
La petite révolution du cyclisme au féminin
(Saint-Sauveur) « Dernière chose : on se rappelle qu'on suit les meneuses. Je ne veux pas voir de gars dépasser les filles en avant », rappelle Béatrice Vanier avant que les trois groupes de cyclistes s'élancent dans les rues de Saint-Sauveur.
Le temps est chaud et humide en cette soirée de juillet. Une quarantaine de cyclistes, femmes comme hommes, sont réunis derrière la boutique PRFO Sports afin de participer à la Let's ride, une initiative de la société Peppermint Cycling.
Peppermint Cycling est une entreprise québécoise spécialisée dans la vente de vêtements de vélo conçus par et pour les femmes. Sa mission, toutefois, va au-delà de ça. Alex d'Anjou, spécialiste du marketing et elle-même grande adepte de vélo depuis plus d'une dizaine d'années, a une vision beaucoup plus large et souhaite contribuer à promouvoir une culture et une expérience cyclistes plus inclusives et bienveillantes.
« [Peppermint Cycling], c'est comme un support pour véhiculer notre message, dit-elle. On veut donner la place aux femmes dans le monde du vélo, mettre des visages féminins sur des photos de vélo sur les réseaux sociaux, sur la place publique. »
Je pense que donner une voix aux femmes, c'est notre mini-révolution.
Alex d'Anjou
Pour véhiculer son message et celui de l'entreprise, la femme de 30 ans a lancé il y a quelques années les séances Let's ride, qui ont lieu un peu partout dans la province, et même ailleurs au Canada, aux États-Unis et en Europe. Ces rassemblements, nous explique-t-elle, sont des « rides de vélo accessibles, sociales, menées par des femmes » en vélo de route, de montagne ou de gravier.
PHOTO FOURNIE PAR PEPPERMINT CYCLING
Peppermint Cycling compte sur 80 ambassadrices à travers le Canada, les États-Unis et l'Europe.
En vélo de montagne, par exemple, les parcours sont préétablis afin de permettre aux femmes de savoir à quoi s'attendre. « Souvent, c'est ça, le frein. Les filles se disent : je ne suis pas sûre que je suis assez bonne, donc je n'irai pas. »
Tous ceux qui le souhaitent, femmes et hommes, peuvent y prendre part gratuitement. « Pour nous, c'était juste important que ce soit la femme qui est en tête de peloton », dit d'Anjou, en insistant sur le fait que les rassemblements sont menés par « des ambassadrices qui ont vraiment la conscience qu'elles mènent un groupe de femmes ».
« L'ambiance est complètement différente que dans n'importe quelle autre ride cycliste que tu peux retrouver. […] On roule pour s'entraîner, oui, mais pour avoir du fun, pour jaser avec le monde. »
Entraide, respect et bienveillance
Pendant plusieurs années, Alex d'Anjou a principalement pratiqué le vélo avec des hommes. Lors d'un voyage à la mi-vingtaine, elle a pédalé avec des amies. C'est là qu'elle a découvert « la fraternité entre filles » et qu'elle a eu « comme un déclic », dit la résidante des Cantons-de-l'Est.
« Moi, au début, j'étais avec des gars qui vont juste tellement vite. S'il y a un obstacle que je ne suis pas capable de faire, je débarque de mon bike, je marche à côté pour contourner l'obstacle. Ensuite, j'embarque sur mon bike et je me dépêche d'aller rejoindre les gars en bas. »
« Avec les filles, on s'arrête, on analyse l'obstacle, on regarde par où passer, on se donne des conseils, des trucs. Il y en a une qui le fait et les autres se disent : OK, let's go. […] Les filles, on s'entraide beaucoup. On se dit bravo, on se félicite. »
Peppermint Cycling compte sur 80 ambassadrices à travers le Canada, les États-Unis et l'Europe. La journée de notre présence à Saint-Sauveur, Béatrice Vanier et Marine Lewis sont celles qui dirigent.
Béatrice Vanier nous raconte avoir fait de la compétition de vélo de montagne jusqu'à l'âge de 14 ans, jusqu'à ce qu'elle arrive à un niveau où elle devait s'entraîner principalement avec des garçons.
J'étais vraiment intimidée par les gars, donc j'ai décidé de tirer la plogue. J'ai recommencé le vélo plus tard.
Béatrice Vanier
« Quand j'ai recommencé, j'ai été capable de rouler avec des gars, mais je pense qu'on n'aborde pas le sport de la même façon. […] Notre approche est juste fondamentalement différente. Eux, c'est plus axé sur le temps, sur la performance. Nous, on veut se dépasser, mais c'est un dépassement toujours personnel. »
« En créant les évènements, on voulait un peu enlever ça, renchérit Marine Lewis. On se disait : il va y avoir plusieurs groupes, tout le monde va trouver son bonheur, ça va être accessible à tout le monde. C'est ce qu'on n'avait pas nécessairement quand on était jeunes, où c'était la performance ou rien. »
Les deux ambassadrices de 27 et 28 ans s'assurent néanmoins de mettre « un petit niveau de difficulté » dans les rassemblements qu'elles pilotent. « Oui, on est pour l'inclusivité, mais c'est quand même important de savoir qu'une femme, c'est capable de pédaler, de monter des côtes. Ce n'est pas parce que tu es une femme que tu devrais te limiter à une ride qui n'est pas à ta hauteur. »
Un « mouvement global »
En fin d'entrevue, Alex d'Anjou insiste : « Ce n'est pas juste en tant qu'entreprise qu'on fait ça, lâche-t-elle. Le vélo évolue dans plein de sphères. Il y a d'autres marques, des influenceuses de plus en plus, plus de femmes qui s'intéressent au vélo. Les femmes sont très curieuses. »
Peppermint Cycling cherche aussi à inciter les femmes à s'autonomiser, à sortir seules. L'entreprise, et Alex d'Anjou elle-même, souhaite démocratiser le sport, souvent perçu comme élitiste. Dans sa plus récente campagne de publicité, intitulée Ride your way, elle met de l'avant des femmes toutes différentes et leurs motivations derrière leur pratique du vélo.
« On essaie de démontrer qu'il y a plein de façons de faire du vélo et tout est correct. Si toi, tu veux faire du vélo pour prendre ta bière après, vas-y, c'est malade. […] Le message, c'est vraiment de rouler à ton rythme. Sors pour ton plaisir, pour ton bien-être, pour ta santé mentale. Mais peu importe comment tu le fais. »
C'est ça, la petite révolution du cyclisme au féminin.
« Je trouve ça magnifique de faire partie de ce mouvement global qui essaie de donner plus de place à la femme, ajoute d'Anjou. Juste pour que les femmes, on soit plus assumées et qu'on soit ex æquo avec les hommes un jour. On l'espère. »
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