
L'or suisse fond sous la menace des droits de douane américains
Dans la fonderie de Valcambi, située à Balerna (TI), l'or s'écoule dans un moule à lingots.
DR
En bref:
La Suisse cherche d'urgence des solutions pour échapper aux droits de douane imposés par Donald Trump . Dès le 7 août, les marchandises exportées vers les États-Unis seront frappées d'une taxe de 39%. Le secteur de l'or se retrouve désormais dans le viseur du monde politique, car la Suisse a livré 476 tonnes d'or aux États-Unis durant le premier semestre, pour une valeur de 39 milliards de francs. Sans l'or, l'excédent commercial suisse vis-à-vis des États-Unis atteignait 24 milliards de francs au premier semestre. Avec l'or, il était deux fois plus élevé. C'est ce que révèlent les données douanières de la Confédération.
Interrogé par «SonntagsZeitung», le conseiller national Hans-Peter Portmann (PLR/ZH) réclame des mesures contre les exportations d'or: «Il n'est pas acceptable que toute l'économie suisse souffre à cause d'une branche.» Selon lui, il faudrait envisager des taxes plus élevées pour les raffineries d'or, des droits de douane à l'exportation, voire des interdictions d'exportation. Parmi les autres propositions évoquées figurent la livraison de l'or aux États-Unis via Londres ou le fait de «retirer l'or de la balance commerciale».
Mais pourquoi la demande d'or a-t-elle augmenté aussi fortement aux États-Unis? Les incertitudes géopolitiques et les menaces de Donald Trump expliquent cette évolution. La crainte que le président américain impose également des droits de douane sur les importations d'or a récemment fait grimper les cours. Les inquiétudes concernant l'inflation et l'endettement américain soutiennent aussi cette hausse. La loi fiscale «Big Beautiful Bill» de Donald Trump risque d'aggraver encore le déficit et la dette du pays. Dans un contexte aussi instable, l'or représente une valeur refuge.
Les investisseurs institutionnels et les particuliers américains ont donc demandé de l'or physique au centre de négoce d'or de Londres. En Europe, des lingots de 400 onces ( ndlr: 12,4 kilos ) sont négociés de manière standard. Aux États-Unis, cependant, les lingots de 100 onces ou ceux d'un kilo sont la norme acceptée par tous les commerçants et prestataires de services financiers. Une grande partie de l'or a donc dû être refondue.
Et c'est là que la Suisse entre en jeu. La fonte des métaux précieux pose des exigences très particulières en raison de la cherté du matériau. La situation politique stable, la sécurité élevée et la place financière forte confèrent aux fonderies helvétiques un avantage stratégique. Metalor à Neuchâtel et Argor-Heraeus, MKS Pamp et Valcambi au Tessin font donc partie des plus grandes raffineries d'or du monde. On estime qu'elles regroupent la moitié des capacités officielles de raffinage dans le monde. Importants écarts de prix de l'or
Les coûts de transport, d'assurance et de refonte représentent des sommes importantes. Pour acheminer l'or, les bateaux s'avèrent trop lents et peu sécurisés, tandis que les lingots sont trop précieux pour voyager dans des avions-cargos classiques. Les compagnies d'assurances limitent par ailleurs la quantité d'or couverte par vol. C'est pourquoi les lingots sont transportés dans les soutes des avions de ligne commerciaux.
Mais le boom de l'or déclenché par Donald Trump a créé, depuis son élection, d'importants écarts de prix entre les places financières de New York, Londres et Zurich. Ces différences ont rendu profitable l'envoi de lingots vers les États-Unis pour les négociants.
De telles différences de prix ne durent toutefois jamais longtemps. La hausse des exportations d'or s'est maintenue six mois après le début de la pandémie au printemps 2020 et deux mois après l'invasion russe de l'Ukraine. En réalité, le dernier boom a déjà pris fin, comme l'attestent les données douanières. L'écart de prix entre New York et Londres n'est désormais plus suffisant pour justifier les coûts de refonte et de transport vers les États-Unis.
Entre décembre et mars, plus de 130 tonnes d'or ont été expédiées en moyenne vers les États-Unis, un record historique. En avril, ce volume a chuté au dixième de sa valeur initiale. En mai et juin, les livraisons d'or vers les États-Unis ont quasi cessé.
Les mesures proposées par Hans-Peter Portmann arrivent donc trop tard et s'avèrent même illégales. Le commerce de l'or dépend en effet de la libre circulation commerciale: aucune fonderie ne saurait survivre uniquement avec la demande suisse. Imposer des taxes plus élevées uniquement aux fondeurs d'or contrevient à la liberté du commerce et de l'industrie, ainsi qu'aux principes d'égalité de droit et d'interdiction de l'arbitraire inscrits dans la Constitution. Les exportations via d'autres pays sont compliquées
Les autres propositions ne tiennent pas mieux la route. L'idée de livrer de l'or aux États-Unis via Londres, en le faisant passer pour une exportation britannique, va à l'encontre des règles strictes en vigueur. Les fonderies d'or suisses marquent en effet chacun de leurs lingots d'un poinçon et de documents d'identification. Peu importe le lieu de livraison, un tel lingot reste «made in Switzerland».
«Contourner les restrictions à l'importation d'or d'investissement via la Grande-Bretagne, par exemple, n'est pas réalisable», confirme Simone Knobloch, membre de la direction de Valcambi SA, dont le siège se trouve à Balerna (TI), dans le Mendrisiotto. «Une taxe sur les lingots d'or fabriqués en Suisse pourrait donc avoir des répercussions non seulement sur les raffineries suisses, mais aussi sur l'ensemble du commerce mondial de l'or d'investissement.»
Qu'en est-il de simplement exclure les exportations et les importations d'or de la balance commerciale? Le commerce de l'or bénéficie d'un traitement spécifique dans les statistiques commerciales. Seul l'or à usage industriel ou d'investissement est pris en compte, alors que les réserves d'or des banques centrales en sont exclues. Cette approche suit la norme établie par le Fonds monétaire international (FMI). L'approche particulière de la Suisse n'apporterait rien
La norme du FMI repose sur le fait que l'or non monétaire est un bien physique et mobile qui traverse les frontières douanières, au même titre qu'une voiture ou un ordinateur. Contrairement aux créances ou dettes financières comme les actions ou obligations, l'or relève donc par définition de la balance des biens, soit de la balance commerciale.
En théorie, la Suisse pourrait adopter une approche particulière en excluant l'or d'investissement de sa balance commerciale. Mais cette démarche n'apporterait aucun avantage dans le conflit avec les États-Unis, puisque Washington continue de l'inclure dans ses propres calculs.
Mais ce que négligent la plupart des critiques du commerce de l'or est, qu'à long terme, les mesures suisses pourraient même s'avérer contre-productives dans le conflit avec les États-Unis. Depuis 1988, la balance commerciale des États-Unis avec la Suisse est nettement excédentaire. Au cours de onze des treize dernières années, les États-Unis ont exporté davantage d'or vers la Suisse que l'inverse.
Traduit de l'allemand par Olivia Beuchat.
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Autres newsletters Armin Müller est journalistes à la rédaction de Tamedia à Zurich. De 2018 à janvier 2022, il a été membre de la rédaction en chef de Tamedia. Auparavant, il a travaillé entre autres pour la «SonntagsZeitung», la «Handelszeitung» et le «CASH». Plus d'infos @Armin_Muller
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