
Des secousses jusque dans les champs d'ici
Bien que le Québec soit un très petit producteur de canola, les agriculteurs qui en sèment, eux, sont bel et bien touchés par les nouveaux droits de douane de presque 76 % imposés par la Chine sur le canola canadien. Le point sur la situation, en cinq questions.
Pourquoi le Québec produit-il peu de canola ?
La province a produit 36 000 tonnes de canola l'année dernière et la production est stable. Le Canada en a produit 18 millions de tonnes, dont plus de la moitié en Saskatchewan. L'autre moitié est produite en Alberta et au Manitoba, essentiellement.
Si le Québec en produit si peu, c'est que ce n'est pas une culture facile et qu'elle convient mieux à certains climats.
« Le canola est produit dans des régions plus nordiques », précise Ramzy Yelda, analyste principal des marchés aux Producteurs de grains du Québec.
Les producteurs québécois se trouvent surtout en Abitibi-Témiscamingue, au Saguenay–Lac-Saint-Jean ainsi que dans le Bas-Saint-Laurent. Pour eux, le canola est important.
Ces producteurs sont-ils touchés par les nouveaux droits de douane ?
Si on calcule pour l'ensemble de la production de grains québécoise, l'impact sera petit. Dans les régions concernées, il ne l'est pas.
« Ces régions ne produisent presque pas de maïs et de soya. Leurs cultures, ce sont le canola, le blé, un petit peu d'orge et d'avoine », précise Ramzy Yelda, qui ajoute que la nordicité limite les choix de culture dans ces parties de la province.
Mardi, dès l'annonce de l'imposition à venir de droits de douane, le prix du canola à la Bourse a chuté d'une trentaine de dollars la tonne. Le prix payé aux agriculteurs par l'usine suit cette courbe, qu'ils se trouvent en Alberta ou au Québec.
Pour chacun des agriculteurs québécois qui ont fait le choix de semer du canola, les droits de douane ont donc un effet. « Ça reste une plante qui est importante pour nos régions et il faut continuer à la cultiver », dit Pierre Murray, président des Producteurs de grains du Saguenay–Lac-Saint-Jean, lorsqu'on lui demande si cette nouvelle secousse pourrait avoir un effet sur son choix au moment de semer, la saison prochaine.
Pierre Murray a été un des premiers agriculteurs à planter du canola au Québec, au début des années 1990, alors que la plante était à l'essai dans trois fermes de sa région.
Combien vaut le canola ?
Le canola se négociait autour de 700 $ la tonne cette semaine, mais le prix a chuté mardi, au moment de l'annonce des droits de douane. Concrètement, pour un producteur québécois, c'est une trentaine de dollars la tonne qu'il perdra lorsqu'un camion (de 37 tonnes) viendra chercher une cargaison.
« Ça fait 1100 $ du chargement de camion pour le même ouvrage, calcule Pierre Murray. Et pour une question de Bourse, alors que tu as payé ton engrais, ta semence, ta main-d'œuvre, tes coûts de moissonnage… »
Toutefois, il faut noter que plusieurs agriculteurs ont déjà signé des contrats de vente aux prix antérieurs. M. Murray a ainsi assuré la moitié de sa récolte avec de bons prix fixés dans le contrat original. L'agriculteur a les capacités d'entreposer son canola un bout de temps, si le prix reste bas ou plonge davantage.
Qu'est-ce qu'on fait avec le canola québécois ?
Il faut déjà comprendre que la graine de canola, une fois triturée, devient de l'huile (40 %) et du tourteau (60 %) destiné à l'alimentation animale.
L'huile de canola part pour la consommation humaine, à l'épicerie, mais aussi beaucoup pour les biocarburants. Ce qu'on exporte aux États-Unis, en Californie, c'est principalement pour les biodiesels.
Ramzy Yelda, analyste principal des marchés aux Producteurs de grains du Québec
Il y a un seul acheteur au Québec, à Bécancour. L'usine de trituration de Viterra sépare la graine en tourteau et en huile et la traite. L'huile destinée à l'alimentation devra toutefois être raffinée davantage.
Dans l'ensemble, les produits du canola québécois restent sur le marché local, dans l'est du Canada et le Nord-Est américain, selon M. Yelda.
Pourquoi la Chine impose-t-elle des droits de douane ?
Pékin a lancé il y a un an une enquête antidumping sur le canola canadien, après l'imposition par le Canada de droits de douane de 100 % sur les véhicules électriques chinois. La Chine conclut qu'il y a bien un dumping qui nuit à sa production locale. Elle impose 75,8 % de droits de douane depuis jeudi.
Si au Québec, on ne déchire pas sa chemise à cause de ces nouveaux droits de douane, c'est une autre histoire dans l'Ouest canadien où des centaines de millions de dollars sont en jeu.
La Chine est le deuxième marché d'exportation pour le canola canadien, derrière les États-Unis, mais le premier pour les graines de canola (entières) qui servent à l'alimentation animale, surtout en aquaculture.

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Quelles options pour les voyageurs ?
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