
Retraité agressé, migrants, émeutes racistes : tout comprendre aux violences qui secouent le sud-est de l'Espagne
Après trois nuits d'émeutes racistes, Torre Pacheco, ville du sud-est de l'Espagne située en Murcie, retient encore son souffle. Depuis vendredi 11 juillet, les nuits de cette commune de 36.000 habitants sont rythmées par des émeutes racistes organisées par des militants d'extrême droite après l'agression sans motif apparent, rapportée mercredi dernier et apparemment filmée, d'un retraité par trois jeunes qui seraient, selon ses dires, d'origine nord-africaine. Le 9 juillet, la diffusion sur les réseaux sociaux d'une photo de Domingo Tomás Domínguez, 68 ans, le visage tuméfié et l'œil droit voilé, avait suscité une vague d'indignation et allumé la mèche.
Deux jours plus tard, le vendredi après-midi, le maire de Torre Pacheco Pedro Angel Roca Tornel (Parti populaire conservateur, PP) organise un rassemblement pacifique. Mais la manifestation dégénère en raison de la présence de groupes d'extrême droite qui ont diffusé des slogans anti-immigrés, selon les autorités. L'un d'eux, baptisé «Deport them now» («Déportez-les maintenant») avait par exemple appelé sur Telegram à une «chasse» aux personnes d'origine nord-africaine. «Si les autres Maghrébins de la commune ne collaborent pas à l'identification des coupables, ils deviendront automatiquement coupables et devront payer», avaient-ils écrit dans leur message.
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30% des habitants sont des immigrés
Dans la nuit de samedi à dimanche, après une deuxième nuit d'émeutes, les autorités lancent un appel au calme. La préfecture rapporte des affrontements qui ont fait plusieurs blessés. Selon le quotidien La Opinión de Murcia, plusieurs groupes de personnes ont effectivement parcouru les rues de la commune avec des bâtons à la recherche de personnes d'origine étrangère, malgré un important dispositif policier.
Près de 80 personnes ayant pris part à ces altercations ont été identifiées.
Violeta Santos Moura / REUTERS
«Torre Pacheco doit retrouver la normalité (...) Je comprends la frustration, mais rien ne justifie la violence», écrit alors dans un message sur X le président conservateur de la région de Murcie, Fernando Lopez Miras, en assurant que l'agression subie par le retraité ne resterait «pas impunie». «J'appelle les habitants au calme, à la tranquillité», insiste de son côté à la télévision publique RTVE Pedro Angel Roca Ternel, en appelant à ne pas confondre les «délinquants» avec l'ensemble de la population immigrée, venue «pour travailler».
Selon lui, 30% des habitants de la ville sont des immigrés, principalement d'origine marocaine, qui travaillent en grande majorité dans les exploitations agricoles. «Ce sont des gens qui vivent dans la ville depuis plus de 20 ans» et «ont des enfants», a-t-il assuré. Mais «il y a aussi de la délinquance, bien sûr», a ajouté l'édile.
Dix personnes interpellées
Au total, dix personnes ont été interpellées depuis vendredi. Trois ont un lien avec l'agression de Domingo Tomás Domínguez, ont annoncé les autorités lundi. Aucune n'habite à Torre Pacheco. L'un d'eux a été arrêté au Pays basque, dans le nord du pays, alors qu'il se dirigeait vers la France, a indiqué sur X la déléguée du gouvernement central dans la région de Murcie, Mariola Guevara. Selon El Mundo, ce dernier a été arrêté à Rentería où «il s'apprêtait à prendre un train pour Irún afin de traverser la frontière et se réfugier en France (...) Il y a été arrêté lundi par des agents de l'Ertzaintza, qui l'ont remis à la Guardia Civil».
Les sept autres, un citoyen marocain et six Espagnols, ont été interpellés pour leur participation aux affrontements qui ont suivi. Ils sont poursuivis pour des délits de «troubles à l'ordre public», «haine» et «blessures volontaires», a-t-elle détaillé.
Dix personnes ont été interpellées depuis vendredi. Trois ont un lien avec l'agression de Domingo Tomás Domínguez, ont annoncé les autorités lundi 14 juillet.
Violeta Santos Moura / REUTERS
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Selon Mariola Guevara, près de 80 personnes ayant pris part à ces altercations ont par ailleurs été identifiées. «Beaucoup d'entre elles ont des antécédents pour des faits de violence» et «la majorité ne sont pas de Torre Pacheco», a-t-elle insisté.
Effectifs policiers «renforcés»
Les violences pourraient continuer. Toujours selon El Mundo, «différents groupes radicaux mobilisent leurs sympathisants via les réseaux sociaux pour se rendre à Torre Pacheco entre mardi et jeudi prochain». «Avant que les arrestations ne soient connues, ils parlaient ouvertement de se faire justice eux-mêmes», ajoute le quotidien. «Nous appelons à une chasse à l'homme les 15, 16 et 17 juillet. Patrouilles de quartier, enquête directe afin de les retrouver et justice directe pour les réunir avec Allah (...) L'Espagne est à nous, et à personne d'autre. Vive l'Espagne !», est-il par exemple écrit dans un communiqué diffusé par Deport Them Now.
Alors que 90 agents de la Garde civile ont déjà été déployés sur le terrain, le ministre espagnol de l'Intérieur a annoncé que «leurs effectifs seront renforcés [à partir de mardi] et dans les jours suivants». Interrogé sur la chaîne de télévision publique TVE, le maire de Torre Pacheco, a assuré de son côté que la situation avait été «maîtrisée» dimanche soir grâce à la présence policière. Et d'appeler à nouveau au calme.
«Les menaces, les agressions et la peur dans les rues doivent cesser», a dénoncé de son côté l'Association marocaine pour l'intégration des immigrés, en exigeant dans un communiqué «une véritable protection pour les personnes concernées».
Affaire politique
Dans ce pays où vivent 920.000 Marocains, selon l'Institut national de statistique au 1er janvier 2024, l'affaire prend une tournure politique. Le parti d'extrême droite Vox est accusé de jeter de l'huile sur le feu. José Angel Antelo, son responsable régional, a participé samedi à une manifestation à Torre Pacheco tout en exhortant les habitants à se défendre. «Nous ne voulons pas de ces gens-là dans nos rues ni dans notre pays. Nous allons tous les expulser : il n'en restera pas un seul», a-t-il déclaré.
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La gauche, elle, accuse le Parti populaire conservateur, qui a noué des alliances locales avec Vox, de ne pas condamner clairement les discours haineux du parti nationaliste. De son côté, la ministre de la Jeunesse et membre du parti Sumar (extrême gauche) Sira Rego a fustigé sur Bluesky «les persécutions racistes contre les personnes migrantes». «L'extrême droite et la droite montrent du doigt, et leurs milices passent à l'action», a-t-elle ajouté.
Le premier ministre socialiste Pedro Sanchez a déclaré sur X que «le racisme est incompatible avec la démocratie». «Nous devons élever la voix, agir avec fermeté et défendre les valeurs qui nous unissent. L'Espagne est un pays de droits, pas de haine.»
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