
Martine Brunschwig Graf entre en scène pour sauver la Genève internationale
Martine Brunschwig Graf à la Maison de la Paix.
LAURENT GUIRAUD/TAMEDIA
En bref:
La crise de la Genève internationale peut aussi être l'occasion d'une adaptation et d'un rebond. C'est l'ambition de la fondation créée par le Canton et la Fondation Hans Wilsdorf fin mai, mais opérationnelle depuis quelques jours. Sa présidente, l'ancienne magistrate cantonale et conseillère nationale Martine Brunschwig Graf, dévoile son plan d'action.
Madame Brunschwig Graf, le Conseil d'État vous a nommée fin mai à la présidence de la Fondation pour l'adaptation de la Genève internationale (FAGI). Qui la compose? Comment allez-vous travailler?
Le conseil de fondation, composé de cinq membres bénévoles, est opérationnel depuis le 8 juillet. Outre moi-même, il comprend deux représentants des fondateurs: Isabelle Harsch, présidente de la Chambre de commerce et directrice d'une entreprise de transport international pour le canton et Laurence Brenner, responsable en son sein du pôle culture et humanitaire, pour la Fondation Hans Wilsdorf. Le secrétaire d'État adjoint Thomas Gürber, chef de la division ONU, représente la Confédération. Enfin, le directeur de l'Institut de recherche appliquée en économie et gestion, M. Giovanni Ferro Luzzi, qui a réalisé une étude très intéressante sur la Genève internationale en 2023, nous a rejoints.
Le conseil s'appuiera sur une commission consultative de sept membres appelée à donner les préavis sur les projets et qui vient d'être désignée. Début août, la FAGI communiquera aux personnes et milieux intéressés toutes les informations pratiques pour le dépôt des projets: conditions, critères, procédure à suivre; la fondation pourra ensuite entrer dans le vif du sujet: choisir des projets et les financer.
Pour le Canton, votre fondation a pour tâche de «soutenir un secteur crucial pour Genève en l'aidant à définir de nouveaux modèles de coopération, tout en renforçant son universalité». Comment comprenez-vous cet ordre de mission?
Les coupes financières subies par différentes organisations internationales et organisations non gouvernementales provoquent une restructuration douloureuse pour leurs collaborateurs et les bénéficiaires finaux de leurs activités. Notre objectif est d'aider à passer ce cap en soutenant les projets visant à réorganiser les activités des acteurs, à promouvoir de nouveaux modèles de coopération, de travail et de financement, en vue de gagner plus d'efficience.
Notre but est évidemment de travailler en synergie avec les initiatives lancées par ailleurs par d'autres acteurs, comme la Confédération, la Ville de Genève, la Fondation pour Genève, le Portail des Nations, l'Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), etc. La FAGI ne va pas combler l'argent manquant mais soutenir les projets répondant aux besoins identifiés des bénéficiaires finaux et qui correspondront à notre stratégie globale. Les projets devront venir du terrain. Le DFAE sera consulté pour chaque projet en amont pour veiller à la cohérence et à la convergence des actions. Des indicateurs seront fixés pour mesurer les objectifs atteints.
L'universalité est le troisième moteur de notre action. Il s'agit notamment de prendre des mesures de soutien pour rendre les activités de la Genève internationale accessibles aux délégués de tous les pays (formation, stages, facilitations diverses).
La crise actuelle est liée aux coupes budgétaires décidées par les États-Unis. Arrive-t-on aujourd'hui à mesurer leurs effets actuels?
Non, parce que les conséquences des coupes sont en cours de déploiement. Certaines sont directes, d'autres indirectes avec des effets sur le terrain qui se traduisent par des missions abandonnées ou non remplies et le coût humain qui en découle. En outre, de nombreuses initiatives visent à limiter les conséquences des coupes, comme on l'a vu récemment avec les 270 millions avancés par la Confédération. Mais évidemment, l'affaiblissement de la Genève internationale peut peser sur tous ceux qui en vivent, directement ou plus localement.
Face aux enjeux, les millions débloqués par Genève et la Confédération ne vous semblent-ils pas dérisoires?
Ni Genève avec 50 millions ni la Suisse avec 270 millions ne pourront se substituer aux donateurs. Ce ne sont pas les acteurs locaux qui résoudront seuls les problèmes globaux. Notre action vise à provoquer un effet de levier afin de faciliter l'adaptation du système multilatéral, dont le monde a besoin et qui est né à Genève en 1920.
Certains Genevois ont un rapport mitigé à la Genève internationale. Ils ne voient pas pourquoi on fait autant d'efforts pour elle…
Le lien entre notre niveau de vie et la Genève internationale est étroit. Son rôle économique est important qu'il s'agisse des postes offerts sur le marché du travail, des commandes liées à son fonctionnement pour le commerce de détail, l'hôtellerie-restauration, les services, la sécurité privée, la construction, etc. C'est un des piliers de l'économie qui a souvent joué un rôle de stabilisateur pendant les crises, par exemple celle des années 90.
Les États se sont longtemps battus pour attirer les organisations internationales chez eux. Est-ce toujours le cas?
La concurrence pour accueillir des organisations internationales ou des ONG se poursuit évidemment avec toutes sortes d'acteurs. Elle ne date pas d'aujourd'hui. En 1995, l'Allemagne réunifiée offrait gratuitement ses locaux à Bonn à l'Organisation mondiale du commerce. Le risque n'est pas tant l'effondrement de la Genève internationale que son étiolement. Or c'est un élément clé de notre dynamisme.
Depuis 1995, la Genève internationale s'est fortement développée, notamment par le renforcement de la présence des ONG. Mais le mouvement inverse est possible si nous ne faisons rien. Nous vivons à l'évidence un moment crucial où notre action peut être décisive. La Genève internationale subit une crise de moyens, mais celle-ci peut aussi être l'occasion d'un rebond, d'une réinvention. Quand l'argent manque, soit on baisse les bras, soit on va à l'essentiel.
Vu la crise, le directeur de la Chambre de commerce propose des mesures pour permettre aux plus qualifiés de poursuivre une activité lucrative en Suisse? De bonnes idées?
Ces propositions s'inscrivent dans une vision plus large de la Genève internationale, qui fourmille de talents et de cerveaux et qu'il faut conserver autant que possible, notamment parce qu'ils correspondent aux besoins des entreprises et soutiennent leur compétitivité.
Les Organisations internationales sont victimes d'une crise de légitimité. La politique du fait accompli est de saison, y compris de la part de démocraties. Est-il possible de lutter contre une tendance aussi lourde?
On peut lutter contre tout! Le succès n'est jamais garanti, mais qui ne tente rien n'a rien. En outre, notre action dépasse les considérations économiques. Elle participe de la défense de la démocratie, qui porte en elle la participation de tous aux décisions, le refus de la politique des blocs où l'un triomphe de l'autre et certains restent en état de dépendance. La Suisse a une expérience, un savoir-faire démocratique à faire valoir, fondé sur l'éducation des citoyens et une information libre et non monopolistique. Cela fait partie des atouts.
Martine Brunschwig Graf, à 75 ans, vous êtes toujours au cœur de la mêlée. Quel est votre moteur?
La Genève internationale et l'importance qu'elle revêt pour la vie de tous les habitants de Genève me tiennent à cœur. Même si je n'ai pas recherché ce mandat, j'ai accepté après avoir été sollicitée, quand j'ai compris que mon profil un peu particulier correspondait aux besoins. J'ai eu la chance durant ma vie d'occuper des fonctions passionnantes et diversifiées et j'ai toujours considéré qu'un engagement bénévole et civique était une façon de restituer un peu ce dont j'avais bénéficié.
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