
Festival d'Avignon : «Les artistes qui dénoncent un 'silence face au génocide à Gaza' manifestent leur ignorance»
Renée Fregosi est philosophe et politologue. Elle a récemment publié Le Sud global à la dérive. Entre décolonialisme et antisémitisme (Éditions Intervalles, 2025).
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Les artistes se sont toujours piqué d'anticonformisme. Il fut une époque lointaine où certains d'entre eux en effet «choquaient le bourgeois» par leur création ou leur mode de vie. Aujourd'hui, du festival de Cannes à celui d'Avignon, les gens de cinéma et de théâtre, «se la jouent» toujours avant-garde héroïque du «camp du Bien» contre «les puissants». Mais ils ne sont en fait que les porte-voix de narratifs devenus dominants, et de slogans irresponsables : de «Femmes on vous croit !» à «Israël assassin !». Gaza est ainsi l'alpha et l'oméga de leur indignation, ignorant les multiples situations humanitaires dramatiques dans le reste du monde (que l'on pense notamment au Soudan, au Congo, à la Corée du Nord ou au Venezuela, parmi tant d'autres).
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Si à Cannes, seule la Croisette s'émeut à l'unisson des déclamations soi-disant féministes et des tenues vestimentaires célébrant le voile islamique ou le drapeau palestinien, voire des allusions antisémites et des attaques virulentes explicites contre l'État hébreu, à Avignon, c'est aussi toute une partie de la ville qui se mobilise aux côtés des acteurs, metteurs en scène et directeurs de théâtre, pour accabler Israël au nom de la défense dudit peuple palestinien prétendument «victime de génocide» à Gaza.
Déjà, en juin 2024, un cortège de la rue de la République à la place du Palais des papes, avait à grands cris conspuant Israël, déployé keffiehs et drapeaux palestiniens. Mais cette année, on a fait les choses en grand, avec un festival «dédié à la langue arabe». Comme s'en réjouissait le journal Libération le 7 juillet dernier : en sortant de la gare, on découvre «un grand drapeau avec écrit dessus 'Palestine stop au génocide', vestige fier d'une manif qui s'est tenue là le jour même de l'ouverture du festival.» Les manifestations s'enchaînent en effet sur ce leitmotiv, un vrai festival si on ose dire.
Ce sont les mêmes mots qui sont répétés à l'envi et les mêmes non-dits qui sont tus systématiquement, pour substituer un mythe à l'Histoire du conflit israélo-arabe, et une « vérité alternative » (c'est-à-dire des fakes) au réel du temps présent Renée Fregosi
Le 5 juillet, dès l'ouverture du Festival, le directeur de la saison, Tiago Rodrigues, s'est écrié : «Alors même que le Festival d'Avignon commence, le gouvernement d'extrême droite d'Israël poursuit ses attaques contre Gaza, perpétrant des crimes de guerre, bloquant l'aide humanitaire, violant systématiquement les droits humains, causant la mort de dizaines de milliers de civils palestiniens, parmi lesquels des milliers d'enfants. Des enfants. Des enfants. Des enfants.» Il faisait ainsi écho avec pathos (l'évocation des enfants fonctionne toujours très bien) à la tribune qu'une centaine d'acteurs et de responsables de théâtres venaient de faire paraître dans Télérama, et dont plusieurs médias avaient déjà rendu compte. Mimant la «déclaration d'Avignon» qui trente ans plus tôt avait mobilisé la profession contre les épurations ethniques réellement en cours en ex-Yougoslavie à l'époque, ce texte fait le parallèle aberrant avec la guerre qui se mène depuis octobre 2023 à Gaza, entre le Hamas et l'armée israélienne.
Puis le 9 juillet, une manifestation a réuni quelques centaines de personnes sur la place de l'Horloge «en soutien au peuple palestinien et pour dénoncer le génocide à Gaza». On peut donc s'étonner que le 12 juillet, alors que Gaza est partout à l'ordre du jour depuis des jours et même des mois, le journal L'Humanité s'exclame «Il était temps !» à propos de la lecture in extenso ce soir-là sur la place du palais des Papes, de la «Nouvelle Déclaration d'Avignon». Scandé sur tous les tons depuis l'ouverture du festival, ce texte des professionnels du théâtre manifeste la même ignorance et le même conformisme propalestiniste dont ont fait preuve leurs collègues du cinéma qui dénonçaient «le silence face au génocide à Gaza», dans une autre tribune parue lors du festival de Cannes en mai dernier. Ce sont les mêmes mots qui sont répétés à l'envi et les mêmes non-dits qui sont tus systématiquement, pour substituer un mythe à l'Histoire du conflit israélo-arabe, et une «vérité alternative» (c'est-à-dire des fakes) au réel du temps présent.
Le propalestinisme accompagne ses exactions contre Israël et les Juifs de par le monde d'une propagande effrénée pour parvenir à ses fins, visant la délégitimation de l'État juif Renée Fregosi
La revendication d'un État palestinien est en effet foncièrement viciée : ladite «solution à deux États» n'est pas l'option réellement visée par les mouvements politico-terroristes palestiniens depuis leur structuration dans les années 1960-70 jusqu'à aujourd'hui. En témoignent les refus successifs de la partie arabe d'abord, «palestinienne» ensuite, de toute présence juive en Palestine mandataire (rejet de la proposition Pell en 1937 et du Livre blanc en 1939), puis d'un État juif (guerres de 1948-49, 1967 et 1973 d'une part, refus des propositions de partages de 1947, 2000, 2001 et 2003). Et pour qui ne s'obstine pas à ne pas voir ni comprendre, le 7 octobre a éclairé d'un jour encore plus cru la question d'un hypothétique État palestinien pacifique, voisin de l'État d'Israël.
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Mais, s'inspirant de la lutte du FLN algérien qui a gagné sa guerre non pas tant militairement que politiquement, le propalestinisme accompagne ses exactions contre Israël et les Juifs de par le monde d'une propagande effrénée pour parvenir à ses fins, visant la délégitimation de l'État juif au niveau international. Différentes stratégies discursives sont ainsi à l'œuvre dans l'idéologie propalestiniste.
La victimisation des Palestiniens en constitue le socle, à travers l'invention initiale d'un «peuple palestinien» à partir des Arabes déplacés de Palestine mandataire en 1948-49, transformés en «réfugiés héréditaires», catégorie unique au monde où pourtant les réfugiés sont hélas légion. Ensuite est diffusé un usage sciemment erroné des termes de «colonisation», «apartheid» et «génocide». Et par l'imposition du terme «nakba» (grande catastrophe en arabe, équivalent du mot «shoah» en hébreu) pour désigner le moment de la création de l'État d'Israël, ou la revendication de l'appellation «d'Al Qods» pour désigner Jérusalem comme étant une ville arabo-musulmane et non pas judéo-chrétienne, s'insinuent l'inversion des rôles et la substitution des fondements historiques.
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Quant à la comparaison entre l'Afrique du Sud de l'apartheid et Israël, elle est bien sûr surréaliste puisque les Arabes israéliens (un quart de la population) sont des citoyens à part entière, que leurs droits politiques (partis politiques, liberté de vote, représentation parlementaire, etc.) sont identiques à ceux des autres Israéliens comme il se doit dans un État démocratique. La définition d'Israël comme « État juif » n'implique aucune discrimination ni ségrégation, les mariages mixtes ne sont nullement interdits par la loi et aucun lieu public n'est interdit à quiconque en fonction de son origine, ou ne présente des espaces séparant institutionnellement les communautés.
Mais faisant fi du réel et poussant plus loin le délire victimaire, le propalestisme affirme que non seulement Israël conduirait une politique d'apartheid mais que les Arabes y seraient victimes de génocide. Or, depuis novembre 2023, qu'Israël fait l'objet d'une accusation de génocide dans la bande de Gaza devant la Cour internationale de justice, cette instance est incapable de se prononcer. Quant à la procédure entamée à l'encontre de Netanyahu et Galant auprès de la Cour pénale internationale sur le même type d'accusations, elle a été annulée le 4 juillet dernier, faute d'éléments consistants. Cela n'a cependant aucun effet sur la mobilisation anti-Israël ni la multiplication des actes anti-juifs, d'autant que ces informations ne sont quasiment pas relayées dans les médias.
D'ailleurs, cette injurieuse imposture ne date pas d'hier. Edward Saïd le sous-entendait déjà dans les années 70 et l'accusation avait connu une flambée lors de la guerre du Liban, en 1982. Alors qu'Israël était entré chez son voisin pour mettre fin aux tirs de roquettes sur son sol, et défaire la menace que faisait peser l'OLP de Yasser Arafat, retranché à Beyrouth, le journal Le Monde publiait un placard rédigé par Roger Garaudy qui désignait Israël comme étant le seul et véritable coupable des massacres de Sabra et Chatila (commis par les milices chrétiennes de Bachir Gemayel) car, selon lui, le génocide serait «inscrit dans les textes sacrés du judaïsme». Étrange génocide en tous les cas, sur une population qui depuis 1990 est passée de 2 à 5 millions et connaît un taux de croissance démographique annuelle de 2,5%.
Le Festival d'Avignon est d'autant plus touché par la vulgate propalestiniste que les milieux intellectuels et artistiques, du fait de leur sensibilité « woke », sont particulièrement perméables aux discours victimaires Renée Fregosi
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Quant à l'offensive menée à Gaza, elle ne relève en aucune façon de la vengeance mais de la nécessité de détruire les infrastructures du Hamas et de la capture de ses chefs qui ont juré de «recommencer le 7 octobre encore et encore». Mais surtout, elle est menée de manière à faire le moins de victimes civiles possibles (alors que l'horrible ratio consigné par l'UNICEF est généralement de 9 civils tués pour 1 combattant dans les guerres «modernes», il serait de 3 pour 1 à Gaza, en se basant même sur les chiffres fournis pas le Hamas, rapportés aux centaines de morts du côté de Tsahal).
Mais il est sans doute vain de rappeler tous ces faits historiques et ces réalités de terrain à des esprits ignorants et fanatisés par la vulgate propalestiniste. Or, le Festival d'Avignon en est d'autant plus touché que les milieux intellectuels et artistiques, du fait de leur sensibilité «woke», sont particulièrement perméables aux discours victimaires. Le propalestinisme, fortement irrigué par l'islamisme et porté par un gauchisme hégémonique à gauche aujourd'hui, présente ainsi la figure idéale à défendre contre un Occident coupable de tous les maux. Et la Gaza-mania avec sa mode vestimentaire et ses égéries participe parfaitement de la société du spectacle.
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