
Florent Vollant raconté sur grand écran
Florent Vollant n'est pas seulement une figure culturelle marquante, c'est aussi un passeur, un liant, un bâtisseur de ponts. On a encore pu le constater en mars dernier lors de l'hommage qui lui a été rendu au Club Soda. Sur scène, il était entouré d'artistes d'horizons et de générations divers, autochtones et allochtones, qui étaient tous heureux de faire un pas vers lui et de chanter ses chansons, dans la langue du Nitassinan, c'est-à-dire l'innu-aimun. Cette amitié-là, elle vibre sur Nikamutau Florent Vollant, disque à la source du spectacle présenté au Club Soda.
« Florent, c'est une force tranquille. Il a une sensibilité, qu'il sait partager, dit son amie Isabelle Longnus, réalisatrice du film Florent Vollant : Innu, en cherchant la bonne formule. Il a une simplicité, dans le sens le plus beau du mot simple. » Elle dit « beau », mais le mot qu'elle cherche vraiment, c'est « noble ».
Cette noblesse d'âme est l'une des belles choses qui transparaissent dans Florent Vollant : Innu. Ce film, elle l'a d'abord tourné à la demande du chanteur innu, qui voulait documenter la création de ce qui est devenu son album Tshitatau (2024). Au bout du compte, son documentaire ne raconte pas vraiment cette histoire-là, mais plusieurs autres.
Un pour tous
Partant de l'expérience de Florent Vollant, né au Labrador et arraché à sa famille par les « robes noires » qui l'ont amené au pensionnat de Mani-utenam, elle raconte l'histoire de tout un peuple. Mais son film n'est pas non plus un film sur les pensionnats, il est plus que ça : il raconte la carrière d'un artiste, son engagement pour la préservation de sa langue, ses amitiés, sa famille et ce qu'il souhaite transmettre. « Ce film, c'est la voix de Florent Vollant, mais pour les autres », illustre la réalisatrice, qui a tourné entre 2022 et 2025.
Et cette voix, elle a tenu à la respecter jusque dans le ton de son documentaire, où rien n'est surligné au marqueur fluo ni dramatisé.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Isabelle Longnus, réalisatrice du documentaire Florent Vollant : Innu
Je ne voulais pas faire un film sur les pensionnats. Je voulais que les gens comprennent ce qu'il a vécu sans qu'on ait besoin de l'étaler. Je ne voulais pas aller dans le sensationnel, parce que ce n'est pas moi et ce n'est pas lui non plus.
Isabelle Longnus, réalisatrice
Du pensionnat, l'artiste garde une souffrance, mais aussi un héritage : sa musique. Il y a trouvé un jouet, un xylophone, sur lequel il a tapé des mélodies. Ce fut son échappatoire.
Un moment charnière
Isabelle Longnus a capté une période charnière de la vie du chanteur innu. En 2021, il a subi un AVC dont il ne s'est pas complètement remis : il ne peut plus jouer de guitare et se déplace en s'appuyant sur une marchette. « Moi, je l'avais vu marcher, danser, sauter, s'amuser et rire. Quand je suis arrivée à Mani-utenam [à l'hiver 2022], j'ai eu l'impression que c'était comme s'il était dans un étau. »
Le sentiment que c'était le moment de faire le bilan était partagé dans l'entourage du chanteur. Par Florent Vollant aussi. « C'est pour ça qu'il a voulu parler », dit-elle. À sa manière, c'est-à-dire avec cette lenteur qu'il revendique, ses silences et ses rires. Il n'y a personne qui finit une phrase et y met un point final en affichant un sourire large comme ça. Juste lui.
PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE
Florent Vollant (à droite) et son fils Mathieu Mckenzie, en 2023
Avec beaucoup de délicatesse, Isabelle Longnus montre combien le chanteur innu est bien entouré. Par sa famille, d'abord, mais aussi par sa famille de musiciens, autochtones ou non. En cela aussi, le documentaire capte un moment charnière de la vie de Florent Vollant, car il a perdu deux personnes importantes au cours du tournage : le guitariste Réjean Bouchard, un compagnon de longue date, mort à l'été 2023, et Philippe McKenzie, pionnier du folk autochtone qu'il accompagnait à ses débuts avec celui avec qui allait faire souffler la tornade Kashtin, Claude McKenzie.
Il y a tout Florent Vollant dans le film d'Isabelle Longnus, de son lieu de naissance près du lac Uapush (Wabush) à Kashtin, du pensionnat au festival Innu Nikamu qu'il a cofondé et qui se tient aujourd'hui sur le site de l'ancien pensionnat. Il y a aussi le territoire auquel il appartient, que la réalisatrice donne à voir à travers les yeux de son sujet. « Je voulais que la caméra avance comme si c'était lui qui marchait, dit Isabelle Longnus. J'ai voulu être ses jambes. »
Le 8 août, 19 h 30, au Théâtre Outremont. En salle dès le 22 août.
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