eux les souvenirs du pays natal.
C'est ça, le pouvoir de la lecture.
Et c'est d'autant plus précieux que l'empathie ressentie lorsqu'on lit un livre ouvre la voie à la compassion. Or, la compassion est un sentiment qui mobilise, qui entraîne une action. Qui permet de tisser des liens. De bâtir des communautés plus solides.
Est-ce que quelqu'un osera dire qu'il y a trop de compassion dans le monde ? Ou que la compassion menace nos civilisations ?
Bien sûr, tous les livres ne provoquent pas ce petit miracle. Certains nous laissent indifférents. Mais plus on lit, plus on augmente nos chances d'être touché en plein cœur.
On dira peut-être qu'on lit pour passer le temps. Pour décrocher durant les vacances.
Mais en vérité, on lit pour s'accrocher. Pour se comprendre, se reconnaître, se rapprocher. On lit pour mieux vivre.
La lecture n'est pas seulement un passe-temps d'été.
C'est un projet de vie.
Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


La Presse
a day ago
- La Presse
Comment devenir influenceur masculiniste
Vous avez toujours rêvé d'être un mâle alpha exerçant son influence sur l'internet ? Notre collaborateur Stéphane Dompierre offre une savoureuse formation satirique en 11 étapes faciles. Suivez le guide ! Stéphane Dompierre Collaboration spéciale Les influenceurs masculinistes adorent prodiguer des conseils en tous genres : comment devenir riche et célèbre, comment avoir du pouvoir, comment devenir le chef de la meute (wouf wouf), mais ils ne donnent malheureusement jamais de conseils sur la seule chose qu'on sait qu'ils font vraiment, c'est-à-dire être des influenceurs masculinistes. Voici donc une formation en 11 étapes faciles (parce que ce n'est pas vraiment compliqué). 1. Prodiguer des conseils sur la manière de devenir riche. Peu importe lesquels. Il ne s'agit pas d'être riche, personne ne va vous demander votre déclaration de revenus ou le relevé de vos comptes de banque. L'important, c'est d'avoir l'air riche. (Voir les deux points suivants.) 2. Se prendre régulièrement en photo à bord d'un petit avion privé ou d'un yacht de luxe, ou devant une collection de Lamborghini. Ça peut avoir l'air compliqué, mais nul besoin d'acheter tout ça, puisque des entreprises les louent à l'heure, précisément pour prendre des photos. Il existe aussi des studios spécialisés comme Peerspace avec des décors fabuleux : intérieur d'avion, village en Grèce, cuisine sans mouche à fruits, tout ça est à la portée de n'importe qui. 3. Se prendre en photo avec des sacs de boutiques de luxe à la main, comme si vous veniez de faire une razzia de magasinage. Les sacs s'achètent sur le web, inutile de dépenser pour les vêtements. Mettez-y votre vieux linge mou de chez Old Navy pour les remplir. 4. Ne pas craindre le ridicule. Difficile de ne pas pouffer de rire quand on voit une image d'Andrew Tate (la mascotte moche du masculinisme) assis sur une machine d'exercice, un cigare à la bouche et une fille sur les genoux. Mais quand tu fais croire que tu travailles très fort, il faut que tu démontres que tu sais optimiser ton temps. 5. Prodiguer des conseils sur la manière d'attirer les femmes. Encore ici, personne ne viendra interroger vos cinq blondes pour vérifier la force de leur amour, surtout qu'elles sont probablement imaginaires. Et la nature des conseils importe peu puisque, dans le cas d'Andrew Tate, par exemple, s'il a des femmes dans son entourage, c'est surtout grâce au kidnapping, méthode qu'il mentionne peu dans ses vidéos. 6. Ne pas hésiter à mentir sur tous ces sujets. Parce qu'au fond, vous savez bien que posséder 100 voitures de luxe ne vous rendrait pas plus populaire. « Venez chez nous, les gars, on va compter mes voitures ! Ça va être super le fun » n'est pas le genre de phrase qui aide à sceller une amitié. Un Nintendo et un gros sac de Doritos font beaucoup mieux le travail. 7. Il faut se déclarer mâle alpha et dire aux clients qui écouteront vos formations qu'ils en sont aussi, même s'ils ne font qu'obéir aveuglément à vos instructions. (Je sais bien que de se prétendre mâle alpha est aussi absurde que se prétendre cool, et qu'il suffit de le dire pour prouver qu'on ne l'est pas, mais votre public n'est pas là pour réfléchir mais pour se bercer d'illusions.) 8. Ça va vous prendre beaucoup de muscles et peu de gras, et là, c'est plus difficile de faire semblant. Alors si vous n'êtes pas très habile en retouches photo, dites bonjour au gym, votre deuxième maison, et achetez les petites poudres louches vendues par un barbu musclé dans le stationnement. Mais attention, il faut développer des muscles, mais les moins utiles : vous devez avoir l'air d'un gars capable de travailler dans une shop de métallurgie, certes, mais surtout d'un gars qui n'a jamais travaillé de sa vie. (Parce que vous êtes riche, rappelez-vous.) 9. Réchauffez votre voix, pratiquez vos vocalises : c'est un métier où il faut crier beaucoup. Le mâle alpha veut dominer la meute (wouf wouf), mais ça lui prend quelqu'un qui lui crie après pour rester motivé. Ça semble contradictoire, évidemment ; si j'avais une définition à faire d'un mâle alpha, à supposer qu'une telle chose existe, ce serait quelqu'un qui a de l'initiative et qui n'attend pas se faire hurler dessus pour accomplir des choses. Mais on ne va pas s'empêtrer dans les détails. 10. Il faut avoir beaucoup d'abonnés. Se déclarer au sommet du monde et n'avoir que 36 personnes qui vous suivent sur les réseaux sociaux, ça manque de crédibilité. Heureusement, acheter des vrais de vrais abonnés (ce ne sont pas des faux, juré craché) en paquets de mille est simple et rapide. Des entreprises comme YouBoost attendent votre commande ! 11. Et n'oubliez pas qu'un influenceur masculiniste n'est pas là pour aider son prochain, mais pour lui vendre des formations. Si vous vouliez vraiment l'aider, vous iriez d'abord voir un psy pour régler quelques petits trucs avant de démarrer un podcast pour discuter de bienveillance. Mais ça ne serait pas très viril. Qui est Stéphane Dompierre ? Stéphane Dompierre est écrivain, éditeur et chroniqueur. Il a signé plus d'une demi-douzaine de romans, dont Novice, en 2022, ainsi que les recueils de chroniques Fâché noir et Marcher sur un Lego et autres raisons d'aimer la vie. Il est directeur de la collection La Shop chez Québec Amérique. Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue


La Presse
a day ago
- La Presse
Ruba Ghazal, cheffe parlementaire de Québec solidaire
Mes lectures La mariée de corail : la deuxième enquête de Joaquin Moralès, Roxanne Bouchard (Libre Expression, 2020), 392 pages IMAGE FOURNIE PAR L'ÉDITEUR La mariée de corail : la deuxième enquête de Joaquin Moralès, de Roxanne Bouchard D'habitude, je me fais une liste longue comme le bras que je dévore pendant mes vacances. Surtout des essais pour approfondir mes réflexions sur les sujets de l'heure. Mais cet été j'ai le goût de lire plus de fiction et même du policier. Un ami m'a proposé de commencer par les romans policiers de Roxanne Bouchard. Je vais lire La mariée de corail sur le bord du fleuve à Rimouski, où je vais cet été dans la famille de mon chum. Rue Escalei, Laura Nicolae (VLB Éditeur, 2024), 408 pages J'ai aussi dans ma bibliothèque, depuis qu'il a gagné le prix Robert-Cliche, le premier roman de Laura Nicolae. Le fait que Caroline Dawson ait fait partie du comité de sélection pour le prix n'est pas étranger à mon choix quand je l'ai acheté. L'Ebola, les bombes et les migrants, Joanne Liu (Libre Expression, 2024), 192 pages J'ai ouvert à plusieurs reprises ce livre depuis que je l'ai acheté, mais j'avais besoin qu'il fasse plus beau pour le lire. J'avais peur d'être trop déprimée de lire sur la guerre et les injustices. Dans le nouvel ordre mondial qui est en train de se dessiner devant nous, on a besoin plus que jamais de se rappeler notre humanité commune et de faire preuve de solidarité sur la scène internationale. Malheureusement, c'est le contraire qui est en train d'arriver. Que des voix comme celle de Joanne Liu, que j'admire beaucoup, existent me donne espoir. Pour mes adversaires Proposition à François Legault Comme M. Legault nous dit qu'il lit beaucoup, je lui propose deux titres. Baldwin, Styron et moi, Mélikah Abdelmoumen (Mémoire d'encrier, 2022), 192 pages IMAGE FOURNIE PAR L'ÉDITEUR Baldwin, Styron et moi, de Mélikah Abdelmoumen C'est une invitation au dialogue qui nous sort des clichés habituels sur les débats identitaires. Querelle de Roberval, Kev Lambert (Héliotrope, 2021), 288 pages Une fiction syndicale qui parle de marginalité et des travailleurs déclassés en région. Proposition à Pablo Rodriguez Pour une écologie du 99 % – 20 mythes à déboulonner sur le capitalisme, Arnaud Theurillat-Cloutier, Frédéric Legault, Alain Savard et Clément de Gaulejac (Écosociété, 2021), 296 pages Parce qu'il n'y a pas d'économie sans écologie alors qu'on a les deux pieds dans la crise climatique. Proposition à Paul St-Pierre Plamondon La fille d'elle-même, Gabrielle Boulianne-Tremblay (Marchand de feuilles, 2021), 344 pages Impossible, après avoir refermé le livre, de ne pas ressentir une profonde empathie et de comprendre presque dans sa chair ce que des jeunes qui naissent dans un corps qui ne corresponde pas à leur identité traversent tout au long de leur vie. Proposition à Éric Duhaime Brève histoire de la Révolution tranquille, Stéphane Savard et Martin Pâquet (Boréal, 2021), 280 pages Parce qu'on protège ce qu'on connaît.


La Presse
a day ago
- La Presse
Pablo Rodriguez, chef du Parti libéral du Québec
Il est normal de ne pas se souvenir en détail des livres qu'on a lus, a déjà écrit l'essayiste Pierre Bayard. Mais même quand on croit les avoir oubliés, ils nous habitent encore. À la rentrée parlementaire, quels livres resteront, au moins un peu, dans la tête de nos élus ? Voici leur menu de lecture pour l'été. Avec, à notre demande, des recommandations pour leurs adversaires. Mes lectures Rue Duplessis : ma petite noirceur, Jean-Philippe Pleau (Lux, 2024), 328 pages IMAGE FOURNIE PAR L'ÉDITEUR Rue Duplessis : ma petite noirceur, de Jean-Philippe Pleau L'essai parle de transfuges de classe sociale. Ça brosse un portrait de plusieurs Québécois dans les années 1970. C'est un livre qui a fait parler de lui pour différentes raisons. Une adaptation sera présentée à l'automne au Théâtre Duceppe. Baignades, Andrée A. Michaud (Québec Amérique, 2024), 312 pages Recommandé par Mariana Mazza. Elle l'a défendu dans le Combat national des livres avec Marie-Louise Arsenault. C'est un thriller psychologique. C'est un style différent. Écrit par une autrice prisée. La traversée des temps, tome 1 : paradis perdus, Éric-Emmanuel Schmitt (Albin Michel, 2021), 563 pages « Raconter l'histoire de l'humanité sous la forme d'un roman : faire défiler les siècles, en embrasser les âges, en sentir les bouleversements… » C'est comme ça qu'on nous vend le livre. Venant d'un grand auteur ! Ça fait longtemps que je veux commencer cette série. Pour mes adversaires Là où je me terre, Caroline Dawson (Éditions du remue-ménage, 2020), 208 pages IMAGE FOURNIE PAR L'ÉDITEUR Là où je me terre, de Caroline Dawson J'ai dévoré ce livre, dans lequel je me suis reconnu plus d'une fois. Un Québécois issu de l'immigration – qu'il soit réfugié, demandeur d'asile, travailleur étranger ou étudiant – est bien plus qu'une simple statistique ou une paire de bras qui travaille dans une entreprise. C'est une personne à part entière, avec son histoire unique, ses peines et ses joies. Ce livre met notamment en lumière la lutte intérieure que vit l'immigrant qui cherche à s'intégrer pleinement sans perdre ses racines et sa culture. Ce livre en est une illustration éloquente.