
Cette maison fonctionne sans eau potable… ou presque
Michel Vesco devant sa maison, à Enges (NE). L'eau de pluie qui s'écoule de la toiture est dirigée dans une citerne enterrée, qui permet d'alimenter les différentes pièces de la villa tout au long de l'année.
Yvain Genevay
En bref:
«Le robinet de gauche, c'est l'eau de pluie, explique Michel Vesco. Celui de droite, c'est l'eau du réseau communal. C'est celle qu'on boit et avec laquelle on lave la salade.» Voilà la seule particularité qui saute aux yeux quand on rend visite à ce Neuchâtelois domicilié à Enges. Une double arrivée d'eau dans l'évier de la cuisine.
Larges baies vitrées offrant une vue spectaculaire sur le lac de Neuchâtel, jolie terrasse, quelques moutons dans le pré en contrebas: rien ne distingue a priori cette villa familiale des autres maisons de ce quartier résidentiel. La différence se cache sous la pelouse du jardin. Une citerne enterrée d'une capacité de 7500 litres permet de collecter l'eau de pluie qui s'écoule de la toiture et d'alimenter ainsi les sanitaires, les salles de bains, le lave-linge et le lave-vaisselle. «En fait, toute l'eau que l'on ne consomme pas directement», résume Christian von Gunten, le spécialiste qui a mis en place cette installation en 2013, durant le chantier de construction.
À gauche, le robinet d'eau de pluie. À droite, celui de l'eau potable, fournie par le réseau communal.
Yvain Genevay / Tamedia
Pourquoi cette décision? Il s'agissait, nous dit Michel Vesco, d'un complément logique au standard Minergie P choisi pour sa villa: pompe à chaleur, panneaux solaires photovoltaïques, système de ventilation à double flux, isolation optimale… «Un voisin récupérait déjà l'eau de pluie depuis des années. Cela nous a semblé pertinent. Utiliser l'eau potable pour les toilettes ne fait aucun sens.» Scepticisme à Berne
Les chiffres officiels établis par l'Association pour l'eau, le gaz et la chaleur lui donnent raison. En Suisse, la consommation domestique d'eau potable atteint 142 litres par habitant et par jour . Plus de la moitié de ce volume est utilisée pour la chasse d'eau des toilettes (28,9%), le bain et la douche (25,3%). «Dites ça aux gens qui, ailleurs dans le monde, font tous les jours des kilomètres avec une cruche sur la tête pour aller chercher de l'eau. Ils vous prendront pour un fou», soupire Christian von Gunten.
Le surcoût nécessaire (7500 francs il y a douze ans) n'a pas paru excessif à Michel Vesco. Il est pourtant rédhibitoire aux yeux de nombreux propriétaires, qui renoncent pour cette raison à faire installer un collecteur chez eux. Christian von Gunten: «Il faut compter aujourd'hui entre 10'000 et 15'000 francs pour équiper une maison individuelle d'un système offrant une capacité suffisante. Et un peu plus si on le fait lors d'une rénovation. Comme l'eau du réseau ne coûte pas grand-chose dans la plupart des communes, beaucoup de gens se disent que cela n'en vaut pas la peine.»
Pour encourager les propriétaires à franchir le pas, des communes offrent des subventions pour l'achat d'un collecteur d'eau de pluie. C'est le cas depuis 2021 de Leytron, en Valais. Avec un succès modeste jusqu'ici, puisque huit ménages en ont bénéficié jusqu'ici. Mais tous sont ravis de leur installation, se félicite Laila Cheseaux Baudat, la présidente de la commune. Elle prévoit donc de relancer l'appel fait à ses administrés. «Notre eau provient de sources, souligne-t-elle. Chaque année, nous devons prendre des mesures de restriction de la consommation, à cause de la turbidité de l'eau due aux orages. Récupérer et utiliser l'eau de pluie devient de plus en plus pertinent.»
À Berne, l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) se montre plus sceptique: «L'eau de pluie collectée est principalement utilisée pour l'arrosage des jardins ou l'irrigation agricole, nous indique-t-il. Son utilisation dans les ménages, par exemple pour la chasse d'eau des toilettes ou le lave-linge, est plus complexe sur le plan technique. Partout où la qualité de l'eau potable est indispensable, l'eau de pluie collectée n'est pas adaptée ou doit être traitée avant utilisation.» L'OFEV évoque un processus «coûteux, réservé à des cas exceptionnels, comme des cabanes isolées sans autre source d'eau».
Ces deux plaques circulaires permettent d'accéder à la citerne de 7500 litres qui permet stocker les eaux pluviales. Christian von Gunten, l'entrepreneur qui a effectué l'installation il y a douze ans, montre ici l'un des deux filtres du système.
Yvain Genevay / Tamedia
Fort de vingt-cinq ans d'expérience dans l'entreprise fondée par son père, RVG énergies et conseils, Christian von Gunten est d'un tout autre avis. Dans l'arc jurassien, rappelle-t-il, de nombreuses localités situées sur les hauteurs ne sont pas raccordées au réseau d'eau potable. «On récupère l'eau de pluie depuis longtemps, et on la filtre pour pouvoir la consommer. Techniquement, cela ne pose pas de problème.» Adieu au calcaire
Si Michel Vesco n'est pas allé jusque-là, il ne regrette pas une seconde son investissement. Surtout après avoir constaté au fil des ans ce qui constitue, selon lui, le principal avantage de l'eau de pluie: l'absence de calcaire. «On la remarque tous les jours en se douchant, en portant nos habits lavés avec cette eau, confie le quinquagénaire. Pour le confort, c'est incomparable.» Idem pour la tuyauterie, protégée des dégâts provoqués par le calcaire.
D'ailleurs, la différence ne tarde pas à se faire sentir lorsque la citerne est vide et que le système bascule automatiquement sur l'eau du réseau. «Après un jour ou deux, on a la peau qui gratte, les pantalons sont plus rugueux en sortant du lave-linge. Ce n'est clairement plus pareil», observe Michel Vesco. Cette situation se produit quelques fois par an, «peut-être deux mois au total». Il poursuit: «On sent les effets du changement climatique, il y a moins de précipitations . Si c'était à refaire, on mettrait une citerne un peu plus grande.»
Ce filtre cylindrique doit être régulièrement nettoyé pour assurer le bon fonctionnement de la distribution de l'eau dans la maison.
Yvain Genevay / Tamedia
Sa consommation de l'eau communale se limite ainsi à environ 15 mètres cubes par année, y compris pour le remplissage de la piscine installée dans le jardin. La famille paie en revanche les taxes d'épuration sur l'ensemble des eaux usées, soit dix fois plus. Deux filtres à nettoyer
L'entretien nécessaire? Minimal, à en croire ce propriétaire convaincu. Dans le jardin, il suffit de soulever deux plaques circulaires pour accéder aux deux filtres du réservoir et les nettoyer. «Je le fais de temps en temps», dit le Neuchâtelois. L'un de ces filtres, en forme de panier, permet de recueillir les feuilles mortes et autres déchets qui arrivent dans la citerne avec l'écoulement des eaux de la toiture, puis sortent avec le trop-plein protégeant le puits perdu. Michel Vesco les jette dans le bac à compost, à quelques mètres de là, et le tour est joué.
Zéro additif, pas le moindre produit adoucissant. Une fois filtrées, les eaux pluviales sont directement distribuées, via une pompe alimentée à l'électricité, dans toute la maison. Dans le local technique, à côté du boiler d'eau sanitaire, un boîtier fixé au mur permet de contrôler le niveau de remplissage de la cuve enterrée et le bon fonctionnement du système.
Dans le local technique de la maison, ce dispositif permet de contrôler le niveau de remplissage de la citerne et le fonctionnement de la pompe qui assure la distribution de l'eau. «Non potable», précise l'étiquette verte en haut de l'image.
Yvain Genevay / Tamedia
À l'aide d'une vanne, on peut aussi actionner manuellement le passage à l'eau du réseau en cas de souci technique. «Ça n'arrive presque jamais, assure Michel Vesco. L'eau de pluie a parfois juste une odeur de fleur.» Quand la citerne est vide, il profite d'y descendre au moyen d'une échelle pour aspirer les particules fines, le sable et les pollens, puis nettoyer les parois et le dôme.
Christian von Gunten renchérit en parlant d'un risque de panne très faible. «Je dois parfois aller remplacer une pièce chez un client, ou régler un petit bug électronique.»
De retour dans la cuisine, Michel Vesco nous montre de petites traces de calcaire sous le robinet d'eau potable. «C'est le seul endroit où vous en verrez», sourit-il. Au loin, les eaux bleues du lac de Neuchâtel scintillent sous le soleil. Pas de pluie à l'horizon, mais au sous-sol, la jauge de la citerne indique 59%. De quoi être tranquille, quoi qu'il arrive, durant plusieurs semaines. Consommation globale en recul
En Suisse, environ 80% de l'eau potable provient des eaux souterraines, dont près de la moitié sont des eaux de sources, relève l'Office fédéral de la statistique (OFS). Le reste est prélevé dans les lacs et les rivières. La consommation d'eau potable a reculé de 20% depuis 1990: elle s'élevait à 925 millions de mètres cubes en 2023, soit 282 litres par jour et par habitant. En 1990, avec une population plus faible qu'aujourd'hui, cette moyenne se situait à 468 litres par habitant et par jour.
Ces chiffres concernent la consommation d'eau des ménages et du petit artisanat (55,4%), mais aussi de l'industrie et de l'artisanat (25,7%), des services publics, des fontaines, ainsi que les pertes liées à l'état du réseau public. En revanche, précise l'OFS, ils ne comprennent pas l'eau des captages effectués directement par l'artisanat, l'industrie et l'agriculture.
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Pourquoi donc les Fribourgeois prononcent le «s» de Gumefens, Vuadens ou Attalens?
En terre fribourgeoise, on insiste sur le «s» final des fameux villages en «ens», probable héritage des instituteurs français venus alphabétiser le canton au XIXe siècle. Publié aujourd'hui à 07h57 Attalens, à quelques kilomètres de la frontière valdo-fribourgeoise. Ici, on prononce le «s» final. Yvain Genevay/Tamedia En bref: Gardez-vous bien de dire Bossonnens, Écharlens ou Gletterens sans prononcer le «s» final à un Fribourgeois. Voilà qui lui irriterait les tympans et vous vaudrait – à juste titre – d'être fusillé du regard. Pourtant, le «s» de ce même suffixe est muet dans les villages vaudois de Bremblens, Sottens ou Daillens. Pourquoi cette différence si nette au passage de la frontière cantonale? On pourrait croire que cette distinction date de temps primitifs, en s'imaginant une vieille rivalité entre vachers vaudois et gruériens cherchant à se démarquer les uns des autres. Ou bien que l'élocution des Fribourgeois alémaniques – qui ont tendance à prononcer toutes les consonnes – ait déteint sur leurs congénères francophones. Il y a 200 ans, il est bien possible que Remaufens se soit prononcé «Remaufin». Yvain Genevay/Tamedia Prononciation «à la française» Ni l'un ni l'autre. En réalité, cette différence de prononciation est plutôt récente. Et nous la devons très probablement… à des religieuses et à des prêtres venus de France. L'explication est avancée dans l'ouvrage «Histoire linguistique de la Suisse romande» , écrit par Andres Kristol, grand spécialiste du français régional et ancien directeur du Centre de dialectologie de l'Université de Neuchâtel. «Le canton de Fribourg était l'un des plus analphabètes de Suisse au XIXe siècle, nous éclaire l'auteur. Les autorités ont alors fait appel à des enseignants français, principalement issus de l'ordre religieux, pour développer le système scolaire à toute vitesse. 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Au cours de sa recherche, Andres Kristol a croisé «de vieux patoisants qui disent «Vuisternin» pour Vuisternens», de la même manière que les Valaisans parlent du val d'Hérens («Hérin»). C'était sans doute la prononciation habituelle à Fribourg au moment où les instituteurs français sont arrivés dans le canton!» Peut-on envisager que cette différence de prononciation s'efface dans les prochaines décennies? «Je ne fais jamais de pronostics! L'évolution du langage est bien trop imprévisible», sourit le spécialiste du français de Suisse romande . Ce qu'il peut dire en revanche, c'est que la RTS «respecte scrupuleusement la règle» quand des villages vaudois ou fribourgeois en - ens se retrouvent dans l'actualité. Il n'y a donc «aucune raison» pour que l'usage s'harmonise dans l'immédiat. En attendant, il est fréquent que les automobilistes vaudois pestent contre leur GPS annonçant Échallens ou Éclépens avec une phonétique «à la française». Ou que des habitants du Gros-de-Vaud tombent sur des touristes parisiens cherchant désespérément la route vers «Morrense», ou pire, «Morrinse». L'oreille vaudoise serait agressée si le «s» final de Sottens était prononcé. Yvain Genevay/Tamedia Une prononciation d'origine… burgonde Un peu d'étymologie, maintenant. Le suffixe toponymique ens nous vient du burgonde ingos , signifiant «chez les gens de». Chez nos voisins alémaniques, il apparaît de manière plus évidente encore dans les noms de Binningen (BL), Konolfingen (BE) ou Wettingen (AG). En terre vaudoise, la variante féminine ingas se retrouve aujourd'hui dans Rossenges ou Préverenges, nous indique Andres Kristol. Romain Loup est doctorant en géographie à l'Université de Lausanne. Il vient de mener une vaste recherche sur les suffixes toponymiques en Suisse, à grand renfort de cartographies. Le «cluster» de villages en ens regroupe plus d'une centaine de localités à cheval sur Vaud et Fribourg (et une soixantaine de communes, voir la carte ci-dessous) . Le petit village de Fresens , au-dessus de Vaumarcus, est le seul représentant de cette famille sur le territoire neuchâtelois. Il se prononce «à la vaudoise». Si la plupart de ces suffixes ont persisté dans les villages d'une même région, c'est car «les logiques d'identification y sont historiquement plus importantes que dans les grandes villes comme Genève ou Lausanne», analyse Romain Loup. Celles-ci sont «peuplées depuis bien plus longtemps» et échappent donc à cette organisation régionaliste. Quelques exceptions subsistent. Prenez le petit village broyard de Vuissens (FR) , enclavé dans le canton de Vaud. 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Inscrire le «jour du dépassement» au calendrier vaudois, ça sert à quoi?
Des députés vaudois souhaitent que le Canton marque chaque année le jour symbolique où les ressources naturellement disponibles ont été épuisées. La proposition divise. Publié aujourd'hui à 06h53 Le Grand Conseil vaudois débattra d'une proposition pour officialiser le «jour du dépassement». Cette année, ce dernier est tombé le 7 mai, contre le 27 mai en 2024. Christian Brun/Archives VQH En bref: Faut-il inscrire chaque année le « jour du dépassement » au calendrier vaudois pour mieux sensibiliser la population à sa consommation? La question sera prochainement débattue au Grand Conseil. Elle fait suite à la proposition de la députée Elodie Lopez (EP) et consorts, qui souhaitent que le Canton marque la date à partir de laquelle la Suisse vit «à crédit» sur les ressources naturelles de la planète. Cette année, le fameux jour est tombé le 7 mai. «Mettre en évidence ce jour symbolique (ndlr: défini grâce au calcul parfois controversé de l'ONG Global Footprint Network ) viserait à donner une dimension culturelle à la transition écologique», explique l'élue, qui établit notamment une comparaison avec la tradition du Bonhomme Hiver. «Cette démarche permettrait aussi de définir un objectif commun: chaque année, nous tenterions de progresser et de repousser collectivement cette date.» «Manque d'efficacité» pointé du doigt Déposé en mai 2024, le postulat divise la commission thématique de l'environnement et de l'énergie, qui a rendu deux rapports aux conclusions distinctes. «À quoi est-ce que cela servirait?» s'interroge d'emblée Grégory Bovay (PLR), rapporteur de minorité . Lui et quatre autres membres redoutent surtout le «manque d'efficacité» de la mesure. «La symbolique, c'est bien, mais le concret, c'est mieux. Il existe déjà suffisamment d'outils ambitieux (il cite notamment la future loi sur l'énergie ) pour faire évoluer les comportements et réduire les émissions.» Personne ne semble contester les bonnes intentions de l'initiative. Le Conseil d'État partage ce point de vue: il trouve l'idée «sympathique», mais doute de l'efficacité d'une journée symbolique organisée par l'État, préférant investir les ressources dans des actions tangibles et ciblées, selon les deux rapports. «À défaut d'études prouvant son inefficacité, tentons l'expérience», rétorque Sébastien Humbert (VL), rapporteur de la majorité . «Après quelques années de mise en œuvre, nous pourrons évaluer l'impact réel.» Selon lui, ce type d'événement – comme les journées consacrées aux droits humains ou à la lutte contre le racisme – stimule campagnes et initiatives. Population déjà informée Autre argument contre le postulat: le «jour du dépassement» étant déjà relayé par des initiatives privées, la population serait bien informée par d'autres biais. «Le problème, c'est que les communications des ONG n'atteignent généralement que les personnes déjà convaincues, appuie Sébastien Humbert, du côté des partisans. Si c'est le Canton qui lance une campagne, par exemple dans les écoles, l'ensemble de la population y sera exposée, qu'elle soit intéressée ou non.» D'autres articles sur la transition écologique Newsletter «La semaine vaudoise» Retrouvez l'essentiel de l'actualité du canton de Vaud, chaque vendredi dans votre boîte mail. Autres newsletters Marine Dupasquier est journaliste à la rubrique Vaud & Régions depuis 2020 et couvre essentiellement la région de Nyon. Sensible aux thématiques locales, elle a effectué ses premières piges au Journal de Morges. Plus d'infos Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.


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Le canton de Genève est champion de la marche, mais peut-il faire mieux ?
Faut-il un maillage de réseaux piétons sur tout le territoire ou concentrer les efforts pour faciliter les déplacements des personnes à mobilité réduite? Votation le 28 septembre. Publié aujourd'hui à 06h54 L'initiative des Verts entend augmenter l'espace de la voirie dévolu aux piétons, estimant que la marche est le parent pauvre de la planification de la mobilité et du territoire à Genève. Ses détracteurs jugent ce texte jusqu'au-boutiste et estiment qu'il vise à «pourrir la vie» des automobilistes. TDG En bref: Genève, champion des déplacements piétons en Suisse, votera le 28 septembre sur l'«Initiative piétonne: pour un canton qui marche», déposée par les Verts. Le peuple choisira entre ce texte et son contre-projet, adopté par la majorité de droite du Grand Conseil. La gauche recommande de rejeter le contre-projet, d'accepter l'initiative et de la privilégier dans la question subsidiaire. 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Sans compter les risques pour la sécurité: «Il n'y a pas de trottoirs dans la rue qui traverse Choulex où je vis, illustre Cédric Jeanneret, les enfants se pressent contre les murs pour aller à l'école, ce qui pousse des parents à les y emmener en voiture.» En incitant à laisser au garage son véhicule motorisé, l'initiative diminuera les bouchons au profit de ceux qui ne peuvent se priver de leur voiture, à commencer par les professionnels du transport et les entreprises, insiste l'écologiste. Qui ajoute: «La marche, c'est aussi moins de pollution et de bruit, c'est bon pour la santé et c'est plus de sécurité, de lien social et d'attractivité pour le canton.» Vu sous cet angle, «les aménagements piétons rapportent davantage qu'ils ne coûtent». «Initiative piétonne inutile» Tous ne sont de loin pas de cet avis! «Le but est de pourrir la vie des gens qui n'ont pas d'autre choix que de se déplacer en véhicule motorisé», réplique le député PLR Murat Julian Alder, auteur du contre-projet. Car l'initiative impliquera de supprimer des places de parking, d'empiéter sur les voies routières ou même sur la zone agricole en campagne, s'insurge la droite. «Cela viole la liberté du choix du mode de transport et le principe de leur complémentarité», martèle l'élu PLR. L'initiative prévoit notamment de séparer les flux entre piétons et cyclistes. LUCIEN FORTUNATI/TDG Selon lui, le succès de la marche à Genève prouve que «l'initiative est inutile et qu'elle ne diminuera pas le recours à la voiture. Car il est déjà possible de se déplacer à pied presque partout, à l'exception de certaines communes éloignées.» Lors des débats parlementaires, plusieurs interventions ont en outre pointé «l'absurdité» de vouloir des trottoirs sur les routes de campagne. Reconnaissant des points noirs, Murat Julian Alder estime qu'il s'agit de cibler les améliorations plutôt que d'imposer une solution globale «technocratique et complexe». Il qualifie encore d'«irresponsable et disproportionné» de budgétiser 40 millions par an sans savoir à quoi ils seront concrètement affectés. Des «magistrales»… En revanche, «les auditions des représentants des milieux du handicap ont souligné la nécessité d'améliorer l'accessibilité des aménagements pour les personnes en fauteuil roulant», poursuit le PLR. C'est donc sur cet aspect que s'est concentré le contre-projet. Il stipule que les cheminements piétons devront «tenir compte» des besoins des personnes à mobilité réduite et que l'État «favorise» leur mobilité. Au plus tard huit ans après l'adoption du plan d'actions pour les mobilités actives (PAMA), deux axes majeurs pour piétons (des «magistrales») devront aussi être réalisés, respectant la norme sur les «espaces de circulation sans obstacles» . Ce qui projette ces aménagements en 2028, puisque le Grand Conseil a déjà adopté le PAMA 2024-2028, élaboré par le Département de la santé et des mobilités. Le contre-projet prévoit aussi dans ce délai une «signalétique piétonne claire» dans l'ensemble des communes. À cet égard, Murat Julian Alder comme le PAMA proposent de s'inspirer de Thônex, qui a installé des panneaux indiquant les temps de déplacement à pied et à vélo vers les principales infrastructures de la commune. «Voilà qui, concrètement et à moindres frais, incitera à marcher», affirme le député. «Alibi et redondant» «C'est bien, mais ces panneaux, c'est minimaliste», commente Cédric Jeanneret, pour qui «seule la qualité des aménagements peut faire la différence». Pour les défenseurs de l'initiative, ce contre-projet est un alibi pour la faire couler: redondant avec le PAMA, il ne permettra rien de plus que cette feuille de route. Celle-ci prévoit déjà de créer plus de 80 km d'aménagements pour les piétons et les cyclistes, dont au moins deux magistrales piétonnes. Deux corridors continus, sécurisés et balisés ont été identifiés: un cheminement par les parcs, des Pâquis à l'aéroport; et un axe passant par Cornavin, Bel-Air, Rive et la gare des Eaux-Vives. Il s'agira encore, notamment, d'assurer la continuité des itinéraires cyclables et piétons aux points de passage douaniers. Au Grand Conseil, le conseiller d'État chargé des Mobilités, Pierre Maudet, a souligné les avancées que ce plan a déjà permises depuis le dépôt de l'initiative. Il a aussi insisté sur l'importance d'une bonne collaboration avec les communes pour aboutir à des progrès concrets, une collaboration que l'initiative, imposée par le haut, risquerait de mettre à mal. Au contraire, rétorque Cédric Jeanneret, l'initiative «permettra de réaliser de nombreux aménagements piétons dans les communes que ces dernières souhaitent, mais qui sont trop souvent bloqués par le Canton». Le député Vert conclut: «Oui, des trottoirs sont nécessaires, y compris en campagne où des joggeurs se mettent en danger le long des routes.» Selon lui, pas question d'empiéter sur les terrains agricoles, mais sur les voies automobiles en choisissant de «donner la priorité aux usagers de la voirie les plus vulnérables». Le milieu du handicap roule pour l'initiative Jugeant le contre-projet «ni utile, ni nuisible», la Fédération genevoise des associations de personnes handicapées et de leurs proches (Fégaph) ne fait pas de recommandation de vote à son propos, tout en appelant à accepter l'initiative, informe son secrétaire général, Cyril Mizrahi, également député socialiste. Selon lui, le contre-projet fait doublon avec la Constitution, qui garantit déjà l'accessibilité universelle pour les personnes à mobilité réduite. 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Dans les faits, par exemple, l'éclairage public est de plus en plus réduit, au détriment de la sécurité des piétons, et en particulier de celle des malvoyants.» «En prévoyant un budget annuel, l'initiative se donne les moyens de ses ambitions, alors que le contre-projet risque de seulement revenir à du bricolage», estime quant à elle la présidente du Club en fauteuil roulant, Corinne Bonnet-Mérier. «Nous soutenons l'objectif de doter tout le territoire d'itinéraires sécurisés et continus, conclut-elle. J'ai une amie en fauteuil dont le père a un camping-car en périphérie. Quand elle va le voir, le bus la laisse au milieu de nulle part, elle doit parcourir plus d'un kilomètre sans trottoir.» Newsletter «La semaine genevoise» Découvrez l'essentiel de l'actualité du canton de Genève, chaque semaine dans votre boîte mail. Autres newsletters Rachad Armanios est journaliste à la rubrique genevoise depuis août 2022 et couvre en particulier la politique cantonale. 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