« Le mental brûlait à feu doux » : Arnaud De Lie revient sur son début de saison difficile où il a frôlé la dépression
Juste avant l'entretien, Arnaud De Lie (23 ans) a croisé, dans le hall de l'hôtel, Benjamin Thomas et le Belge l'a sondé sur l'étape de mercredi, escarpée, qui passe sur les terres du Tarnais. Le coureur de Cofidis lui a expliqué que c'était dur « mais qu'en étant bien placé dans les bosses, cela pouvait passer » pour quelques sprinteurs. « Dis-moi que ça va le faire ! », lui a alors répondu le sprinteur de Lotto. Car, après un printemps marqué par l'absence de résultats et une période où la dépression a affleuré et l'a obligé à couper avec le vélo, le Taureau de Lescheret cherche absolument à positiver. Sans que cela passe forcément par la victoire.
« Cinquième à Laval, troisième à Châteauroux, avez-vous l'impression de retrouver de bonnes sensations, de revivre sur un vélo ?Le début de Tour a été difficile, pas mentalement car j'étais confiant, je savais que j'étais en forme. Mais, physiquement, j'étais un peu bridé si on parle de moteur. La veille avant Laval (le 12 juillet), j'étais déjà un peu mieux et le jour même, je sentais bien que les jambes étaient là. Avec cette cinquième place puis la troisième à Châteauroux (dimanche dernier), j'étais content de me revoir à ce niveau. Cela prouve que c'était bien de rester calme et que cela tourne quand tu travailles.
Vos derniers bons résultats remontaient à l'Étoile de Bessèges (une victoire d'étape) et au Tour d'Algarve (deux top 10). Que s'est-il passé entre-temps ?C'est compliqué. Il y a un peu de tout. Après Bessèges, je suis tombé un peu malade, à l'Algarve, j'étais bien et pas bien en même temps, je cherchais mes sensations. Juste après, j'étais complètement cassé, plus rien n'allait. J'essayais de me dire "Allez Arnaud, tu as travaillé pour" mais cela n'a jamais tourné et au final, je sentais bien que j'étais en train de "couler le navire". On a pris alors la meilleure décision en arrêtant après Gand-Wevelgem (le 30 mars dernier).
« La vie, ce n'est pas que le vélo, le sport. Moi, ma base, c'est tout ce qui touche à la terre »
Pour quelles raisons ?J'avais abandonné au bout de cent kilomètres et j'avais un dégoût énorme du vélo. Parfois, on se pose la question "est-ce que j'aime bien le vélo ?" pendant une étape de montagne où on a bien souffert mais à la fin, quand on est dans les délais, on se dit qu'on l'aime (sourires). Cette fois, le dégoût a duré une semaine ou deux. J'ai fait quatre ou cinq jours sans vélo mais je sentais que je détestais ce que je faisais. Je me posais beaucoup de questions, trop sûrement. Il fallait retrouver tout ce que j'aime dans le vélo, rouler avec passion, prendre du plaisir à l'entraînement et en course. Depuis le début du Tour, c'est exactement ce que je fais.
Cette coupure aurait-elle dû intervenir plus tôt ? Vous aviez eu des signaux, des alertes ?On se dit toujours que l'espoir fait vivre. Au Nieuwsblad (86e, le 1er mars), j'étais combatif, j'en voulais et on pouvait penser que c'était un jour sans. Au Samyn (14e, le 4 mars), j'étais un peu meilleur physiquement mais ni bien, ni mal. Ensuite, cela n'allait vraiment plus. Je ne récupérais plus entre les entraînements. Que je fasse une heure, deux heures ou trois heures, j'avais mal aux jambes. Il y a des signaux mais on y croit toujours. Et c'est trop tard.
Ce dégoût du vélo vous venait alors des jambes ou de la tête ?Mentalement, trois jours avant le Nieuwsblad, j'étais bien. Puis on a fait la reconnaissance et là, je me suis demandé si j'avais déjà fait du vélo. C'est la saison où j'ai le plus roulé en hiver et, sur le moment, j'ai vu que cela n'avait servi à rien.
Pendant la coupure, qu'avez-vous fait ? Vous avez travaillé dans la ferme familiale ?Ce n'était pas pour "travailler", je dis toujours que j'aide mon père. Ce n'est pas la même énergie (sourire). J'avais besoin de retourner aux bases de la vie. Car la vie, ce n'est pas que le vélo, le sport. Moi, ma base, c'est tout ce qui touche à la terre.
« A part être à la ferme, je ne prenais plus aucun plaisir à la vie, cela pèse beaucoup »
Peut-on parler de dépression ?C'est sûr que mentalement, je n'étais pas top mais est-ce que c'était un burn-out ou une dépression, je ne sais pas. Mais sûrement, il y avait un peu de ça. À part être à la ferme, je ne prenais plus aucun plaisir à la vie, cela pèse beaucoup. Tu te sens un peu incompris, tu ne sais pas dire ce que tu ressens. Tu as l'impression que tout le monde est contre toi et mon échappatoire était d'aller aider mon papa. Avec ma maman, ils ont su trouver les bons mots et me redonner le goût de la vie. Parce que je l'avais perdu.
J'avais tellement d'attentes personnelles que, quand tout tombe à l'eau, ce n'est vraiment pas chouette. Il fallait que je retrouve les petites choses de la vie, comme aller traire mes vaches. Ce n'est peut-être pas grand-chose mais pour moi, cela fait une grande différence, comme aller voir la famille. Je ne mettais plus l'accent dessus, je pensais que cela ne me faisait pas du bien alors que cela participe à mon bien-être.
Vous avez toujours parlé de votre attachement familial et territorial. Vous l'aviez oublié ?Non mais je voulais être focus sur ma préparation, j'ai passé trois mois en Espagne, je n'ai jamais autant roulé.
Trop ?Non mais c'est juste le mental qui brûlait à feu doux.
Quand avez-vous senti que cela repartait ?J'ai commencé à rouler au bout d'une semaine, deux heures par jour. Dix heures par semaine, ce n'est pas beaucoup mais cela m'a redonné le plaisir d'aller rouler avec des habitués, des gens de ma région, ou seul avec mon gravel. Je voulais diversifier mon entraînement, ne pas regarder mes chiffres, juste rouler et reprendre plaisir à entendre un oiseau siffler. Comme avant, lorsque j'aimais le vélo.
« Pour moi, évoquer ses faiblesses te rend plus fort »
Vous parlez assez facilement de cette période, ce qui est assez rare chez les sportifs de haut niveau.Chacun en parle s'il veut. Pour moi, évoquer ses faiblesses te rend plus fort. Le vélo, tous les sports de haut niveau, sont tellement médiatisés, il y a beaucoup d'attentes, les nôtres aussi, qu'on peut oublier ce qui est bien pour soi. Et cela peut monter à la tête. Il faut trouver le bon équilibre entre les tâches à réaliser et le bien-être, sans être à 50/50, mais il faut trouver la bonne balance. S'il n'y a pas d'équilibre, tu ne peux pas marcher.
Êtes-vous à l'abri de replonger ?Non, car c'est un travail sur le long terme, mais je ne "broie plus de noir", c'est déjà une grande victoire personnelle. Depuis un ou deux mois, je vois beaucoup plus de positif. Quand je devais rouler deux heures et que je voyais un orage, je me disais "merde, il y a un orage." Maintenant, je le vois différemment, je me dis qu'il ne pleut pas. C'est cet état d'esprit que j'essaie de mettre en place et cela porte ces fruits, on le voit sur le Tour.
Les sept premiers jours, je n'étais pas bien physiquement mais je revenais dans le bus avec un point positif. Quand je suis tombé à Dunkerque (le 6 juillet) où j'avais déjà gravement chuté par le passé, je me disais "cette fois, ce n'est pas trop grave". Hier (lundi, lors de l'étape au puy de Sancy), le point positif, c'étaient les magnifiques paysages. Dans les cols, je vois un mec déguisé en grenouille, cela me fait rigoler et je me mets ça dans la tête (sourires). Être positif, cela t'aide à mordre dans toute ta journée, c'est fou. Pour replonger, ce sera plus difficile.
En 2023, vous disiez "Je fais du vélo pour m'amuser". Vous vous amusez encore ?En 2023, je m'amusais car je gagnais.
Pour s'amuser, il faut gagner ?Non et c'est ça le problème, je l'ai oublié en 2023. L'objectif est de gagner, c'est sûr, mais aujourd'hui je prends beaucoup plus de plaisir même si je ne gagne pas. »
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