
Le paradoxe du cash : pourquoi y'a-t-il toujours plus de billets alors qu'on les utilise de moins en moins ?
Pourtant, le stock de billets en circulation augmente quasiment en continu depuis les débuts de la monnaie commune - avec des accélérations lors des périodes de forte incertitude économique, comme lors de la crise des subprimes, ou plus récemment au moment de la pandémie de Covid.
Selon un document publié en juillet par la Banque de France, les émissions nettes de billets s'élevaient à un peu plus de 30 milliards de coupures (en hausse de 2,5 % sur un an) pour une valeur de 1.600 milliards d'euros (+1,7 % sur un an) au 30 avril 2025. Plusieurs éléments expliquent ce paradoxe. En particulier la thésaurisation - qui consiste à conserver de l'argent liquide chez soi - et la demande extra-européenne.
635 milliards sous les matelas
Près de 40 % du montant total des billets en circulation serait en effet conservé hors des banques par nos concitoyens européens. Cela correspond à une manne d'environ 635 milliards d'euros sécurisés dans des coffres-forts personnels ou dissimulés sous les matelas et autres cachettes.
Cette pratique est cependant moins perceptible en France, pays où relativement peu de personnes s'y adonnent, à l'instar de la Belgique : en 2024, seulement 26 % des Français interrogés par la BCE conservaient des espèces à leur domicile - en tant que réserve de précaution ou d'épargne alternative - contre 35 % à l'échelle européenne.
Pour la Banque de France, ce moindre recours à la thésaurisation physique peut notamment s'expliquer par une meilleure confiance dans le système bancaire. Les Français sont par ailleurs peu nombreux à percevoir leur revenu en espèces (87 % ne reçoivent aucune partie de leur rémunération en cash). La sensibilité du sujet peut toutefois générer des biais déclaratifs, nuance l'institution.
Entre 2016 et 2024, la part des Français déclarant thésauriser a toutefois augmenté de 11 %, avec un pic en 2022 - près d'un sur trois déclarait alors stocker des espèces. « Sans surprise, ce comportement à tendance à augmenter lors des périodes de crise », constate Isabelle Valdés-Curien, cheffe adjointe du service d'études fiduciaires de la Banque de France.
Valeur refuge
La demande issue de l'étranger est l'autre principal moteur de la circulation des espèces (40 % de la valeur totale). Celle-ci dépend des flux touristiques, des incertitudes économiques et politiques internationales et de la perception de l'euro comme une valeur refuge, détaille la Banque de France.
On observe toutefois une diminution constante des exportations nettes de billets hors de la zone euro depuis juillet 2022 - de presque 3 milliards d'euros mensuels en moyenne. Elles sont tombées à 64 milliards en mars 2025. Le cash en circulation peut aussi alimenter l'économie informelle - qui échappe, en totalité ou en partie, au contrôle de l'Etat.
Facteur d'inclusion
Au final, à peine 20 % des billets émis par la zone euro sont utilisés pour leur fonction première, à savoir payer légalement des biens et services dans un pays acceptant les euros. Mais la majorité des Européens (62 %) interrogés par la BCE juge important d'avoir le choix de pouvoir les utiliser comme moyen de paiement. Ils sont 41 % à estimer qu'il leur permet de préserver leur anonymat et leur vie privée, tandis que 60 % se disent préoccupés par la confidentialité de leurs transactions numériques.
Au sein de la zone euro, « la règle est celle du cours légal, les commerçants ont donc en principe l'obligation d'accepter les espèces, à part dans quelques cas particuliers. », commente Isabelle Valdés-Curien. « Dans certains pays, comme aux Pays-Bas par exemple, il est toutefois de plus en plus fréquent que les commerces les refusent, à tel point qu'un projet de loi envisage d'instaurer le principe de l'acceptation obligatoire des espèces », poursuit-elle.
Préserver l'acceptabilité du cash est crucial dans un contexte où, pour diverses raisons, certains n'ont pas accès aux moyens de paiements dématérialisés. Le cash est « un facteur d'inclusion financière pour les personnes éloignées des outils numériques ou en situation de précarité », rappelle Stéphanie Lange, directrice des activités fiduciaires de la Banque de France, dans un récent post LinkedIn. En temps de crise ou d'inflation, le paiement par cash est aussi un outil de maîtrise budgétaire.
Il a, du reste, prouvé son utilité lors des pannes majeures survenues ces derniers mois, en Espagne au mois d'avril, ou à Mayotte après le passage du cyclone Chido. « Lors des derniers événements, c'est le cash qui a été le premier moyen de paiement disponible : il demeure le moyen de paiement de dernier recours, analyse Isabelle Valdés-Curien. Cela souligne le rôle complémentaire des différents moyens de paiement entre eux. »
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