
Avoir le diabète et atteindre les sommets
Quatorze personnes atteintes du diabète de type 1, dont deux Québécois, ont gravi plusieurs sommets du massif du Mont-Blanc, qui chevauche la France, la Suisse et l'Italie, pour un projet de recherche franco-canadien hors norme. Cette aventure scientifique, mais aussi profondément humaine, était l'occasion d'étudier les effets d'un tel défi sportif en altitude sur des patients diabétiques.
« On cherche de plus en plus à sortir du laboratoire et c'était une occasion en or », souligne le Dr Rémi Rabasa-Lhoret, de l'Institut de recherches cliniques de Montréal. Ce dernier a mené le projet de recherche dans le cadre de la Chaire de recherche sur le diabète de type 1 de l'Université de Lille.
Ce passionné de randonnée s'est embarqué dans ce trek de sept jours avec les patients diabétiques et d'autres professionnels de la santé au mois de juin. Les ascensions ont culminé à plus de 4000 mètres.
Le Dr Rabasa-Lhoret publiera bientôt un premier papier. « Ça permettra d'aiguiller un endocrinologue, une infirmière praticienne ou une éducatrice en diabète qui aurait un patient qui veut se lancer dans ce genre de défi. »
Un des objectifs était de tester la résistance à l'altitude du matériel, dont les pompes à insuline.
PHOTO FOURNIE PAR L'ÉQUIPE PROJET LES MASSIFS DU MONT-BLANC & VIRTYSENS
L'équipe médicale s'affaire à compiler les résultats des tests.
« On n'a pas encore les résultats finaux, mais c'est clair que les logiciels n'arrivent pas du tout à gérer ces conditions-là », conclut déjà le Dr Rabasa-Lhoret. Pour étudier l'impact de l'activité physique intensive sur le contrôle glycémique et évaluer la prise en charge du diabète en altitude, les participants devaient se soumettre à des batteries de tests. « Les patients ont totalement embarqué dans la recherche », souligne-t-il.
Une communauté d'entraide
« Quand on fait des randonnées, on est souvent gêné de dire aux gens : 'Ah, je suis en hypoglycémie, je dois faire une pause', relate un des participants québécois, James Ravel. Mais là, quand quelqu'un ne se sentait pas bien, on comprenait tout à fait. »
Ces ascensions étaient une occasion rêvée pour lui, qui avait déjà relevé d'autres défis sportifs, mais qui touchait pour la première fois à l'alpinisme.
C'était l'occasion de me dépasser, de faire quelque chose de complètement nouveau que je n'aurais pas fait par moi-même.
James Ravel, participant
C'était aussi l'occasion d'être avec une communauté de personnes diabétiques et de s'échanger des conseils. « On parle le même langage », affirme-t-il lors de l'entrevue avec La Presse.
PHOTO MICKAEL CHATELLARD, FOURNIE PAR JAMES RAVEL
James Ravel, un des participants à l'étude, se trouve à l'avant.
Le Dr Rabasa-Lhoret a aussi été touché par cette fraternité, qui s'étendait même au corps médical. « Il n'y a rien comme une cordée pour se rendre compte de ça, parce qu'on est physiquement encordés les uns aux autres et qu'on doit être à l'écoute des autres. »
Il a pu également davantage miser sur le partenariat avec le patient, très cher à ses yeux. « Des fois, le patient me demandait quoi faire, moi je lui demandais ce qu'il ferait, raconte-t-il. Neuf fois sur dix, je lui disais de suivre son plan, même si je n'avais pas fait ça. Et ça fonctionnait la plupart du temps. »
Le projet lui a aussi permis de saisir l'ampleur de la gestion du diabète au quotidien, avoue le spécialiste. « On a vécu leur réalité. Quand ils disent que c'est 24 heures sur 24, c'est littéralement 24 heures sur 24. » Malgré tout, le projet n'a pas été « lourd ». « Par moments, on oubliait complètement cette gestion-là, c'était naturel et surtout, c'était magique. »
Des défis techniques et de la fierté
Un des défis techniques est de bien anticiper la quantité de glucides nécessaires pour faire les efforts physiques, explique James Ravel. « On ne peut pas partir pendant six heures sans rien manger, explique-t-il. Il fallait aussi que la nourriture ne gèle pas et soit très accessible. »
PHOTO FOURNIE PAR L'ÉQUIPE PROJET LES MASSIFS DU MONT-BLANC & VIRTYSENS
La gestion de l'hypoglycémie était un défi constant pour les participants.
Le Dr Rabasa-Lhoret a dû aider un participant en hypoglycémie. Heureusement, personne n'a eu de souci médical. « Mais les guides nous prenaient pour des fous furieux quand ils voyaient tout le matériel qu'on emportait dans le sac à dos », dit-il avec le sourire en coin. Le froid en altitude a posé un autre défi.
On avait moins le temps de prendre des pauses, donc ce n'était pas le bon moment de tomber en hypoglycémie ou en hyperglycémie.
James Ravel, participant
Lui-même l'a expérimenté lors de la dernière et plus costaude ascension du séjour, celle du Grand Paradis, qui atteint les 4061 mètres. « Il y avait une tempête, et je n'étais plus capable au niveau du froid, de la glycémie », raconte-t-il. Son équipe a donc rebroussé chemin, « mais l'effort et l'accomplissement étaient quand même là », dit-il.
Est-ce que le diabète est handicapant pour ce genre de défis sportifs ? « Il y a des limites, mais si tu veux les dépasser, c'est juste plus de préparation, de travail et d'anticipation », fait-il savoir. L'aventure – impensable il y a quelques années, indique le Dr Rabasa-Lhoret – était aussi un moyen de déstigmatiser le diabète de type 1 et de montrer qu'un exploit de ce genre est possible.
Le diabète de type 1 et le sport
Le diabète de type 1 se caractérise par l'absence totale de production d'insuline par le pancréas. Lors de ce projet, tous les participants avaient une pompe à insuline en boucle fermée. Celle-ci agit comme un système semi-automatisé qui utilise les données d'un dispositif de surveillance du glucose en continu pour ajuster automatiquement l'administration d'insuline.
L'activité physique augmente l'utilisation du glucose par les muscles et augmente la sensibilité à l'insuline. Il y a donc un risque d'hypoglycémie pendant et après la pratique d'activité physique. Les patients étaient aussi à risque d'hyperglycémie, le stress et l'adrénaline tout particulièrement peuvent entraîner une hausse de la glycémie.
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La Presse
13 hours ago
- La Presse
Des millions de riverains du Pacifique évacués
Beginning of dialog window. Escape will cancel and close the window. (Puerto Ayora) L'un des séismes les plus importants jamais enregistrés, survenu mercredi au large de l'Extrême-Orient russe, a provoqué des tsunamis dans le Pacifique, du Japon à l'Équateur, obligeant des millions de personnes à évacuer le littoral et perturbant l'activité économique. Agence France-Presse Selon l'institut géophysique américain (USGS), le tremblement de terre de magnitude 8,8 s'est produit à 11 h 24 locales (19 h 24 (heure de l'Est) mardi) à 20,7 km de profondeur, à 126 km au large de Petropavlovsk-Kamtchatsky, la capitale de la péninsule russe du Kamtchatka. Au moins six répliques, dont une de magnitude 6,9, ont ensuite secoué ce territoire, où une femme qui tentait de s'échapper d'une falaise en voiture y a péri. Peu peuplé, le Kamtchatka, où le volcan Klioutchevskoï est par ailleurs entré en éruption, est une des zones sismiques les plus actives de la planète, au point de rencontre entre les plaques tectoniques du Pacifique et nord-américaine. Il s'agit du plus important séisme depuis celui, de magnitude 9,1, qui s'est produit en 2011 au large du Japon et qui a provoqué un tsunami ayant causé la mort de plus de 15 000 personnes. Séisme record depuis 1952 Dans le port de Severo-Kourilsk, dans le nord de l'archipel russe des Kouriles, plusieurs vagues successives ont submergé les rues. L'une d'elles, sur la péninsule du Kamtchatka, a atteint plus de 3 mètres de haut. L'état d'urgence a été décrété et le chef l'administration territoriale, Alexandre Ovsiannikov, a assuré que « tout le monde » avait été évacué. PHOTO MINISTÈRE RUSSE DES SITUATIONS D'URGENCE, FOURNIE PAR L'AGENCE FRANCE-PRESSE Cette capture d'écran d'une vidéo publiée par le ministère russe des situations d'urgence montre des secouristes inspectant une garderie endommagée dans la région russe du Kamchatka après un tremblement de terre d'une magnitude de 8,8. « Tout est inondé, la côte entière est inondée », a témoigné un habitant de la région. « Le port et les usines de la côte sont complètement détruits », a-t-il affirmé. Les autorités russes ont cependant levé l'alerte tsunami dans la soirée. « Nous avons tous couru en sous-vêtements avec les enfants. Heureusement nous avions préparé une valise », a raconté une femme. La magnitude de 8,8 est la plus élevée enregistrée au Kamtchatka depuis le 5 novembre 1952, quand un tremblement de terre de magnitude 9 avait déclenché des tsunamis dévastateurs dans tout le Pacifique. Deux millions de Japonais Au Japon, la télévision a montré des personnes partant en voiture ou à pied vers des lieux plus en hauteur, notamment sur l'île septentrionale d'Hokkaido. Plus de 2 millions de Japonais ont au total été appelés par les autorités à se mettre à l'abri en de tels endroits. Une vague de 1,30 m a atteint un port dans le département de Miyagi, dans le nord. L'agence météorologique japonaise a cependant rétrogradé mercredi les alertes au tsunami dans la majeure partie de l'archipel. « Nous étions venues ici pour nager, mais dès que nous avons entendu qu'une alerte au tsunami avait été émise, nous ne sommes pas du tout allées dans l'eau », a confié Tomoyo Fujita, une femme de 35 ans accompagnée sa petite fille sur la plage d'Inage, dans la région de Chiba, proche de Tokyo. PHOTO PHILIP FONG, AGENCE FRANCE-PRESSE La préfecture de Chiba, au Japon La Chine a également émis une alerte au tsunami dans plusieurs régions côtières. « Nous avons conseillé aux clients de rester prudents, de ne pas sortir et d'éviter d'aller sur la côte », a pour sa part raconté à l'AFP Wilson Wang, un employé d'un hôtel de Taitung, dans le sud-est de Taïwan. Les Philippines ont quant à elles exhorté la population des côtes orientales à se rendre vers l'intérieur des terres. Les autorités de Palau, à environ 800 kilomètres plus à l'est, ont ordonné de quitter « toutes les zones le long du littoral ». « Une peur réelle » Sur l'autre rive du Pacifique, le Mexique a aussi mis en garde contre un éventuel raz-de-marée, de même que la Colombie, le Pérou et l'Équateur, qui ont procédé à des évacuations. PHOTO GUILLERMO ARIAS, AGENCE FRANCE-PRESSE Une plage du mexique, le 30 juillet 2025 « Les bateaux ne sont pas sortis pêcher », a déclaré une pêcheuse de l'archipel équatorien des Galapagos, à Puerto Ayora. « On nous a avertis par haut-parleurs qu'il était préférable de ne pas s'approcher de la côte ». « Nous ressentons une peur réelle : il y a un sentiment d'incertitude, nous ne savons vraiment pas ce qui va se passer », a avoué Patricia Espinosa, une habitante de l'île Isabela, dont la population a été déplacée vers des lieux situés en altitude. Les parcs nationaux des Galapagos ont été provisoirement interdits d'accès et les visiteurs ont dû débarquer des bateaux de tourisme pour se réfugier sur la terre ferme. Au Pérou, plus de la moitié des ports, 65 sur 121, ont été fermés et la suspension des activités de pêche a été recommandée, tandis que les habitants ont été incités à s'éloigner de l'océan. Les premières vagues, qui ne devraient, selon les spécialistes locaux, pas dépasser les 3 mètres de hauteur devaient arriver au port de La Cruz, dans la région de Tumbes, à la frontière avec l'Équateur, mercredi dans la matinée heure locale. Certaines pourraient en outre atteindre le Chili et le Costa Rica. Plusieurs mesurant un mètre et demi de haut ont commencé à toucher l'île de Nuku Hiva, dans l'archipel des Marquises, en Polynésie française. Les États-Unis ont quant à eux émis une série d'alertes de différents niveaux en Alaska et jusqu'à la Californie. Des sirènes ont retenti près de la célèbre plage de Waikiki à Hawaii, où un photographe de l'AFP a vu des personnes fuyant vers des endroits plus en altitude. « RESTEZ FORTS ET SOYEZ EN SÉCURITÉ ! », a écrit le président Donald Trump sur les réseaux sociaux. Le niveau d'alerte au tsunami a finalement été rétrogradé à celui d'appel à la vigilance et l'ordre d'évacuation de certaines zones côtières inondables a été annulé.


La Presse
16 hours ago
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Des médicaments associés à un risque de décès plus important
Des médicaments ont été associés à une hausse du risque de décès lors du dôme de chaleur qui a recouvert la Colombie-Britannique en 2021, a constaté un chercheur québécois. Jean-Benoit Legault La Presse Canadienne Plus précisément, l'analyse a démontré que les antiépileptiques, les médicaments contre la maladie de Parkinson, les psycholeptiques (les calmants), les diurétiques, les médicaments contre le diabète, les bêta-bloquants, les analgésiques, les médicaments urologiques et les médicaments pour le traitement des maladies osseuses avaient augmenté le risque de décès à ce moment. En revanche, les inhibiteurs calciques et les produits ophtalmologiques ont semblé avoir un effet protecteur. « Il y a plusieurs organismes de santé publique qui font des recommandations sur les médicaments qui augmentent le risque de décès lors des épisodes de chaleur », a souligné Jérémie Boudreault, qui est doctorant à l'Institut national de la recherche scientifique. « Par contre, dans la littérature, la majorité des associations sont faites chez des jeunes hommes en bonne santé, pas chez des personnes âgées avec des maladies chroniques. Alors on vient un peu répondre à cette question-là pour améliorer nos efforts de communication, pour raffiner les catégories de médicaments qui mettent ces personnes-là à risque et pour identifier les personnes qui sont à risque. » Les auteurs de l'étude se sont intéressés à 21 maladies chroniques, dont les plus prévalentes étaient la maladie rénale chronique, la BPCO, la dépression, l'épilepsie, l'insuffisance cardiaque, la schizophrénie et le trouble lié à l'usage de substances psychoactives. Ils ont comparé environ 500 décès survenus dans la communauté (c'est-à-dire, à l'extérieur du système de santé) à un peu plus de 2500 sujets similaires qui ont survécu au dôme de chaleur de 2021 ― « l'évènement météorologique le plus meurtrier de l'histoire du Canada », avec quelque 700 décès, a rappelé M. Boudreault. L'impact des médicaments prescrits pour ces conditions a été analysé par régression logistique et par apprentissage machine, et les conclusions de l'étude découlent du regroupement des résultats générés par chaque méthode. L'analyse a notamment permis de départager quelle portion du risque était attribuable aux médicaments et quelle portion aux problèmes de santé. Les auteurs de l'étude soulignent qu'« il existe de nombreux mécanismes par lesquels les médicaments peuvent augmenter le risque de mortalité » pendant les évènements de chaleur extrêmes : Les médicaments antiparkinsoniens, par exemple, peuvent entraîner une augmentation de la température centrale et des maladies liées à la chaleur, en plus de nuire à la mobilité ; Les antiépileptiques peuvent provoquer une sédation et des troubles cognitifs, réduisant ainsi la vigilance et la perception de la chaleur ; Tandis que les psycholeptiques altèrent la transpiration, modifient la thermorégulation et peuvent limiter la capacité du corps à maintenir sa température corporelle. « Il y a des études cliniques qui montrent que certains médicaments vont venir augmenter la température corporelle, a expliqué M. Boudreault. En ajoutant seulement [0,5] ou un degré à notre température corporelle, les gens risquent des coups de chaleur à des seuils beaucoup plus faibles. Plusieurs médicaments vont diminuer la sensation de soif ou la transpiration, et ça, ça peut être problématique quand on est dans un épisode de chaleur. » Quant aux effets protecteurs apparents d'autres médicaments, les chercheurs expliquent que les patients à qui ils avaient été prescrits faisaient possiblement d'emblée l'objet d'un suivi médical plus serré, ou encore que ces molécules pourront avoir eu un effet physiologique bénéfique face à la chaleur. ge et sexe L'analyse a permis de relever des différences associées à l'âge et au sexe. Les diurétiques, par exemple, ont semblé augmenter le risque de décès chez les sujets de 75 ans et plus, mais non chez les plus jeunes. Les médicaments urologiques ont eu un effet protecteur chez les hommes, tout en représentant un facteur de risque important chez les femmes. Les auteurs préviennent par ailleurs qu'ils n'ont pas comparé les dangers éventuels de ces médications lors d'une vague de chaleur à leurs avantages potentiels. Leur étude, disent-ils, est « épidémiologique, et non clinique, et ne peut fournir de preuves suggérant ou justifiant la modification ou l'arrêt d'un traitement pharmaceutique » lors d'un évènement de chaleur extrême. Les résultats acquièrent toutefois une tout autre pertinence dans le contexte du réchauffement climatique et peuvent « fournir des informations précieuses aux médecins et aux pharmaciens afin de mieux communiquer avec leurs patients au sujet des risques liés aux médicaments pendant les périodes de forte chaleur », ajoutent-ils. « Il va être important que [ces patients] aient accès à la climatisation lors des évènements de chaleur, a conclu M. Boudreault. Il va falloir limiter l'isolement social qui est aussi un facteur de risque. Il va falloir lutter contre la précarité financière et assurer que [les patients] auront accès à des ressources pour se protéger […] lors des vagues de chaleur qui seront de plus en plus fréquentes et intenses. » Les résultats de cette étude ont récemment été publiés par la revue eBioMedecine, qui appartient à la famille Lancet de publications médicales.


La Presse
4 days ago
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Avoir le diabète et atteindre les sommets
Quatorze personnes atteintes de diabète de type 1 ont gravi plusieurs sommets du massif du Mont-Blanc en juin dernier. Quatorze personnes atteintes du diabète de type 1, dont deux Québécois, ont gravi plusieurs sommets du massif du Mont-Blanc, qui chevauche la France, la Suisse et l'Italie, pour un projet de recherche franco-canadien hors norme. Cette aventure scientifique, mais aussi profondément humaine, était l'occasion d'étudier les effets d'un tel défi sportif en altitude sur des patients diabétiques. « On cherche de plus en plus à sortir du laboratoire et c'était une occasion en or », souligne le Dr Rémi Rabasa-Lhoret, de l'Institut de recherches cliniques de Montréal. Ce dernier a mené le projet de recherche dans le cadre de la Chaire de recherche sur le diabète de type 1 de l'Université de Lille. Ce passionné de randonnée s'est embarqué dans ce trek de sept jours avec les patients diabétiques et d'autres professionnels de la santé au mois de juin. 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Une communauté d'entraide « Quand on fait des randonnées, on est souvent gêné de dire aux gens : 'Ah, je suis en hypoglycémie, je dois faire une pause', relate un des participants québécois, James Ravel. Mais là, quand quelqu'un ne se sentait pas bien, on comprenait tout à fait. » Ces ascensions étaient une occasion rêvée pour lui, qui avait déjà relevé d'autres défis sportifs, mais qui touchait pour la première fois à l'alpinisme. C'était l'occasion de me dépasser, de faire quelque chose de complètement nouveau que je n'aurais pas fait par moi-même. James Ravel, participant C'était aussi l'occasion d'être avec une communauté de personnes diabétiques et de s'échanger des conseils. « On parle le même langage », affirme-t-il lors de l'entrevue avec La Presse. PHOTO MICKAEL CHATELLARD, FOURNIE PAR JAMES RAVEL James Ravel, un des participants à l'étude, se trouve à l'avant. Le Dr Rabasa-Lhoret a aussi été touché par cette fraternité, qui s'étendait même au corps médical. « Il n'y a rien comme une cordée pour se rendre compte de ça, parce qu'on est physiquement encordés les uns aux autres et qu'on doit être à l'écoute des autres. » Il a pu également davantage miser sur le partenariat avec le patient, très cher à ses yeux. « Des fois, le patient me demandait quoi faire, moi je lui demandais ce qu'il ferait, raconte-t-il. Neuf fois sur dix, je lui disais de suivre son plan, même si je n'avais pas fait ça. Et ça fonctionnait la plupart du temps. » Le projet lui a aussi permis de saisir l'ampleur de la gestion du diabète au quotidien, avoue le spécialiste. « On a vécu leur réalité. Quand ils disent que c'est 24 heures sur 24, c'est littéralement 24 heures sur 24. » Malgré tout, le projet n'a pas été « lourd ». « Par moments, on oubliait complètement cette gestion-là, c'était naturel et surtout, c'était magique. » Des défis techniques et de la fierté Un des défis techniques est de bien anticiper la quantité de glucides nécessaires pour faire les efforts physiques, explique James Ravel. « On ne peut pas partir pendant six heures sans rien manger, explique-t-il. Il fallait aussi que la nourriture ne gèle pas et soit très accessible. » PHOTO FOURNIE PAR L'ÉQUIPE PROJET LES MASSIFS DU MONT-BLANC & VIRTYSENS La gestion de l'hypoglycémie était un défi constant pour les participants. Le Dr Rabasa-Lhoret a dû aider un participant en hypoglycémie. Heureusement, personne n'a eu de souci médical. « Mais les guides nous prenaient pour des fous furieux quand ils voyaient tout le matériel qu'on emportait dans le sac à dos », dit-il avec le sourire en coin. Le froid en altitude a posé un autre défi. On avait moins le temps de prendre des pauses, donc ce n'était pas le bon moment de tomber en hypoglycémie ou en hyperglycémie. James Ravel, participant Lui-même l'a expérimenté lors de la dernière et plus costaude ascension du séjour, celle du Grand Paradis, qui atteint les 4061 mètres. « Il y avait une tempête, et je n'étais plus capable au niveau du froid, de la glycémie », raconte-t-il. Son équipe a donc rebroussé chemin, « mais l'effort et l'accomplissement étaient quand même là », dit-il. Est-ce que le diabète est handicapant pour ce genre de défis sportifs ? « Il y a des limites, mais si tu veux les dépasser, c'est juste plus de préparation, de travail et d'anticipation », fait-il savoir. L'aventure – impensable il y a quelques années, indique le Dr Rabasa-Lhoret – était aussi un moyen de déstigmatiser le diabète de type 1 et de montrer qu'un exploit de ce genre est possible. Le diabète de type 1 et le sport Le diabète de type 1 se caractérise par l'absence totale de production d'insuline par le pancréas. Lors de ce projet, tous les participants avaient une pompe à insuline en boucle fermée. Celle-ci agit comme un système semi-automatisé qui utilise les données d'un dispositif de surveillance du glucose en continu pour ajuster automatiquement l'administration d'insuline. L'activité physique augmente l'utilisation du glucose par les muscles et augmente la sensibilité à l'insuline. Il y a donc un risque d'hypoglycémie pendant et après la pratique d'activité physique. Les patients étaient aussi à risque d'hyperglycémie, le stress et l'adrénaline tout particulièrement peuvent entraîner une hausse de la glycémie.