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«Je n'ai plus rien à vendre pour la saison» : la bergerie d'un éleveur du Var ravagée par les attaques de loups, au moins 140 brebis tuées

«Je n'ai plus rien à vendre pour la saison» : la bergerie d'un éleveur du Var ravagée par les attaques de loups, au moins 140 brebis tuées

Le Figaro22-07-2025
Malgré les patous, les caméras, l'extrême vigilance des éleveurs, les louvetiers et les clôtures, le loup fait désormais couler le sang jusque dans les bergeries. Devant tant d'audace, le maire de Brenon craint pour la population.
Laurent Rouvier pensait ses bêtes à l'abri. Le 12 juillet, comme chaque matin, il est allé ouvrir sa bergerie, à Brenon, dans les hauteurs du Var. Ce qu'il a découvert dépasse tout ce qu'il avait connu depuis qu'il a repris l'exploitation familiale, il y a seize ans. Des brebis mortes, d'autres agonisantes. Du sang partout. Trois attaques de loup en dix jours, toutes menées à l'intérieur de ses bâtiments d'élevage. Un carnage : près de 140 bêtes tuées ou grièvement blessées, dont ses plus beaux agneaux, promis à la vente directe.
«Je n'avais même plus envie d'entrer dans la bergerie», souffle l'éleveur, installé depuis 2009. «Aujourd'hui je n'ai plus rien à vendre pour la saison. [...] La réputation même du village de Brenon est basée sur l'agneau d'ici, mais là tout est détruit. Moralement c'est compliqué», confie-t-il, amer. Lors de la première attaque une trentaine de brebis adultes sont tombées. La préfecture donne alors son feu vert pour deux nuits de présence des louvetiers. Mais entre les fêtes de village et les allées et venues sur les routes, en plein week-end d'été, aucun animal n'est repéré.
C'est comme se faire attaquer dans sa propre maison. On croit que la bergerie est un refuge mais elle devient un piège Laurent Rouvier, éleveur à Brenon (Var)
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Six jours plus tard, le loup repasse à table. Cette fois, ce sont des agneaux à l'engraissement, prêts à partir à l'abattoir, qui sont visés. Soixante-six morts sur le coup, plusieurs autres succomberont ensuite. Puis, une troisième attaque le dimanche suivant, encore une quinzaine de bêtes tuées. «Le plus terrible, c'est que sur la dernière attaque on avait eu droit à la louveterie jusqu'à deux heures du matin, et les loups ont attaqué juste après leur départ, entre deux et quatre heures», rapporte l'éleveur. Ce dernier n'a pourtant pas ménagé ses efforts pour protéger ses bêtes : il dispose de neuf patous (des chiens de protection des troupeaux) adultes et deux en bas âge ainsi que de caméras installées après le deuxième assaut. Mais rien n'y fait. «On pense que les loups attirent les chiens les plus actifs loin de la bergerie et que d'autres attaquent derrière.» Et d'ajouter : «C'est comme se faire attaquer dans sa propre maison. On croit que la bergerie est un refuge mais elle devient un piège».
Traumatisme
Dans ce village où ne réside qu'une vingtaine d'âmes, le choc est total. Armand Rouvier, maire de Brenon et cousin de l'éleveur, parle d'un «traumatisme» pour toute la commune. «On a déjà eu des attaques, mais jamais dans ces proportions. Et jamais en bergerie. On a des clôtures, des patous… que faire de plus ?», s'interroge l'édile. «Le groupement inter-agriculteurs est la principale activité de la commune. [...] C'est donc une perte économique terrible, un manque à gagner que des indemnisations ne pourront pas complètement compenser», précise-t-il.
La préfecture du Var, elle, indique avoir renforcé les dispositifs : une nouvelle séquence de six nuits de tir a été accordée, les louvetiers du département mobilisés, et l'Office français de la biodiversité (OFB) a envoyé sa brigade mobile. Une rencontre avec les élus est par ailleurs prévue dans le courant du mois d'août. Mais sur le terrain, la frustration grandit. Un louvetier de la région dénonce le manque de réactivité des autorités nationales. «Après la première attaque, on a autorisé les louvetiers à tirer pendant deux soirs. Puis plus rien. Pourtant, après trois attaques et 130 bêtes tuées, on ne devrait pas avoir à redemander une autorisation», déplore-t-il.
On finit par se demander si ça va s'arrêter aux bêtes. On est un tout petit village, en lisière de forêt, avec des enfants qui jouent dehors. On ne peut pas s'empêcher d'y penser Armand Rouvier, maire de Brenon
«Le préfet du Var, la sous-préfète de Draguignan et les services de la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer, NDLR) écoutent et bougent autant qu'ils le peuvent, mais c'est au niveau national que ça coince.» Pour lui aucun doute : «Chaque fois qu'un troupeau est attaqué, il faut pouvoir intervenir.» Selon ce même louvetier, le quota national de prélèvements - réduit cette année à 190 loups au motif qu'il y aurait moins de loups sur le territoire que l'année passée - bloque toute prise de décision rapide. «Le quota est déjà bien entamé. Alors à Paris, ils freinent par crainte que ce fameux quota soit atteint en septembre. Mais pendant ce temps, les troupeaux tombent.»
À Brenon, l'heure est à la colère froide, mais aussi à l'inquiétude. «Peut-être que ce sont des peurs exagérées, glisse le maire, mais on finit par se demander si ça va s'arrêter aux bêtes. On est un tout petit village, en lisière de forêt, avec des enfants qui jouent dehors. On ne peut pas s'empêcher d'y penser.» Laurent Rouvier, lui, garde la tête haute. Il ne veut pas céder. «Ce métier, c'est toute ma vie, ma passion. On a pris un coup très dur, mais on va se battre», conclut-il. La préfecture du Var assure que l'éleveur sera indemnisé «dans les meilleurs délais». «Les constats de dommage sur site ont été réalisés, l'instruction des constats est en cours et priorisée.»
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Ce nouvel épisode ravive l'épineuse question de la régulation du loup, alors que l'espèce qui avait jadis disparu du sol français, est désormais en pleine expansion. Malgré un nouveau statut européen assoupli en septembre dernier, permettant théoriquement davantage de prélèvements, le débat reste bloqué en France entre impératifs de protection de la biodiversité et détresse du monde pastoral. Sur le terrain, les éleveurs, eux, réclament des actes concrets face à une prédation qu'ils jugent incontrôlable.
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