
Marché locatif : deux réalités cohabitent à Montréal
La société est de plus en plus polarisée, le marché locatif aussi. D'un côté, il y a la réalité des quatre et demie existants et vieillissants déjà occupés. De l'autre, celle des appartements à louer flambant neufs dans ces tours qui ressemblent à des hôtels. Et l'une influence l'autre.
C'est difficile à croire quand on regarde les photos de familles qui se sont retrouvées à la rue le 1er juillet faute d'avoir trouvé un logement. Mais il y a « beaucoup, beaucoup d'offre qui s'ajoute sur le marché montréalais », assure Francis Cortellino, économiste à la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).
Une partie de ce « gros volume » a déjà été livré. Le reste le sera d'ici la fin de l'année. À l'heure actuelle, 23 000 appartements locatifs sont en train d'être construits dans la région de Montréal.
On dirait pourtant que la crise du logement ne s'améliore pas. C'est pourquoi j'ai voulu faire le tour de la question avec cet expert responsable de l'analyse du marché de l'habitation du Québec. Pour lui, ça ne fait pas de doute : la hausse du nombre d'unités se fait sentir du côté des promoteurs de logis modernes.
Face à la concurrence des logements d'un certain âge qui sont plus abordables, ils sont désormais forcés de sortir leur artillerie marketing pour signer des baux.
« Il y a beaucoup d'incitatifs en ce moment dans le locatif récent, observe Francis Cortellino. Des mois gratuits, des deux mois gratuits, des stationnements gratuits. On peut tous les nommer. Il y a même des histoires de gens qui changent d'immeuble chaque année pour avoir les mois gratuits. Il y a beaucoup de compétition. » Certains propriétaires vont jusqu'à payer le déménagement de leur futur locataire.
L'expert du marché immobilier poursuit avec des extraits de témoignages entendus dans l'industrie : « Il faut une équipe de location. Ça prend une unité modèle que les gens peuvent visiter. »
PHOTO FOURNIE PAR FRANCIS CORTELLINO
Francis Cortellino, économiste responsable de l'analyse du marché de l'habitation au Québec
On n'est plus à l'époque où les gens arrivaient et l'immeuble se louait d'un coup. Là, il faut travailler. J'ai aussi entendu l'expression 'il faut mériter ses locataires'.
Francis Cortellino, économiste à la Société canadienne d'hypothèques et de logement
Puisque ce type d'unité se loue généralement autour de 2000 $ par mois au minimum, il est rassurant d'apprendre que les clients magasinent et négocient. Quiconque s'engage à donner 24 000 $ par année de son argent net doit faire ses devoirs.
Pendant que les propriétaires de tours neuves avec piscine peaufinent leurs stratégies, les propriétaires de triplex des années 1960 ne restent pas les bras croisés. Ils s'adaptent à la nouvelle réalité du marché. C'est ici que les nouvelles deviennent un peu moins bonnes. C'est ici qu'on entre dans la seconde réalité du marché.
Francis Cortellino m'a donné l'exemple classique des propriétaires qui profitaient du départ d'un locataire pour investir une grosse somme – autour de 40 000 $ ou 50 000 $ – pour rénover l'appartement en entier. Cela permettait de hausser le loyer de façon substantielle. « Dans la dernière année, ils se sont rendu compte qu'avec ces loyers-là, beaucoup de monde préférait aller dans du locatif récent étant donné qu'il y a des incitatifs comme des mois gratuits. »
Certains propriétaires décident donc de moins rénover, de limiter les travaux à 15 000 $, par exemple, pour ne pas « se retrouver dans des gammes de prix où il commence à y avoir trop de compétition ».
Ça ne veut pas dire que leurs prix demeurent fixes. Les données de la SCHL montrent que les propriétaires des unités qui ont du vécu profitent quand même des changements de locataires pour augmenter les loyers étant donné la très forte demande pour les logements plus abordables. Résultat, les loyers des vieux immeubles sont en train de rattraper ceux des immeubles récents. « Il y a beaucoup de demandes pour les unités moins chères, ce qui maintient la pression sur les prix », résume Francis Cortellino.
Dans l'ensemble du marché, les prix grimpent encore, mais de moins en moins vite.
Même si les nombreuses mises en chantier devraient théoriquement faire baisser les prix, il faudra être patient. Car on part de loin. Le taux d'inoccupation demeure historiquement bas, à 2,1 % à Montréal et 1,8 % pour l'ensemble du Québec. Lorsqu'on regarde les statistiques des 30 dernières années, on constate qu'un taux d'inoccupation de 3 à 4 % dans la province a été requis pour que les hausses de loyers soient proches de l'inflation.
En attendant que ça arrive, les prix élevés modifient les comportements, nous apprend la SCHL dans sa mise à jour du marché locatif diffusée mardi.
D'un bout à l'autre du Canada, on déménage moins souvent. L'automne dernier, le taux de roulement des locataires était le plus faible enregistré par la SCHL depuis qu'elle collecte ce type de données (2016). Ces derniers mois, cependant, la mobilité des locataires s'est améliorée, en même temps que l'offre. Il faut dire que la baisse du nombre d'immigrants et d'étudiants étrangers enlève de la pression dans plusieurs centres urbains.
On constate aussi que les colocataires et les cinq et demie sont à la mode ! Étant donné que les prix grimpent pas mal plus vite que les salaires, un nombre accru de locataires se tourne vers la cohabitation, ce qui stimule la demande pour les grands appartements et « pourrait rendre les petits logements moins attirants ».
Le retour à l'équilibre n'est pas pour demain, mais au moins, la dynamique commence à changer. Et si la tendance se maintient, magasiner un logement cessera un jour de ressembler à un jeu de chaises musicales des plus anxiogènes.
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3 hours ago
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Une place à 50 $ par jour est-elle vraiment hors de prix ?
Des fiscalistes dénoncent la complexité du système fiscal à l'égard des frais de garde. Une place à 50 $ par jour est-elle vraiment hors de prix ? Les garderies privées à 50 $ par jour sont-elles vraiment si coûteuses qu'il faille renoncer au salaire d'un parent pour garder les enfants à la maison ? C'est la question que se sont posée des fiscalistes après la parution d'articles de La Presse sur des travailleurs étrangers titulaires de permis de travail ouverts, à qui Québec voulait retirer l'accès aux places subventionnées dans les centres de la petite enfance (CPE) et les garderies en milieu familial. Le 25 juillet1, La Presse rapportait le cas de Séverine Le Meilleur, maman immigrante qui envisageait de quitter son emploi de préposée aux bénéficiaires, faute de pouvoir payer 50 $ par jour pour une garderie privée. Son fils de 3 ans fréquente actuellement une garderie subventionnée à 9,35 $ par jour. PHOTO FOURNIE PAR SÉVERINE LE MEILLEUR Séverine Le Meilleur avec son fils Nathan Jusqu'à récemment, plusieurs garderies subventionnées acceptaient les enfants de parents comme elle, croyant qu'ils étaient admissibles à la contribution réduite. Le ministère de la Famille est intervenu dans une lettre datée du 9 juillet pour rappeler qu'ils ne l'étaient pas. Dans un premier temps, Québec a exigé la fin des contrats en cours dans un délai de 14 jours. Puis, vendredi, il a suspendu ces expulsions, le temps d'évaluer la situation2. Dans l'article, Séverine Le Meilleur expliquait avoir fait ses calculs avec son mari. « Ça serait trop onéreux de mettre notre fils en garderie non subventionnée pour qu'on puisse travailler tous les deux, disait-elle. Mon mari gagne plus que moi. 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