
Les aires de jeux pour enfants ne sont pas adaptées aux canicules, mais ça n'est pas une fatalité
J'avais emmené mes enfants jouer à une aire non loin de chez nous, en banlieue parisienne et, à peine un quart d'heure après notre arrivée, je devais me rendre à l'évidence : nous allions devoir rebrousser chemin si nous ne voulions pas, eux sur le toboggan (brûlant), moi sur le banc (en sueur), finir par attraper une insolation. Car hormis quelques arbres situés à bonne distance de l'espace de jeux, il n'y a, tout au long de la journée, aucune végétation permettant d'abriter les équipements.
Pourtant, cette aire est récente : elle a été créée en 2014, lorsque ma ville a réaménagé l'esplanade qui relie la piscine et le théâtre. Elle n'est pas non plus, et loin de là, le seul espace ludique dédié aux enfants ne disposant d'aucun coin ombragé pour rafraîchir l'atmosphère en été. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à faire un tour sur la page dédiée aux aires de jeux sur le site de la Ville de Paris: hormis quelques exceptions, presque toutes sont dépourvues d'arbres. De quoi les rendre impraticables en cas de canicule.
La résilience climatique, un impensé des collectivités
Si les aires de jeux sont aujourd'hui si peu résilientes face au réchauffement climatique, c'est parce que les collectivités qui pensent et financent ces aménagements ne prennent tout simplement pas en compte ce critère. Un manque d'intérêt, voire une réticence constatée par Christelle Bortolini, ingénieure au sein du Pôle aménagement ville et territoire de l'Agence de la transition écologique (ADEME). « Même si certaines ont vraiment l'envie d'adapter les territoires à + 4 °C à l'horizon 2100, parler de transition écologique ne fait encore pas l'unanimité », estime auprès du HuffPost l'experte, qui a récemment coordonné Faire la taille. Pour des territoires à hauteur d'enfants, une étude mettant en lumière 13 projets urbains – dont des espaces de jeux – pensés et conçus pour, et avec les enfants.
« L'absence d'arbres, c'est une question de culture », analyse également auprès du HuffPost l'architecte urbaniste Madeleine Masse, qui souligne que la ville est avant tout vue comme « efficace, fonctionnelle ». « C'est comme avec les cours d'école, poursuit-elle. On a cherché à créer des espaces les plus ouverts possibles, capables d'accueillir des événements. Et comme les arbres gênaient, on a eu tendance à les faire disparaître. » Résultat, on y est exposés à la chaleur et aux intempéries. « Ce sont des espaces vulnérables, adaptés ni aux enfants, ni aux accompagnants. »
Fondatrice d' Atelier SOIL, une agence d'urbanisme engagée pour une transition écologique et inclusive des espaces et des territoires, Madeleine Masse fait aussi remarquer que « l'aménagement de ces espaces de jeux est encore très normatif ». « Beaucoup sont pourvus d'un sol souple, pour amortir à la descente du toboggan. Or, on ne peut pas planter d'arbre à proximité car leurs racines viennent éclater le revêtement. Mais a-t-on vraiment besoin d'un toboggan et d'un sol souple ? », questionne-t-elle.
Végétaliser pour respirer et imaginer
Comme les cours d'école, aujourd'hui repensées pour réduire les îlots de chaleur en ville, certaines aires de jeux entament aussi doucement leur transition écologique. À Lyon par exemple, la très minérale Place Bellecour (2 e) abritant un espace pour les enfants s'est récemment dotée d'une ombrière géante, tandis que des villes comme Nantes, Nice ou Strasbourg ouvrent chaque année des pataugeoires. Des installations qui font leur effet lors des canicules, mais qui ne peuvent pas remplacer la plantation d'arbres, seule option pour réduire localement la température urbaine de 3 à 5 °C. « Il n'y aura rien de mieux qu'un arbre mature bien entretenu et planté dans le sol pour abriter du soleil », insiste Christelle Bortolini, qui rappelle aussi « tous les cobénéfices » apportés par les arbres : stockage du carbone, atténuation du bruit… Et reconnexion des enfants à la nature.
« De nombreuses études montrent que le contact avec le vivant une source d'apaisement », abonde Madeleine Masse, qui rappelle que les enfants sont sensibles à la présence des arbres. « Quand on les interroge, tous nous disent trouver que les espaces publics en ville sont tristes. Le fait d'avoir de la végétation, de la couleur, c'est une vraie respiration pour eux. Et puis, quand il y a des arbres, ils peuvent se cacher derrière, grimper… Ça développe leur imagination. »
Les deux expertes pointent aussi l'urgence de repenser les revêtements de ces zones de jeux, qui rendent les sols imperméables et s'avèrent être « une catastrophe écologique dont on ne connaît pas les effets sur la santé des enfants sur le long terme », avertit Christelle Bortolini. « Il existe aujourd'hui plein d'autres dispositifs plus adaptés comme les copeaux de bois, la pelouse, le sable, qui répondent en plus à d'autres usages », ajoute Madeleine Masse.
Penser la ville à hauteur d'enfants
La fondatrice d'Atelier SOIL pense même que l'on pourrait « aller beaucoup plus loin dans la conception bioclimatique de ces espaces ». Ce qui implique de repenser entièrement nos usages et, surtout, la place des enfants dans l'espace public. « Aujourd'hui, les espaces où les enfants peuvent jouer se résument à ces espaces clôturés, qui reprennent des codes qui ne sont pas forcément ce qu'attend ce public », détaille Madeleine Masse, qui en veut pour preuve le fameux toboggan sur lequel les enfants glissent à tour de rôle, sans interagir entre eux. « Les enfants ont envie de se cacher, de grimper, de sauter, de discuter… Ces espaces sont des projections d'adultes. »
La solution ? Impliquer tous les publics, y compris les enfants, dans la conception de ces espaces qui ne seraient plus seulement dédiés au jeu, mais permettraient aussi d'accueillir les rêveries et les promenades de toutes et tous, favoriseraient les échanges et serviraient de refuges en cas de canicule. « Pour moi, la meilleure aire de jeux géante serait à l'échelle de la ville, qui s'adresse à toutes les générations », explique l'architecte urbaniste.
Cela existe d'ailleurs déjà, comme le montrent les divers projets mis en lumière dans l'étude Faire la taille de l'ADEME : « Monclar à Hauteur d'Enfants », un plan de réaménagement inclusif porté par la ville d'Avignon, le terrain d'aventures « La Petite Plage » à Bagnolet ou encore le « Canapé forestier » de Poitiers, soit une structure tout en bois intégrée à la nature, qui abrite aussi bien les jeux d'enfants que la classe dehors.
Autant de projets différents qui prouvent qu'il est possible de concevoir des espaces ludiques, inclusifs et écologiques. « La question de l'autonomie des enfants dans l'espace public est un vrai indicateur de la bonne santé d'une ville, et la preuve qu'on a réussi la transition des territoires de manière écologique », conclut Madeleine Masse.
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