
Il traverse l'Amérique du Sud à vélo sans avoir jamais fait de cyclisme : « La première fois que j'ai revu un arbre,
« À l'origine, j'avais pris un billet pour l'Amérique du Sud pour un voyage d'environ dix mois. Je voulais voyager en sac à dos à travers le continent, sans trop de projets. Je suis arrivé à Quito, en Équateur, puis je suis parti faire un volontariat. L'idée était d'apprendre la langue et de surfer. Mais je me suis vite ennuyé, je ne trouvais pas de sens à mon voyage.
Sur un coup de tête, j'ai repris un avion, suis monté jusqu'au nord de la Colombie et j'ai acheté un vélo. Je n'y connaissais rien, je n'avais jamais fait de cyclisme. J'ai mis mon gros sac à dos sur le porte-bagages et je suis parti, avec pour objectif de rallier Carthagène des Indes [sur la côte septentrionale de la Colombie] à Ushuaia [aux confins de l'Argentine, dans l'archipel de la Terre de Feu]. Je savais que j'avais 14 000 bornes à faire, mais je ne savais pas combien de temps ça allait me prendre. Comme j'étais parti avec un équipement d'été, mon impératif était d'arriver à Ushuaia avant l'hiver. Une sacrée course contre la montre. En dépit des galères, je m'obligeais à avancer chaque jour.
« Je sais juste que pour aller à Ushuaia, c'est tout droit vers le Sud »
Au moment où je me lance, je me demande sacrément ce que je suis en train de faire, d'autant plus que je ne connais même pas le début du trajet ! Je sais juste que pour aller à Ushuaia, c'est tout droit vers le Sud ! Ma sortie de Carthagène se fait par l'autoroute, pendant 50 km, avant que je comprenne que ce n'est pas une bonne idée. J'entendais les klaxons de camions qui me frôlaient, j'étais un peu en panique. Je ne gérais pas du tout mon vélo, qui pesait 60 kg et était très peu maniable.
Après ça, je suis allé chercher les petits sentiers. Au départ, j'allais souvent dormir près des postes douaniers ou dans les commissariats. Ça me rassurait et m'a permis de trouver peu à peu mon autonomie, d'oser poser la tente à droite ou à gauche avant de reprendre la route. J'allais voir les policiers et je leur demandais si le coin était "safe". La plupart du temps, ils me disaient que ce n'était pas une bonne idée de poser la tente n'importe où et je m'installais à côté du commissariat. Une fois, en Colombie, j'ai même été escorté par la police jusqu'à un endroit où j'étais vraiment en sécurité.
« Cette fois-là, j'ai passé la nuit enfermé à clé, dans un endroit qui puait la pisse et les excréments. En fait, j'étais comme un peu en garde à vue »
Au sujet d'une nuit dans un commissariat au Pérou
Au Pérou, j'ai roulé en haute montagne, sur des cols situés entre 4 800 mètres et 5 000 mètres. Les gravir a pris un temps fou parce qu'on manque d'oxygène à cette altitude et parce que mon vélo était infernal. J'ai réussi à en passer un à 4 850 mètres après avoir roulé trois heures pour parcourir... deux kilomètres. Je me suis retrouvé dans les nuages, entre la neige et la pluie, obligé de descendre de nuit un col pour retrouver la ville d'Oyon [au centre du Pérou] et trouver un endroit où dormir au sec et en sécurité. Ma lampe frontale n'avait alors presque plus de batterie, avec le froid, elles étaient toutes mortes. Je suis descendu pleine balle et j'ai fini par rejoindre Oyon épuisé, complètement congelé.
Arrivé là-bas, ma seule solution était d'aller au commissariat, pour voir s'ils pouvaient m'héberger. Ils m'ont répondu : "Pas de problème, mais en ce moment, on a des problèmes de terrorisme dans la ville. On peut t'accueillir pour la nuit, mais en cellule". Cette fois-là, j'ai passé la nuit enfermé à clé, dans un endroit qui puait la pisse et les excréments. En fait, j'étais comme un peu en garde à vue.
De tout le périple, ma plus grosse galère a duré une bonne dizaine de jours, en Amazonie. J'ai descendu la Colombie à vélo, puis je me suis arrêté en Équateur pour acheter un packraft, un canoé gonflable, dans l'idée de descendre un affluent de l'Amazone, le Rio-Napo, sur 1 000 kilomètres, en totale autonomie. La phase équatorienne du Rio-Napo est un peu touristique. Mais une fois côté péruvien, on entre dans l'Amazonie profonde.
À ce moment-là, je n'avais plus aucune communication avec mes parents, j'avais complètement disparu des radars, j'étais vraiment en autonomie totale. Je me suis retrouvé confronté à des communautés indigènes croyant au diable, et notamment à ce qu'ils appellent le « pela cara », des gens qui viendraient des États-Unis pour décapiter les populations indigènes, récupérer les corps, vendre les visages et de la graisse humaine.
J'étais sans cesse agressé à la machette et au fusil. Pendant dix jours, entre les huit à dix heures par jour passées à ramer et l'obligation constante de se justifier, ça a été une sacrée galère. C'est à la fois la plus belle expérience du voyage et celle où j'ai eu le plus peur. Peur de mourir, en fait. La nuit, j'entendais des bruits qui laissaient penser que des gens étaient là. Un soir, je suis resté tétanisé dans ma cabane abandonnée et j'ai vraiment cru que c'était la fin pour moi.
Le moment où je me suis le plus remis en question, en mode "pourquoi fais-tu ce voyage ?", c'est en Argentine, avec 800 kilomètres consécutifs à rouler en plein désert. C'est très très plat, avec du vent de face à 70 kilomètres heure de moyenne. Pas des rafales, du vent constant. C'était épuisant. Des lignes droites de 100 kilomètres, pour qu'au bout, je trouve une minuscule bifurcation pour encore une ligne droite de 100 kilomètres... À ce moment-là, je me suis dit : "Putain, mais c'est quoi l'idée ? " Je ne prenais plus aucun plaisir. J'ai passé deux mois sans voir un arbre. Quand j'en ai revu un, je me suis effondré et je me suis mis à pleurer.
53 crevaisons, le porte-bagage cassé, un genou qui craque, et aucun regret
Je crois que, parfois, je suis devenu fou. Le fait de ne jamais être accompagné, de ne dépendre que de soi-même, c'est dur. Ce voyage a duré 286 jours, et ça a été 286 jours seul. Je pense vraiment que la solitude rend fou. Je me mettais à parler, pour me motiver à avancer. En me parlant à moi-même, j'avais l'impression de partager quelque chose avec quelqu'un.
J'ai aussi connu des galères de matos. J'ai crevé cinquante-trois fois. Mon vélo n'était pas du tout adapté au voyage. Je l'ai acheté en seconde main, il y avait écrit "pour pratiques occasionnelles". Bon... Le porte-bagages n'était pas non plus en capacité de supporter tout le poids. Je l'ai cassé deux fois, ce qui m'a obligé à marcher en poussant le vélo pendant 40 kilomètres avec toutes les affaires sur le dos, avant d'atteindre une ville pour réparer tout ça.
Le moment où je me suis senti le plus heureux, c'est à l'approche de la fin du voyage, à l'entrée en Patagonie. Après tous ces soucis, j'étais dans une région très venteuse, avec des paysages hallucinants, des lacs et des rivières bleu turquoise. Il me restait encore 3 000 kilomètres à parcourir mais j'avais déjà l'impression que c'était la fin. Il y avait un côté très contemplatif et satisfaisant à se dire que c'était potentiellement ma dernière galère, ma dernière pluie, ma dernière rafale de vent...
C'est là que j'ai compris pourquoi j'avais fait ce voyage. Si je n'avais pas eu tous ces ennuis, de matériel, mais aussi physiques - mon genou a craqué, j'ai eu des problèmes buccaux, des problèmes de ventre, d'intestin, tout ça -, si ça avait été trop facile, je me serais arrêté bien avant. Je n'aurais pas trouvé ce que j'avais envie de venir chercher.
Treize ans après être sorti du coma, il est devenu footballeur pro... à 37 ans
Je ne regrette absolument rien de ce voyage. En Patagonie, j'ai vécu beaucoup de galères, mais je les ai toujours prises avec le sourire. Je rigolais beaucoup tout seul. Ma course contre-la-montre jusqu'à Ushuaia s'est terminée juste à temps, le 6 avril 2024. Le lendemain, toute la zone était recouverte de vingt-cinq centimètres de neige. J'ai halluciné de ce timing de fou. De cette aventure, j'ai fait un film qui s'appelle « Seul libre ».
En ce moment, je réfléchis à mon prochain voyage. J'ai compris que je n'étais pas un fan de vélo, alors pourquoi ne pas changer ? Je pourrais faire la descente du Yukon, le plus grand fleuve d'Alaska et du Canada, depuis sa source jusqu'à son embouchure, en hydrospeed. Il y a les ours, les loups, bref, tout ce bazar-là... Je ne connais pas du tout la faisabilité de ce truc. C'est peut-être une énorme connerie. » (sourires)
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