logo
Avec un Tadej Pogacar moins vorace, la 14e étape du Tour de France a offert un peu répit

Avec un Tadej Pogacar moins vorace, la 14e étape du Tour de France a offert un peu répit

L'Équipe19-07-2025
Tadej Pogacar s'est contenté samedi de neutraliser Jonas Vingegaard dans la montée de Superbagnères et l'échappée a pu aller au bout, avec la victoire virevoltante de Thymen Arensman.
Les visages ont la couleur du brouillard, blancs-gris, délavés par une nouvelle journée de souffrance, des ascensions interminables, des descentes dangereuses sur des routes noires lustrées par la pluie, pas un bout de bleu dans le ciel pour se réchauffer le moral. Le fond de la ligne à Superbagnères n'est qu'à une centaine de mètres du portique d'arrivée, mais c'est déjà un autre monde. Le bruit a cessé, seuls les talkies walkies des agents de sécurité grésillent dans le silence. Le grand hôtel de Superbagnères domine de sa structure imposante derrière la brume dans une ambiance lugubre où l'on verrait bien Jack Nicholson tapoter sur sa machine à écrire en pleine démence comme dans Shining.
Célébrés quelques minutes plus tôt, poussés par une foule furieuse dans les derniers kilomètres, les coureurs sont rendus à la vie ordinaire, couverts d'imperméables dans lesquels ils flottent, les regards perdus, guidés par les sherpas de leurs équipes. Ils défilent au compte-gouttes comme la troisième étape des Pyrénées les a recrachés, direction les télécabines qui doivent les ramener vers Bagnères-de-Luchon. Oscar Onley, serviette éponge autour du cou, a la bobine laiteuse, il plonge dans les escaliers en se tenant à la rampe, descend en crabe, en équilibre fragile sur les cales de ses chaussures, les jambes encore pleines des toxines de l'effort.
Vingegaard a attaqué Pogacar en vain
La plupart préfèrent utiliser l'ascenseur, partager la promiscuité avec les adversaires contre qui ils viennent de croiser le fer dans la pente, encore dégoulinants de sueur et couverts de crasse. « Eh oh quand même », rigole Kévin Vauquelin quand il comprend qu'il peut s'économiser l'effort de descendre les marches. Ben O'Connor est plié en deux, il évacue une toue grasse. Jonas Vingegaard est passé par là lui aussi, alors que tous les regards étaient encore braqués sur la ligne. Il est monté dans un des oeufs qui déchiraient les nuages, avec son vélo, évacué par la sortie de service alors que Tadej Pogacar avait été aspiré dans les méandres vers le podium, vers les flashs, les fleurs et la lumière.
Vingegaard a attaqué son rival, en vain, mais il n'avait pas le choix, comment faire autrement ? Un double vainqueur du Tour de France (2022 et 2023) ne peut abandonner le combat si loin de l'arrivée à Paris, il devait bien tenter quelque chose pour ne pas perdre totalement la face, mais on a bien senti un peu de désespoir dans son offensive, à 4 km du sommet de Superbagnères, alors que son équipe avait pris l'eau. Matteo Jorgenson avait disparu dans le faux plat meurtrier qui menait au pied du col. Il n'y avait plus personne pour l'escorter au pied de l'ascension hors catégorie, si ce n'est Simon Yates, un temps, quand le Britannique fut repris de l'échappée.
Ce n'était pas le jour des grandes offensives, du plan de jeu à la néerlandaise, comme si les Visma-Lease a bike étaient gagnés par la résignation. On ne conseille d'ailleurs pas à Vingegaard de revisionner les images de son accélération. Sur la route, il a senti Tadej Pogacar dans sa roue, mais il n'a peut-être pas vu avec quelle facilité le champion du monde l'a contrôlé, assis sur sa selle, et même Florian Lipowitz a pu rester dans les rondins dans un premier temps. Ce fut la même chose quand le Danois alluma un autre pétard, tout aussi mouillé.
À l'arrivée, le Maillot Jaune expliqua qu'il n'avait pas des jambes de feu, pour justifier qu'il n'avait pas essayé de contrer son adversaire. Peut-être, mais il n'a pas paru particulièrement émoussé et ses cerbères ont longtemps essoré le groupe des favoris, réduisant l'écart avec les fuyards après Peyresourde à tel point qu'on crut un moment que l'échappée était encore condamnée. Mais cela avait plutôt pour but d'anesthésier les velléités de leurs adversaires, d'éviter une pluie d'attaques, et surtout de soigner un peu la popularité du Maillot Jaune dans le peloton pour éviter un procès en cannibalisme.
Les brumes sur les capacités de Vauquelin à jouer le général continuent de se dissiper
Pogacar ne s'est donc levé qu'une fois de sa selle samedi dans Superbagnères, dans le sprint face à Vingegaard pour la deuxième place, quelques tours de manivelle pour le laisser à quatre secondes et lui chiper en plus deux secondes de bonifications, car sa mansuétude et sa compassion ont tout de même des limites, lui dont le logiciel ne conçoit pas de laisser des victoires ou de partager le gâteau.
Sa passivité a ainsi permis à Thymen Arensman d'aller au bout et de sauver le Tour de France d'Ineos. Le fil de fer néerlandais est parti seul à 4 km du sommet de Peyresourde, propulsé par les services de Carlos Rodriguez, transformé en équipier, alors qu'il ferraillait avec Sepp Kuss, Tobias Johannessen, Valentin Paret-Peintre, Ben O'Connor et Lenny Martinez. Le grimpeur français mène à nouveau le classement de la montagne grâce à ses passages en tête au sommet du Tourmalet et d'Aspin et à sa 2e place en haut de Peyresourde, son raid était enthousiasmant mais il a encore dilapidé son énergie n'importe comment.
La pause dans la gloutonnerie du Maillot Jaune a aussi permis d'atténuer un sentiment de punition dans un peloton qui déguste de plus en plus et on sent qu'en bout de deuxième semaine, le Tour de France a déjà bien martelé les organismes, que la fatigue s'est installée. Samedi, on a ainsi vu Steff Cras (TotalEnergies) malade, courbé sur son vélo, abandonner, Mauro Schmid (Jayco AlUla), lui aussi vidé, terminer dernier de l'étape alors que le champion de Suisse virevoltait encore à Toulouse (2e), ou Mattias Skjelmose (Lidl-Trek) achever un Tour fantomatique sur un énorme gadin.
Sans oublier Remco Evenepoel, en dégringolade les derniers jours, qui n'avait plus rien dans le réservoir sur les rampes du Tourmalet. Le Belge est donc déjà rentré à la maison et son départ a automatiquement remis Vauquelin dans le top 5. Le Normand a encore bien bataillé pour intégrer le top 10 (10e) d'une étape à 5000 m de dénivelé positif et il sort du bloc pyrénéen avec beaucoup plus de confiance pour la suite.
Lipowitz et Onley continuent de lui être supérieurs dans les cols et Felix Gall va lui causer du souci, car l'Autrichien monte en puissance, plein de panache ce samedi en accélérant du groupe des favoris à 8 km du sommet, sans se démonter ensuite (4e). Mais samedi soir, au sommet de Superbagnères, les brumes sur les capacités du meilleur Français de ce Tour à jouer le général continuaient de se dissiper.
À lire aussi
Pogacar, faiseur de roi
Vauquelin, cette fois c'est vraiment sérieux
Onley, jeune loup plein d'ambition
Unzué : «Luis Enrique a toujours admiré l'exigence du cyclisme»
Orange background

Essayez nos fonctionnalités IA

Découvrez ce que Daily8 IA peut faire pour vous :

Commentaires

Aucun commentaire pour le moment...

Articles connexes

La lettre du Figaro du 28 juillet 2023
La lettre du Figaro du 28 juillet 2023

Le Figaro

time8 minutes ago

  • Le Figaro

La lettre du Figaro du 28 juillet 2023

Réservé aux abonnés Accord Washington-Bruxelles, le Tour de France, bisbilles chez LR, le succès de Grand Frais, vivre sur la Côte-d'Azur. Donald Trump, dimanche, sur son terrain de golf écossais, à Turnberry, au sud-ouest de Glasgow. Phil Noble / REUTERS. Chers abonnés, Nous avons à peine eu le temps de profiter de la dernière étape -exceptionnelle- du Tour de France 2025 et de ses faux airs de Jeux olympiques. La géopolitique ne prend pas de vacances : Donald Trump et Ursula von Der Leyen ont trouvé un accord en début de soirée. S'il est par définition inégal, il a le mérite de poser un cadre clair : 15% de frais douanier pour nos produits, à quelques exemptions près. En parlant d'accord, Les Républicains veulent échapper à une guerre entre Rachida Dati et Michel Barnier et sont près d'un compromis : à la première les municipales, au second la législative anticipée. À propos d'économie, connaissez-vous Grand Frais ? Ce groupe a réussi à se faire une place dans le bassin de requins de la grande distribution. Au programme également, notre palmarès 2025 des villes et villages où s'installer sur la Côte d'Azur et une enquête sur un phénomène navrant en plein essor : la location d'amis. Bonne journée ! Votre épistolier…

« Le 1 500 m le plus dur de ma vie » : Anastasiia Kirpichnikova souffre en séries aux Mondiaux de Singapour
« Le 1 500 m le plus dur de ma vie » : Anastasiia Kirpichnikova souffre en séries aux Mondiaux de Singapour

Le Parisien

time8 minutes ago

  • Le Parisien

« Le 1 500 m le plus dur de ma vie » : Anastasiia Kirpichnikova souffre en séries aux Mondiaux de Singapour

En sortant d'une course, Anastasiia Kirpichnikova a toujours le visage rougi par l'effort. Encore plus ce lundi matin à l'issue des séries du 1 500 m, la distance sur laquelle elle avait conquis l'argent olympique à Paris l'été dernier. « C'était le 1 500 m le plus dur de ma vie, souffle l'élève de Philippe Lucas, 7e temps en 16′06′'97. Vraiment. Le premier 500 m ça allait, mais le dernier 500 m, je ne sais même pas comment j'ai fini. J'ai eu mal partout, sur tous les virages, c'était horrible. Je suis morte. » L'ancienne Russe naturalisée française est sans filtre. Et ne cache pas son inquiétude derrière son rire nerveux. « Heureusement, je suis qualifiée pour la finale après seulement trois mois d'entraînement, explique la Tricolore, déjà à la peine dimanche sur 400 m. Je me sentais très bien au stage de Jakarta. J'ai un peu peur. Je ne sais pas si je vais faire une médaille ? Là, j'ai vraiment tout donné. J'ai très mal au mollet et ça remontait dans le corps sur les virages. C'est la première fois de ma vie que ça arrive. Alors, on verra… » Réponse mardi soir (13h11 à Paris). Mais il faudra vraiment être forte et espérer des défaillances pour s'immiscer dans le trio Ledecky-Pallister-Quadrarella… Hormis Kirpichnikova, la matinée singapourienne était placée sous le signe du dos pour les Tricolores, avec quatre engagé(e)s sur 100 m. Et tous ont franchi l'écueil des séries avec des fortunes diverses. Chez les filles, Mary-Ambre Moluh s'est arrachée pour signer le 6e temps matinal (59′'47). À tel point que la pensionnaire de l'Université de Californie a eu du mal à digérer l'après-course et retrouver ses esprits. Pauline Mahieu a assuré l'essentiel (14e temps en 1′00′'48 alors qu'on garde 16 athlètes pour les demies). Mais la Nordiste est loin d'être satisfaite de son entrée par la toute petite porte dans les Mondiaux. « Je suis assez étonnée du temps que j'ai fait et de la course que j'ai faite. Je suis déçue, soupire-t-elle en zone mixte. Il va falloir vite effacer la déception et passer à autre chose parce que c'était une mauvaise course de A à Z. J'étais sous l'eau, je n'étais pas dedans, c'est un peu compliqué à expliquer parce que j'ai eu du mal à me mettre dans la compétition. Il faudra voir, mais heureusement ça passe. » Un mal pour un bien ? « J'ai la chance d'avoir un niveau où je me rate et ça passe quand même mais, pour le coup, ça ne met pas en confiance, lance-t-elle. Il n'y avait aucun souci à l'entraînement. Tous les feux étaient au vert et ils le sont toujours. Ça arrive de faire des mauvaises courses. Je n'ai pas de souci physique ou mental. Moi qui pensais nager un petit 59′' le matin… Il va falloir être beaucoup beaucoup mieux pour passer en finale ( demi-finales ce lundi à 13h52 ). Je suis venue ici avec l'objectif de faire mon meilleur temps ( 59′'30 aux Mondiaux de Fukuoka en 2023 ). » Yohann Ndoye Brouard, lui, l'a déjà réussi. Le dossiste de l'Insep a signé le chrono le plus rapide des séries (52′'30) et amélioré son record personnel. « Franchement, je ne comptais pas aller aussi vite, sourit le protégé de Michel Chrétien, qui prétend pourtant en avoir gardé sous le pied pour la suite. Je suis en forme. Je ne suis pas parti trop vite et à la fin j'ai regardé un peu où j'en étais, j'ai vu que le Russe ( Lifintsev, champion du monde en petit bassin ) était un peu derrière moi, je me suis dit c'est pas mal. » Le Haut-Savoyard peut commencer à jeter un œil du côté du record de France, détenu depuis quinze ans par Camille Lacourt (52′'11). « Deux dixièmes, ce n'est pas inaccessible, glisse-t-il. Donc on y pense forcément. » Son alter ego Mewen Tomac , 10e temps en 53′'07, affiche moins ouvertement ses ambitions. « Je pensais aller un peu plus vite, résume le discret Normand. Il faudra accélérer un peu ce soir ( demi-finales ce lundi à 13h18 françaises ). J'espère aller en finale, mais c'est une course très relevée… »

« Pour ce genre de grandes décisions, il est plus qu'informé » : Kylian Mbappé, un actionnaire impliqué dans le choix de l'entraîneur à Caen
« Pour ce genre de grandes décisions, il est plus qu'informé » : Kylian Mbappé, un actionnaire impliqué dans le choix de l'entraîneur à Caen

L'Équipe

time8 minutes ago

  • L'Équipe

« Pour ce genre de grandes décisions, il est plus qu'informé » : Kylian Mbappé, un actionnaire impliqué dans le choix de l'entraîneur à Caen

Propriétaire avec sa holding familiale du Stade Malherbe de Caen depuis un an, Kylian Mbappé n'est pas un actionnaire comme les autres. Il a toutefois été toujours consulté sur les choix d'entraîneur. Depuis que le Stade Malherbe de Caen est aux mains de la holding familiale de Kylian Mbappé, le club normand a connu plusieurs entraîneurs. Nicolas Seube a démarré la saison dernière. Il a été remplacé par le Portugais Bruno Baltazar qui a lui-même cédé sa place à Michel Der Zakarian, pour une issue malheureuse en 2024-2025, à savoir la descente en National. C'est Maxime d'Ornano qui, désormais, va officier sur le banc caennais. À chaque fois, l'attaquant du Real Madrid a été impliqué dans la décision. « Pour ce genre de grandes décisions, il est plus qu'informé, explique Reda Hammache, le directeur du recrutement, à L'Équipe. Quand on a choisi Bruno Baltazar, Michel Der Zakarian ou plus récemment Maxime (d'Ornano), il a été informé et il nous a suivis dans notre volonté. » Dans notre dossier consacré au SM Caen, le dirigeant en dit un peu plus sur quel type d'actionnaire est le capitaine des Bleus. « Si vraiment, il y a des choses qui le dérangent, il va le dire et on lui laisse évidemment cet espace. Mais jusqu'alors, il nous a fait confiance. On a porté et assumé nos décisions. » Le champion du monde 2018 « reste dans son rôle d'actionnaire qui aimerait prendre du plaisir de loin, en étant au courant de tout mais en laissant les gens travailler, poursuit Hammache. Nos échanges sont toujours axés très foot, sur la valeur des joueurs, l'esprit, la cohérence de l'équipe. On reste dans des considérations techniques, on ne parle jamais d'argent. »

TÉLÉCHARGER L'APPLICATION

Commencez dès maintenant : Téléchargez l'application

Prêt à plonger dans un monde de contenu mondial aux saveurs locales? Téléchargez l'application Daily8 dès aujourd'hui sur votre app store préféré et commencez à explorer.
app-storeplay-store