
Jusqu'où Trump ira-t-il ?
Plus Donald Trump conclut de nouveaux accords avec des partenaires commerciaux importants des États-Unis et plus la signature d'une pareille entente avec le Canada d'ici la date butoir du 1er août semble devenir improbable tellement les demandes américaines sont arbitrairement élevées et les concessions, inexistantes.
On souhaite tous que le Canada arrive à boucler un accord commercial – même imparfait – avec les États-Unis d'ici la fin de la semaine, ce qui aurait le mérite d'induire un peu de prévisibilité dans le contexte économique trouble que l'on subit depuis l'entrée en fonction du 47e président américain, il y a tout juste six mois.
Mais même avec un accord en poche, rien ne nous mettra jamais à l'abri de nouvelles turpitudes du locataire de la Maison-Blanche.
L'accord commercial que vient de conclure dimanche l'Union européenne (UE) avec les États-Unis est un bel exemple montrant à quel point la méthode Trump de négociation relève davantage du rouleau compresseur que de la volonté d'arriver à obtenir le mieux pour les deux parties.
Les 27 pays membres de l'UE vont désormais payer un droit de douane de 15 % sur à peu près tous les produits qu'ils vont exporter aux États-Unis et devront de surcroît investir 600 milliards US aux États-Unis et acheter pour 750 milliards US d'hydrocarbures et de combustibles nucléaires au cours des toutes prochaines années.
Qu'est-ce que l'UE a obtenu en retour de ces immenses concessions ? « Les États-Unis n'ont fait aucune concession », a admis, dimanche, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
La responsable européenne s'est même réjouie d'avoir pu s'entendre avec son partenaire américain et éviter ainsi aux pays européens de se faire imposer un droit de douane de 30 % sur tous leurs produits d'exportation à partir du 1er août, comme avait menacé de le faire Donald Trump.
L'entente intervenue entre l'UE et les États-Unis a été accueillie de façon très critique par les politiciens de nombreux pays, dont le premier ministre français, François Bayrou, qui a écrit que l'Europe s'était soumise à la volonté de Trump et qu'elle venait de vivre un « jour sombre ».
Jacques Attali, économiste et conseiller de l'ex-président socialiste François Mitterrand, a été encore plus cinglant en affirmant que « cet accord est une folie ».
La menace à laquelle souhaitait échapper la présidente de la Commission européenne est celle qui plane maintenant sur le Canada depuis que Donald Trump a déclaré qu'il pourrait imposer de nouveaux droits de douane de 35 % sur certaines importations canadiennes si un accord n'intervient pas d'ici le 1er août.
Vendredi dernier, il en a rajouté en déplorant que le Canada ne lui laissait pas beaucoup de chance et qu'à défaut d'une entente, le Canada pourrait être condamné à payer des droits de douane ad vitam æternam.
L'accord États-Unis–UE, un prélude ?
Chose certaine, l'accord commercial qui vient d'intervenir entre l'Union européenne et les États-Unis apparaît comme un prélude à ce qui pourrait survenir chez nous, c'est-à-dire une entente qui doit satisfaire l'avidité de Donald Trump à tout prix, peu importe ce qu'il en coûte au Canada.
En d'autres mots, c'est tout pour lui et rien pour l'autre, si ce n'est que la satisfaction d'échapper à la menace de se faire imposer des droits de douane de 35 % sur plus de produits.
Trump a été beaucoup plus agressif à l'endroit de l'UE qu'il ne l'a été avec le Royaume-Uni, avec lequel il s'est entendu sur des droits de douane généraux de 10 %, alors que ce sera 15 % pour les 27 pays européens.
Trump a même accepté de réduire les droits de douane sur les importations de voitures britanniques en retour d'une plus grande ouverture du marché anglais aux produits agricoles américains. Plus de vaches américaines contre plus d'autos britanniques, comme l'a récemment bien résumé Angelo Katsoras, analyste géopolitique à la Banque Nationale.
Depuis quelque temps déjà, Donald Trump semble avoir développé une obsession pour la gestion de l'offre qui encadre tout le secteur agricole canadien.
Tiendra-t-il absolument à créer de nouvelles brèches dans le système canadien pour permettre aux producteurs américains – pourtant largement subventionnés – d'avoir davantage accès à notre marché ? On verra jusqu'où son entêtement le conduira d'ici vendredi.
Mark Carney s'est fait rassurant lundi en déclarant que le Canada négociait de façon intense avec les États-Unis, tout en précisant que le pays n'allait pas signer n'importe quelle entente (voir onglet 3). Et il a déjà admis que si entente il y avait, elle n'allait pas nécessairement mettre fin aux droits de douane existants comme ceux sur l'acier, l'aluminium, les automobiles et bientôt le cuivre.
C'est d'ailleurs ce que vient d'accepter l'Union européenne, dont les pays qui sont producteurs d'acier et d'aluminium vont continuer de payer des droits de douane de 50 % sur leurs exportations vers les États-Unis.
Ce qui est déjà une défaite en soi, puisque la conclusion d'une entente commerciale devrait normalement mettre fin à l'imposition de tous les droits de douane, qu'ils soient punitifs ou compensateurs, parce qu'une bonne relation commerciale s'appuie d'abord et avant tout sur des règles claires et non pas changeantes au gré de l'humeur d'un individu.
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La Presse
3 hours ago
- La Presse
Et maintenant, quelle sera la suite ?
Mark Carney nous avait prévenus et Donald Trump l'avait aussi clairement évoqué, il aurait été fort surprenant que le Canada arrive à conclure une entente commerciale avec les États-Unis avant l'échéance du 1er août imposée par l'intempestif président américain. Et maintenant, à quoi faut-il s'attendre, quelle sera la suite de ce pénible psychodrame commercial ? Le premier ministre a répété à plusieurs reprises cette semaine qu'il n'y avait aucune garantie qu'une entente commerciale avec les États-Unis puisse intervenir avant la date butoir du 1er août et qu'il était préférable pour le Canada de ne pas avoir d'accord plutôt que de s'en faire imposer un qui serait mauvais pour le pays. Pour sa part, le chef de la Maison-Blanche s'est plaint de la dureté affichée par le Canada dans ses négociations avec ses représentants pour finalement convenir dans la nuit de mercredi à jeudi que la reconnaissance (sous conditions) d'un État palestinien par le Canada allait rendre très difficile la conclusion d'une entente commerciale. PHOTO LUDOVIC MARIN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE Mark Carney et Donald Trump lors de la réunion du G7, en juin dernier On en était là jeudi, dernière journée avant que ne tombe à minuit le couperet sur toutes négociations entre les États-Unis et les pays qui n'avaient pas encore conclu d'entente commerciale avec eux. Durant la journée, Washington a annoncé la conclusion de nouveaux accords notamment avec la Corée du Sud et l'Inde et a convenu de prolonger de 90 jours les négociations avec le Mexique en vue d'en arriver à une entente, sans que le pays subisse une hausse des droits de douane de 25 à 30 % sur les produits non couverts par l'Accord Canada – États-Unis – Mexique (ACEUM). Si les États-Unis ont donné un répit au Mexique, c'est parce que les représentants américains en avaient trop sur les bras et qu'ils ne pouvaient pas régler tous les dossiers de tous les pays pour le 1er août. « Le Mexique a beaucoup collaboré avec les États-Unis pour étanchéifier la frontière et freiner l'entrée d'entreprises chinoises sur son territoire », observe Rosemarie Bégin, directrice principale économie et politique chez PwC. « Les négociations avec le Canada étaient plus compliquées avec les dossiers de la gestion de l'offre ou de la taxe sur le numérique. Il faut s'attendre à ce que les négociations avec le Canada se poursuivent. » Une décision avec peu d'impact Le pire scénario, selon Mme Bégin, aurait été que le Canada et les États-Unis suspendent les discussions et que Donald Trump décide d'imposer des droits de douane sur de nouveaux secteurs industriels, mais il faudrait pour cela qu'il démontre que les produits visés représentent une atteinte à la sécurité des États-Unis. Sinon, la décision du président américain de hausser à partir de ce vendredi les droits de douane sur les produits non couverts par l'ACEUM de 25 à 35 % – en prétextant que le Canada n'a pas agi de façon probante dans la lutte contre le fentanyl – ne changera pas grand-chose à la réalité économique et commerciale canadienne. En mai dernier, on estimait que 90 % des produits canadiens exportés aux États-Unis étaient libres de droits parce qu'il s'agissait de produits couverts par l'ACEUM. En 2024, avant l'imposition des fameux droits de 25 % de Donald Trump, 93 % des produits canadiens exportés au Canada n'étaient soumis à aucun droit de douane, nous rappelle une étude de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques de l'Université de Sherbrooke, réalisée par Éloïse Bouchard. C'est donc dire que les droits de 50 % qui ont été imposés sur l'acier et l'aluminium et ceux de 25 % sur certaines pièces automobiles ont représenté l'essentiel des droits de douane additionnels qui ont été prélevés par les États-Unis sur les produits canadiens par rapport à l'an dernier. À cet égard, les dernières statistiques économiques du mois de juin confirment que l'imposition des droits américains a eu beaucoup moins d'impact que ce que l'on avait pu appréhender sur l'activité économique canadienne. Après avoir reculé de 0,1 % en avril et de 0,1 % encore en mai, le PIB canadien a progressé de 0,1 % en juin, bien au-delà des prévisions de la Banque du Canada qui s'attendait à un recul de 1,5 %, confirmant la réalisation d'un repli économique au 2e trimestre. On a plutôt enregistré en juin la plus forte croissance de l'emploi des six derniers mois ainsi qu'une bonne augmentation des ventes au détail qui ont compensé la légère baisse de l'activité manufacturière. Depuis le choc initial du « jour de la libération » du 2 avril dernier, lorsque le chef de la Maison-Blanche a fait sa présentation burlesque de la pléthore de droits de douane réciproques qu'il allait imposer à plus de 180 pays et territoires dans le monde, l'économie canadienne a progressivement repris le dessus, ce qui vient justifier amplement la décision de Mark Carney de ne pas donner son aval à n'importe quelle proposition alambiquée émanant de Donald Trump. On ne connaît pas exactement les points d'achoppement de la négociation entre les deux parties, mais on peut présumer qu'ils sont encore nombreux quand on sait à quel point le président Trump cherche maladivement à dominer ses prétendus partenaires. On ne connaît pas non plus les actifs stratégiques canadiens sur lesquels M. Trump souhaite mettre la main, et là-dessus non plus le Canada n'est pas à vendre et encore moins à brader.


La Presse
9 hours ago
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Les droits de douane passent de 25 % à 35 %
Les droits de douane passent de 25 % à 35 % Contrairement au Mexique, le Canada n'a pas été en mesure d'obtenir un nouveau sursis auprès de l'administration Trump pour éviter le tour de vis qui entrera en vigueur ce vendredi. Le prix de consolation pour les entreprises canadiennes : la plupart d'entre elles pourront continuer de s'y soustraire. Malgré des négociations entre Ottawa et Washington dans la capitale américaine, les droits de douane sur les exportations canadiennes passeront de 25 % à 35 % dès vendredi, a confirmé la Maison-Blanche, jeudi en soirée. Plutôt que de préciser ce qui achoppait dans les négociations entre les deux pays, le décret présidentiel pointe plutôt l'échec du Canada à enrayer « l'afflux continu de fentanyl et d'autres drogues illicites » en territoire américain, sans toutefois fournir d'exemples à l'appui de cette affirmation. Il évoque aussi les contre-mesures canadiennes aux droits américains. Pas de grande surprise La tournure des évènements n'est guère surprenante. En fin d'après-midi, jeudi, le 47e locataire de la Maison-Blanche paraissait peu enthousiaste à l'idée de conclure une entente commerciale. Le plus récent motif d'irritation émanant du Canada était l'intention du premier ministre Mark Carney de reconnaître l'État palestinien en septembre prochain – à l'instar de la France et du Royaume-Uni. PHOTO PATRICK DOYLE, REUTERS Le premier ministre du Canada, Mark Carney Le président Trump avait envoyé une lettre au premier ministre le 10 juillet dernier dans laquelle il menaçait de faire passer à 35 % les droits de douane sur les exportations canadiennes, faute d'un accord commercial avant la date butoir du 1er août. Le ministre responsable du Commerce Canada–États-Unis, Dominic LeBlanc, et le chef de cabinet de Mark Carney, Marc-André Blanchard, sont toujours à Washington pour tenter de négocier une entente. Ils sont accompagnés de l'ambassadrice et négociatrice en chef Kirsten Hillman. « Personne ne rentre au pays à la suite de cette annonce », a lancé une source gouvernementale qui a requis l'anonymat parce qu'elle n'était pas autorisée à parler publiquement. Le bureau du premier ministre a pour sa part évité de répondre aux questions des médias au sujet des négociations Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, a quant à lui qualifié de « préoccupante » l'augmentation des droits de douane. PHOTO NATHAN DENETTE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE Doug Ford, premier ministre de l'Ontario Le Canada ne doit pas se contenter de moins que le juste accord. Ce n'est pas le moment de se défiler. Nous devons rester sur nos positions. Doug Ford, premier ministre de l'Ontario, sur son compte X Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a dénoncé sur X des droits de douane « injustifiés » et a réitéré son désir d'un accord « mettant fin à tous les [droits de douane] américains » envers le Canada. Jusqu'ici, la Maison-Blanche a annoncé des accords avec le Royaume-Uni, l'Union européenne, les Philippines, l'Indonésie, le Viêtnam, le Japon et, in extremis dans la nuit de mercredi à jeudi, la Corée du Sud. Les produits coréens, japonais et européens seront ainsi désormais taxés à hauteur de 15 %. Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, a aussi affirmé, jeudi, que des accords avaient aussi été trouvés avec le Cambodge et la Thaïlande, sans donner plus de précisions. Un bouclier Malgré cette nouvelle salve tarifaire de Washington, les exportateurs canadiens devraient pouvoir encaisser le coup. La raison ? Les produits conformes à l'Accord de libre-échange Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM) demeurent exemptés de droits de douane, confirme le décret présidentiel. Même si des secteurs comme l'aluminium et l'acier, le bois d'œuvre ainsi que l'automobile font l'objet de droits de douane sectoriels, la plupart des exportations canadiennes ont échappé, jusqu'à présent, aux mesures tarifaires. Selon une étude publiée en juillet par la Banque Royale, qui citait des données du Bureau du recensement des États-Unis, 91 % des exportations canadiennes à destination des États-Unis avaient franchi la frontière sans droit de douane. Le directeur général chez Courtage BGL, Nicolas Dolbec, l'a remarqué. « On pourrait dire que le dernier mois a été l'un des moins occupés en ce qui a trait aux demandes de nos clients sur la question des droits de douane, illustre-t-il. La notion [des exemptions prévues à l'ACEUM] semble avoir été bien assimilée. » Être conforme à l'ACEUM, qu'est-ce que ça veut dire ? Il s'agit d'un produit qui respecte un ensemble complexe de critères qui décrivent le niveau de production qui doit être réalisé en Amérique du Nord pour qu'il soit admissible à un traitement préférentiel. Toutes les règles relatives à l'origine des produits se trouvent dans un volumineux document de 245 pages. Affaires mondiales Canada donne l'exemple d'une bicyclette. Si elle contient 63 % de pièces nord-américaines, elle satisfait aux règles d'origine – le seuil minimal de production en Amérique du Nord. Pour d'autres produits, un processus spécifique doit se faire au pays. Une chemise doit par exemple être « coupée et cousue » sur le continent nord-américain, illustre le gouvernement fédéral. N'empêche, l'incertitude qui découle des tensions commerciales laisse des traces, selon la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ). Selon l'organisation, les investissements ont par exemple fléchi de 318 millions dans le créneau manufacturier parce que les entreprises préféraient demeurer sur les lignes de côté dans le contexte actuel. À cela s'ajoutent une diminution des exportations au sud de la frontière et une baisse du niveau d'emploi dans plusieurs secteurs. Et jeudi, le Canada n'avait toujours pas été en mesure d'imiter le Mexique, qui, in extremis, a été en mesure d'obtenir un sursis de 90 jours avec Washington pour poursuivre les négociations. M. Trump avait préalablement menacé le Mexique de rehausser à 30 % les droits de douane sur les exportations en provenance de ce pays. Malgré le report, les droits sectoriels sur l'acier et l'aluminium, le cuivre et le secteur automobile restent en place. « En outre, le Mexique a accepté de mettre fin immédiatement à ses barrières commerciales non tarifaires, qui étaient nombreuses, a souligné le président américain, sur sa plateforme Thruth Social. Nous nous entretiendrons avec le Mexique au cours des 90 prochains jours dans le but de signer un accord commercial au cours de cette période, ou plus tard. » Par ailleurs, dans un autre décret, le président américain a relevé les droits de douane visant plusieurs dizaines de pays, mais ceux-ci entreront en vigueur le 7 août plus que ce vendredi, comme prévu initialement. Les nouveaux droits s'échelonnent entre 10 % et 41 %. La diffusion de ces informations a aussitôt fait fléchir les places boursières asiatiques comme la Bourse de Tokyo ainsi que la Bourse de Séoul. Légitimes, les droits de douane ? À quelques heures de l'entrée de ce qui avait les allures d'une suite au « Jour de la libération » du 2 avril dernier, alors que des droits de douane frappant 180 pays avaient été annoncés, une cour d'appel fédérale américaine commençait à examiner un recours visant à déterminer si le président a le pouvoir d'imposer ces barrières tarifaires. L'administration Trump conteste une décision rendue en mai dernier par un tribunal commercial américain, qui avait tranché que le président américain ne pouvait imposer des droits de douane quand bon lui semble. Ce jugement bloquait une des principales stratégies de la Maison-Blanche, qui s'appuie sur une loi de 1977 (International Emergency Economic Powers Act) qui permet au président d'imposer les sanctions économiques nécessaires en cas d'urgence. Jusqu'au retour de Donald Trump dans le bureau Ovale, cette loi n'avait jamais été utilisée par un président pour imposer des droits de douane. Aucune décision n'avait été rendue, jeudi. Cela pourrait prendre plusieurs semaines, voire des mois. Avec la collaboration de Joël-Denis Bellavance et Fannie Arcand, La Presse et avec La Presse Canadienne et l'Agence France-Presse


La Presse
12 hours ago
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Les nouvelles surtaxes imposées sur les produits en provenance de dizaines de partenaires commerciaux des États-Unis commenceront à être collectées le 7 août, sept jours après la date initialement annoncée, a annoncé jeudi un haut responsable américain. Ce délai de sept jours avant l'entrée en vigueur effective est prévu afin de permettre aux douanes de s'organiser, a indiqué le responsable à la presse. Au Canada Contrairement au Mexique, le Canada n'a pas été en mesure d'obtenir un autre sursis tarifaire auprès de l'administration Trump pour éviter le tour de vis qui entrera en vigueur le 7 août. Le prix de consolation pour les entreprises canadiennes : la plupart des entreprises pourront continuer de s'y soustraire. Malgré des négociations entre Ottawa et Washington dans la capitale américaine, les droits de douane sur les exportations canadiennes passeront de 25 % à 35 %, a confirmé la Maison-Blanche, jeudi en soirée. Plutôt que d'identifier ce qui achoppait dans les négociations entre les deux pays, le décret présidentiel blâme plutôt les efforts canadiens pour enrayer « l'afflux continu de fentanyl et d'autres drogues illicites » en territoire américain, sans toutefois fournir d'exemples concrets. Il évoque aussi les contre-mesures canadiennes aux droits américains. La tournure des évènements n'est guère surprenante. En fin d'après-midi, jeudi, le 47e locataire de la Maison-Blanche paraissait peu enthousiaste d'en arriver à une entente commerciale. Le plus récent irritant émanant du Canada était l'intention du premier ministre Mark Carney de reconnaître un État palestinien en septembre prochain – à l'instar de la France et du Royaume-Uni. PHOTO PATRICK DOYLE, REUTERS Mark Carney Le président américain avait envoyé une lettre au premier ministre canadien le 10 juillet dernier dans laquelle il menaçait de faire passer à 35 % les droits de douane sur les exportations canadiennes, faute d'un accord commercial d'ici le 1er août. Jusqu'ici, Washington a annoncé des accords avec le Royaume-Uni, l'Union européenne, les Philippines, l'Indonésie, le Vietnam, le Japon et, in extremis dans la nuit, avec la Corée du Sud. Les produits coréens, japonais et européens seront ainsi désormais taxés à hauteur de 15 %. Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, a aussi affirmé, jeudi, que des accords avaient aussi été trouvés avec le Cambodge et la Thaïlande, sans donner plus de précisions. Un bouclier Malgré cette nouvelle salve tarifaire de Washington, les exportateurs canadiens devraient pouvoir encaisser le coup. La raison ? 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