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Le passager-bétail d'Air Canada

Le passager-bétail d'Air Canada

La Pressea day ago
Dans ce conflit de travail (rapidement) réglé chez Air Canada, il y a tout le mépris nord-américain pour le voyageur aérien, considéré sur notre continent comme proche cousin du bœuf qu'on transporte par camion.
Vous avez peut-être raté ce détail qui n'est pas anodin : au départ de l'Europe, les passagers d'Air Canada ont eu droit à des dédommagements plus substantiels que ceux coincés au Canada, aux États-Unis ou ailleurs dans le monde.
En Europe, les passagers ont droit à des indemnités généreuses si un vol est en retard ou annulé, qu'il s'agisse d'une grève ou pas, que le transporteur soit européen ou pas.
Le Canada a eu maintes fois l'occasion de se doter de règlements plus mordants pour forcer les transporteurs comme Air Canada à respecter les passagers. Il a chaque fois fait semblant d'agir (1).
Je reviens à l'exemple européen : il y a quelques années, quand mon vol Montréal-Paris assuré par Air France a décollé en retard, j'ai eu droit à une indemnité de 600 $ sur simple présentation d'un formulaire à mon arrivée à l'aéroport Charles de Gaulle. Sur un vol d'Air Canada, même liaison, même retard, j'aurais probablement eu droit à une simple bouteille d'eau.
Les autorités européennes considèrent que le passager aérien est un être humain dont le temps a une valeur : elles pénalisent les transporteurs qui gaspillent le temps des passagers avec des indemnités en argent sonnant.
Au Canada, c'est tout le contraire. Au Canada, Air Canada est catinée par des gouvernements complaisants depuis toujours.
D'un côté, les agents de bord d'Air Canada avaient bien le droit d'exercer leur droit de grève, rien à redire. De l'autre côté, Air Canada a pleinement utilisé son droit de négocier de mauvaise foi en sachant que Papa Ottawa va intervenir au nom de la santé économique du pays en forçant un retour au travail via le Code canadien du travail…
Je n'invente pas cette mauvaise foi : le PDG d'Air Canada l'a admis publiquement : la stratégie du transporteur était d'attendre qu'Ottawa invoque le Code Canadien du travail pour forcer les agents de bord à cesser leur grève et demander à un arbitre du Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) de décréter les conditions de travail (2).
Et si on reste dans le registre des droits : le passager canadien n'en a à peu près aucun, si on le compare au passager européen. Les derniers jours l'ont encore démontré, avec tous ces passagers coincés partout dans le monde sans le début d'un signe de vie d'Air Canada.
Le passager-bétail d'Air Canada a ces jours-ci toutes les misères du monde à contacter le transporteur pour savoir quand il pourra revenir au pays. Il devra se battre pour comprendre s'il a droit (ou pas) à un remboursement et devra ultimement cracher 10 000 $ pour revenir au pays avant la fin du mois avec sa dulcinée et leurs deux adorables enfants (Air Canada ne rembourse pas cela).
Je comprends parfaitement le droit de grève et je comprends les agentes de bord d'avoir exercé le leur pour sortir les syndiquées débutantes d'une pauvreté relative (28 000 $ par année) et pour mettre un terme au travail non-payé (tout ce qui est fait avant la fermeture de la porte de l'avion).
Cependant, une vulgaire société de transport municipal est tenue dans cette province de prodiguer des services essentiels, nommément un service minimum aux heures de pointe. Mais le transporteur aérien national qui occupe la moitié du marché peut, à 48 heures d'avis, transformer tous ses passagers en malheureux naufragés, de Tokyo à Dubaï en passant par La Havane… Sans assurer de service minimum.
Ceci n'a aucun sens.
Ce qu'on voit cette semaine, ce n'est plus tant Air Canada qui traite ses passagers comme du bétail, c'est le gouvernement du Canada qui permet cette maltraitance. C'est le gouvernement du Canada qui permet ce cadre réglementaire méprisant : tous les vols d'Air Canada peuvent être cloués au sol à 48 heures de préavis.
Voici deux idées probablement trop simples pour le gouvernement fédéral…
Un, les syndiqués d'Air Canada ont le droit de grève, l'employeur a droit au lock-out, mais le préavis de 48 heures pour la cessation des activités est remplacé par un préavis de deux semaines, le temps de ramener le maximum de Canadiens au pays.
Deux, en cas de grève, Air Canada doit impérativement payer les frais de subsistance et de billets aériens de tous les passagers à qui le transporteur n'aura pas trouvé une place à bord d'un de ses avions. Oui, cela coûterait très cher à Air Canada. Mais ça pousserait le transporteur à négocier de bonne foi plutôt que de laisser pourrir les négos en sachant que Papa Ottawa va venir lui sauver les fesses en ordonnant aux syndiqués de retourner travailler…
Évidemment, je rêve debout, ça n'arrivera pas. Air Canada va encore et toujours continuer à traiter le passager comme du bétail pour une seule raison : parce que le gouvernement fédéral le lui permet.
1. Lisez l'article de Radio-Canada : « La refonte des règles encadrant l'indemnisation des passagers aériens se fait attendre »
2. Lisez l'article du Journal de Montréal : « Le PDG d'Air Canada s'attendait à ce que l'intervention d'Ottawa fasse le boulot »
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Le cabinet de Legault informé dès 2020 d'une dispute entourant SAAQclic
Le cabinet de Legault informé dès 2020 d'une dispute entourant SAAQclic

La Presse

time7 hours ago

  • La Presse

Le cabinet de Legault informé dès 2020 d'une dispute entourant SAAQclic

Le cabinet du premier ministre aurait été informé dès 2020 de l'existence d'un « différend » entre la SAAQ et son fournisseur, « l'Alliance », touchant le déploiement de SAAQclic. Le témoignage d'une ancienne cheffe de cabinet devant la commission Gallant, mercredi, implique pour la première fois, aussi tôt dans la saga, l'entourage de François Legault. Véronik Aubry, qui a occupé de 2019 à 2021 les fonctions de cheffe de cabinet du ministre des Transports d'alors, François Bonnardel, a relaté ses souvenirs d'une rencontre avec les représentants de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ) en juillet 2020. La PDG de la société d'État, Nathalie Tremblay, l'informait alors de l'existence d'un « différend » avec le consortium embauché pour réaliser SAAQclic, « l'Alliance ». Le règlement intervenu à la suite de cette dispute contractuelle mettra plus tard la table à l'explosion du coût de la transformation numérique de la SAAQ à près de 1 milliard, du moins selon la vérificatrice générale du Québec. À l'été 2020, Nathalie Tremblay assure toutefois à la cheffe de cabinet que la mésentente, qui aboutira finalement à un report d'un an de la livraison de la plateforme, n'affectera pas le montant du contrat, alors établi à 458 millions. « On va aviser » Véronik Aubry a révélé mercredi avoir informé de ce report une conseillère politique du cabinet du premier ministre, Ariane Gauthier, avec qui elle discutait de façon régulière sur des dossiers reliés à la pandémie. « Quand il y a un report d'échéancier, c'est quelque chose qu'on va aviser », a-t-elle répondu après avoir été questionnée sur son rôle de cheffe de cabinet. C'est des dossiers, souvent, que le bureau du premier ministre identifie et veut suivre. Véronik Aubry, ancienne cheffe de cabinet de François Bonnardel Véronik Aubry affirme avoir toutefois indiqué à la conseillère du premier ministre que le budget de 458 millions serait respecté, comme venait de le lui assurer la PDG de la SAAQ. Quant à savoir si l'existence du « différend », qui risquait de mettre à mal ce budget, avait été communiquée à l'équipe du premier ministre, Véronik Aubry a assuré l'avoir « mentionné ». Cette révélation est loin d'être anodine, alors que le chef de la Coalition avenir Québec répète depuis le début du scandale, en février dernier, qu'il ignorait qu'un tel fiasco se dessinait avant le lancement raté de SAAQclic à l'hiver 2023. « C'est clair que je ne le savais pas », a-t-il martelé lors d'une série d'entrevues en mars dernier1. Le commissaire irrité Mercredi, le commissaire Denis Gallant a montré son irritation vis-à-vis un membre du cabinet du ministre François Bonnardel qui se contentait d'informations « parcellaires » ou qui « ne reflétaient plus la réalité », et ce, à la veille de son témoignage très attendu. Désolé, votre navigateur ne supporte pas les videos Video Player is loading. 0:44 Lecture Skip Backward Skip Forward Désactiver le son Current Time 0:00 / Duration 0:00 Loaded : 0% 0:00 Stream Type LIVE Seek to live, currently behind live LIVE Remaining Time - 0:00 Picture-in-Picture Plein écran This is a modal window. Beginning of dialog window. Escape will cancel and close the window. 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Tout en se défendant de jouer le « Monday morning quarterback » (le gérant d'estrade), Denis Gallant lui a reproché de se satisfaire « d'informations parcellaires » quant à l'évolution de la transformation numérique de la SAAQ, devenu un gouffre financier depuis. PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE Le conseiller politique Alain Généreux « Ce n'est peut-être pas écrit noir sur blanc, mais il y a des signaux », lui a-t-il fait valoir en pointant des documents présentés au responsable du dossier de la SAAQ pour le cabinet du ministre des Transports de 2019 à 2022. « Pour nous autres, le projet, il était au vert », a maintenu, malgré tout, Alain Généreux, tout en rejetant la faute sur les hauts fonctionnaires. Plusieurs mois peuvent passer entre l'envoi de différentes présentations « où ils changent une ligne », fait valoir le conseiller. Report évoqué dès 2020 En après-midi, le témoignage de la cheffe de cabinet Véronik Aubry a apporté un autre exemple du même acabit. En mai 2020, la SAAQ s'apprêtait à faire parvenir un résumé annuel sur l'avancement de son virage numérique aux parlementaires. Le document fait état d'un possible report du lancement de la plateforme SAAQclic, alors prévu pour décembre 2021, et est envoyé à l'avance au cabinet du ministre. Même si la chose n'est pas certaine à 100 %, « je m'en doute bien, c'est fort probable », s'est rappelé avoir pensé Véronik Aubry, qui a dirigé le cabinet de 2018 à 2021. Or, Véronik Aubry a admis mercredi avoir recommandé à la PDG de la SAAQ à l'époque, Nathalie Tremblay, de retirer ce passage. La décision définitive allait être prise plus tard en 2020 et n'avait donc pas sa place dans un résumé de l'année précédente, a-t-elle expliqué au commissaire Denis Gallant. « Je vois ça hautement problématique », s'est-il rapidement indigné. « Même s'il y avait des signaux, je préférais qu'on ne mette pas de confirmation sur des informations qui ne sont pas nettes, claires et précises », s'est défendue Véronik Aubry. « Quitte à laisser de l'information qui ne reflète plus la réalité », lui a répondu le commissaire, visiblement agacé. Le témoignage de François Bonnardel, qui est maintenant ministre de la Sécurité publique, est attendu ce jeudi. Dès le début de cette saga, ce dernier a maintenu avoir été trompé. « On m'a menti, on vous a menti, on nous a menti, et nous irons au fond des choses », a-t-il déclaré, au Salon rouge, en février dernier. 1. Lisez l'article « 'Je ne le savais pas', plaide Legault »

Entente de principe avec Air Canada
Entente de principe avec Air Canada

La Presse

time8 hours ago

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Entente de principe avec Air Canada

D'une durée prévue de quatre ans, l'accord, qui doit être ratifié par les membres du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP), prévoit des augmentations salariales globales pouvant aller jusqu'à 21 %. L'entente de principe entre Air Canada et ses 10 000 agents de bord incarne une avancée en matière de rémunération du travail au sol – une des principales revendications des grévistes. Reste à voir si cela sera suffisant pour convaincre les salariés de voter en faveur de l'accord. « Est-ce que c'est pour cela que nous nous sommes battus ? Non ! », « Vous avez trahi vos membres pour de la publicité »… Certains commentaires – rédigés principalement en anglais – visibles sur la page Facebook de la composante Air Canada du Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) montrent que la tournure des évènements ne semblait pas faire que des heureux. D'une durée prévue de quatre ans, l'accord, qui doit être ratifié par les agents de bord, prévoit des augmentations salariales globales pouvant aller jusqu'à 21 %, selon les informations que La Presse a pu confirmer. Le grand changement : les agents de bord seront désormais rémunérés pour une heure avant le décollage – où s'effectue notamment l'embarquement – pour un vol effectué par un avion monocouloir et 70 minutes dans le cas d'un gros porteur. Pour ce segment, la paye sera à la moitié du taux horaire normal la première année et grimpera à 70 % à la fin du contrat de travail. « C'est une avancée significative », estime Robert Kokonis, président de la société de conseil AirTrav, établie à Toronto, dans un entretien téléphonique. « Pour chaque vol, c'est au moins une heure supplémentaire de rémunération. » Dans le cadre des négociations entre les deux parties, Air Canada affirmait que le temps passé au sol est couvert par une formule prévue dans la convention collective, et qu'une rémunération supplémentaire est prévue si les agents de bord sont appelés à travailler en dehors d'une plage horaire définie. La partie syndicale voyait les choses d'un autre œil, estimant que ses membres étaient seulement rémunérés lorsqu'un avion commençait à s'éloigner de sa position de stationnement jusqu'à son immobilisation afin de permettre aux passagers de descendre. « Ces changements [sur le travail au sol] ont commencé à changer il y a quelques années, souligne M. Kokonis. De plus en plus de compagnies aériennes reconnaissent qu'elles doivent s'y conformer. » Delta Air Lines, dont les agents de bord ne sont pas syndiqués, a commencé à rémunérer en 2022 un temps d'embarquement limité à la moitié du taux horaire. L'an dernier, les agents de bord d'American Airlines ont également obtenu une rémunération pour le temps d'embarquement grâce à une convention collective. Chez Air Transat, on avait tenté d'obtenir, sans succès, cette rémunération lors des négociations syndicales, l'an dernier. Le bénéfice d'exploitation affecté Il faudra un certain temps avant de savoir si l'entente de principe sera avalisée par les agents de bord d'Air Canada. Les présentations virtuelles du SCFP à ses membres doivent avoir lieu jusqu'à mardi prochain. Le vote débutera le lendemain pour s'échelonner jusqu'au 6 septembre. Air Canada, dont les avions sont demeurés cloués au sol pendant trois jours, avait été contrainte de mettre ses prévisions financières sur la glace en raison du conflit de travail. Elle prévoyait auparavant engranger un bénéfice d'exploitation ajusté oscillant entre 3,2 et 3,6 milliards. Puisque le transporteur risque de mettre jusqu'à dix jours pour renouer avec son niveau d'activité habituel, l'analyste Cameron Doerksen, de la Financière Banque Nationale, estime que la grève risque d'avoir une incidence négative allant jusqu'à 300 millions sur le bénéfice d'exploitation. Mercredi, à la Bourse de Toronto, le titre du transporteur aérien a retraité de 1,5 %, ou 29 cents, pour clôturer à 19,11 $.

Air Canada a fait fausse route
Air Canada a fait fausse route

La Presse

time10 hours ago

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Air Canada a fait fausse route

La compagnie aérienne a amorcé la partie de bras de fer avec ses agents de bord lestée d'une mauvaise réputation auprès du public et elle n'a jamais pu combler l'écart, selon l'auteur de cette lettre. Aux yeux d'André Pratte, le conflit de travail qui a secoué le transporteur aérien cette semaine présente tous les ingrédients pour devenir un cas d'espèce qui servira à démontrer aux entreprises l'importance de bien communiquer avec le public et ses clients. André Pratte Ancien journaliste et ex-sénateur, l'auteur est consultant en communications et étudiant au doctorat en histoire à l'UQAM Bien que nous ne connaissions pas précisément les différents éléments de l'entente de principe intervenue cette semaine entre Air Canada et ses 10 000 agents de bord, il apparaît évident que la compagnie aérienne a dû faire des concessions qu'elle aurait préféré ne pas faire, en particulier sur la rémunération du temps de travail au sol. Dans cette mesure, on peut dire qu'Air Canada a « perdu » le conflit de travail. Pourquoi ? Parce qu'avant et pendant la grève, l'ancienne société de la Couronne a mal communiqué avec le public et, surtout, avec ses passagers. Il faut dire que malgré ses bons scores dans les sondages internationaux Skytrax – la compagnie a été nommée « Meilleur transporteur aérien en Amérique du Nord » en 2025 –, Air Canada est une entreprise mal-aimée. Parce que la société est un quasi-monopole, LE transporteur aérien national, les passagers sont très exigeants à son égard. Malheureusement, elle ne satisfait pas à ces standards élevés, en bonne partie en raison de ses difficultés à communiquer efficacement avec ses clients lorsque se produisent des situations imprévues. Au moment où les passagers ont le plus besoin d'aide, l'entreprise est aux abonnés absents. Est-ce normal ? Excusable ? Quoi qu'il en soit, la réputation d'Air Canada en a terriblement souffert au cours des dernières années. C'est plombée par cet enjeu réputationnel que la compagnie aérienne a amorcé la partie de bras de fer avec les agents de bord. La société croyait de toute évidence que le public blâmerait les syndiqués si jamais ceux-ci déclenchaient une grève générale. C'est le contraire qui s'est passé. Un sondage de l'Institut Angus Reid⁠1, réalisé au début de l'arrêt de travail, a montré que la population appuyait largement la principale revendication syndicale, soit la rémunération des tâches au sol. En concentrant l'attention du public sur cet enjeu plutôt que sur les importantes augmentions de salaire réclamées, le syndicat représentant les agents de bord a été très habile. Air Canada, pour sa part, a été incapable de faire la démonstration que son offre était généreuse, y compris « une nouvelle disposition concernant la rémunération pour le service au sol, la meilleure dans l'industrie au Canada ». Pourquoi le message n'a-t-il pas passé ? D'abord parce que l'entreprise a semblé moins présente dans les médias que les représentants syndicaux, qui étaient littéralement partout. Ensuite parce que, au sein de la population, on avait inévitablement plus de sympathie pour ces travailleurs que pour une entreprise très profitable (un bénéfice d'exploitation de 418 millions⁠2 au deuxième trimestre). Air Canada n'a pas été en mesure de transmettre une image de compassion à l'égard de ses dizaines de milliers de passagers brusquement incapables de se déplacer. Juste ou non, la perception s'est installée que l'entreprise laissait ses clients à eux-mêmes, était incapable de communiquer avec eux et particulièrement pingre en matière de remboursements (du moins jusqu'à la « politique spéciale » annoncée mercredi). L'absence médiatique du PDG Michael Rousseau n'a fait que renforcer cette image d'insensibilité. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Malgré les inconvénients, le public est demeuré relativement favorable aux revendications des grévistes, selon André Pratte. De son côté, Air Canada a été incapable de transmettre efficacement son message. Le gouvernement Carney a succombé à la même erreur d'évaluation, convaincu que la plupart des Canadiens, notamment les passagers, se réjouiraient de le voir recourir à l'article 107 du Code canadien du travail pour forcer le retour au travail des syndiqués. Ce ne fut pas le cas. Rares sont ceux qui se sont offusqués lorsque les dirigeants syndicaux ont annoncé qu'ils refusaient de se plier à la loi, au risque d'être jetés en prison. Le gouvernement a alors cherché à ajuster le tir, la ministre de l'Emploi, Patty Hajdu, annonçant qu'elle se pencherait sur le problème du travail non rémunéré dans l'industrie aérienne. Cependant, la bataille de l'opinion publique était déjà perdue. Devant la perspective d'une grève qui se prolongerait au prix de lourdes pertes financières, Air Canada a dû revenir à la table de négociation et améliorer son offre. Les experts en relations de travail tireront sans doute de précieuses leçons de cette affaire. Chose certaine, celle-ci démontre l'importance d'une bonne stratégie de communication avant et pendant un tel conflit de travail. Il illustre aussi combien la mauvaise réputation préalable d'une entreprise peut miner ses efforts de communication en temps de crise. 1. Consultez le sondage de l'Institut Angus Reid (en anglais) 2. Consultez les résultats financiers d'Air Canada au deuxième trimestre de 2025 Qu'en pensez-vous ? Participez au dialogue

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