logo
Accident mortel en Haute-Savoie : comment la canicule fragilise les montagnes et favorise les éboulements

Accident mortel en Haute-Savoie : comment la canicule fragilise les montagnes et favorise les éboulements

Le HuffPost France14 hours ago
ENVIRONNEMENT - C'est un drame qui s'est produit mercredi 20 août sur la RN 205, près de Chamonix, en Haute-Savoie. Un homme et une femme âgés d'une vingtaine d'années sont décédés dans l'accident de la voiture dont ils étaient passagers, percutés par un bloc rocheux venu d'une paroi au bord de la route.
Alors que les éboulements se multiplient dans les Alpes, en témoignent les images impressionnantes en février dernier dans la vallée de la Tarentaise, « la statistique que ça tombe sur une voiture est extrêmement faible », a mis en avant le président du département de la Haute-Savoie, Martial Saddier, évoquant un accident « dramatique ». « C'est une route très surveillée, parmi les plus sûres avec des filets de sécurité presque partout. À une seconde près, ce n'aurait été qu'un accrochage. On a vraiment affaire à un aléa de la vie, un bloc isolé qui se détache », a mis en avant auprès de BFMTV le député (Horizons) de Haute-Savoie, Xavier Roseren.
Mais celui-ci a aussi affirmé que ce type d'événement « risque de se multiplier en raison de la déstabilisation du manteau rocheux avec le réchauffement climatique ». Notamment pendant les épisodes de canicule, pour des raisons diverses.
La fonte des glaces, une explication directe
Une première explication est à trouver directement dans la hausse des températures. Alors que les montagnes se réchauffent d'année en année, l'isotherme 0 °C, c'est-à-dire l'altitude à laquelle le thermomètre bascule dans le négatif, grimpe de façon spectaculaire durant les intenses vagues de chaleur. Le meilleur exemple s'est déroulé durant la récente canicule de ce mois d'août, avec des températures positives enregistrées... en haut du Mont Blanc, le plus haut sommet d'Europe, à plus de 4 800 mètres.
Cela a de multiples conséquences, premièrement sur les glaciers qui perdent chaque été de leur épaisseur. « D'ici à 2050, on aura des glaciers qui, malheureusement, seront déjà bien retirés par rapport à la situation actuelle. Et, par rapport aux modélisations dont on dispose pour la fin du siècle, il est vraisemblable qu'il reste très peu de glaciers dans les Alpes », expliquait mi-août auprès d'ICI Haute-Savoie Ludovic Ravanel, géomorphologue et directeur de recherche au CNRS. Tout cela n'est pas sans conséquences, car les parois rocheuses autrefois maintenues par ces glaciers se retrouvent mises à nu et fragilisées.
Les fortes chaleurs ont également une conséquence directe sur le permafrost, cette épaisse couche de glace présente dans et sous la montagne, qui maintient les couches de terre et de pierres entre elles. Or, qui dit températures élevées sur de longues périodes dit fonte de ce permafrost. Et donc une fragilisation notable de l'équilibre de la montagne, avec des risques d'éboulements rocheux largement accrus.
La combinaison entre canicule puis fortes pluies
Si ces explications sont déjà amplement suffisantes pour expliquer les risques accrus d'éboulements, un autre facteur également causé par le dérèglement climatique accroît encore davantage ce danger. Et celui-ci s'applique tout particulièrement à l'accident mortel survenu en Haute-Savoie mercredi.
En effet, de fortes pluies touchaient ce jour-là le département, et notamment la RN 205, le jour du drame. Météo-France a affirmé auprès d' ICI Pays de Savoie qu'il était tombé « 13 à 15 mm » de pluie entre 18h et 19h, au moment de l'éboulement. De s « intensités [...] pas exceptionnelles » aux yeux de l'institut météorologique, mais largement suffisantes pour accentuer un phénomène particulièrement dangereux.
En effet, un épisode d'intenses précipitations survenant après une canicule toute aussi intense représente une combinaison périlleuse. Les fortes chaleurs causent ainsi une dilatation des roches et l'apparition de fissures sur celles-ci. Or, « c ette pluie s'est engouffrée dans ces fissures qui ont été créées pendant la canicule », explique sur BFMTV Anthony Ferry, journaliste météo et spécialisé en géologie. « Les fissures remplies d'eau ont augmenté la pression à l'intérieur des roches et à un moment donné, lorsque la pression est trop forte, le bloc s'effondre », poursuit-il.
Explication similaire pour le géomorphologue Ludovic Ravenel, qui rappelle auprès de l'AFP que le drame a eu lieu dans un « secteur très fracturé, avec une roche peu saine ». Ce facteur est venu aggraver un phénomène géologique. « La sécheresse a pour effet d'assécher les fractures au niveau des parois et, paradoxalement, les fractures sèches tiennent moins que quand elles ont une certaine humidité. Quand derrière il y a des précipitations significatives, ça produit des pressions dans les fissures qui peuvent déloger les blocs », explique-t-il.
Le tout sans oublier que les épisodes de chaleur extrême assèchent profondément les sols, réduisant leur capacité à absorber de fortes précipitations. Résultat : l'eau ruisselle rapidement, forme des torrents et contribue à la déstabilisation des terrains. Et donc au risque d'éboulements.
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

Éboulement en Haute-Savoie : ces incidents risquent-ils de devenir de plus en plus fréquents ?
Éboulement en Haute-Savoie : ces incidents risquent-ils de devenir de plus en plus fréquents ?

Le Figaro

time9 hours ago

  • Le Figaro

Éboulement en Haute-Savoie : ces incidents risquent-ils de devenir de plus en plus fréquents ?

Le changement climatique risque d'accroître certains facteurs responsables des éboulements, et simultanément d'en réduire d'autres. Hier, un éboulement sur la route nationale 205, près de Chamonix (Hautes-Alpes), a coûté la vie à deux personnes. Un autre le 1er février avait complètement bouché la RN 90 en Savoie mais n'avait, heureusement, fait aucune victime. Ces incidents spectaculaires, soudains et extrêmement dangereux, sont aussi et surtout fréquents, indique Bastien Colas, ingénieur des risques géologiques et référent national sur les mouvements de terrain au BRGM (Bureau de recherche géologique et minière). Géorisques, site créé par le Ministère de la transition écologique qui répertorie notamment les mouvements de terrain, recense près de 15.000 chutes de blocs et éboulements rocheux sur une trentaine d'années. Cela représente «environ 500 événements par an au niveau national», rapporte Bastien Colas qui l'a consulté. Or ce décompte «n'est pas du tout exhaustif» et est «nettement inférieur à tout ce qui se produit», précise l'ingénieur. Publicité Il est important de différencier les chutes de pierres (volume inférieur à 1 dm3), des chutes de blocs (volume supérieur à 1 dm3) et des éboulements (mouvement où des blocs de roche s'effondrent en masse avec un volume supérieur à 100 m3). L'accident survenu hier a été qualifié d'éboulement par le procureur de Bonneville. En toute saison Bastien Colas explique que des conditions de prédispositions (relief, matériaux rocheux qui se fracturent, escarpements) et un ou plusieurs déclencheurs sont nécessaires pour que se produise un éboulement ou une chute de blocs. Le principal de ces déclencheurs est la pluie, qui engendre une variation du niveau d'eau dans le sol. Un autre est le «gel/dégel». «En période de gel, tant que le sol est gelé, la roche se tient bien. Mais lorsque le sol dégèle et que la glace qui faisait l'accroche disparaît au profit de l'eau, cela crée des surpressions dans le massif rocheux, et engendre souvent des chutes de blocs voire des éboulements», précise Bastien Colas, ajoutant qu'il y a davantage de risques en période hivernale ou printanière, sur «des versants exposés au sud qui gèlent la nuit et dégèlent le jour». L'ingénieur évoque enfin un troisième facteur, «un peu nouveau et qu'on commence à étudier davantage» : l'effet des importantes variations de températures. «Pour certains matériaux, il y a des effets de dilatation et de rétractations de la roche», explique-t-il. «Ces microdéformations engendrent une fatigue au niveau des joints, des discontinuités, des fractures... Et petit à petit, une rupture peut se produire.» À lire aussi Jeune couple, impliqués dans la vie locale... Qui étaient Valentine et Hugo, tués dans l'éboulement en Haute-Savoie? Bastien Colas indique que ces événements peuvent se produire n'importe quand : «Il n'y a pas de saisonnalité franche qui ressort». S'il est difficile de franchement les prévoir, des diagnostics sont tout de même établis afin d'évaluer le risque qu'un éboulement se déclenche, et jusqu'où il pourrait se déplacer. «On sait quels sont les secteurs dangereux ou pas dangereux», explique l'ingénieur, qui rappelle que les zones à risques subissent des travaux de protection. Publicité Mais ces protections ne tiennent pas tout le temps : «L'éboulement sur la RN 90 en février était tellement plus gros que ce qui était prévu d'être arrêté par les ouvrages qu'on a eu un dépassement de capacité». Alors il met en garde : «Il faut bien savoir qu'on n'est pas capable de protéger contre l'ensemble des phénomènes qui peuvent se produire.» «Pas tout blanc ou tout noir» Car ces événements destructeurs et soudains ne sont pas près de s'arrêter, et risquent de croître par endroits. «Les spécialistes s'accordent pour dire qu'il y aura une augmentation de la fréquence dans certains contextes», explique Bastien Colas, qui indique que des groupes de travail ont été mis en place il y a quelques années par le ministère de l'Écologie pour étudier l'influence du changement climatique sur les phénomènes gravitiels - causés par la gravité. Cette augmentation est assez certaine en termes de volume, de fréquence dans les territoires montagneux et donc sur les routes de montagne. En très haute montagne par exemple, le dégel du permafrost risque de produire de nombreux éboulements. L'ingénieur précise toutefois que les plus importants se produiront à haute altitude, dans des zones qui ne sont pas habitées. D'autres secteurs un peu plus bas, ceux notamment touchés par le phénomène de gel/dégel en moyenne montagne, pourraient au contraire profiter du changement climatique. «Avec la température globale qui augmente, il y aura moins de températures de gel et donc moins de dégel et une diminution de la fréquence d'événements dans le contexte de gel/dégel». Dans d'autres secteurs encore, Bastien Colas craint que des précipitations plus intenses, au cours desquelles «plus de pluie tomberait en moins de temps», augmente le risque de chutes de blocs. Pour l'ingénieur, une chose est sûre : «ce n'est pas tout blanc ou tout noir». Il insiste enfin sur l'importance de la prévention : «Il faut améliorer la perception du risque par les populations, savoir que quand on s'engage sur un itinéraire, en montagne notamment, on est soumis à ces phénomènes-là.» Et d'avertir : «Même une pierre qui fait la taille d'une bouteille de lait, si elle chute de cinq mètres et tombe sur quelqu'un, elle peut tuer.»

Accident mortel en Haute-Savoie : comment la canicule fragilise les montagnes et favorise les éboulements
Accident mortel en Haute-Savoie : comment la canicule fragilise les montagnes et favorise les éboulements

Le HuffPost France

time14 hours ago

  • Le HuffPost France

Accident mortel en Haute-Savoie : comment la canicule fragilise les montagnes et favorise les éboulements

ENVIRONNEMENT - C'est un drame qui s'est produit mercredi 20 août sur la RN 205, près de Chamonix, en Haute-Savoie. Un homme et une femme âgés d'une vingtaine d'années sont décédés dans l'accident de la voiture dont ils étaient passagers, percutés par un bloc rocheux venu d'une paroi au bord de la route. Alors que les éboulements se multiplient dans les Alpes, en témoignent les images impressionnantes en février dernier dans la vallée de la Tarentaise, « la statistique que ça tombe sur une voiture est extrêmement faible », a mis en avant le président du département de la Haute-Savoie, Martial Saddier, évoquant un accident « dramatique ». « C'est une route très surveillée, parmi les plus sûres avec des filets de sécurité presque partout. À une seconde près, ce n'aurait été qu'un accrochage. On a vraiment affaire à un aléa de la vie, un bloc isolé qui se détache », a mis en avant auprès de BFMTV le député (Horizons) de Haute-Savoie, Xavier Roseren. Mais celui-ci a aussi affirmé que ce type d'événement « risque de se multiplier en raison de la déstabilisation du manteau rocheux avec le réchauffement climatique ». Notamment pendant les épisodes de canicule, pour des raisons diverses. La fonte des glaces, une explication directe Une première explication est à trouver directement dans la hausse des températures. Alors que les montagnes se réchauffent d'année en année, l'isotherme 0 °C, c'est-à-dire l'altitude à laquelle le thermomètre bascule dans le négatif, grimpe de façon spectaculaire durant les intenses vagues de chaleur. Le meilleur exemple s'est déroulé durant la récente canicule de ce mois d'août, avec des températures positives enregistrées... en haut du Mont Blanc, le plus haut sommet d'Europe, à plus de 4 800 mètres. Cela a de multiples conséquences, premièrement sur les glaciers qui perdent chaque été de leur épaisseur. « D'ici à 2050, on aura des glaciers qui, malheureusement, seront déjà bien retirés par rapport à la situation actuelle. Et, par rapport aux modélisations dont on dispose pour la fin du siècle, il est vraisemblable qu'il reste très peu de glaciers dans les Alpes », expliquait mi-août auprès d'ICI Haute-Savoie Ludovic Ravanel, géomorphologue et directeur de recherche au CNRS. Tout cela n'est pas sans conséquences, car les parois rocheuses autrefois maintenues par ces glaciers se retrouvent mises à nu et fragilisées. Les fortes chaleurs ont également une conséquence directe sur le permafrost, cette épaisse couche de glace présente dans et sous la montagne, qui maintient les couches de terre et de pierres entre elles. Or, qui dit températures élevées sur de longues périodes dit fonte de ce permafrost. Et donc une fragilisation notable de l'équilibre de la montagne, avec des risques d'éboulements rocheux largement accrus. La combinaison entre canicule puis fortes pluies Si ces explications sont déjà amplement suffisantes pour expliquer les risques accrus d'éboulements, un autre facteur également causé par le dérèglement climatique accroît encore davantage ce danger. Et celui-ci s'applique tout particulièrement à l'accident mortel survenu en Haute-Savoie mercredi. En effet, de fortes pluies touchaient ce jour-là le département, et notamment la RN 205, le jour du drame. Météo-France a affirmé auprès d' ICI Pays de Savoie qu'il était tombé « 13 à 15 mm » de pluie entre 18h et 19h, au moment de l'éboulement. De s « intensités [...] pas exceptionnelles » aux yeux de l'institut météorologique, mais largement suffisantes pour accentuer un phénomène particulièrement dangereux. En effet, un épisode d'intenses précipitations survenant après une canicule toute aussi intense représente une combinaison périlleuse. Les fortes chaleurs causent ainsi une dilatation des roches et l'apparition de fissures sur celles-ci. Or, « c ette pluie s'est engouffrée dans ces fissures qui ont été créées pendant la canicule », explique sur BFMTV Anthony Ferry, journaliste météo et spécialisé en géologie. « Les fissures remplies d'eau ont augmenté la pression à l'intérieur des roches et à un moment donné, lorsque la pression est trop forte, le bloc s'effondre », poursuit-il. Explication similaire pour le géomorphologue Ludovic Ravenel, qui rappelle auprès de l'AFP que le drame a eu lieu dans un « secteur très fracturé, avec une roche peu saine ». Ce facteur est venu aggraver un phénomène géologique. « La sécheresse a pour effet d'assécher les fractures au niveau des parois et, paradoxalement, les fractures sèches tiennent moins que quand elles ont une certaine humidité. Quand derrière il y a des précipitations significatives, ça produit des pressions dans les fissures qui peuvent déloger les blocs », explique-t-il. Le tout sans oublier que les épisodes de chaleur extrême assèchent profondément les sols, réduisant leur capacité à absorber de fortes précipitations. Résultat : l'eau ruisselle rapidement, forme des torrents et contribue à la déstabilisation des terrains. Et donc au risque d'éboulements.

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store