L'épave de l'Amoco Cadiz, sombre eldorado des plongeurs
C'est un lieu de mémoire incontournable, au bout du quai du port de Portsall. Une masse noire de 20,5 tonnes aux pattes brisées, propice à l'escalade ou toboggan improvisé pour les enfants, un juke-box à souvenirs instantanés pour les plus anciens, devant laquelle les familles de touristes enchaînent les photos sur leur téléphone, dans un flux continu.
L'ancre tribord de l'Amoco Cadiz est la seule trace visible de « la plus grande marée noire du siècle » (le XXe), comme l'indique la plaque en bronze à son pied. Entrée par effraction dans le patrimoine régional, elle s'est imposée comme point de visite pour les guides touristiques, les circuits en vélo dans le Pays d'Iroise ou les randonneurs du GR 34, le « sentier des douaniers » qui longe les côtes bretonnes. On la retrouve sur l'affiche de la prochaine Fête du port, qui se tiendra à Portsall les 9 et 10 août.
Couchée, elle pointe vers le lieu, au large, de cette catastrophe écologique survenue le 16 mars 1978, un jour de tempête, qui vit ce pétrolier de 344 mètres de long s'échouer à quatre kilomètres de la petite jetée de Portsall, sur la commune de Ploudalmézeau. L'Amoco Cadiz avait quitté le Golfe persique six semaines plus tôt, après avoir chargé 227 000 tonnes de pétrole brut en Arabie saoudite, puis en Iran, pour prendre la direction du port de Rotterdam (Pays-Bas). Au matin de ce 16 mars 1978, à 9h45, il est victime d'une avarie de barre, alors qu'il double l'île d'Ouessant, dans la tempête. Le supertanker, dont le gouvernail se bloque, entame alors une lente et funeste dérive, poussé par le vent, vers les côtes déchirées du Finistère-Nord.
Odeur immonde et univers saccagé
En perdition, après plusieurs tentatives avortées de remorquage, l'Amoco Cadiz - armateur américain, pavillon de complaisance libérien - vient s'échouer sur les rochers de Men Goulven, une douzaine d'heures après sa panne. Éventrée par l'avant, la coque est brisée en deux et commence à dégueuler son brut, alors que l'équipage est hélitreuillé par la Marine nationale. Aucune perte humaine, mais la tragédie écologique, à la mémoire éternellement vive (documentaires, livres, BD, tableaux...), peut débuter.
Au petit matin du 17 mars, l'odeur alentour est immonde. Elle pénètre à plusieurs kilomètres à l'intérieur des terres - de nombreux habitants croiront à une fuite de leur chaudière à fioul. Sur la grève, c'est un mélange d'incrédulité, de tristesse et de rage à la vue de cette nappe poisseuse au son sourd, « comme du chocolat chaud qui bout », se souvient une habitante. Un supplice répétitif, au gré des marées, en vitrifiant faune et flore marines.
Un drame symbolisé par une image indélébile : l'agonie d'un cormoran englué de mazout. Pendant des semaines, le pétrole se dispersera sur 360 km de côtes bretonnes. Plusieurs dizaines de milliers d'oiseaux de mer et de poissons succomberont, 6 000 tonnes d'huîtres seront détruites. Un univers saccagé, tout comme l'économie de la région, notamment basée sur les ressources maritimes et le tourisme.
« Le ciel nous est tombé sur la tête, on s'est dit que tout était foutu »
Yvon Madec, ostréiculteur de Prat-ar-Coum
Il faudra six mois pour nettoyer les côtes, avec la mobilisation exceptionnelle de l'armée, de la population locale et de milliers de bénévoles, et plusieurs années pour un « retour à la normale » incomplet, puisque plusieurs témoins ont noté, par exemple, l'effondrement de la présence de poissons plats (carrelets, soles...) dans la zone. Dans les jours ayant suivi la catastrophe, le squelette métallique de l'Amoco attirera aussi beaucoup de curieux en voiture - martyrisant au passage les dunes - pour observer, au loin, la proue du pétrolier disloqué, dressée vers le ciel. Avant le dynamitage de l'ensemble, par l'armée, puis son inexorable engloutissement par les flots.
« Émotionnellement, ce sont des choses inoubliables, rembobine le célèbre ostréiculteur de Prat-ar-Coum Yvon Madec (72 ans), à Lannilis, dans l'Aber-Benoît, à l'est de Portsall, qui abrite aussi, à quelques pas, l'ancien manoir (le « Kachalou ») de Jane Birkin. Les vagues ne faisaient plus de bruit. Et puis cette odeur... » Dans son bureau en capharnaüm, entouré de ses trois labradors, Madec replonge immédiatement dans les reportages d'époque en quelques clics, sur son ordinateur. « Le ciel nous est tombé sur la tête, on s'est dit que tout était foutu, poursuit-il. Ici, dans l'aber (une baie étroite et allongée), on fait office d'entonnoir, ça entre et ça ne ressort pas. On a commencé à remonter la pente six ou sept ans plus tard. »
Face au parc ostréicole séculaire des Madec, sur l'autre rive de l'Aber-Benoît, à Saint-Pabu, une vingtaine de clients en combinaison s'apprêtent à embarquer à bord d'un gros canot du club Koréjou Plongée. C'était jeudi, dernier jour de juillet, dans un matin doux et gris. Jeff Roudaut, le co-gérant du club, moniteur d'État, annonce les palanquées et donne les derniers détails logistiques d'une exploration très prisée, ardoise et croquis en main. C'est parti : après vingt-cinq minutes de navigation, le Zodiac stoppe et dodeline à moins d'un kilomètre du phare de Corn Carhai. Portsall et le littoral de sable blanc émergent à l'horizon.
Une plongée longtemps interdite aux amateurs
Autre coup d'oeil, à gauche, plus lointain : c'est la silhouette élancée du phare de l'île Vierge, le plus haut d'Europe. Jeff vérifie sur un petit écran le point GPS très exact, gardé secret, d'où vont basculer les plongeurs : sous nos pieds, ensablé à une trentaine de mètres de profondeur, se trouve précisément l'Amoco Cadiz. Ou plutôt ce qu'il en reste, puisque le monstre rouillé est dispersé en trois blocs désintégrés, dont la partie la plus élevée est immergée à 7 mètres de la surface. Cette plongée, devenue un classique de la discipline, a pourtant été longtemps interdite aux amateurs.
Lors du pétardage de l'épave, pour évacuer rapidement le mazout du ventre de l'Amoco Cadiz, afin qu'il ne suinte pas pendant des mois, une des grenades utilisées n'avait pas explosé (la solution d'enflammer le pétrole avait rapidement été écartée par les autorités). L'interdiction a été levée en 1998, vingt ans après le drame, et son succès a pu s'installer, portée par des précurseurs comme le chasseur d'épaves brestois - il en a 300 à son actif - René Ogor (78 ans), qui avait pu plonger sur l'Amoco une dizaine d'années après son naufrage, pour en ramener, avec un cameraman, les premières images destinées au grand public.
« Je suis plutôt passionné par les bateaux anciens, en bois bien pourri, qui ont de belles histoires à raconter, raconte-t-il. Et là, je suis tombé sur cet énorme amas de ferraille... C'était la plus grande épave du monde à l'époque. Après je ne m'y suis plus intéressé, car j'en avais suffisamment souffert. » Un lien très personnel : son fils est né le 19 mars 1978, trois jours après la catastrophe. « On avait notre maison familiale dans l'Aber-Wrac'h, poursuit René Ogor. C'était les vacances scolaires et nous étions, mon épouse et moi, dans l'éducation nationale. On a fait demi-tour dans la demi-heure qui a suivi notre arrivée. L'odeur était absolument insoutenable et on ne voulait surtout pas que notre bébé respire ça. » Le fil ne sera jamais rompu, malgré tout : « Je ne suis pas près de me débarrasser de cette maison, sourit-il. Il y a quelques semaines, mon petit-fils m'a dit : "Papy, quand tu seras mort, je viendrai habiter ici". »
« C'est une épave incontournable : les plongeurs qui vont là-dessus cochent une case »
Erwan Amice, spécialiste de plongée scientifique au CNRS
Jeudi, l'« explo » se faisait sur la partie centrale du pétrolier, une des deux commercialement exploitables, avec la partie arrière. La fréquence des sorties est irrégulière, parfois deux par mois, en fonction des coefficients de marée. Et cette plongée à la lampe-torche nécessite aussi une certaine qualification : « PE 40 » dans le jargon, soit « plongeur encadré à 40 mètres ». Une plongée modérément technique, donc, mais qui peut être corsée par la houle, les courants, et des phénomènes d'aspiration à travers les trous de l'épave. « Beaucoup de ferraille, pas beaucoup de vie », notait jeudi à sa remontée Laurence, une sexagénaire dont c'était la première approche de l'Amoco.
« Ça reste une épave mythique, reprend Olivier, qui faisait partie du même groupe, le 31 juillet. Tous les plongeurs essaient d'y passer. Moi je l'ai faite une cinquantaine de fois, entre l'arrière et le milieu, et tu ne t'arrêtes jamais de découvrir des choses : selon les courants, quand ça se désensable... » Avec un sentiment commun : la « démesure ». Des pièces, des espaces, des mécanismes... « En général, quand on visite une épave, on ne voit pas ce qui est à l'origine du naufrage », reprend Erwan Amice, ancien plongeur-démineur dans la Marine nationale et spécialiste de plongée scientifique au CNRS, à Brest, depuis 2002.
Bateau cassé, dettes et bataille judiciaire : le rêve brisé d'un marin
« Dans le cas de l'Amoco, c'est possible, avec le local technique où se trouve la barre, poursuit-il. Vous y accédez par un trou et là, vous vous retrouvez dans une cathédrale de tôles et de ferraille. Il n'y a pas de vitraux, évidemment, mais un puits de lumière qui permet de voir la machinerie. Et puis c'est une épave incontournable : les plongeurs qui vont là-dessus cochent une case. En plus, l'épave est récente, elle fait partie de l'histoire de la région et on en revient aux dimensions, à son aspect gigantesque. » Près de cinquante ans après ce sombre naufrage, des découvertes sont encore possibles : le bulbe (partie avant de la coque du bateau) de l'Amoco Cadiz, haut de vingt mètres, a été déniché et filmé en juin 2023, à 800 mètres de l'épave, par des plongeurs affiliés à un autre club, Madéo Plongée, à Lanildut.
Un dossier judiciaire refermé 14 ans après les faits
Une trouvaille qui a gentiment rendu jaloux Ludovic Granier (53 ans), responsable d'Aber Wrac'h Plongée, à Landéda. Un autre spécialiste de l'épave, pourtant originaire de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Ce bulbe, il l'aurait « embrassé » sourit-il, devant une maquette de l'Amoco. « C'est notre produit d'appel et notre produit phare, confirme-t-il. Sur sept appels depuis ce matin (c'était le 29 juillet), six concernaient l'Amoco. Sur cette plongée, on est déjà complet jusqu'en octobre. »
Retour à Portsall, qui fut chanté par Jean-Michel Caradec (décédé en juillet 1981) après la catastrophe (« Je suis un pêcheur de Portsall... »). Face au parking, sur le quai où trône l'ancre massive du pétrolier, se trouve un espace muséographique, qui retrace également la tragédie intervenue sur cette « autoroute de la mer » à l'entrée de la Manche, « une des zones les plus dangereuses du monde ». Elle rappelle aussi la longue lutte procédurale de « David contre Goliath » pour faire condamner Amoco, « sur ses terres, à Chicago ».
Car il faudra attendre le 24 avril 1992, quatorze ans après les faits, pour que le dossier judiciaire de cette catastrophe se referme, après le refus de la compagnie pétrolière américaine d'amorcer un dernier recours devant la Cour suprême des États-Unis. L'évaluation définitive du montant du préjudice sera fixée à 1,25 milliard de francs (environ 190 millions d'euros), dont plus d'un milliard de francs pour l'État français et 225 millions de francs (34 M€) pour les dizaines de communes sinistrées, réunies en syndicat mixte. Une décision fondamentale, qui instaurera la mise en pratique du « pollueur-payeur ».
Hashtags

Essayez nos fonctionnalités IA
Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :
Commentaires
Aucun commentaire pour le moment...
Articles connexes


Le Figaro
a few seconds ago
- Le Figaro
Royaume-Uni : Londres annonce avoir placé en détention les premiers migrants sous le coup du traité franco-britannique
Ce nouveau traité vise à dissuader les personnes souhaitant traverser la Manche sur des embarcations précaires et bondées, organisées par des réseaux de passeurs. Le ministère britannique de l'Intérieur a annoncé jeudi 7 août avoir placé en détention les premiers migrants arrivés au Royaume-Uni sur des petits bateaux et ayant vocation à être renvoyés en France dans le cadre du traité franco-britannique entré en vigueur mercredi. «Les personnes arrivées au Royaume-Uni sur un bateau hier midi ont été placées en détention. Elles seront placées dans des centres de rétention administrative en attendant leur expulsion», a indiqué le Home Office dans un communiqué, sans préciser combien de migrants avaient été arrêtés. Des migrants sur la plage de Gravelines, dans le nord de la France, le 29 juillet 2025. SAMEER AL-DOUMY / AFP Publicité Les premières expulsions «dans les prochaines semaines» Ce nouveau traité franco-britannique, annoncé lors de la visite d'État du président français Emmanuel Macron au Royaume-Uni en juillet, vise à dissuader les personnes souhaitant traverser la Manche sur des embarcations précaires et bondées, organisées par des réseaux de passeurs. Selon Londres, les premières expulsions vers la France devraient avoir lieu «dans les prochaines semaines». Le Royaume-Uni va transmettre à la France dans un délai de trois jours les noms des migrants arrêtés qu'elle souhaite expulser, et les autorités françaises auront 14 jours pour répondre, détaille le Home Office. «Quand j'ai promis que je ne reculerai devant rien pour sécuriser nos frontières, j'étais sérieux», s'est félicité sur X le premier ministre Keir Starmer, qui est sous pression pour endiguer ces arrivées de migrants. Un nombre record de plus de 25.400 personnes est entré au Royaume-Uni par ce biais depuis le début de l'année, en hausse de 49% sur un an. Le traité est basé sur un principe d'«un pour un». La France reprendra des migrants arrivés au Royaume-Uni par «small boat» et dont la demande d'asile n'y est pas jugée admissible. Dans l'autre sens, Londres acceptera des personnes se trouvant en France et ayant fait une demande sur une plateforme en ligne, en donnant la priorité à celles ayant des liens avec le Royaume-Uni. Cette plateforme est opérationnelle jeudi sur le site internet du gouvernement britannique.


Le Figaro
a few seconds ago
- Le Figaro
Arcachon : deux hommes arrêtés et condamnés après une série de cambriolages et d'actes de vandalisme
Mercredi, deux hommes âgés de 26 et 18 ans ont été condamnés en comparution immédiate après avoir saccagé plusieurs commerces à Arcachon, dans la nuit du 30 au 31 juillet dernier. Des actes de vandalisme en pleine saison touristique. Dans la nuit du 30 au 31 juillet, plusieurs vitrines de commerces ont été vandalisées à Arcachon, principalement le long du boulevard de la Plage. Cinq établissements ont été visés, ainsi que le théâtre Olympia, situé à proximité. Les cambrioleurs ont notamment forcé les portes des commerces pour tenter de s'emparer des caisses. Mais, la plupart du temps, aucun argent n'était présent sur place. Dans un salon de coiffure, frustrés par l'absence de butin, ils auraient vandalisé un aquarium. Publicité Les auteurs de ces actes, deux hommes de 18 et 26 ans, ont été interpellés le lundi 4 août, à Bordeaux. Ils ont été repérés grâce aux images de vidéosurveillance qui les montraient circulant à vélo avant de quitter la ville d'Arcachon en train. Ils ont ensuite été retrouvés dans la rue Sainte-Catherine, grâce à leur portrait-robot. L'un des malfaiteurs est multirécidiviste Présentés en comparution immédiate devant le tribunal correctionnel de Bordeaux, mercredi, les deux hommes ont été jugés. Le plus jeune, âgé de 18 ans, sans domicile fixe et récemment sorti d'un foyer, comparaissait libre. Inconnu jusqu'alors des services de police, il a été condamné à six mois de prison avec sursis probatoire. Son complice, âgé de 26 ans et également sans-abri, est un multirécidiviste déjà condamné à 19 reprises, majoritairement pour des faits de vols. Incarcéré depuis son arrestation, il a reconnu les faits. Il a été condamné à dix mois de prison ferme, assortis de six mois avec sursis, et a donc été maintenu en détention. Une enquête reste en cours pour évaluer précisément les préjudices subis par les commerçants et le théâtre.


Le Figaro
31 minutes ago
- Le Figaro
À Arcachon, le chic s'imite en toute discrétion
LES FAUX STYLES DE VACANCES - Dans cette série consacrée aux codes vestimentaires locaux, cap sur le bassin d'Arcachon. Où le style estival ne se mesure pas au bronzage, mais à l'élégance du polo ou d'un pull sur les épaules. Ils sont venus, ils sont tous là. Entre une glace vanille-miel-pignon et une tentative de créneau en SUV (électrique) devant la jetée Thiers, Arcachon voit débarquer sa colonie de vacanciers. Le temps de leurs congés, ils adoptent les codes vestimentaires des locaux, comme on endosse un rôle de saison. Le style local n'est pas exubérant. Il est feutré, calibré, sous contrôle. Les touristes déambulent entre dune et cabanes à huîtres comme s'ils avaient toujours vécu là ou, du moins, comme s'ils tenaient absolument à ce que tout le monde le pense. Le vestiaire local ? Un subtil mélange de décontraction étudiée, d'esprit riviera et d'accents de vieux bassin. Subtil… ou pas. Arcachon, Pyla, Cap Ferret : même partition Au Pyla comme au Ferret, la même silhouette domine : celle du « vieux chic ». Hommes en polo col relevé, femmes en chemise-robe ceinturée, espadrilles neuves et chapeau de paille bien droit. Héritage bourgeois, couleurs classiques, matières nobles mais jamais tapageuses. Dans une petite boutique multimarques d'Arcachon, on anticipe dès juin le retour de cette clientèle estivale. « Ce qui marche le plus pour les femmes, ce sont les robes en coton, les pantalons en lin, les chemises amples… et les sacs en osier », détaille Jeanne, la vendeuse. Le ton est donné : légèreté, naturel, et surtout, rien de tape-à-l'œil. Publicité « On vend surtout des basiques. C'est une clientèle discrète, souvent plus âgée. Le polo, c'est un indispensable. Le bleu marine pour les plus classiques, le rose fuchsia ou vert pour ceux qui veulent un peu de couleur l'été. C'est la pièce la plus populaire chez les hommes mais les femmes le portent aussi, parfois version robe. Les locaux le portent naturellement, mais ils ne s'habillent pas pour se faire remarquer. » Un polo pour les gouverner tous Entre les cabanes du village de l'Herbe, au Cap-Ferret. - Ici, le style suit une ligne claire. Chez les hommes : polo col relevé, pull posé sur les épaules, mocassins ou chaussures bateau en cuir souple. Chez les femmes : robe polo ou chemise ceinturée façon robe, chapeau de paille bien droit. Un look décontracté, mais parfaitement orchestré. Cette esthétique discrète mais codée saute aux yeux de ceux qui vivent ici à l'année. Cécile, 42 ans, professeure de sport, observe : « Certains ont vraiment un style de villégiature très étudié. Chemise blanche, chapeau de paille, même la couleur des espadrilles semble réfléchie. Et à côté de ça, tu as des gens en maillot de bain, tongs et sac plastique au supermarché du coin. » Sophie, 29 ans, RH, note pour sa part une montée du mimétisme : « Les gens qui viennent l'été veulent se fondre dans le décor. Ils achètent une robe un peu chic, un panier, ils remontent leur col de polo. » Et d'ajouter, mi-amusée : « J'en vois certains avec leur Ralph Lauren bien visible. Là, on n'est plus dans le subtil… » La vendeuse confirme : « Le polo Ralph, c'est la référence. Beaucoup de touristes le demandent. Pour certains, c'est presque devenu un souvenir de vacances. » Publicité « Un bal de contrefaçons » Et puis il y a Jean-Pierre, 74 ans, retraité. Pour lui, Arcachon est en train de sombrer. « Tout le monde se prend pour un héritier. Ils mettent leur plus beau chapeau Panama pour acheter un magnum de rosé au Carrefour Market. C'est un bal de contrefaçons. Le style ici, autrefois, c'était du vrai chic. Discret. Élégant. Aujourd'hui, c'est du clinquant. Une marinière ne fait pas un marin, et un polo ne fait pas un gentleman. Tout le monde veut avoir l'air du coin, mais plus personne n'a d'élégance. » Le conseil du Bassin : faire moins, mais mieux À Arcachon, moins on en fait, plus on a l'air d'en être. Le look « vieux chic » n'est pas tant une question de prix qu'une question de dosage. Une robe chemise ? Oui, mais sans logo. Un polo ? Bien sûr, mais bien coupé. Un panier ? Parfait, mais pas un faux « osier » plastique qui couine. Le Bassin en a vu d'autres, et son style aussi. Ici, on n'est jamais aussi bien habillé que quand on a l'air de ne pas y penser. Les vacanciers, eux, finiront par comprendre : ici, on ne devient pas Arcachonnais en un week-end. Même avec un polo Ralph Lauren, fuchsia ou pas.