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Bianca Andreescu et la difficile quête du lâcher-prise

Bianca Andreescu et la difficile quête du lâcher-prise

La Presse10-07-2025
Remporter un titre majeur n'est jamais garant de l'avenir dans le tennis féminin. Bianca Andreescu l'a appris à ses dépens. Comme bien d'autres joueuses, d'ailleurs.
Andreescu a connu la gloire en 2019 après avoir remporté les Internationaux des États-Unis contre Serena Williams. À peu près tout le monde s'en souvient, puisqu'à peu près tout le monde en parle encore. Chaque fois que la Canadienne de 25 ans se rend disponible pour les membres des médias, comme ce fut le cas jeudi après-midi, il est question de cette saison pendant laquelle presque tous les possibles ont été réalisés.
À tort ou à raison, la 146e joueuse au classement mondial et détentrice d'un laissez-passer pour le tableau principal de l'Omnium Banque Nationale disputé à Montréal souhaite « arrêter de vouloir répéter » ce qu'elle a accompli en 2019 pour pouvoir « mordre dans le moment présent ». L'idée n'est pas de renier le passé, mais plutôt de bâtir l'avenir. Toutefois, par la force des choses, elle doit toujours revenir sur cette spectaculaire ascension réalisée il y a six ans. Après tout, c'est ce qui l'a mise au monde. Et pour les gens à l'extérieur de son entourage, c'est comme si remporter un titre majeur était devenu le seul critère de réussite.
À Roland-Garros comme à Wimbledon, l'athlète de 25 ans a dû se plier au processus de qualifications. Dans les deux tournois, elle a baissé pavillon à son deuxième match.
« Ce n'est certainement pas facile. C'est comme prendre un pas de recul, a-t-elle affirmé à propos de la nécessité de jouer en qualifications, mais je sais que ça va simplement me rendre plus forte. […] Je veux toujours atteindre une finale de grand chelem. C'est encore mon but. Ce n'est pas idéal, mais je sais que je dois passer à travers [les qualifications] pour revenir au niveau. »
Et si une accumulation de blessures l'a empêchée de demeurer dans les hauteurs du classement mondial, il est plutôt commun de voir d'autres championnes suivre le même genre de trajectoire.
Depuis le sacre de Andreescu aux Internationaux des États-Unis, 11 joueuses ont triomphé en tournoi majeur. Parmi elles, seulement quatre ont conservé leur place dans le top 10. Aryna Sabalenka, Coco Gauff, Iga Swiatek et Madison Keys, gagnantes de quatre des cinq derniers tournois. Si on recule davantage, toutefois, force est de constater que les sept autres joueuses, comme Andreescu, ont aussi été victimes du temps qui passe. Sofia Kenin, Naomi Osaka, Barbora Kreijcikova, Ashleigh Barty, Emma Raducanu, Elena Rybakina et Marketa Vondrousova ont toutes navigué entre les écueils.
Croire en ses moyens
Andreescu a disputé 15 matchs cette saison. Elle en a gagné huit. Un début modeste, a-t-elle avoué, mais suffisant pour lui donner la confiance nécessaire pour amorcer la dernière étape de la saison sur surface dure.
Je veux tout maintenant, mais j'ai appris à prendre un pas de recul. Mon but n'est pas nécessairement de devenir tout de suite numéro un au monde. À ce stade-ci, je veux juste bien me sentir et être en santé. Je sais que le reste suivra, car je travaille fort.
Bianca Andreescu
C'est à Rome, sur terre battue, qu'elle a le plus brillé. Pour atteindre la ronde des seize, elle a notamment vaincu Donna Vekic (20) et Elena Rybanika (11). Elle a aussi gagné un titre en double, en Espagne.
Jouer à un tel niveau contre des adversaires mieux classées représente selon elle « Un bon moyen de voir où est rendu mon jeu. » Au passage, elle a tout de même échappé des matchs qui étaient à sa portée. Comme quoi rien n'est encore tout à fait à point.
« Je ne veux pas me mettre trop de pression sur les épaules, a-t-elle ajouté. Je ne veux pas avoir de buts trop concrets de victoires ou de classement. Ça a tout à voir avec la manière dont je me sens. Je dois être patiente, parce que chaque jour est différent. » Elle évoque entre autres choses « l'état d'esprit avant chaque match ». Une façon pour elle d'aborder chaque rencontre avec moins de stress et plus de lâcher-prise.
Dans certains aspects, « je sens que mon jeu progresse », a-t-elle avoué. Au service, notamment, elle excelle. 70,3 % de ses premiers services tombent en jeu. Le meilleur taux de réussite de sa carrière. Aucune joueuse du top 10 ne maintient un tel rendement. La plus efficace étant Jasmine Paolini avec un taux d'efficacité de 68,1 %.
Andreescu gagne 64,5 % de ses points en première balle. Ses meilleurs chiffres depuis 2021. En deuxième balle, elle a son meilleur ratio de points gagnés (50,8 %) depuis 2022.
« J'ai vu les statistiques, j'en parle avec mes entraîneurs. Pour moi, c'est énorme. Ça fait longtemps que je me concentre sur cet aspect du jeu. J'ai changé un peu ma technique […] Et ça fonctionne. Je travaille énormément à renforcir la force musculaire du haut de mon corps. Ça m'aide avec la vitesse et la constance. »
Rentrer à la maison
Depuis 2019, Andreescu a raté 36 mois d'activité à cause de différentes blessures. « Revenir au jeu, c'était stressant », a-t-elle assuré.
Surtout que la qualité du jeu s'améliore de manière exponentielle sur le circuit. Alors elle doit d'une part s'y adapter et d'autre part répondre aux nouveaux critères d'excellence.
La moitié des joueuses du top 10 sont plus jeunes qu'elle. Rien pour la faire paniquer, cela dit. Mais elle constate de plus en plus que le temps s'apparente à un danger, alors qu'il était une forme de luxe à l'époque où elle a percé, à 18 ans. « Je sais que je suis encore jeune, mais je suis sur le circuit depuis six ans, et on dirait que ça en fait 15. Plus tu vieillis, plus c'est difficile pour le corps de suivre. »
En attendant, elle se concentre sur les tournois de Montréal et de New York « Je dois être dans le moment présent et en profiter. Avant, j'étais tellement concentrée à atteindre le sommet et c'est encore là dans mon subconscient, mais ce n'est pas la chose à laquelle je pense tous les jours. Je veux surtout devenir la meilleure version de moi-même. Que ce soit en étant première au monde, top 10 ou gagnante d'un majeur. »
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Une tricherie aux fières racines québécoises
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Une tricherie aux fières racines québécoises

Plaque qui commémore l'invention du Mulligan au Country Club de Montréal, à Saint-Lambert Rarement aura-t-on vu une si grande fierté à contrevenir aux règles. Au Country Club de Montréal, on ne revendique pas seulement la création du Mulligan, cette deuxième chance permettant aux amateurs de s'humilier à nouveau et aux plus assidus de vivre dans le déni. On la célèbre. Le Mulligan est connu partout sur la planète golf. Il permet aux joueurs, lors de leur premier coup de la partie, de tenter un deuxième coup de départ, en cas d'échec. Tout le monde connaît quelqu'un qui pousse le concept sur l'ensemble d'une partie, au coup d'approche, ou même sur les roulés… Eh bien, semble-t-il que ce concept faussant la réalité sur les cartes de pointage et faisant rager les groupes attendant patiemment à l'arrière ait été inventé au club de golf situé à Saint-Lambert, au milieu des années 1930. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE David-Étienne Bouchard, directeur du Country Club de Montréal Peu de gens savent que ç'a été créé ici. Je suis certain qu'il y a plusieurs amateurs de golf qui passent sur l'autoroute juste à côté et qui ignorent cette histoire. David-Étienne Bouchard, directeur du Country Club de Montréal Route épuisante L'accès au Country Club de Montréal est réservé à ses 750 membres. Vaut mieux sortir le chéquier pour y obtenir une adhésion. Dans le stationnement, on trouve des Audi, des Mercedes et même une Ferrari. À l'époque où le Mulligan aurait été créé, vers 1930, rares étaient les propriétaires de voiture. David Bernard Mulligan en faisait partie. Vice-président et directeur général de l'hôtel Windsor, à Montréal, l'Ontarien a possédé une puissante voiture de quatre cylindres et 33 chevaux. Comme il était le seul membre motorisé de son quatuor, il faisait office de conducteur désigné. PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Le Country Club de Montréal, à Saint-Lambert PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Le Country Club de Montréal, à Saint-Lambert PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Le Country Club de Montréal, à Saint-Lambert PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, LA PRESSE Le Country Club de Montréal, à Saint-Lambert 1 /3 Seul le pont Queen Victoria Jubilee – aujourd'hui connu sous le simple nom de Victoria – liait Montréal à la Rive-Sud. L'emprunter s'avérait un chemin de croix. À l'époque, la chaussée n'était pas faite de béton, mais de morceaux de bois. Ceux-ci s'usaient rapidement et créaient des bosses. PHOTO PROVENANT DE LA COLLECTION DE LEIGHTON H. COLEMAN III, PETIT-FILS DE DAVID B. MULLIGAN Les hôteliers Vernon Grandison Cardy et David Bernard Mulligan attablés au club de golf Laval-sur-le-Lac, le 24 octobre 1929, jour du krach boursier Comme la plupart des joueurs aujourd'hui, nos héros arrivaient à la hâte au premier départ. Secoué par la conduite difficile vers le club, David Mulligan était épuisé. Il mettait du temps à retrouver ses esprits. Si bien que son premier coup de la journée dérogeait souvent des standards auxquels il avait habitué ses camarades. Une bonne fois, M. Mulligan en a eu assez. « J'ai été tellement choqué de manquer mon coup de départ que je me suis penché pour poser une autre balle. Mes trois amis me regardaient, perplexes », a-t-il raconté au journaliste Don Mackintosh, dans une chronique publiée en 1985. Par indulgence, ou peut-être par crainte de devoir rentrer à pied, les trois golfeurs ont accepté la manœuvre de leur conducteur. « Après cela, il est devenu une règle non écrite dans notre quatuor qu'il était possible de faire un coup supplémentaire au premier coup », a indiqué M. Mulligan en 1985. Manque d'entraînement Près de 100 ans plus tard, le Mulligan fait partie intégrante de la plupart des parcours de golf. 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